Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur "France 2" le 18 septembre 2006, sur le voyage de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis et sa position personnelle sur les relations franco-américaines, sur les débats à l'intérieur du PS pour le choix d'un candidat officiel et sur les candidatures plus à gauche du PS pour l'élection présidentielle de 2007.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- J'aimerais vous interroger sur le voyage que J. Chirac va faire aux Etats-Unis. Est-ce que le président de la République devrait prendre position, et peut-être condamner les propos que N. Sarkozy a tenus à New York ? Le ministre de l'Intérieur a parlé d'une France arrogante, qui pouvait mettre ses alliés dans l'embarras ; J. Chirac doit-il condamner ce type de propos ?
R- Oui, J. Chirac doit condamner les propos de son ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, qui se rendant il y a quelques jours à New York, pour, à juste raison, affirmer la solidarité de la France à l'égard des Etats-Unis au souvenir du 11 septembre il y a cinq ans, a tenu des propos qui, à l'évidence,brisent ce qu'a été la diplomatie française et le consensus qu'elle avait su mener autour d'elle, autour de la relation avec les Etats-Unis, par rapport à la guerre en Irak. Parler - rendez vous compte ! - d'arrogance de la France dans le bureau même de G. Bush, laisser penser qu'il y aurait eu une position de la France à l'occasion de la décision grave d'intervenir en Irak de la part des Etats-Unis, qui pouvait être déplaisante à l'égard des Américains, est une position qui ne peut pas être celle de la France. Donc, j'attends du président de la République qu'il dise que les propos du ministre de l'Intérieur, ministre d'Etat, n'engageaient pas la France et encore moins le Gouvernement de la France.
Q- Il vous semble nécessaire et utile que J. Chirac reprenne la main, notamment en se rendant aux Etats-Unis pour rappeler que c'est lui qui fixe le cap ?
R- S'il va aux Etats-Unis, J. Chirac, c'est parce qu'il y a l'Assemblée générale des Nations unies et qu'il doit y prononcer un discours. Mais puisqu'il y a eu cette faute de la part de son ministre, sauf si N. Sarkozy y était allé comme candidat, mais J. Chirac lui-même a fait comprendre qu'il y était allé comme représentant de la France. Puisqu'il y a eu cette faute, il faut qu'il la corrige, qu'il la rectifie, et dise que la position de France, c'est celle qui avait été exprimée, en son temps, par rapport à ce refus d'intervenir en Irak, et qu'on n'a pas à s'excuser devant le Président Bush de la position qui avait été la nôtre et qu'on n'a pas à parler de l'arrogance de la France dans un pays ami, les Etats-Unis, mais avec un Président G. Bush, qui a mis le monde dans la situation que l'on connaît aujourd'hui.
Q- Avez-vous le sentiment que N. Sarkozy, ministre de l'Intérieur, et N. Sarkozy, candidat à la présidence, est en train de définir les contours d'un programme qui, en effet, prend position sur les Etats-Unis, sur les retraites, avec des contours assez fermes quand même ?
R- Je pense que N. Sarkozy est en campagne depuis 2002, c'est-à-dire depuis l'élection de J. Chirac, il pense à la prochaine élection présidentielle, celle de 2007. Il en a bien le droit, mais en même temps, il le fait comme président de l'UMP, au sein du Gouvernement et en voyageant beaucoup en France et à l'étranger. De ce point de vue, il y a une confusion totale des genres. On ne sait pas quand il s'exprime, s'il s'exprime au nom du Gouvernement ou en son nom propre, on ne sait pas s'il prend des positions qui sont celles de toute la droite ou simplement celles de l'UMP ou de la
fraction de l'UMP qui le soutient. Bref, nous sommes, je crois, dans une exigence de clarification. J'ai demandé depuis longtemps que N. Sarkozy, s'il veut être candidat dès aujourd'hui, qu'il quitte le Gouvernement. Il n'a pas besoin de faire campagne aux frais de l'Etat.
Q- Revenons sur la campagne, cette fois-ci au PS, sur le grand oral qui a eu lieu, tout récemment que vous aviez organisé, que vous souhaitiez. Nos confrères de Libération publient un sondage, qui dit que S. Royal garde sa nette avance par rapport aux autres candidats à la candidature. Etes-vous surpris, étonné ? Cela ne se décante pas assez ?
R- D'abord, il y a eu un débat de qualité à Lens, samedi, entre tous les prétendants, aujourd'hui, à la candidature. Nous verrons bien combien ils seront effectivement, au début du mois d'octobre...
