Point de presse de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, notamment sur le dossier du nucléaire iranien et les relations entre l'Union européenne et la Russie, à Lappeeranta le 2 septembre 2006.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres des affaires étrangères (Gymnich), à Lappeeranta (Finlande) les 1 et 2 septembre 2006

Texte intégral


Mesdames et Messieurs, bonjour. Je souhaitais vous rencontrer pour vous rendre compte des travaux de cette matinée qui portaient, vous le savez, sur l'Iran et sur la Russie. Vous avez eu, hier, le compte-rendu plus complet par Philippe Douste-Blazy de la journée d'hier, la première de ces deux journées du Gymnich.
Sur le premier point, c'est-à-dire l'Iran, que vous dire que vous ne sachiez ? La situation est connue. La réponse iranienne n'est pas celle que nous attendions. Par ailleurs, le directeur général de l'AIEA a conclu, dans son rapport, que la résolution 1696 n'est pas appliquée par l'Iran. Nous devons discuter ensemble des suites à donner, dans le cadre de ce que la résolution avait décidé. Je vous rappelle que cette résolution 1696 a été votée à l'unanimité, et ; bien sûr, elle nous engage. Il est donc normal que les experts des Six se consultent la semaine prochaine. C'est un premier élément.
Le deuxième élément que je souhaite porter à votre attention, c'est que ce matin, entre Européens, nous avons fait une évaluation de la situation. Nous sommes unis, les Européens sont unis, pour considérer que nos trois mots clefs sont unité, fermeté et dialogue. Dans cet esprit, M. Solana et le négociateur iranien doivent avoir des conversations prochainement. Le haut-représentant est notre représentant, il a besoin d'obtenir, en notre nom, des clarifications sur certains aspects de la position iranienne. Je tiens à dire publiquement que M. Solana a tout notre soutien. Je ne parle pas là seulement pour la France, je veux dire qu'il a le soutien de tous les Européens, c'est l'une des conclusions de ce matin.
Troisième point à souligner devant vous, sur notre position, pour notre part, du côté français. Nous avons regretté, par la voix du Premier ministre, hier, que l'Iran n'ait pas répondu positivement à l'offre de coopération qui lui avait été faite. Nous espérons que ce pays changera de position. Bien sûr, nous privilégions le dialogue. Cela doit être tout à fait clair entre nous. Philippe Douste-Blazy l'a dit, hier, en présentant la position française, c'est évidemment le principal message qu'il a souhaité donner hier. Nous privilégions le dialogue, mais, bien sûr, il est important que la communauté internationale fasse comprendre à l'Iran qu'il est nécessaire qu'il change de position, qu'il suspende ses activités d'enrichissement et donc qu'il respecte en cela la résolution 1696. Je n'ai pas besoin de rappeler le contenu de cette résolution c'est-à-dire que depuis cette résolution, la suspension est une obligation. J'ajoute que l'intérêt de l'Iran, nous en sommes convaincus, c'est de revenir dans le concert des nations, de saisir l'opportunité qui lui est offerte, en ce moment, en particulier depuis l'offre qui a été faite début juin, et donc de choisir la voie de la coopération qui lui est proposée par la communauté internationale.
Sur la Russie, nous avons d'abord entendu le président de séance, notre collègue, qui a fait une présentation très intéressante, et puis à sa suite le haut représentant, la commissaire Ferrero-Waldner et le débat s'est déroulé entre Etats membres.
Nous avons parlé des dernières évolutions de la Russie, en soulignant, je crois que tous l'ont fait, les progrès remarquables qui ont été accomplis par ce pays et les réformes mises en place depuis une quinzaine d'années. Je crois qu'il est bon quand on parle de la Russie de considérer l'échelle de temps. Nous l'avons souligné. Nous avons aussi évoqué la croissance impressionnante de ce pays, et nous avons souligné aussi les difficultés rencontrées dans le processus de modernisation et parfois, aussi, dans la lutte contre la corruption. L'Union européenne entretient avec la Russie une relation équilibrée et nourrie, qui aide ce pays à consolider et à amplifier ses réformes et qui répond aux objectifs stratégiques de l'Union européenne. Je précise que nous souhaitons des réalisations concrètes dans des domaines prioritaires, nous l'avons dit ce matin. L'un de ces domaines est l'énergie, en particulier, la sécurité des approvisionnements pour les Européens. C'est d'ailleurs l'ambition que la présidence s'est fixée, en invitant le président Poutine au Conseil européen informel du mois d'octobre, puisque le Conseil européen doit traiter notamment les questions d'énergie. Autre champ prioritaire, la coopération dans les pays de notre voisinage commun. Nous avons évoqué enfin le cadre futur de la relation UE/Russie, après l'expiration de l'accord actuel de partenariat. Nous soutenons, bien sûr, la présidence dans sa volonté de lancer rapidement les négociations en vue d'un nouvel accord global et durable, et ceci à l'occasion du sommet Russie/Helsinki de novembre prochain.
