Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Chers collègues,
Au nom du groupe des députés communistes et républicains, je me félicite que l'Assemblée nationale, comme mon collègue Alain Bocquet, Président de notre groupe l'avait demandé au Président de la République, puisse enfin débattre de la situation au Proche-Orient et de l'engagement de la France, car nous savons ici les attentes exprimées par les peuples de la région envers notre pays afin qu'il contribue au respect du droit des peuples, à leur souveraineté et à la paix.
Il y a encore quelques semaines le Liban, petit à petit, pansait les dernières plaies de la guerre civile. Le retrait des troupes syriennes lui laissait enfin entrevoir une souveraineté pleine et entière. L'intégration du Hezbollah dans le jeu politique libanais était à ses débuts, ouvrant la possibilité d'un consensus inter-libanais indispensable au désarmement de la milice chiite... Cette description de la situation au Liban, fragile et pleine d'espoir, elle me fut faite par le Premier ministre libanais, lors d'une visite dans ce pays. C'était en juin dernier. Depuis, la folie meurtrière de la guerre est passée.
En Palestine, un accord venait d'être trouvé entre toutes les organisations palestiniennes. Il ouvrait une nouvelle situation politique pouvant permettre la reprise d'un processus politique de règlement du conflit. Dans une situation de tensions et de grave crise régionale, ces fragiles évolutions n'effaçaient pas les inquiétudes. Elles constituaient cependant des étapes prometteuses pour l'avenir.
Mais la violence a tout emporté.
Le double enlèvement, inacceptable, de soldats a permis au premier ministre israélien de lancer, à Gaza comme au Liban, deux interventions militaires de grande ampleur, de décider la guerre. Ehud Olmert a par ce choix brisé net tous ces bourgeons d'espoir.
Toutes les infrastructures de Gaza ont été détruites ; un grand nombre d'élus palestiniens ont été enlevés et de nombreux civils tués.
Le Liban a été dévasté. Habitations, routes, ponts, aéroports, centrales électriques ont été ravagés. Son approvisionnement rendu impossible par le blocus qui, enfin, sera levé aujourd'hui, grâce à l'action du Secrétaire général des Nations unies.
Des bombardements d'une violence inouïe, des cibles choisies sans discrimination, je pense aux victimes de Cana, et de façon manifestement délibérée, ont constitué, si l'on en croit les conclusions de l'enquête d'Amnesty International, des crimes de guerre.
La population israélienne a, elle aussi, subi cet engrenage de guerre et de violence.
De part et d'autre de la frontière, plus de 1500 victimes civiles. Aujourd'hui encore, ce sont des milliers de civils qui, selon l'ONU, sont au Liban sous la menace de bombes à sous-munitions non explosées. C'est à toutes ces victimes que vont les pensées des députés communistes et républicains. C'est pour elles que la communauté internationale doit se mobiliser pour construire enfin une solution politique durable.
Se mobiliser car l'autre drame de cet été, ce fut la tolérance d'une grande partie de la communauté internationale à cette guerre. L'action diplomatique aurait pourtant pu, rapidement, gagner un cessez-le feu. Ce fut par exemple le cas, il y a dix ans, lors d'une précédente crise opposant Israël au Liban. Les diplomaties française et américaine, tous les pays de la région avaient alors été impliqués dans le règlement de cette crise.
Une telle initiative n'a pas été possible cet été. Les efforts de Kofi Annan n'ont pas pu porter leurs fruits. Ce constat d'impuissance de la communauté internationale est difficilement supportable. Mais il doit surtout nous interroger sur l'organisation actuelle des relations internationales et sur les moyens qui pourraient permettre aux Nations Unies d'être bien plus efficaces dans la prévention et la résolution des conflits.
Cette impuissance s'est, à vrai dire, d'abord nourrie du soutien actif de l'administration américaine à la guerre lancée par le gouvernement israélien. Ce conflit fut lu, à Washington, sous le prisme du prétendu combat entre le bien et le mal, le choc des civilisations. L'offensive israélienne fut dans ce cadre considérée par la Secrétaire d'Etat américaine comme « la douleur de l'enfantement » de ce nouveau Grand Moyen-Orient sous ingérence américaine.
