Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la qualité des relations bilatérales et de la coopération diplomatique franco-allemande sur les grands dossiers internationaux, notamment la gestion de la crise de prolifération nucléaire iranienne, la situation en Afghanistan et en République démocratique du Congo, et sur l'avenir de l'Union européenne, Berlin le 4 septembre 2006.

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Circonstance : Conférence des ambassadeurs allemands le 4 septembre 2006 à Berlin

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre, cher Jean-Claude,
Monsieur le Ministre, cher Frank-Walter,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Ich bin sehr froh, hier zu sein. Ich danke Ihnen, mich zu Ihrer Botschafterkonferenz eingeladen zu haben. Wenn Sie einverstanden sind, fahre ich auf Französisch fort.
Je suis donc très heureux d'être à cette conférence des ambassadeurs allemands. Frank-Walter est venu il y a quelques jours en France. J'y vois le témoignage d'une amitié et d'une complicité. Nous travaillons beaucoup ensemble. Nous travaillons sur le terrain ensemble, Allemands et Français. Nous réfléchissons ensemble sur tous les grands sujets du monde.
Nous travaillons ensemble sur l'Europe avec cette présidence allemande, puis cette présidence française, qui viendra quelque temps après. Comme vous voyez que la conférence des ambassadeurs était fin août et la vôtre le 4 septembre, j'ai une proposition à te faire, pourquoi ne pas faire un jour une conférence des ambassadeurs allemands et français, au moins un jour commun, et nous inviterions Jean-Claude Junker qui pourra ainsi dire du bien des uns et des autres.
Je vois dans cette participation "croisée" à ce rendez-vous annuel, si important pour nos deux diplomaties, le signe de l'intensité de notre relation bien sûr et surtout de la qualité exceptionnelle de la coopération entre nos diplomaties.
Je suis très heureux que nous ayons pu collaborer ensemble de manière plus développée au cours des neuf derniers mois avec le gouvernement allemand de grande coalition. La confiance entre nos deux pays est un bien précieux et nous avons d'emblée été touchés par un signe fort que la chancelière et toi-même, cher Frank-Walter, avez donné de votre engagement aux côtés de la France, dès le lendemain de votre prise de fonctions, en venant à Paris et le lendemain de votre prise de fonction.
L'Allemagne est notre partenaire essentiel et cela n'a rien de banal car il faut de la ténacité, de l'énergie et de l'imagination pour poursuivre l'oeuvre historique de rapprochement entre nos deux pays et nos deux peuples à travers les vicissitudes de l'histoire. Ce rapprochement exige une mobilisation constante et des efforts continus de conviction et d'entraînement de la part de nos deux gouvernements, de vos Länder et de nos régions, de nos entreprises, des partenaires sociaux, ou encore du monde des associations.
L'un des résultats, à mes yeux les plus remarquables est l'existence d'une coopération franco-allemande qui puise sa vitalité dans les liens très denses entre nos deux sociétés civiles.
C'est ainsi que nous avons engagé un travail de fond pour supprimer une à une les barrières à la mobilité qui existent entre nos deux pays, que nous avons pris des mesures importantes pour l'apprentissage de la langue du partenaire, le développement de la formation professionnelle, l'encouragement à la coopération transfrontalière, - et quand j'étais ministre de la santé, je me souviens avoir travaillé sur ce sujet - ou encore que nous travaillons ensemble sur le thème de l'égalité des chances et l'intégration des jeunes, qui sera le principal domaine des sujets à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres franco-allemand.
Nous lançons ensemble de grands projets d'avenir bilatéraux et européens dans le domaine de la culture avec la bibliothèque numérique, de l'économie numérique avec le nouveau moteur de recherche, le google européen, ou encore de la santé, un IRM franco-allemand, ou de l'espace, et ce n'est pas le président de l'agglomération du grand Toulouse qui va dire le contraire.
Quel meilleur exemple de la vitalité de nos liens que le lancement très récent du manuel d'histoire franco-allemand qui marque une étape notable dans le rapprochement entre nos deux pays et nos deux sociétés. A travers la construction d'une mémoire commune, autour d'une histoire partagée, et en cherchant à approfondir le sentiment d'appartenance à une communauté de destin, ce manuel sera un outil très utile pour promouvoir auprès des jeunes générations une meilleure compréhension et abolir les préjugés.
Dans le droit fil de ces rapprochements chaque jour plus étroits, nos diplomaties doivent poursuivre leur coopération sur les grands dossiers internationaux de l'actualité.
Aujourd'hui, le Liban. L'arrêt des combats, obtenu par le vote de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité à l'unanimité, ne peut être que la première étape d'un processus menant à une solution globale et durable, fondée sur la sécurité d'Israël et la souveraineté du Liban sur la totalité de son territoire. L'Allemagne et la France, en concertation avec leurs partenaires, doivent apporter une contribution déterminante à la mise en oeuvre de cette résolution. Je salue, à cet égard, le volontarisme du gouvernement allemand, notamment dans ses propositions d'assistance technique pour le contrôle de la frontière syro-libanaise ou sur le plan maritime, encore faut-il que le gouvernement de Fouad Siniora puisse le demander. Ensemble, il nous faut être attentifs à faire baisser la tension dans une région encore marquée par la violence des combats et qui demeure dans une situation fragile et précaire.
La gestion de la crise de prolifération iranienne est également l'occasion de mobiliser la coopération franco-allemande pour proposer à la communauté internationale un chemin pour sortir de l'impasse actuelle.
