Conférence de presse de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, sur l'assurance chômage, GDF et Suez et le CPE, Paris le 25 septembre 2006.

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Q - Le Medef a proposé aux partenaires sociaux d'ouvrir un cycle « d'échanges de vues » sur plusieurs sujets liés au travail ; La CFDT y répond-elle favorablement ?
R - La CFDT se rendra à cette invitation. À l'origine, il s'agit de respecter la décision, prise par les partenaires sociaux dans l'accord Unédic de décembre 2005, de réaliser une remise à plat de l'Assurance-chômage. Le Medef propose d'élargir cette réflexion à d'autres sujets : le contrat de travail et la sécurisation des parcours. Ces thèmes étaient portés par nos débats de congrès. Nous sommes donc favorables à une confrontation avec le patronat sur ces sujets.
Au-delà de cette rencontre, je vois dans cette démarche deux avantages pour le syndicalisme que porte la CFDT. Le premier, c'est d'éviter que l'entrée en campagne présidentielle se traduise par le gel de toute réflexion sur les problèmes des salariés. Deuxièmement, au moment où le gouvernement réfléchit à une évolution des règles du dialogue social, les partenaires sociaux montrent qu'ils sont capables de réfléchir, de confronter des points de vue et de faire des propositions sur des questions de fond. Précisons aussi qu'à ce stade, il s'agit d'ouvrir des réflexions sur des thèmes précis, et en aucun cas de débuter des négociations. Cette éventualité se posera après.
Q - Sur la remise à plat de l'Assurance-chômage, quelle est l'approche de la CFDT ?
R - Nous faisons un constat : le système est à bout de souffle. C'est un empilement de mesures qui ne font plus sens les unes par rapport aux autres, et qui ne répondent plus à la situation du chômage d'aujourd'hui. Elles ne tiennent pas assez compte, par exemple, de la précarité grandissante du salariat. Elles sont aussi parfois exploitées par les entreprises pour organiser une plus grande flexibilité. Nous estimons qu'il faut tout remettre à plat pour construire un nouveau système plus adapté au marché actuel du travail, avec une attention particulière aux populations les plus fragiles que sont les femmes, les jeunes, les personnes en situation de précarité. L'objectif est de placer le chômeur au centre du système, d'améliorer son retour à l'emploi. La crise du CPE a retardé ce chantier, il est temps de le lancer.
Q - Comment cette démarche s'inscrit-elle dans la sécurisation des parcours professionnels ?
R - La notion de sécurisation des parcours repose sur le fait que chaque salarié, de sa sortie du système de formation initiale jusqu'à sa retraite, doit avoir une trajectoire professionnelle la plus continue possible, que les périodes de chômage ne provoquent pas de ruptures brutales et qu'il puisse rebondir dans sa carrière. Un système d'assurance-chômage rénové doit participer à cette sécurisation.
Q - Concernant la réforme du dialogue social, va-t-on aboutir prochainement ?
R - À l'heure actuelle, on se rend compte dans notre pays - et cela ne surprend pas la CFDT - qu'entre les discours volontaristes et la capacité de changer les règles, il y a un gouffre pour beaucoup. Certains responsables politiques ne démordent pas d'une conception totalement étatiste du social tandis qu'une tradition syndicale non moins étatiste, portée notamment par FO et la CGT, tout en dénonçant l'intervention trop dirigiste du politique, refuse d'accorder toute leur place aux partenaires sociaux pour participer à la construction du droit dans notre pays.
Face à cette démarche frileuse et à un Medef attaché à une modification constitutionnelle comme seule voie possible, les propositions CFDT sont très claires. À savoir une obligation des gouvernements inscrite dans la loi de proposer à la négociation des partenaires sociaux toute évolution du droit social. En cas de réussite de la négociation, le contenu de l'accord serait repris dans la loi. S'il y a désaccord entre le Parlement et les partenaires sociaux, nous demandons qu'existe un lieu de conciliation. Cela permettrait un espace important de négociation tout en respectant le pouvoir des parlementaires de légiférer. Ce serait un changement fondamental. Il est par ailleurs évident que cette évolution du dialogue social doit aussi concerner les fonctions publiques. Nous attendons les propositions du gouvernement dans les tout prochains jours.