Voilà, je crois, le résumé que l'on peut faire des discussions de cette matinée, je suis à votre disposition pour vous répondre.
Q - Avez-vous donné un délai aux Iraniens ? Il y a un temps limite pour le dialogue ?
R - Il y a deux aspects dans votre question. La résolution 1696 existe, elle a un contenu. La suspension est obligatoire, nous avons constaté un défaut de suspension, et nous appliquons ce qu'avait prévu cette résolution 1696. Cette voie-là de consultations est d'ores et déjà ouverte, conformément à la résolution. L'autre aspect de la question concerne plus directement les Européens en tant que tels. M. Solana va avoir un contact dans les jours qui viennent. Ne me demandez pas de vous dire quand, posez-lui la question. Dès qu'il le pourra, il vous donnera des précisions sur le contact qu'il peut avoir et je crois que les modalités ne sont pas encore fixées. C'est un rendez-vous important et il a tout notre soutien pour mener cet échange avec le négociateur iranien. Nous verrons ensuite l'impression qui est la sienne, les recommandations qu'il peut nous faire. Il est notre représentant, nous avons voulu le rappeler ce matin de façon tout à fait claire. Il n'y a pas d'autre message de notre part. Par ailleurs, il est exact que nous avons un CAG le 15 septembre. Et notre calendrier de travail demeure un calendrier de travail.
Q - Vous avez tenu un discours pessimiste sur l'Europe lors de la Conférence des ambassadeurs français. N'est-ce pas en contradiction avec la mobilisation constatée sur le dossier du Moyen-Orient ?
R - Mon discours n'est pas pessimiste, ce n'est pas ainsi que je l'ai conçu, il est volontariste, c'est autre chose. Je ne me satisfais pas de la situation actuelle, qui est caractérisée par un certain nombre d'éléments que j'ai relevés dans le but de mieux faire des propositions. L'Union a pris ses responsabilités au Liban. Du côté français, nous avons souhaité, il y a quelques jours au CAG, vous étiez là, qu'elle continue à le faire, qu'elle puisse même le faire d'une façon plus générale sur le dossier du Proche et du Moyen-Orient. Ceci n'est pas une position nouvelle, puisqu'au Conseil européen des 15 et du 16 juin, le président de la République avait souhaité que les Européens s'expriment sur la question du Moyen-Orient. Il avait d'ailleurs renouvelé ou formalisé ce souhait quelques semaines plus tard dans une lettre adressée le 11 juillet à la présidence. De fait, oui et tant mieux, l'Union européenne a pris ses responsabilités. C'est, je crois, l'un des signes qui permet d'être à la fois optimiste et volontariste pour l'Union européenne, comme je le suis, je vous l'assure et comme j'ai voulu le faire remarquer si vous l'avez noté ! Il faut être ambitieux pour l'Europe, il faut que les Européens aient de l'ambition pour l'Europe. Voilà mon seul message.
Q - S'agissant de l'Iran, peut-il y avoir des négociations et des sanctions en parallèle ? Des Etats membres se sont-ils exprimés contre les sanctions ?
R - Nous n'en sommes pas là. Sur le processus qui est engagé dans le cadre des Nations unies, d'ores et déjà un pas a été fait avec la résolution 1696. Oui, la réflexion est engagée. Il est normal qu'après avoir constaté que l'Iran n'avait appliqué cette résolution, que nous réfléchissions aux conséquences que nous en tirons et aux différentes hypothèses qui peuvent se présenter à nous. Pour le reste, je le redis et c'est vraiment la conclusion principale de cette matinée, nous voulons que, par le dialogue et le contact que le haut-représentant va avoir prochainement avec le négociateur iranien, il puisse y avoir un échange, destiné à lever un certain nombre d'ambiguïtés et à apporter des clarifications là où c'était nécessaire. C'est toujours quelque chose que nous attendons. La réponse iranienne est longue, complexe, et nous avons voulu l'étudier en détail avant d'avoir besoin d'obtenir des clarifications. Voilà le cadre du mandat de la mission de M. Solana. Il a tout notre soutien. C'est un moment délicat, ce rendez-vous, bien sûr, fait partie des éléments qui nous aideront à réfléchir pour l'avenir. Nous souhaitons que le dialogue prévale, tout en rappelant le cadre dans lequel la communauté internationale conduit sa réflexion.
Q - Avez-vous eu une discussion détaillée sur le mandat de négociation avec la Russie ?
R - Pas dans le détail. Avant cela, nous devons échanger des vues plus politiques, sur ce que, les uns et les autres, nous pensons de l'évolution de ce pays, avec chacun son expérience.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2006