Laisser l'Iran aller de l'avant dans un programme nucléaire sur lequel plane le doute d'une finalité militaire n'est pas acceptable, du point de vue de notre sécurité, de l'équilibre de la région du Golfe, de l'avenir du régime de non-prolifération. Nous devons, par conséquent, inlassablement rappeler aux autorités de Téhéran que nous entendons pleinement reconnaître à l'Iran un droit à un programme nucléaire civil à des fins pacifiques mais que nous ne pourrons pas, en revanche, admettre la mise en place d'une capacité nucléaire militaire.
Face à ce défi, nos deux diplomaties doivent poursuivre le même objectif : donner toutes ses chances au dialogue et au cadre multilatéral de sécurité collective, en privilégiant l'unité de la communauté internationale et en appelant les autorités iraniennes à rétablir la confiance par la suspension de leurs activités nucléaires sensibles. Vous ne serez pas étonné de savoir que je suis en contact permanent avec Frank-Walter sur ce sujet. C'est donc très naturellement que la France a plaidé pour que l'Allemagne reste au centre de ce processus lorsque le Conseil de sécurité a dû être saisi. L'Allemagne en est un acteur central, puisqu'elle est coauteur de la résolution 1696 du 31 juillet dernier.
Dans le contexte actuel, alors que l'Iran n'a pas apporté de réponse satisfaisante aux propositions des "Six" et que la communauté internationale s'interroge sur la marche à suivre, la concertation et l'action commune avec l'Allemagne restent pour moi une priorité. Au moment où nous devons conjuguer fermeté et dialogue, lucidité et imagination, réalisme et capacité à innover, nos deux pays peuvent être, de par leur tradition et leur expérience diplomatique, les promoteurs d'une démarche volontaire et capable d'éviter la confrontation ou la division.
Nous avons également agi de la même manière en Afghanistan. Après le cauchemar de la guerre civile et du régime obscurantiste des Taliban, les Afghans se sont tournés vers nos deux pays, et vers l'Europe tout entière, pour entamer le relèvement durable de leur nation dans un environnement pacifié et démocratique. Et l'Europe a assumé pleinement ses responsabilités en Afghanistan. Elle est aujourd'hui le deuxième contributeur à la reconstruction du pays et les forces armées des Etats membres constituent la moitié des forces étrangères présentes sur le terrain : en prenant respectivement le commandement des zones Nord et centre au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité, l'Allemagne et la France consolident les acquis de la transition afghane, notamment en renforçant l'autorité de l'Etat afghan, tout comme nous renforçons l'autorité de l'Etat souverain libanais.
Je ne veux pas oublier, enfin, la République démocratique du Congo, où l'Allemagne dirige la force de l'Union européenne, l'EUFOR, qui apporte un soutien décisif à la MONUC. Je veux, ici, saluer le sens des responsabilités et le courage du gouvernement allemand qui a pris la tête de cette opération difficile et exemplaire de la nouvelle diplomatie européenne en Afrique.
Je dirais un mot également sur notre capacité à être un acteur mondial au niveau européen, passe aussi par l'audiovisuel et par les médias. Je voudrais donner un message direct à Frank-Walter. Je crois que l'un des grands moments de ces huit derniers mois sur le plan international, sur le plan de la communication est sans doute, le fait que Al Jeezara émette maintenant en anglais et que BBC World soit produit en arabe. Je pense que nous devons soutenir plus que jamais Euronews - 190 millions de téléspectateurs - et je crois qu'il est important d'avoir tous ensemble au niveau européen une chaîne publique en vue d'expliquer ce qu'est notre politique européenne par l'intermédiaire d'Euronews, qui pourrait également parler en arabe.
Cette contribution européenne et internationale de nos deux pays et de nos deux diplomaties, Frank-Walter, repose en grande partie sur notre capacité à échanger nos analyses et à rapprocher nos points de vue. Frank-Walter et moi-même l'expérimentons chaque jour. Mais je sais que ceci est également vrai pour vous, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, et que chacun d'entre vous, en poste ou au ministère à Berlin, développez des contacts quotidiens et nourris avec vos homologues français.
Nous souhaitons naturellement encourager ce type d'initiatives. Nous attachons ainsi une attention prioritaire au dossier des "co-localisations" diplomatiques, consulaires et culturelles. Derrière ce mot se cachent des projets d'implantation commune de nos postes, qui seront autant d'instruments utiles pour une intégration plus poussée de nos deux diplomaties. Nous prévoyons de signer à cette fin, en marge du prochain Conseil des ministres franco-allemand, un accord cadre qui facilitera leur développement futur. Nous souhaitons, en outre, initier une concertation systématique sur l'évolution de nos réseaux afin de mettre en valeur leurs complémentarités et répondre aussi, de la manière la plus constructive, aux contraintes budgétaires auxquelles nos deux ministères sont malheureusement soumis. Au-delà, nous devons réfléchir également à une coopération approfondie, de longue haleine sur des régions et des thèmes stratégiques. Aussi, je voudrais vous proposer que, dans les pays du voisinage de l'Union européenne, nos réseaux diplomatiques, consulaires et culturels accroissent leur coopération sur les questions de l'énergie, des migrations et dans la mise en oeuvre de la politique de voisinage, afin de soutenir l'action extérieure de l'Union européenne dans cette région stratégique.
Enfin, la proximité de nos deux diplomaties tient aussi à une proximité humaine avec nos collègues allemands dont la culture et les habitudes de travail nous deviennent familières. Les échanges de diplomates, dont nous fêtons cette année le 20ème anniversaire, ont joué un rôle considérable dans ce rapprochement. Ainsi, depuis 1986, plus d'une quarantaine de diplomates des deux pays ont eu l'occasion de travailler dans les services du partenaire. Et, préalable indispensable au succès de ces échanges, les efforts que nous menons depuis plusieurs années dans le domaine prioritaire de l'apprentissage de la langue de l'autre.
A nous tous de développer et de nourrir cet esprit d'amitié et de professionnalisme qui anime nos deux ministères.

