Tribunes de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte ouvrière" des 1er, 7, 15, 22, 29 septembre 2006, sur la politique sociale du gouvernement, les suppressions de charges patronales, le SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés, le déversement de déchets toxiques à Abidjan en Côte-d'Ivoire, la réforme des régimes spéciaux de retraite, la politique d'immigration.

Prononcé le 1er septembre 2006

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Texte intégral

Ce sont les profits qui sont la cause des bas salaires et du chômage
La plupart des commentateurs ont surtout retenu les larmes et le ton pathétique de Jospin lors de l'université d'été du Parti Socialiste à La Rochelle. Pourtant les larmes n'effaçaient pas le contenu. En effet, l'ancien Premier ministre n'a rien renié du bilan de son gouvernement qui constituerait, a-t-il dit, «un socle sur lequel s'appuyer» sous-entendu pour la ou les candidats du PS.
Par contre sur les raisons qui ont amené deux millions et demi d'électeurs du PS à refuser de voter pour lui en 2002, il ne s'est même pas interrogé. S'il a fait des erreurs, a-t-il concédé, c'est sur la forme, lorsqu'il a dit à l'époque que son projet n'était pas «socialiste». Mais ce n'est pas d'avoir dit cela, c'est-à-dire la vérité, qui a conduit deux millions et demi d'électeurs populaires à ne plus voter pour lui en 2002, ce serait plus vraisemblablement d'avoir mené une politique à l'encontre des intérêts de la population laborieuse.
En fait il a manifesté un autre regret: ne pas avoir procédé, sur le conseil des autres dirigeants du PS, suivez son regard vers Hollande, à la «réforme des retraites». Réforme dont la droite n'a plus eu qu'à appliquer le dossier tout préparé. Cette «réforme», en réalité une amputation des retraites des seuls travailleurs salariés, venant après la «réforme» Balladur, a de nouveau considérablement baissé le niveau de vie des travailleurs qui sont partis à la retraite après sa mise en oeuvre.
On se demande vraiment combien d'électeurs supplémentaires Jospin aurait perdu si, au lieu de s'être contenté de préparer cette réforme, il l'avait mise en application.
Mais Jospin ne dépare pas la cohorte des différents postulants à l'investiture du Parti Socialiste pour l'élection présidentielle de 2007. Par exemple, ils se réfèrent tous à une plate-forme qui propose de porter le smic de 1 500 euros d'ici 2012... niveau qu'il atteindra d'ici là quasiment automatiquement de toute manière. Seul Fabius a considéré qu'il devait, pour son image, faire un pas à gauche. Alors il en a rajouté un peu en déclarant qu'il s'engageait, s'il était élu, à augmenter immédiatement le smic de 100 euros par mois. Mesure cependant accompagnée de nouvelles baisses de cotisations sociales pour le patronat. Fabius veut bien faire un pas à gauche, mais il ne faudrait pas exagérer! Il promet une augmentation du smic bien insuffisante par rapport au recul du pouvoir d'achat des travailleurs. Un recul manifeste, ne serait-ce qu'en ne tenant compte que des augmentations du gaz et de l'électricité, des transports, du prix des fruits et légumes, même en pleine saison, et surtout des loyers.
De l'autre côté les dégrèvements de cotisations sociales qu'il promet aux patrons se traduiraient nécessairement par une baisse des rentrées de la Sécurité sociale avec à terme, et n'en doutons pas très rapidement, de nouvelles baisses des remboursements, une nouvelle «réforme» amputant les retraites et les indemnités de chômage. Ce serait donner, un peu, d'une main et reprendre, beaucoup, des deux mains.
Le gouvernement n'agit pas autrement. La droite, qui depuis quatre ans mène cyniquement une politique de régression sociale sous les ordres du patronat auquel elle sacrifie son crédit électoral, essaie actuellement, peut-être trop tardivement, de ne plus être le meilleur agent électoral, et peut-être le seul, du Parti Socialiste, qui n'a rien dans son programme, sauf quelques semblants de promesses sans précision aucune, en faveur du «peuple de gauche».
Le gouvernement envisagerait donc, non pas de relever les bas salaires, ce qui léserait les profits du patronat, mais d'augmenter la «prime pour l'emploi» versée par l'État aux bas salaires depuis 2001 (c'était une création de Jospin et de Fabius). Mais cela aussi revient à faire un trou dans le budget de l'État, que l'on comblera comme d'habitude par une diminution des crédits à ceux des services publics qui sont les plus utiles à la population: transports, hôpitaux, éducation nationale, construction de logements à loyers modérés.