Cette théorie du choc des civilisations ne peut pourtant être matérialisée, au Liban encore moins qu'ailleurs.
Peut-être parce que de plus en plus de Libanais aspirent à construire une Nation démocratique et déconfessionnalisée. Peut-être parce que cette vision du monde, après tant d'années de guerre civile, tant d'années où les nombreuses communautés libanaises ont été instrumentalisées par différentes puissances régionales, ne s'accommode guère avec la volonté commune actuelle à tous les Libanais de vivre, enfin, tous ensemble, dans une nation démocratique, dans l'indépendance et la paix.
Les résultats de cette tentation hégémonique américaine sur l'ensemble du Moyen-Orient montrent aujourd'hui son caractère profondément nuisible. Qui aujourd'hui pourrait contester que la France a eu raison de s'opposer alors à l'intervention armée en Irak comme des millions de manifestants de par le monde ? Les résultats de la politique américaine là-bas rappellent ceux d'un autre Empire, que dénonçait Tacite en son temps ! « Ils avaient créé la désolation et lui avaient donné le nom de paix ».
La politique de menace de sanctions, de guerre préventive, n'a pas mis fin à l'inacceptable terrorisme, loin s'en faut. Elle en nourrit le terreau.
L'Union européenne aurait pu faire entendre une autre voix face à la tragédie que vécut le Liban. Ce ne fut pas le cas.
On se souvient pourtant d'une époque où l'Europe savait affirmer des positions privilégiant le respect du droit sur la politique de la canonnière. En 1980, le Conseil européen de Venise avait créé l'évènement en reconnaissant le droit à l'autodétermination du peuple palestinien ; en 1995, l'Europe lançait le partenariat euro-méditerranéen et l'idée de coopérations soutenues entre les rives nord et sud de la Méditerranée.
La crédibilité de cette politique a été aujourd'hui profondément atteinte ; cela souligne la nécessité de réorienter les politiques de l'Union européenne, au service des peuples et de la paix. Cela appelle au développement d'un partenariat euro-méditerranéen fondé sur le développement, le partage des cultures.
C'est dans ce contexte particulièrement délicat que nous avons vu favorablement évoluer la position du gouvernement, Monsieur le ministre. Il s'agissait d'arrêter une guerre. Une guerre qui ne pouvait que rejeter très loin l'horizon d'une paix durable au Liban et en Palestine. Une guerre qui semait, au delà du sang et des larmes, le ressentiment et la haine, une guerre qui ne pouvait donc que fragiliser la sécurité d'Israël.
J'ai entendu, à ce titre, pendant l'été, de nombreuses voix défendre l'Etat hébreu au nom de leur amitié avec Israël.
J'aimerais dire, ici, qu'un véritable ami d'Israël doit savoir lui dire quand sa politique va à l'encontre de son aspiration à vivre en paix et en coopération avec ses voisins.
Alors oui, nous nous sommes félicités que la France agisse de façon efficace au plan humanitaire et défende, au final, la voix de la paix et le respect de la souveraineté du Liban, et qu'elle devienne par ce fait un des principaux artisans du cessez-le-feu au Proche-Orient.
La résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU fut certes insuffisante notamment en occultant la question palestinienne.
Mais cette résolution a permis l'essentiel dans l'immédiat, à savoir faire taire les canons.
Mes chers collègues, c'est maintenant la question de la construction d'une paix durable au Proche-Orient qui se pose sur les ruines et la désolation semées par cette guerre.
Le rôle de la FINUL renforcée sera très important. C'est bien pourquoi une définition claire de son mandat était nécessaire. La France a obtenu, aux Nations Unies, un certain nombre de précisions, justifiant l'engagement qui est le sien aujourd'hui. Et cette force sera, je crois, bientôt en mesure d'accompagner la recherche d'un règlement politique de la crise. A condition que l'on ne lui fasse pas faire ce que la résolution 1701 ne prévoit pas, à savoir désarmer le Hezbollah. J'ai apprécié la position défendue par la France et agréée par les autorités libanaises consistant à inscrire ce désarmement comme le résultat d'une entente entre les forces politiques libanaises. C'est le choix de la sagesse, si l'on veut éviter d'autres tragédies au Liban.