Cher Frank-Walter,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Au lendemain de la nomination du gouvernement de grande coalition, j'avais exprimé mon souhait de voir nos deux pays s'engager résolument dans une relance européenne. Je peux dire aujourd'hui que celui-ci a été largement exaucé : à maints égards, la force d'impulsion franco-allemande a permis à l'UE d'éviter une crise grave.
- Nous avons commencé par unir nos efforts pour dénouer les négociations sur les perspectives financières, qui menaçaient de frapper l'Union européenne de paralysie. Le succès rencontré a permis de renforcer la cohésion entre anciens et nouveaux Etats membres.
- Le compromis trouvé sur la directive services nous a permis de montrer aux citoyens qu'il était possible de concilier la libération du potentiel économique de l'Europe et le maintien d'un haut niveau de protection sociale. C'était là un début de réponse aux inquiétudes exprimées, comme nous l'avons vu à l'occasion du référendum français, sur la pérennité du modèle social français.
- Nous avons aussi développé en commun, à partir du Conseil des ministres franco-allemand de mars dernier, des initiatives concrètes pour faire avancer l'Union dans différents domaines : la politique européenne de l'énergie, sécurité des approvisionnements, compétitivité et respect de l'environnement, mais aussi accroissement de l'effort européen de recherche et d'innovation, avec notamment la mise en place d'une facilité recherche de la Banque européenne d'Investissement. Nous avons également oeuvré conjointement pour l'augmentation des bourses Erasmus et Leonardo. Enfin, nous avons abordé ensemble la question de l'intégration et de l'égalité des chances.
Aujourd'hui, dans la perspective de nos présidences successives en 2007 et 2008, le principal défi qui se pose à nous est celui de l'avenir de l'Union européenne : nos deux pays disposent à cet égard d'une opportunité exceptionnelle pour franchir une nouvelle étape.
Dans le discours sur l'Europe qu'elle a prononcé en mai dernier, la Chancelière fédérale a pu évoquer la nécessité d'une "refondation" de l'Europe : une formule forte qui, à mon sens, exprime tout à la fois notre attachement profond à la construction européenne, mais aussi, la nécessité dans laquelle nous sommes aujourd'hui de mettre l'Union européenne en mesure de répondre à des défis nouveaux.