Ce que les dirigeants de la droite et ceux de la gauche ont en commun, les premiers cyniquement, les seconds hypocritement, c'est de ne pas vouloir s'en prendre aux profits patronaux.
C'est dire que si nous voulons changer notre sort, ce n'est pas sur le résultat des élections de 2007 qu'il faut compter. Et puisque nous sommes à la veille de ce que l'on appelle la «rentrée sociale», ce serait le moment, pour les directions des confédérations syndicales qui prétendent défendre les travailleurs, de nous dire ce qu'elles comptent faire pour organiser la riposte qui s'impose face à l'offensive que mène contre le monde du travail, grâce au chômage entretenu, le grand patronat avec l'appui de gouvernements aux ordres.

Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 31 août 2006
Des bateleurs de foire, mais malfaisants
Le parti au pouvoir, l'UMP, a été le dernier à organiser ce spectacle destiné à attirer les médias que les formations politiques appellent «université d'été». Le grand ordonnateur du spectacle, Sarkozy, a fait donner Johnny Halliday et quelques autres, paraît-il pour plaire aux jeunes. Mais il n'est pas dit que la présence à ses côtés du rappeur Doc Gynéco ait gommé dans la mémoire des jeunes de banlieue d'avoir été traités de «racailles» dont il fallait se débarrasser à coups de Kärcher.
Côté politique, Sarkozy a insisté sur sa volonté de rupture. Pas avec la politique antiouvrière du gouvernement, bien sûr. De ce côté-ci, Sarkozy veut continuer à sévir, comme le gouvernement dont il fait toujours partie, mais en faisant plus encore pour servir la soupe au grand patronat. Ovationné debout au rassemblement du Medef, il a promis aux patrons de restreindre le droit de grève.
Il ne suffit évidemment pas de se faire applaudir par un parterre de patrons pour que les travailleurs acceptent que ce genre de projet soit appliqué. Mais les intentions de Sarkozy sont claires: il veut gouverner à droite d'une manière encore plus autoritaire pour aggraver le sort du monde du travail, afin de pouvoir combler encore plus le grand patronat.
La rupture, dans la bouche de Sarkozy, consiste surtout à dire à Chirac : «Ôte-toi de là que je m'y mette»!
Quant au gouvernement, il vient de supprimer les charges patronales sur le SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés. Le Medef, jamais content, a aussitôt demandé que la mesure soit élargie aux entreprises de moins de 50 salariés. Et de prétendre que ce genre de mesure soulage les petits patrons, en même temps qu'elle les incite à créer des emplois.
Mais ces prétendues petites entreprises sont souvent des sous-traitants de plus grosses, quand elles n'en sont pas des filiales. La suppression des charges patronales gonflera encore le profit des grosses entreprises et le revenu de leurs actionnaires. Et quant aux créations d'emplois, même la très officielle Cour des comptes affirme poliment que ce n'est pas démontré.
Chaque suppression de charges représente, en revanche, une nouvelle diminution de recettes pour la Sécurité sociale. Et le gouvernement brandira le déficit de la Sécurité sociale pour expliquer qu'il faut baisser les remboursements, accepter de nouveaux forfaits à la charge des assurés et de nouvelles amputations des pensions de retraite et des allocations de chômage.
Le gouvernement a le culot de prétendre que le chômage baisse et s'en glorifie. Cela ne convaincra pas les travailleurs qui ont dans leur famille des chômeurs ou des précaires. Les chiffres du gouvernement sont des mensonges résultant de manipulations statistiques. Un emploi précaire de deux jours suffit pour qu'un chômeur soit rayé des listes, sans parler de toutes les pressions sur les employés de l'ANPE, pour les obliger à radier des chômeurs sous n'importe quel prétexte.
Les travailleurs ont toutes les raisons d'être écoeurés par ce gouvernement et de souhaiter en être débarrassés, car c'est tout ce que mérite ce gouvernement réactionnaire et cyniquement antiouvrier. Mais, malgré leurs différences de langage, ce que les dirigeants de la gauche ont en commun avec la droite, c'est qu'ils ne veulent pas s'en prendre, pas plus que le gouvernement en place, aux profits patronaux. Cela signifie que la gauche, même revenue au pouvoir, ne fera rien pour empêcher les patrons de licencier, de délocaliser ou de remplacer les CDI par des contrats précaires. Elle ne les obligera pas à augmenter les salaires, alors que les hausses de prix font dégringoler le pouvoir d'achat, même pour les salariés qui ont un emploi stable.
