Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors de la conférence de presse conjointe avec MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, Vartan Oskanian, ministre arménien des affaires étrangères, et Mme Hasmik Poghossian, ministre arménienne de la culture et de la jeunesse, sur le programme de la saison "Arménie mon amie" organisée dans le cadre de l'Année de l'Arménie en France, Paris le 12 septembre 2006.

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Circonstance : Présentation de la saison "Arménie mon amie" à l'occasion de l'ouverture de l'Année de l'Arménie en France le 21 septembre 2006, le 12 à Paris

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

C'est pour moi, vous vous en doutez, à la fois un plaisir mais aussi un privilège de vous accueillir ce matin au Quai d'Orsay, avec Renaud Donnedieu de Vabres et nos homologues arméniens, M. Vartan Oskanian et Mme Hasmik Poghossian.
Le 21 septembre prochain s'ouvrira l'Année de l'Arménie en France, une date symbolique puisque c'est aussi le jour anniversaire de la 15ème année de l'indépendance de la République arménienne.
"Arménie mon amie", c'est d'abord pour la France l'occasion de rendre hommage à un grand pays et à une grande culture dont les richesses contemporaines restent, à bien des égards, injustement méconnues. Nombreux sont ceux qui ont mis tout leur coeur et tout leur dynamisme dans cette belle entreprise, et je veux tous, ici, les en remercier et aussi, en particulier, je voudrais remercier certains députés amis de l'Arménie que nous voyons souvent dans ces débats, dans ce combat. A Paris comme en province, ce sont près de 500 manifestations qui seront organisées - expositions, concerts, festivals thématiques - avec le concours des institutions les plus prestigieuses de nos deux pays. Je pense en particulier à deux expositions majeures : "Armenia sacra" au musée du Louvre et "Arménie, la magie de l'écrit" à la Vieille Charité à Marseille.
Ce programme, Monsieur le Ministre, dense et original, fait honneur aux ambitions culturelles de nos deux pays. Mais au-delà, c'est aussi l'occasion pour nous de mettre en lumière ces liens d'amitié étroits et forts que nos deux peuples ont su tisser au fil de l'Histoire. Depuis la prise d'Antioche par les Croisés et l'établissement de relations avec le royaume arménien de Cilicie, les relations franco-arméniennes ont traversé les siècles. Je rappellerai que le cénotaphe du dernier souverain de Cilicie, Léon V de Lusignan, repose à la Basilique Saint-Denis, aux côtés des rois de France. Et personne n'a oublié que, dans les moments tragiques, la France a été une terre d'accueil privilégiée pour le peuple arménien.
La proximité de la France et de l'Arménie n'est pas nouvelle, mais elle s'est consolidée avec le rétablissement de l'indépendance de l'Arménie pour s'épanouir aujourd'hui dans des domaines très variés marqués par un fort dynamisme.
Je pense en particulier à une coopération qui m'est chère, la coopération décentralisée, à laquelle participent des dizaines d'agglomérations françaises et arméniennes : chaque année, ce sont de nouveaux projets de coopération qui sont mis en oeuvre, dans les domaines de la santé, de l'éducation, du tourisme, de l'agriculture ou encore - et je le vois, en particulier, dans certaines régions de France - de l'artisanat.
La diaspora arménienne en France, faut-il le rappeler, joue un rôle extrêmement actif dans ces échanges qui vont croissant. Très attachée à ses racines, la communauté française d'origine arménienne est dans le même temps l'exemple d'une intégration réussie et je tiens, aujourd'hui, à lui rendre un hommage particulier. Cette Saison sera d'ailleurs l'occasion de rappeler ce que la France doit aux citoyens d'origine arménienne : Charles Aznavour, Henri Verneuil, pour ne citer qu'eux, ou encore Missak Manouchian, réfugié apatride, tombé pour la Liberté aux côtés de ses camarades de l'Affiche Rouge.
Cette proximité, je dirai même cette connivence inscrite dans notre histoire et notre culture est d'une grande richesse, et je ne doute pas que le public français saura s'y montrer sensible. Je forme d'ailleurs le voeu, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, qu'au-delà de cette Saison, l'intérêt et la curiosité ainsi suscités trouvent à se prolonger par des envies nouvelles, et que les Français se rendront nombreux sur place à la découverte de votre beau pays.
Aujourd'hui, ce sont ces relations denses et de confiance que la France souhaite développer et approfondir. La France est l'un des premiers investisseurs en Arménie. Elle participe aussi, à travers l'Université française d'Arménie, à la formation d'une jeune élite de juristes et de managers qui contribueront à bâtir l'avenir du pays. Elle co-organise enfin l'opération "Jeunes ambassadeurs pour l'Arménie", qui vise à faire venir plusieurs centaines de jeunes Arméniens francophones à la rencontre de nos collégiens, pour renforcer toujours davantage, à travers les nouvelles générations, les liens qui unissent nos deux pays. Autre exemple de la vitalité de notre coopération : le jumelage entre les villes françaises et arméniennes, qui permet de créer de nouvelles synergies. Une conférence réunissant les villes et régions jumelées aura d'ailleurs lieu au Sénat, le 17 octobre.
Mesdames et Messieurs, dans les prochains jours, cette nouvelle saison culturelle sera lancée. Il ne me reste plus qu'à souhaiter un plein succès à "Arménie mon amie" et à remercier l'ensemble des partenaires qui ont contribué à la réalisation de ce beau rendez-vous, à commencer par le ministère de la Culture et de la Communication et dire toute mon amitié et mon affection à Renaud Donnedieu de Vabres. Un très grand nombre de collectivités territoriales et d'entreprises, tant arméniennes que françaises, ont aussi apporté leur soutien à cet événement : leurs représentants sont présents aujourd'hui, et je les salue très chaleureusement, très amicalement.
A tous, merci !.
Merci à tous ; il y a quelques journalistes dans cette salle. Uniquement pour ces personnes, nous pourrions répondre à quelques questions.

