Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Abdullah Gül, ministre turc des affaires étrangères, sur l'état d'avancement des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et la question de Chypre, les questions liées au cessez-le-feu et à la reconstruction du Liban, au Proche-orient, au dossier nucléaire iranien, à l'Afghanistan et aux otages français au Yemen, Paris le 13 septembre 2006.

Prononcé le

Circonstance : Visite officielle en France du ministre turc des affaires étrangères, Abdullah Gül le 13 septembre 2006 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, nous sommes très heureux, avec Mme Catherine Colonna, de recevoir notre homologue et ami le ministre Abdullah Gül pour cette visite officielle en France.
Avant tout autre chose, je voudrais condamner, au nom de la France, l'attentat qui a eu lieu hier soir à Diyarbakir, attentat particulièrement meurtrier qui a tué une majorité d'enfants. Je présente les condoléances du peuple français aux familles des victimes et nous assurons les autorités turques de toute notre solidarité.
La France condamne le terrorisme, quelles qu'en soient les motivations, où qu'il frappe et quoiqu'il vise.
Pour revenir à la visite de mon ami, le ministre Abdullah Gül, je voudrais lui dire que je garde un excellent souvenir de ma visite à Ankara, en février dernier, et de son accueil chaleureux. Sa visite à Paris, aujourd'hui et demain, est donc, pour moi, un plaisir.
C'est une visite importante, d'abord parce que le ministre Gül a participé ce matin à l'ouverture de l'Atelier culturel sur le dialogue des peuples et des cultures. Cette rencontre, voulue par le président Chirac, a vocation à favoriser le dialogue entre les cultures et les religions. Ce dialogue des cultures et des civilisations est la clef, j'en suis convaincu, d'une bonne situation internationale pour les années qui viennent et chacun sait que la Turquie, qui co-parraine avec l'Espagne, l'initiative sur l'Alliance des civilisations, a un rôle tout particulier à jouer, nous venons d'en parler.
En second lieu, nous avons l'occasion, grâce à cette visite - nous avons en effet travaillé cet après-midi et nous retravaillerons ce soir ensemble -, d'approfondir avec le ministre Gül nos discussions sur les grands sujets internationaux.
Nous avons évoqué la question du Liban. Notre premier objectif est la consolidation du cessez-le-feu, le problème de la reconstruction du Liban, bien sûr, et une solution durable dans un accord politique. Cela nous paraît très important et nous sommes en accord.
Je tiens à saluer la décision courageuse du gouvernement turc de participer, au Liban, à la FINUL renforcée, initiative dont je remercie le ministre des Affaires étrangères. Comme nous l'avions demandé depuis le début, il est important d'avoir une colonne vertébrale de l'Union européenne, mais aussi d'avoir des contingents de différents pays européens, asiatiques ou musulmans. La contribution turque est en effet essentielle pour la mise en oeuvre sur le terrain de la résolution 1701. Elle reflète l'unanimité de la communauté internationale et sa détermination à mettre en oeuvre cette résolution ; c'est fondamental.
Nous avons également évoqué, avec le ministre Gül, l'enjeu de la reconstruction du Liban. Nous pouvons poursuivre la mobilisation engagée lors de la Conférence de Stockholm. Je me réjouis de la participation active de la Turquie aux efforts en cours.
S'agissant de la situation de la région en général, sur le Proche-Orient ou sur la question iranienne, nos deux pays ont une grande proximité de vues et nous faisons converger nos efforts.
Nos deux pays travaillent ensemble en Afghanistan au sein de la Force internationale et ils assurent conjointement le commandement de la province de Kaboul dont la France a pris la direction depuis le 6 août dernier.
Enfin, nous avons abordé la question des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. J'ai rappelé, comme je l'avais fait lors de ma visite à Ankara en février dernier, qu'il est essentiel que la Turquie continue à avancer avec détermination sur la voie des réformes, en particulier s'agissant des critères politiques, car le rythme des négociations dépendra directement de ces progrès et donc de ces réformes.