Mais l'essentiel est bien, à terme, de poser les jalons de la paix. Et ce n'est pas à cette force d'interposition seule que peut incomber une telle mission. Cette responsabilité est celle de la communauté internationale ; la solution ne pourra résulter que d'un accord politique.
Aussi, les peuples concernés attendent une France qui sache rester ferme lorsque le respect des valeurs fondamentales et du droit international l'exige ; quitte à déranger aujourd'hui pour gagner la paix demain. Ils attendent une France qui soit sans concessions contre toutes les atteintes, d'où qu'elles viennent, aux droits des peuples, à la paix et à la sécurité des Nations. Ils attendent une France qui, comme disait Jaurès, « défende la paix avec les armes de la raison et du courage ».
Ils attendent de la France, en ce qui concerne le Liban, qu'elle accompagne l'accession de ce pays à une pleine souveraineté. Ils attendent qu'elle accompagne la construction au Liban d'un Etat solide dans lequel les pouvoirs publics soient les seuls à disposer de la force armée. Nous le savons : un tel consensus est possible entre l'ensemble des forces politiques libanaises. Mais ce consensus dépend aussi de la capacité de la communauté internationale à garantir le cessez-le feu et l'intégrité du pays, en impliquant tous les pays de la région dans la recherche d'une solution pacifique. Tous les pays de la région, sans exception, y compris l'Iran et la Syrie.
Cette évolution dépend aussi des moyens mobilisés par la communauté internationale pour aider à la reconstruction de ce pays.
La France est attendue aussi sur la question de la Palestine. Nous n'avons pas le droit de laisser un peuple vivre dans un tel dénuement, dans la plus extrême tension, je pense à ce qui se passe à Gaza, et sans aucune perspective d'avenir. Le silence actuel de la communauté internationale sur ce drame est humainement insupportable. Vous savez combien cette désespérance est lourde de menaces sur la paix et la sécurité dans la région. Et vous savez tout autant que l'occupation israélienne viole depuis des dizaines d'années plusieurs résolutions de l'ONU.
Très rapidement, comme s'y est engagé le Président de la République, la France devrait agir pour obtenir un rétablissement total des financements internationaux de l'autorité palestinienne. Elle devrait s'engager fortement contre l'annexion des territoires occupés et contre la construction de ce mur inacceptable.
La seule solution viable au conflit israélo-palestinien est connue : dans le cadre du droit international, l'existence à côté de l'Etat d'Israël d'un Etat palestinien souverain dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-est pour capitale. Le droit au retour des réfugiés palestiniens doit être aussi reconnu, les modalités concrètes d'application de ce droit devant être négociées. Une paix entre les deux Etats doit être signée, afin que les peuples israélien et palestinien puissent enfin vivre durablement dans la sécurité et la coopération.
Israël a reconnu, en acceptant la résolution 1701, que la " ligne bleue " soit la frontière israélo-libanaise internationalement reconnue. Il faut maintenant que son gouvernement reconnaisse la " ligne verte " de 1967, comme celle des frontières internationalement reconnues entre le futur Etat de Palestine et l'Etat d'Israël.
Rien de ce qui a été conclu auparavant, qu'il s'agisse des accords d'Oslo ou de la feuille de route, ne peut être abandonné, même si ces accords semblent bien loin dans le contexte actuel. De nouvelles négociations, avec comme perspective un accord global, doivent être lancées. Nous soutenons l'idée de la convocation d'une Conférence internationale. Nous attendons de la France qu'elle l'appuie avec force et qu'elle prenne les initiatives nécessaires pour une relance des négociations pour un règlement politique du conflit israélo-palestinien.
A travers la résolution des conflits spécifiques du Liban et de Palestine, c'est aussi la question de la sécurité régionale dans l'ensemble du Moyen-Orient qui est posée.