Après cinquante ans d'existence, la construction européenne demeure le projet politique le plus ambitieux et le plus mobilisateur que nous ayons pu conduire à l'échelle de notre continent. Les réalisations sont considérables :

  • une zone de paix et de stabilité qui s'est progressivement étendue à la faveur des élargissements successifs et dont l'attrait reste fort aujourd'hui pour de nombreux Etats voisins, en particulier les Balkans ;
  • des objectifs partagés d'harmonisation, de solidarité et de cohésion qui ont fondé nos politiques communes ;
  • une monnaie unique qui tient son rang dans le monde ; une action internationale qui trouve peu à peu sa place dans le concert des nations.

Ce bilan, nous l'avons réalisé ensemble. Nous en sommes aussi comptables ensemble, au moment où nous allons célébrer à Berlin, le 25 mars prochain, le cinquantième anniversaire du traité de Rome.
Cette incontestable réussite, trop souvent vilipendée, il nous appartient aujourd'hui de continuer à la faire vivre et, surtout, de la faire évoluer. A cet égard, permettez-moi de citer les mots que Jean-Claude Juncker prononçait devant le Parlement européen à la fin de la présidence luxembourgeoise : "Nous n'avons pas le droit de défaire ce que nos prédécesseurs ont fait parce que les générations qui vont suivre auront besoin d'une Europe politique. Si elle n'est pas politique, elle ira à la dérive. Elles ont besoin et veulent avoir une Europe solidaire, une Europe sociale, une Europe compétitive, une Europe forte chez elle, une Europe forte dans le monde."
Oui, nous avons besoin d'une Europe politique, solidaire, sociale, compétitive, forte chez elle et dans le monde. Or que voyons-nous aujourd'hui ?
Certes, les institutions fonctionnent, les politiques sont mises en oeuvre, des décisions sont prises, dont certaines sont indéniablement importantes : le cadre financier pluriannuel, la directive sur les services, ITER ou Galileo.

Mais il est indéniable que l'Europe est entrée désormais dans une phase de changement majeur, dont nous devons prendre toute la mesure. Les causes en sont connues :

  • un environnement mondial qui a profondément évolué, qui est aujourd'hui largement ouvert et interdépendant et dans lequel la place de l'Union européenne en tant qu'acteur se trouve sinon contestée, du moins remise en question ;
  • ensuite, une Europe dans laquelle il semble de moins en moins facile de s'accorder sur les éléments les plus fondamentaux du projet commun : quelle intégration politique, quelle extension géographique, quel modèle de développement économique et social ? Une Europe dans laquelle nous voyons également des Etats qui cherchent encore leurs équilibres internes ;
  • puis l'extension rapide et continue des compétences exercées par l'Union européenne, à la faveur des traités qui se sont succédé depuis l'Acte unique de 1986, mais à laquelle n'a pas correspondu l'adaptation des modes de gouvernance de l'Europe, et je suis complètement d'accord avec ce que vient de dire Jean-Claude Juncker ;
  • par ailleurs, l'effet des élargissements successifs qui ont apporté - et il faut s'en réjouir - des bénéfices évidents pour les nouveaux Etats comme pour l'Europe tout entière, mais qui ont aussi accru mécaniquement l'hétérogénéité de l'ensemble ;
  • il faut y ajouter la perception brouillée qu'ont aujourd'hui les Etats membres de l'intérêt général européen: l'esprit collectif européen paraît de plus en plus dilué et fait défaut dans bien des cas ;
  • dans le même temps, une perte de visibilité aux yeux des citoyens ; situation paradoxale et finalement périlleuse quand on sait la place qu'occupent effectivement les politiques et les normes européennes dans la vie des citoyens. La réglementation européenne détermine aujourd'hui presque un quart de la législation française, davantage encore dans des domaines comme l'environnement ou la protection des consommateurs...