Les élections de 2007 peuvent aboutir à un changement de président et de gouvernement. Mais pour changer le sort du monde du travail, pour stopper l'offensive du patronat, il faut la riposte des travailleurs. Une riposte d'une ampleur telle que, quel que soit le président, le patronat soit obligé de céder.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 7 septembre 2006
Les empoisonneurs
Le nombre de victimes des déchets mortels déversés à Abidjan, principale ville de la Côte-d'Ivoire, dans une dizaine de décharges à l'air libre, au milieu des habitations, ne cesse d'augmenter. Ces déchets toxiques ont été transportés par un navire battant pavillon panaméen, appartenant à une compagnie grecque et affrété par une société multinationale dont les dirigeants seraient français. Ladite multinationale a passé un contrat avec une société locale qui a traité ces déchets toxiques, sous-produits de raffinage du pétrole, comme de vulgaires eaux sales.
Aux habitants des quartiers concernés, inquiétés par l'odeur nauséabonde, des autorités locales ont répondu, suivant le cas, qu'il s'agissait d'une campagne de démoustication ou, encore, de mesures de prévention contre le choléra.
Le pouvoir a attendu plus de deux semaines pour réagir, lorsque des manifestations de plus en plus nombreuses, des barricades exprimant la colère des habitants ont menacé de bloquer la ville. Entre-temps, le bateau avait quitté le port d'Abidjan, l'armateur assurant que le déchargement était légal car il avait toutes les autorisations nécessaires. Tout en faisant réprimer violemment les manifestations, le Premier ministre a présenté la démission de son gouvernement. Mais le président de la République l'a aussitôt chargé de constituer le nouveau gouvernement. Et pour le moment, dans la chaîne de responsabilités qui va du capitaine du port jusqu'au gouverneur du district et des ministres, seuls quelques lampistes sont poursuivis. Le bilan est de six morts. Dix mille personnes sont passées dans les hôpitaux avec les symptômes d'une intoxication plus ou moins grave. Ce bilan, déjà grave, n'est que provisoire car ceux qui passent par les hôpitaux en repartent avec juste quelques comprimés d'aspirine ou du sirop contre la toux car les hôpitaux ne disposent pas des médicaments nécessaires. Et, surtout, les victimes, en retournant chez elles, continuent à subir l'empoisonnement.
Pendant combien de temps ? Car l'État ivoirien ne dispose pas des moyens nécessaires pour se débarrasser de ces déchets toxiques. Personne ne sait, en outre, à quel point les nappes phréatiques elles-mêmes sont empoisonnées.
Bien sûr, seul un pouvoir corrompu jusqu'à l'os pouvait accorder l'autorisation de déverser des produits hautement toxiques et qui plus est dispersés en plusieurs points d'une ville de quatre millions d'habitants! S'il avait cherché à empoisonner la population, il ne s'y serait pas pris autrement !
Cela éclaire ce que sont le pouvoir et les hommes qui l'incarnent à différents niveaux dans bien des pays pauvres. Mais qui dit corruption et corrompus, dit aussi corrupteurs. On ne sait pas au juste qui a produit les déchets toxiques et qui a décidé de les faire déverser dans un pays pauvre où l'on peut acheter les autorités pour pas cher. Le transporteur et l'affréteur se rejettent la responsabilité. Ce n'est certes pas la première fois que des groupes industriels d'Europe occidentale ou des États-Unis se débarrassent de leurs déchets toxiques dans des pays pauvres sans s'occuper des conséquences désastreuses pour la population. Que l'on se souvienne aussi de la récente affaire du Clémenceau, ce navire de guerre que le gouvernement français voulait envoyer en Inde pour désamiantage.
Pendant que les dirigeants politiques parlent cyniquement de la nécessité de codéveloppement pour justifier l'instauration de barbelés contre l'immigration venant de pays pauvres, voilà le seul codéveloppement pour pays pauvres: devenir la poubelle des industriels des pays riches.