C'est bien pourquoi la France doit agir avec détermination afin de tarir les sources de tous les conflits, en faisant baisser les tensions et en recherchant un processus de démilitarisation de la région, notamment sur le plan nucléaire. Et cela concerne tout le monde. Il n'y aura bien sûr aucune paix durable au Moyen-Orient dans un équilibre de la terreur entre Israël et l'Iran. Mais nous savons aussi que le président iranien profite du déséquilibre actuel des puissances militaires au Moyen-Orient pour légitimer son programme nucléaire et faire avancer ses thèses fanatiques.
Notre responsabilité serait donc, parallèlement à la recherche d'un accord politique, d'agir pour un désarmement multilatéral et contrôlé et de porter dans cette région, un discours de justice. La sécurité et la paix sont en effet notre responsabilité collective.
Mes chers collègues, tout ceci peut apparaître relever aujourd'hui d'un doux idéalisme. De ces rêves qui suscitent le mépris des bellicistes. De ces espérances que ceux-là noient sous les mensonges et les préjugés.
Mais la grande majorité des hommes et de ces femmes du Moyen Orient ne souhaite pas la mort de l'Etat hébreu. Ces hommes et ces femmes souhaitent simplement vivre décemment et dignement ; ils veulent offrir un avenir à leurs enfants en participant à la vie et à la construction d'Etats souverains démocratiques au sein desquels ils pourraient enfin se sentir chez eux. Un grand nombre d'hommes et de femmes d'Israël n'est pas aveugle devant l'injustice faite au peuple palestinien. Ces hommes et ces femmes veulent juste s'assurer un avenir sûr et stable.
Il faut recréer de la confiance mutuelle pour obtenir un règlement politique.
C'est cette réalité, Monsieur le ministre, que je vous invite à saisir avec toujours le même objectif : une paix juste. Une paix durable. Une paix arrachée à tous les fanatismes et tous les impérialismes.
Si, dans la lignée des derniers positionnements de la France sur l'Irak et aujourd'hui sur le Liban, elle s'engageait sur cette voie, les députés communistes et républicains en seraient.Source http://www.pcf.fr, le 13 septembre 2006
Monsieur le ministre,
Chers collègues,
Au nom du groupe des députés communistes et républicains, je me félicite que l'Assemblée nationale, comme mon collègue Alain Bocquet, Président de notre groupe l'avait demandé au Président de la République, puisse enfin débattre de la situation au Proche-Orient et de l'engagement de la France, car nous savons ici les attentes exprimées par les peuples de la région envers notre pays afin qu'il contribue au respect du droit des peuples, à leur souveraineté et à la paix.
Il y a encore quelques semaines le Liban, petit à petit, pansait les dernières plaies de la guerre civile. Le retrait des troupes syriennes lui laissait enfin entrevoir une souveraineté pleine et entière. L'intégration du Hezbollah dans le jeu politique libanais était à ses débuts, ouvrant la possibilité d'un consensus inter-libanais indispensable au désarmement de la milice chiite... Cette description de la situation au Liban, fragile et pleine d'espoir, elle me fut faite par le Premier ministre libanais, lors d'une visite dans ce pays. C'était en juin dernier. Depuis, la folie meurtrière de la guerre est passée.
En Palestine, un accord venait d'être trouvé entre toutes les organisations palestiniennes. Il ouvrait une nouvelle situation politique pouvant permettre la reprise d'un processus politique de règlement du conflit. Dans une situation de tensions et de grave crise régionale, ces fragiles évolutions n'effaçaient pas les inquiétudes. Elles constituaient cependant des étapes prometteuses pour l'avenir.
Mais la violence a tout emporté.
Le double enlèvement, inacceptable, de soldats a permis au premier ministre israélien de lancer, à Gaza comme au Liban, deux interventions militaires de grande ampleur, de décider la guerre. Ehud Olmert a par ce choix brisé net tous ces bourgeons d'espoir.
Toutes les infrastructures de Gaza ont été détruites ; un grand nombre d'élus palestiniens ont été enlevés et de nombreux civils tués.
Le Liban a été dévasté. Habitations, routes, ponts, aéroports, centrales électriques ont été ravagés. Son approvisionnement rendu impossible par le blocus qui, enfin, sera levé aujourd'hui, grâce à l'action du Secrétaire général des Nations unies.