Beaucoup de progrès ont été accomplis, ce qui a rendu possible l'ouverture des négociations, mais il est bien entendu indispensable que les réformes se poursuivent. J'ai rappelé la nécessité pour la Turquie de respecter ses engagements pour la mise en oeuvre du protocole d'Ankara. La France sera vigilante, comme tous ses partenaires de l'Union européenne ; je l'ai rappelé à mon ami Abdullah Gül.
Et, pour terminer, je veux dire à mon ami Abdullah Gül, avant de lui laisser la parole, que sur toutes ces questions comme sur les autres questions relatives, par exemple, à notre importante coopération bilatérale, nous entendons travailler dans un esprit de dialogue ouvert et fidèle aux liens étroits et anciens qui unissent nos deux pays.
Q - Au Parlement européen, la semaine dernière, la présidence finlandaise a reconnu que nous nous approchions d'une crise entre la Turquie et l'Union européenne à cause du rapport de la Commission qui aura lieu le 24 octobre. Derrière tout cela, c'est bien sûr l'obstination de la Turquie à ne pas appliquer le protocole d'Ankara à Chypre. La présidence a dit qu'elle poursuivait ses efforts pour que la crise n'ait pas lieu. Que leur conseillez-vous ? Quelles seraient les décisions à prendre et comment agir ?
R - Pour ce qui nous concerne, nous continuons de penser que les Nations unies sont le cadre le plus approprié pour la recherche d'une solution politique globale. Nous soutenons donc les efforts du Secrétaire général des Nations unies dans le cadre de sa mission de "bons offices" et nous lui faisons pleinement confiance. Nous soutenons l'approche qu'il a souhaité engager ces derniers temps. Le pire n'est jamais certain et aucune des parties prenantes ne souhaite certainement en arriver là. Cela dit, des engagements ont été pris, ils devront être appliquer, sinon, bien sûr, il faudra en tirer les conséquences.
Q - Concernant le Yémen, faut-il être inquiet ce soir pour les quatre touristes français toujours en otage ? Redoutez-vous un éventuel assaut des forces yéménites ?
R - Nous poursuivons tous nos efforts pour la libération de ces quatre Français. Nous sommes en permanence mobilisés, à la fois dans les négociations avec les autorités yéménites, sachant qu'elles négocient avec les preneurs d'otages. Nous faisons tout pour qu'ils soient libérés le plus vite possible, sans condition et surtout, sains et saufs.
Q - Parmi ces otages, des informations circulent mais elles sont non publiques. Ces personnes auraient-elles une importance particulière ?
R - Vous comprendrez qu'aujourd'hui nous sommes dans une double négociation : une négociation du Quai d'Orsay, heure par heure, avec les autorités yéménites, et, d'autre part, une négociation entre les autorités yéménites et les preneurs d'otages. Pour des raisons d'efficacité et surtout pour obtenir le plus vite possible la libération de nos ressortissants, sains et saufs, vous comprendrez que j'aie besoin de confidentialité et de discrétion.
Q - Concernant la question chypriote, vous avez dit que des engagements avaient été pris et, s'ils n'étaient pas appliqués, il faudrait en tirer les conséquences. La France les connaît-elle déjà ? Y a-t-il une possibilité de suspension des négociations d'adhésion si la Turquie ne respectait pas, du point de vue de l'Union européenne, ses engagements vis-à-vis de Chypre ?
R - Effectivement, je pense à l'entrée, dans les ports de Turquie, des navires en provenance de la République de Chypre. On peut le dire également concernant les aéroports. Cette question a fait l'objet d'une déclaration que l'Union européenne a adoptée, il y a un an, et fera d'objet d'un examen d'ici à la fin de l'année. J'ai dit à mon homologue turc qu'il était important que la Turquie comprenne l'intérêt de faire des pas significatifs en ce sens. En tout cas, c'est une composante essentielle, vous le savez tous, du processus d'adhésion.
Je vous remercie beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2006