Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur une approche équilibrée de la gouvernance dans les pays du Sud, à Paris le 12 septembre 2006.

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Circonstance : Réunion des ministres des finances de la Zone franc, à Paris le 12 septembre 2006

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Messieurs les Présidents des Institutions régionales,
Mesdames et Messieurs,
Le thème de la gestion budgétaire qui nous occupe ce matin est une parfaite illustration d'un sujet plus large, qui est celui de la gouvernance.
Ce sujet est actuellement au coeur des débats de la communauté internationale en matière de développement. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner l'agenda international du développement de ces prochaines semaines. Dans quelques jours, nous nous retrouverons à Singapour pour les assemblées du FMI et de la Banque mondiale pour y discuter notamment d'un projet de stratégie en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.
De son côté, la Commission européenne vient de rendre publique une stratégie "gouvernance" qui sera discutée au niveau de l'Union dans les prochaines semaines.
Mais ce sujet est également une préoccupation majeure pour la France. Et c'est pourquoi nous avons également décidé d'élaborer d'ici à la fin de l'année une stratégie en la matière, afin d'orienter l'ensemble de nos actions de coopération.
Je souhaite donc profiter de cette réunion pour évoquer avec vous cette "vision française" de la gouvernance.
Naturellement, la gouvernance est pour nous au coeur des stratégies de développement. L'amélioration de la gouvernance est certes un exercice complexe, qui prend du temps, mais elle est essentielle pour envisager une réduction effective et durable de la pauvreté. Sans gouvernance, les progrès accomplis risquent de rester éphémères et d'être remis en cause à la moindre difficulté.
C'est d'ailleurs pourquoi la gouvernance fait partie intégrante de la Déclaration de Paris adoptée en mars 2005 et qui a souligné l'importance des principes d'appropriation, d'alignement et d'harmonisation, afin d'assurer l'efficacité de l'aide.
Ce matin, je voudrais donc évoquer plus particulièrement ce qui, pour la France, conditionne le succès des stratégies visant à une meilleure gouvernance.
En premier lieu, je souhaite insister sur la dimension humaine de la gouvernance, car ce sont les femmes et les hommes qui font que les réformes aboutissent. Cela implique :
- qu'au plus haut niveau de l'Etat, la réforme soit pilotée et suivie ;
- mais aussi que tous les acteurs parties prenantes soient bien associés à la réforme.
Le deuxième facteur-clé de succès, c'est l'appropriation locale :
Il importe donc de rappeler qu'il n'existe pas de modèle institutionnel unique. Notre objectif doit être de favoriser l'émergence et la maturation de modes de gouvernance démocratique propres à chaque société.
Pour la France, c'est bien aux pays partenaires qu'incombe la responsabilité première de définir et mettre en oeuvre leurs politiques de développement, en y associant l'ensemble des acteurs concernés. Il s'agit d'un principe central de notre politique de coopération, qui doit donner tout son sens à la notion de partenariat moderne et efficace. Les documents-cadres de partenariat que la France signe avec chacun de vos pays participent évidemment de cette démarche.
Pour y parvenir, il importe de veiller au développement des capacités de l'administration, mais aussi de concevoir une véritable politique de communication sur ce que l'on est en train de mettre en oeuvre, avec la mise au point d'instruments de suivi et d'évaluation pour mieux rendre compte des résultats obtenus.
Enfin, je voudrais plaider pour une approche globale et progressive de la notion de gouvernance :
La gouvernance, ce n'est pas uniquement la lutte contre la corruption. Certes, la corruption est sans doute ce qu'il peut y avoir de plus directement répréhensible dans la conduite des affaires publiques. La corruption n'est pas seulement condamnable d'un point de vue moral, elle est aussi source d'inefficacité et d'injustice. Elle doit donc être combattue avec vigueur. Mais il y a malheureusement de nombreuses autres manières de mal gérer un budget ou un pays. C'est pourquoi il est essentiel d'appréhender la gouvernance avec une vision large et complète.
Par ailleurs, il me semble que les partenaires au développement doivent aussi faire preuve de patience et de compréhension. Il faut accepter que de telles réformes puissent prendre du temps, et il faut donc surtout s'attacher à ce que la dynamique soit bel et bien enclenchée dans le bon sens. De ce point de vue, un dialogue renforcé et régulier est nécessaire entre nous.
Sur ce thème important de la réforme budgétaire, je voudrais saluer l'étude du professeur Bouvier, qui s'attache à déterminer les facteurs nécessaires à une amélioration effective des finances publiques.
En effet, ce qui nous importe aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les principes adoptés dans la Déclaration de Paris ne restent pas des engagements de principe, mais qu'ils soient réellement mis en oeuvre.
Cette étude fournit à cet égard des axes de réflexion intéressants :
- sur la manière de favoriser la prise en charge des réformes par les pays eux-mêmes ;
- sur la manière de mettre en oeuvre une démarche adaptée à la situation et aux particularités locales ;
- mais aussi sur la manière de déterminer les priorités de mise en oeuvre des réformes.
L'étude insiste en cela sur la nécessité de disposer d'une méthodologie pour conduire le changement. C'est pourquoi je souhaite qu'elle puisse constituer un outil adapté pour vous permettre de faire avancer les réformes nécessaires.
Mesdames et Messieurs,
Pour conclure, et vous l'aurez compris, la France entend défendre une approche équilibrée de la gouvernance.
Une approche équilibrée, en lui conférant certes un caractère systématique pour l'ensemble de nos actions de coopération, mais aussi en veillant à lui donner une acception large, adaptable à la diversité des réalités locales, et en lui donnant le temps nécessaire à sa pleine maturation.
Sur ces différents thèmes, je serai très heureuse de pouvoir échanger avec vous.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 septembre 2006