Ces différentes causes engendrent des dérives et elles sont bien connues : une propension à privilégier l'intergouvernemental plutôt que la méthode communautaire ; des interrogations sur la pertinence et la validité des politiques communes ; une moindre appétence et même une réticence à l'harmonisation, alors même que cette exigence a été au coeur de la démarche européenne depuis l'origine.

C'est dans ce contexte que nous devons aborder les enjeux pour l'avenir. Je terminerai en disant que quelques chantiers s'ouvrent à nous, dans lesquels la future présidence allemande aura un rôle primordial à jouer :
- il y a d'abord la clause de rendez-vous contenue dans le paquet financier de décembre 2005, et qui prévoit que la Commission entreprendra un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'Union européenne, en vue d'un rapport en 2008-2009. Chacun pressent que, derrière cette réflexion financière, c'est bien la nature, les objectifs et le contenu des politiques communes de l'Union européenne que nous allons devoir passer au crible d'un examen attentif et réaliste. Et cette évolution est renforcée, au demeurant, par les décisions prises au sommet d'Hampton Court qui a identifié des politiques sur lesquels l'action européenne devra, à l'avenir, mettre davantage l'accent : recherche et développement, universités, défi démographique, énergie, immigration, sécurité. Quand on sait que les Etats-Unis viennent de mettre 100 milliards de dollars dans les bio et nanotechnologies, quand on sait que les bio et les nanotechnologies seront la plus grande révolution et qu'ils seront plus importants qu'Internet... Une fois de plus, pour ne pas rester à la traîne, l'Union européenne, doit évidemment réagir.

Pour la France, nous aborderons ces échéances dans une situation singulière :

  • en raison de l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de tenir compte du résultat négatif du référendum du 29 mai 2005, mais aussi des préoccupations qui se sont exprimées durant la campagne référendaire, quel que soit leur caractère parfois contradictoire ;
  • en raison aussi de la responsabilité qui nous incombera au second semestre 2008, lorsque notre pays assumera, après l'Allemagne, le Portugal et la Slovénie, la présidence du Conseil de l'Union.

Mais ces chantiers, nous voulons aussi les aborder avec une ambition européenne renouvelée : l'Europe demeure l'horizon naturel de notre action et notre objectif à tous doit être d'adapter le projet européen des "Pères fondateurs" à la réalité de l'Europe d'aujourd'hui, face à une économie mondialisée et à la perspective d'une Union qui connaîtra très probablement de nouvelles adhésions et de nouveaux défis.
- Il y a enfin la question de l'élargissement. Dans notre esprit, la discussion sur ce thème, et, en particulier, sur le concept de "capacité d'absorption" n'est pas synonyme de refus de nouvelles adhésions. Elle doit au contraire mettre l'Union en mesure de mener à bien les futurs élargissements. La perspective d'une Union de plus de trente membres découle de nos engagements : elle doit donc être assurée avec la ferme conviction qu'elle répond à l'intérêt des peuples européens ; mais elle doit également être acceptée par nos citoyens pour devenir une réalité.

Nous devons, par conséquent, être bien conscients des implications d'une telle évolution :

  • sur le contenu des futures politiques communes et la philosophie qui les inspirera : harmonisation, régulation, solidarité, protection ;
  • sur les moyens, notamment financiers, que nous accepterons de leur octroyer, et la répartition de la charge entre les Etats membres ;
  • sur l'architecture institutionnelle enfin, dans laquelle ces politiques seront définies puis appliquées, qu'il s'agisse d'un cadre collectif ou d'un cadre différencié.

Pour que nos concitoyens acceptent la perspective d'une Union européenne à plus de 30, il faut qu'ils aient une idée précise de ce que signifie concrètement pour eux une telle Union.
Tel est notre état d'esprit, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, cher Franck-Walter, tels sont les préoccupations qui nous animent, les défis auxquels nous souhaitons répondre dans la perspective de nos présidences respectives et avec le souci de travailler ensemble en étroite concertation. L'enjeu est aujourd'hui de refonder l'héritage des "Père fondateurs" pour l'adapter aux nouveaux équilibres du monde, de donner à l'Union les moyens de peser en tant qu'acteur global - la situation internationale nous en fait obligation - mais aussi de permettre à nos peuples de se réapproprier une ambition européenne et d'inventer ensemble un avenir commun. C'est l'objectif qui doit nous animer, c'est le sens de ma présence aujourd'hui parmi vous.
Liebe Freunde, lassen Sie uns weiten Gründungsväter sein. Ich danke Ihnen.
Je vous remercie.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2006