Des bombardements d'une violence inouïe, des cibles choisies sans discrimination, je pense aux victimes de Cana, et de façon manifestement délibérée, ont constitué, si l'on en croit les conclusions de l'enquête d'Amnesty International, des crimes de guerre.
La population israélienne a, elle aussi, subi cet engrenage de guerre et de violence.
De part et d'autre de la frontière, plus de 1500 victimes civiles. Aujourd'hui encore, ce sont des milliers de civils qui, selon l'ONU, sont au Liban sous la menace de bombes à sous-munitions non explosées. C'est à toutes ces victimes que vont les pensées des députés communistes et républicains. C'est pour elles que la communauté internationale doit se mobiliser pour construire enfin une solution politique durable.
Se mobiliser car l'autre drame de cet été, ce fut la tolérance d'une grande partie de la communauté internationale à cette guerre. L'action diplomatique aurait pourtant pu, rapidement, gagner un cessez-le feu. Ce fut par exemple le cas, il y a dix ans, lors d'une précédente crise opposant Israël au Liban. Les diplomaties française et américaine, tous les pays de la région avaient alors été impliqués dans le règlement de cette crise.
Une telle initiative n'a pas été possible cet été. Les efforts de Kofi Annan n'ont pas pu porter leurs fruits. Ce constat d'impuissance de la communauté internationale est difficilement supportable. Mais il doit surtout nous interroger sur l'organisation actuelle des relations internationales et sur les moyens qui pourraient permettre aux Nations Unies d'être bien plus efficaces dans la prévention et la résolution des conflits.
Cette impuissance s'est, à vrai dire, d'abord nourrie du soutien actif de l'administration américaine à la guerre lancée par le gouvernement israélien. Ce conflit fut lu, à Washington, sous le prisme du prétendu combat entre le bien et le mal, le choc des civilisations. L'offensive israélienne fut dans ce cadre considérée par la Secrétaire d'Etat américaine comme « la douleur de l'enfantement » de ce nouveau Grand Moyen-Orient sous ingérence américaine.
Cette théorie du choc des civilisations ne peut pourtant être matérialisée, au Liban encore moins qu'ailleurs.
Peut-être parce que de plus en plus de Libanais aspirent à construire une Nation démocratique et déconfessionnalisée. Peut-être parce que cette vision du monde, après tant d'années de guerre civile, tant d'années où les nombreuses communautés libanaises ont été instrumentalisées par différentes puissances régionales, ne s'accommode guère avec la volonté commune actuelle à tous les Libanais de vivre, enfin, tous ensemble, dans une nation démocratique, dans l'indépendance et la paix.
Les résultats de cette tentation hégémonique américaine sur l'ensemble du Moyen-Orient montrent aujourd'hui son caractère profondément nuisible. Qui aujourd'hui pourrait contester que la France a eu raison de s'opposer alors à l'intervention armée en Irak comme des millions de manifestants de par le monde ? Les résultats de la politique américaine là-bas rappellent ceux d'un autre Empire, que dénonçait Tacite en son temps ! « Ils avaient créé la désolation et lui avaient donné le nom de paix ».
La politique de menace de sanctions, de guerre préventive, n'a pas mis fin à l'inacceptable terrorisme, loin s'en faut. Elle en nourrit le terreau.
L'Union européenne aurait pu faire entendre une autre voix face à la tragédie que vécut le Liban. Ce ne fut pas le cas.
On se souvient pourtant d'une époque où l'Europe savait affirmer des positions privilégiant le respect du droit sur la politique de la canonnière. En 1980, le Conseil européen de Venise avait créé l'évènement en reconnaissant le droit à l'autodétermination du peuple palestinien ; en 1995, l'Europe lançait le partenariat euro-méditerranéen et l'idée de coopérations soutenues entre les rives nord et sud de la Méditerranée.
La crédibilité de cette politique a été aujourd'hui profondément atteinte ; cela souligne la nécessité de réorienter les politiques de l'Union européenne, au service des peuples et de la paix. Cela appelle au développement d'un partenariat euro-méditerranéen fondé sur le développement, le partage des cultures.