Q - Vous avez parlé du nombre considérable d'événements qui vont se dérouler à l'occasion de l'Année de l'Arménie : 500 en effet. C'est considérable, mais peut-être avez-vous une idée, même large - cela nous intéresse - du nombre total de manifestations qui vont se dérouler pendant l'Année de l'Arménie ; c'est-à-dire des manifestations non labellisées "Année de l'Arménie" ?
R - L'idée, c'est qu'il y a 500 manifestations qui sont proposées. Si vous souhaitez en organiser vous-mêmes davantage, elles seront accueillies avec plaisir. Nous sommes un pays libre et nous serons très heureux de tout ce que vous pourrez apporter en "off" dans le cadre de l'Année de l'Arménie en France ; vous serez les bienvenus.

Q - De quoi avez-vous parlé ce matin avec votre homologue M. Vartan Oskanian ?
R - Pour tout vous dire, nous allons déjeuner ensemble. Bien entendu, nous parlerons de nos relations bilatérales et des sujets internationaux et régionaux, et ceci, comme toujours, dans une confiance absolue.

Q - Et concernant le règlement du conflit du Haut-Karabagh ?
R - Sur ce sujet, ce qu'il convient de dire, c'est qu'il faut distinguer clairement ce qui relève de nos relations bilatérales avec l'Arménie ou avec l'Azerbaïdjan, des responsabilités que la communauté internationale nous a par ailleurs confiées concernant le conflit du Haut-Karabagh.
Comme vous le savez, la France exerce, aux côtés de la Russie et des Etats-Unis, une médiation dont le seul objectif est de permettre aux parties de trouver une solution à ce conflit qui n'a que trop pesé sur le développement de l'ensemble de la région.
Dans ce cadre, vous vous en doutez, la France a un devoir de neutralité car c'est aux parties impliquées qu'il revient de s'entendre. Nos relations avec l'une ou avec l'autre ne sauraient entrer en ligne de compte dans ce processus. Mais je pense qu'il faut garder espoir et nous allons beaucoup parler de ce sujet durant notre déjeuner, car il me semble qu'il serait possible d'avancer sur cette question très prochainement. En tout cas, sachez que la France exercera pleinement son action de médiation avec les Etats-Unis et la Russie.

Q - D'ici deux ans, normalement, l'Année de la Turquie devrait être organisée. Cela ne risque-t-il pas de poser un problème dans la mesure où il s'agit d'un Etat encore négationniste concernant le génocide arménien ? Risquons-nous que cet Etat vienne faire du négationnisme du génocide arménien en France ?
R - C'est l'occasion pour moi d'aborder un sujet important et qui sera traité dans le cadre de cette saison : l'importante communauté d'origine arménienne en Turquie, environ 50.000 personnes.
Nous avons souhaité que cette communauté soit également évoquée dans la programmation et c'est pourquoi nous avons décidé, vous l'avez dit Madame la Commissaire, d'y inclure l'exposition de cartes postales "Mon Cher Frère" dont nous venons de vous parler et qui avait été présentée pour la première fois à Istanbul avant de l'être à Francfort, Berlin et Munich. Dans le cadre de l'Année de l'Arménie, cette exposition devrait être présentée à Valence, au Centre du patrimoine Arménie.
La question que vous posez, c'est celle de cette double année de l'Arménie et de la Turquie. Moi je crois que, dans le cadre culturel qui est le nôtre, il faut bien dire que la France est l'amie de l'Arménie et qu'elle est aussi l'amie de la Turquie. En tout état de cause, il faut se garder de toute confusion ; cette saison est avant tout un événement culturel que nous avons souhaité afin de mieux faire connaître aux Français la culture du peuple arménien avec laquelle nous avons des liens d'amitié très anciens.
De nombreux Français, environ 500.000 personnes, entretiennent des liens personnels très forts avec l'Arménie. Elles ont donc le droit de vivre leur culture et de connaître, de faire connaître aussi, leurs origines.
Concernant la Turquie, il y a un travail considérable à faire, c'est vrai, un travail de mémoire. Nous pensons qu'il est extrêmement important que les historiens le fassent. Nous l'avons dit, nous sommes prêts à le redire et nous le redisons à nos amis Turcs.
Je pense qu'il ne faut pas confondre les Années culturelles des différents pays avec les problèmes politiques. La culture, c'est, si tu me le permets Renaud, justement ce qui permet aux uns et aux autres de se côtoyer pour se reconnaître et pour se respecter ; si l'on ne se connaît pas, on ne se respecte pas.
En tout cas, pour les Français, l'Année de la Turquie ou de l'Arménie s'inscrit dans un cadre purement culturel et surtout pas un autre. Je ne vois donc vraiment pas pourquoi il y aurait un problème à ce niveau.
Permettez-moi, pour en terminer, de vous assurer, alors que j'ai à mes côtés mon homologue arménien, d'une réalité profonde : aussi bien pour ce qui concerne les relations avec la Turquie que sur la proposition de loi ou sur la question du Haut-Karabagh - je ne le dirai pas si je ne le pensais pas - nous défendons les mêmes valeurs universelles. C'est ce qui est important et je pense que cette Année de l'Arménie en France que nous allons vivre, ne peut que faire comprendre aux Français, y compris ceux qui ne sont pas d'origine arménienne, ce que nous avons voulu faire et ce que nous faisons dans nos relations bilatérales.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous le dire.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2006