Le crime commis à Abidjan -car cela en est un- illustre le fonctionnement d'une économie où la recherche du profit est censée tout justifier. Traiter les produits toxiques pour les rendre inoffensifs ou, lorsque cela n'est pas possible, les enfouir sans que cela cause des dégâts, cela coûte cher, cela rogne les profits, en l'occurrence ceux des raffineries des trusts pétroliers. Alors on va les déposer devant la porte des pauvres. Dans ce cas précis, il est estimé que se débarrasser de ces déchets en Côte-d'Ivoire a coûté dix à quinze fois moins cher que n'aurait coûté leur traitement dans un grand port européen équipé pour cela.
C'est la même logique, celle du profit au détriment des êtres humains et de la société, qui a conduit aussi à la pollution des côtes bretonnes par le naufrage de l'Erika. Cette pollution n'a pas fait de morts, si ce n'est dans la faune. Mais l'utilisation de l'amiante des décennies après que sa nocivité a été connue, elle, a fait des morts et continue à en faire.
Au-delà de la responsabilité de la chaîne de corruptions dans l'empoisonnement d'Abidjan, il y a celle, fondamentale, d'un système économique dont les dégâts pour l'humanité sont incommensurables.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 14 septembre 2006
Sarkozy et les retraites: il nous avertit des coups qu'il nous prépare
Sarkozy persiste et signe. Reprenant la proposition de son compère Fillon, il a annoncé qu'il a l'intention de s'en prendre aux quelques catégories de salariés dont les retraites n'ont pas été affectées par les lois Balladur puis Raffarin: cheminots, employés de La Poste, agents de la RATP, travailleurs d'EDF et de GDF, notamment. Villepin puis Chirac ont tenté de mettre un bémol aux déclarations de Sarkozy. Mais Sarkozy dit tout haut ce que le patronat souhaite et que la droite se prépare à faire. Leurs discussions ne portent que sur l'opportunité d'annoncer en période électorale les attaques programmées.
Depuis plus de dix ans, les gouvernements mènent la guerre contre les retraités d'aujourd'hui et de demain, c'est-à-dire contre tous les salariés. Balladur avait commencé en 1993, en faisant passer le nombre d'années de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans pour les travailleurs du privé, repoussant par là même l'âge de la retraite pour beaucoup, et en diminuant les pensions, notamment par le changement de la base de calcul, passant des dix aux vingt-cinq meilleures années de salaire.
En 1995, Juppé reprit les attaques contre les salariés du secteur public. Il dut reculer et remballer son projet devant les grèves.
Pendant ses cinq ans de gouvernement, Jospin n'est pas revenu sur les mesures Balladur. La droite revenue au pouvoir, Raffarin a pu continuer le sale travail en s'attaquant aux retraites des salariés du public.
À chaque attaque, les gouvernements prétendent que c'est une nécessité, car le nombre des retrait??s s'accroît par rapport à celui des actifs. C'est une fumisterie. Jamais ces gens-là ne parlent de l'accroissement de la productivité. Ceux qui travaillent sur les chaînes des usines d'automobiles savent que, d'année en année, on produit de plus en plus de voitures avec de moins en moins d'ouvriers. Il n'y aurait pas de problème des retraites si la productivité du travail était mieux répartie: moins pour les actionnaires, plus pour les travailleurs.
Au moment même où, relayant les déclarations de Sarkozy et de Fillon, une partie de la presse a mené campagne pour présenter les cheminots ou les postiers comme des privilégiés, les quarante principales entreprises du pays ont fait état d'une augmentation record de leurs bénéfices. Rien qu'une fraction de ces sommes pourrait assurer une retraite correcte à tous.
Mais, pour ceux qui nous gouvernent, il n'est pas question de toucher aux privilèges, réels ceux-là, des actionnaires dont les revenus augmentent de 20% à 30% par an, sans rien faire, sans être utiles à la société. C'est sur leurs dividendes qu'il faudrait prélever ce qui manque sur les retraites de ces salariés qui les font vivre et s'enrichir.
Ne nous y trompons pas: dans les attaques de Sarkozy, il ne s'agit pas seulement de la retraite des cheminots ou des salariés d'EDF et GDF. Chaque attaque en annonce de nouvelles. Jusqu'où vont-ils repousser l'âge de la retraite? Jusqu'où vont-ils réduire les pensions? Jusqu'à ce que, pour une grande partie des salariés, il ne reste plus que cette alternative: crever au travail avant de pouvoir prendre sa retraite, ou crever de misère une fois retraité.
Lorsque Raffarin s'est attaqué aux retraites du service public, il a eu le cynisme de présenter son projet comme un acte de justice, pour égaliser la situation des salariés du privé et du public. Sarkozy ressort le même couplet aujourd'hui.