C'est dans ce contexte particulièrement délicat que nous avons vu favorablement évoluer la position du gouvernement, Monsieur le ministre. Il s'agissait d'arrêter une guerre. Une guerre qui ne pouvait que rejeter très loin l'horizon d'une paix durable au Liban et en Palestine. Une guerre qui semait, au delà du sang et des larmes, le ressentiment et la haine, une guerre qui ne pouvait donc que fragiliser la sécurité d'Israël.
J'ai entendu, à ce titre, pendant l'été, de nombreuses voix défendre l'Etat hébreu au nom de leur amitié avec Israël.
J'aimerais dire, ici, qu'un véritable ami d'Israël doit savoir lui dire quand sa politique va à l'encontre de son aspiration à vivre en paix et en coopération avec ses voisins.
Alors oui, nous nous sommes félicités que la France agisse de façon efficace au plan humanitaire et défende, au final, la voix de la paix et le respect de la souveraineté du Liban, et qu'elle devienne par ce fait un des principaux artisans du cessez-le-feu au Proche-Orient.
La résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU fut certes insuffisante notamment en occultant la question palestinienne.
Mais cette résolution a permis l'essentiel dans l'immédiat, à savoir faire taire les canons.
Mes chers collègues, c'est maintenant la question de la construction d'une paix durable au Proche-Orient qui se pose sur les ruines et la désolation semées par cette guerre.
Le rôle de la FINUL renforcée sera très important. C'est bien pourquoi une définition claire de son mandat était nécessaire. La France a obtenu, aux Nations Unies, un certain nombre de précisions, justifiant l'engagement qui est le sien aujourd'hui. Et cette force sera, je crois, bientôt en mesure d'accompagner la recherche d'un règlement politique de la crise. A condition que l'on ne lui fasse pas faire ce que la résolution 1701 ne prévoit pas, à savoir désarmer le Hezbollah. J'ai apprécié la position défendue par la France et agréée par les autorités libanaises consistant à inscrire ce désarmement comme le résultat d'une entente entre les forces politiques libanaises. C'est le choix de la sagesse, si l'on veut éviter d'autres tragédies au Liban.
Mais l'essentiel est bien, à terme, de poser les jalons de la paix. Et ce n'est pas à cette force d'interposition seule que peut incomber une telle mission. Cette responsabilité est celle de la communauté internationale ; la solution ne pourra résulter que d'un accord politique.
Aussi, les peuples concernés attendent une France qui sache rester ferme lorsque le respect des valeurs fondamentales et du droit international l'exige ; quitte à déranger aujourd'hui pour gagner la paix demain. Ils attendent une France qui soit sans concessions contre toutes les atteintes, d'où qu'elles viennent, aux droits des peuples, à la paix et à la sécurité des Nations. Ils attendent une France qui, comme disait Jaurès, « défende la paix avec les armes de la raison et du courage ».
Ils attendent de la France, en ce qui concerne le Liban, qu'elle accompagne l'accession de ce pays à une pleine souveraineté. Ils attendent qu'elle accompagne la construction au Liban d'un Etat solide dans lequel les pouvoirs publics soient les seuls à disposer de la force armée. Nous le savons : un tel consensus est possible entre l'ensemble des forces politiques libanaises. Mais ce consensus dépend aussi de la capacité de la communauté internationale à garantir le cessez-le feu et l'intégrité du pays, en impliquant tous les pays de la région dans la recherche d'une solution pacifique. Tous les pays de la région, sans exception, y compris l'Iran et la Syrie.
Cette évolution dépend aussi des moyens mobilisés par la communauté internationale pour aider à la reconstruction de ce pays.
La France est attendue aussi sur la question de la Palestine. Nous n'avons pas le droit de laisser un peuple vivre dans un tel dénuement, dans la plus extrême tension, je pense à ce qui se passe à Gaza, et sans aucune perspective d'avenir. Le silence actuel de la communauté internationale sur ce drame est humainement insupportable. Vous savez combien cette désespérance est lourde de menaces sur la paix et la sécurité dans la région. Et vous savez tout autant que l'occupation israélienne viole depuis des dizaines d'années plusieurs résolutions de l'ONU.