Q- Entre le 26 septembre et le 3 octobre...
R- ... Quand il faudra déposer une candidature à la candidature. Nous pouvions, après des déclarations qui n'avaient pas toutes été maîtrisées, penser qu'il y aurait l'étalage de je ne sais quelle querelle, division ; cela a été un débat de qualité, avec une évidence, c'est que celui ou celle qui nous représentera sera véritablement porté par tout le PS, tous les socialistes se rassembleront derrière celle-ci ou celui-là. Et puis, deuxième évidence : nous aurons forcément une candidature de qualité parce que cela a été un débat de bonne tenue sur le fond, sur le contenu, sur les orientations, sur la conception que l'on doit avoir de la présidence de la République, des problèmes, des enjeux que nous devons relever à cette occasion. Je crois que nous aurons un candidat ou une candidate de très bonne qualité, et nous aurons un candidat ou une candidate soutenu par tous les socialistes. Cette réunion était donc utile.
Q- Il n'y aura pas de cavalier seul ?
R- Impossible.
Q- Tout le monde se ralliera sur le nom de celle ou celui qui sera désigné ?
Il n'y aura pas quelqu'un qui ira chercher des soutiens à droite à
gauche - plutôt à gauche d'ailleurs...
R- Celui qui voudra faire cavalier seul n'aura plus de cheval.
Q- Très bien, la chose est dite simplement. Est-ce que vous considérez qu'à la gauche de la gauche, il y a un risque de trop plein de candidatures ?Parce qu'on est en train, justement, de s'interroger sur O. Besancenot, M.-G. Buffet, C. Autain dit : "peut-être", P. Braouezec, J. Bové... Cela fait beaucoup de monde !
R- C'est leur affaire. Je ne veux pas me mêler, j'ai suffisamment, de mon côté, à mettre en bon ordre et en bonne marche - et nous le serons, en bon ordre et en bonne marche - le PS pour la victoire. Parce nous, les socialistes, nous partons pour la victoire. Mon devoir, comme premier secrétaire, c'est de permettre au PS, à toute la gauche, d'avoir une victoire en 2007, parce qu'elle est espérée par beaucoup, pas encore par tous mais par beaucoup, parce qu'il y a une attente de changement. Maintenant, il y a ce qui se passe à côté du PS ; s'ils veulent partir à plusieurs candidatures c'est leur droit mais point trop n'en faut. On sait ce qui s'est passé le 21 avril 2002, même si ce n'est pas la seule cause. Donc je dis, attention, ne faisons pas assaut d'égoïsme de singularité, de différenciation. S'ils veulent se mettre d'accord sur une candidature ou sur quelques unes de ces candidatures, qu'il y ait au moins un principe clair entre nous. Il y a une concurrence à gauche, c'est normal, le PS et ceux qui veulent être plus contestataires, plus radicaux que nous - faudrait-il savoir où cela les conduit - mais ce n'est pas le sujet. Je veux qu'au second tour, on dise les choses clairement. On verra qui arrivera en tête de la gauche au soir du...
Q- M.-G. Buffet a dit qu'elle était d'accord...
R- Elle a été parfaitement claire : elle a dit que le parti qui arrivera en tête au soir du premier tour - vraisemblablement le PS, disons la vérité - c'est le parti derrière, le candidat ou la candidate derrière lequel ou derrière laquelle il faudra tous se rassembler. Parce qu'on a un devoir les uns, les autres, c'est de battre la droite. J'ajoute qu'il y a un devoir de battre la droite, sans doute, mais il y a un devoir aussi de réussir ensemble au Gouvernement de la France, donc, je rencontrerai le PC avec une délégation du PS bientôt, dans les jours qui viennent. De la même manière, nous le ferons avec les Verts et nous aurons une rencontre avec toute la gauche qui veut non seulement combattre la droite mais qui veut à un moment prendre la responsabilité du pays et réussir. Parce qu'il faut réussir.
Q- Y aura-t-il d'autres grands oraux comme celui de Lens, d'ici le dépôt des candidatures ou ce sera après, quand tout le monde se sera prononcé ?
R- D'abord, un parti politique n'organise pas des examens de passage ou des concours ou des procédures de sélection ; c'est un débat démocratique. Je vous réponds très clairement : après le 3 octobre, lorsqu'il y aura le dépôt officiel des candidatures, et jusqu'au 16 novembre, premier tour, et 23 novembre, éventuel second tour, il y aura des débats entre candidats, mais des débats organisés par le PS et totalement maîtrisés.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 septembre 2006