Il y a pourtant une autre façon d'assurer cette justice: annuler les mesures Balladur et Raffarin et revenir aux 37 ans et demi de durée maximum de cotisation, et assurer une pension correcte à tous les retraités.
Mais pour cela, il ne faudra compter sur aucun gouvernement. Cela ne pourra qu'être imposé par les salariés, qui ne pourront indéfiniment supporter les coups qu'on leur porte.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 21 septembre 2006
Travailleurs, nous sommes tous des immigrés !
Des centaines d'immigrés, hommes, femmes et enfants, sont entassés dans un gymnase de Cachan, en banlieue parisienne, depuis un mois, depuis leur expulsion musclée d'un foyer d'étudiants où ils avaient trouvé refuge pendant trois ans.
Les interventions policières comme les confrontations politiques qui se déroulent à ce propos ont fait, de ce qui se passe à Cachan, le symbole de la situation des travailleurs immigrés.
À qui fera-t-on croire qu'un pays riche comme la France est incapable d'assurer un logement aux quelques centaines de personnes entassées dans des conditions infectes, qu'elles aient un titre de séjour ou pas ? D'autant que le maire d'une commune proche propose un bâtiment désaffecté appartenant à l'État, qui pourrait les accueillir. Mais le préfet, couvert par le ministre de l'Intérieur, Sarkozy, refuse cette solution.
Car multiplier les provocations policières autour du gymnase, les arrestations spectaculaires de sans-papiers suivies d'expulsions, donne à Sarkozy l'occasion de parader à la télévision et d'afficher sa fermeté sur l'immigration. C'est à l'électorat de Le Pen que Sarkozy s'adresse: «Voyez donc, j'ai le même programme que Le Pen mais moi, je l'applique déjà comme ministre et, contrairement à lui, j'ai une chance d'être élu président de la République».
Cette démagogie électorale, Sarkozy la mène avec la peau des autres, en premier lieu ceux qui ont été arrêtés et expulsés alors qu'ils ont ici leur famille et leurs enfants. Mais la campagne contre l'«immigration illégale» rend plus dure la vie de tous les travailleurs immigrés avec la multiplication des contrôles au faciès, les vexations policières et patronales.
Sachant que les chaînes de production et le bâtiment ne peuvent pas se passer de travailleurs immigrés, Sarkozy parle d'«immigration choisie». Choisie évidemment par le gouvernement français, en fonction des besoins du grand patronat! L'expression avait suscité la réaction de dirigeants africains, dont celui du Sénégal qui rejetait l'idée que son pays soit considéré comme un vivier où l'on sélectionne en fonction des seuls besoins de l'économie française, au risque de priver le pays d'origine d'hommes et de compétences.
Et voici Sarkozy qui revient du Sénégal avec un accord parlant d'«immigration concertée». En clair, en contrepartie de quelques crédits, l'État du Sénégal apportera sa collaboration pour empêcher ses citoyens de fuir la misère.
Mais si les dirigeants africains peuvent se contenter d'un changement de mots, «concertation» à la place d'«immigration choisie», ce n'est pas le cas de ceux qui sont poussés vers l'émigration. Ce n'est pas par plaisir ni par pur goût de l'aventure qu'un nombre croissant de jeunes du Sénégal ou d'ailleurs choisissent de quitter leur pays pour aller en Europe au risque de leur vie. Ils sont chassés par la misère et par l'espoir de trouver un travail et une vie meilleure.
Et promettre le «codéveloppement» comme alternative à l'émigration est une sinistre plaisanterie.
Les institutions officielles elles-mêmes reconnaissent que le flux d'argent allant vers l'Afrique est très inférieur à l'argent qui en revient, c'est-à-dire les profits, les intérêts, les remboursements qui vont des pays pauvres vers les pays riches. Non seulement il n'y a pas de codéveloppement, mais l'Europe continue à vider l'Afrique de sa substance.
Alors, les dirigeants peuvent élever des barbelés autour de l'Europe, l'immigration continuera. Et notre intérêt à nous, travailleurs de France, n'est certainement pas de prétendre que les travailleurs immigrés sont responsables du chômage, mais de les accueillir en frères et d'en être solidaires lorsqu'ils revendiquent le droit à une vie normale, sans exactions policières, sans menace d'expulsion.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 28 septembre 2006