Très rapidement, comme s'y est engagé le Président de la République, la France devrait agir pour obtenir un rétablissement total des financements internationaux de l'autorité palestinienne. Elle devrait s'engager fortement contre l'annexion des territoires occupés et contre la construction de ce mur inacceptable.
La seule solution viable au conflit israélo-palestinien est connue : dans le cadre du droit international, l'existence à côté de l'Etat d'Israël d'un Etat palestinien souverain dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-est pour capitale. Le droit au retour des réfugiés palestiniens doit être aussi reconnu, les modalités concrètes d'application de ce droit devant être négociées. Une paix entre les deux Etats doit être signée, afin que les peuples israélien et palestinien puissent enfin vivre durablement dans la sécurité et la coopération.
Israël a reconnu, en acceptant la résolution 1701, que la " ligne bleue " soit la frontière israélo-libanaise internationalement reconnue. Il faut maintenant que son gouvernement reconnaisse la " ligne verte " de 1967, comme celle des frontières internationalement reconnues entre le futur Etat de Palestine et l'Etat d'Israël.
Rien de ce qui a été conclu auparavant, qu'il s'agisse des accords d'Oslo ou de la feuille de route, ne peut être abandonné, même si ces accords semblent bien loin dans le contexte actuel. De nouvelles négociations, avec comme perspective un accord global, doivent être lancées. Nous soutenons l'idée de la convocation d'une Conférence internationale. Nous attendons de la France qu'elle l'appuie avec force et qu'elle prenne les initiatives nécessaires pour une relance des négociations pour un règlement politique du conflit israélo-palestinien.
A travers la résolution des conflits spécifiques du Liban et de Palestine, c'est aussi la question de la sécurité régionale dans l'ensemble du Moyen-Orient qui est posée.
C'est bien pourquoi la France doit agir avec détermination afin de tarir les sources de tous les conflits, en faisant baisser les tensions et en recherchant un processus de démilitarisation de la région, notamment sur le plan nucléaire. Et cela concerne tout le monde. Il n'y aura bien sûr aucune paix durable au Moyen-Orient dans un équilibre de la terreur entre Israël et l'Iran. Mais nous savons aussi que le président iranien profite du déséquilibre actuel des puissances militaires au Moyen-Orient pour légitimer son programme nucléaire et faire avancer ses thèses fanatiques.
Notre responsabilité serait donc, parallèlement à la recherche d'un accord politique, d'agir pour un désarmement multilatéral et contrôlé et de porter dans cette région, un discours de justice. La sécurité et la paix sont en effet notre responsabilité collective.
Mes chers collègues, tout ceci peut apparaître relever aujourd'hui d'un doux idéalisme. De ces rêves qui suscitent le mépris des bellicistes. De ces espérances que ceux-là noient sous les mensonges et les préjugés.
Mais la grande majorité des hommes et de ces femmes du Moyen Orient ne souhaite pas la mort de l'Etat hébreu. Ces hommes et ces femmes souhaitent simplement vivre décemment et dignement ; ils veulent offrir un avenir à leurs enfants en participant à la vie et à la construction d'Etats souverains démocratiques au sein desquels ils pourraient enfin se sentir chez eux. Un grand nombre d'hommes et de femmes d'Israël n'est pas aveugle devant l'injustice faite au peuple palestinien. Ces hommes et ces femmes veulent juste s'assurer un avenir sûr et stable.
Il faut recréer de la confiance mutuelle pour obtenir un règlement politique.
C'est cette réalité, Monsieur le ministre, que je vous invite à saisir avec toujours le même objectif : une paix juste. Une paix durable. Une paix arrachée à tous les fanatismes et tous les impérialismes.
Si, dans la lignée des derniers positionnements de la France sur l'Irak et aujourd'hui sur le Liban, elle s'engageait sur cette voie, les députés communistes et républicains en seraient.Source http://www.pcf.fr, le 13 septembre 2006