Q - Comment la CFDT aborde-t-elle la campagne présidentielle et les débats de société qui sont d'ores et déjà lancés ?
R - Je ne me plaindrai pas que des sujets sociaux importants soient abordés. On a déploré en 2002 l'accent mis quasi exclusivement sur la sécurité, il ne faut pas que cela se reproduise à nouveau. S'il est donc souhaitable que les responsables politiques abordent les problèmes sociaux, nous refusons en revanche la façon caricaturale de le faire, comme dans le cas des régimes spéciaux de retraite.
Pour la CFDT, il n'est pas question d'intervenir dans le choix des candidats ou de donner une consigne de vote. En revanche, dans les jours qui viennent, nous rencontrerons les partis représentés au Parlement pour leur présenter nos orientations de Grenoble. Dans un deuxième temps, début 2007, une fois les candidats désignés, nous leur exposerons de vive voix nos propositions. Forts des choix que nous avons faits lors de notre congrès, nous serons, plus que d'autres organisations, capables d'être offensifs pour interpeller les candidats.
Q - La conjoncture semble s'améliorer, le chômage est en baisse. Une bonne nouvelle ?
R - C'est une bonne chose, bien sûr. Mais, pour nous, cette évolution reste fragile et nous attendons de voir si cette dynamique s'inscrit dans la durée. La grande majorité des emplois créés sont des contrats précaires : CDD, intérim... Ces emplois seront détruits en premier si la conjoncture se retourne. Concernant la baisse du chômage, rappelons que la CFDT y est aussi pour quelque chose. Ainsi, avec les départs en retraite anticipée pour " carrières longues ", que nous avons obtenus dans la loi de 2003, ce sont 300 000 personnes qui ont libéré leur poste. Le Pare, dont nous sommes à l'origine, a eu un effet important sur l'accompagnement des chômeurs vers l'emploi. Et c'est nous, aussi, qui avons poussé pour la mise en place du plan de cohésion sociale, qui contient d'importantes mesures de traitement social du chômage (contrats aidés, dispositifs d'alternance...). Au final, ce n'est pas seulement l'économie qui fait son effet sur l'emploi, c'est aussi le traitement social et les évolutions démographiques. Mais, pour que la tendance soit durable, il faut augmenter l'investissement dans la recherche, le développement, la formation.
Q - Le gouvernement a proposé la tenue d'une conférence sur l'emploi et les revenus. La CFDT est satisfaite ?
R - Nous demandons une conférence sur les revenus depuis un an. C'était d'ailleurs une de nos revendications lors de la manifestation du 4 octobre 2005. Le gouvernement souhaite l'élargir aux questions d'emploi. Il est juste de lier les deux sujets. Nous y participerons dans l'idée d'aborder tous les éléments du dossier. Y compris les politiques publiques en la matière, car elles ont une influence sur les revenus et le pouvoir d'achat, que ce soit la politique des transports, des loyers, l'assurance maladie, la fiscalité. Nous voulons aussi parler des 24 Md? d'allègements de charges, concentrés autour du Smic, qui ont pour conséquence de maintenir beaucoup de salariés dans cette zone. Aujourd'hui, 40 % d'entre eux sont payés entre 1 fois et 1,5 fois le Smic. D'où cette situation paradoxale en France, où des emplois qualifiés sont moins bien rémunérés que chez nos concurrents.
Q - Le congrès a décidé de débattre de la réforme des retraites et du contrat de travail. Comment ce débat va-t-il se mettre en oeuvre au sein de la CFDT ?
R - À Grenoble, je me suis engagé à poursuivre la démarche de dialogue interne avec les militants et les adhérents. Le Bureau national a décidé la semaine dernière de lancer fin octobre des rencontres de syndicats afin d'expliquer les décisions du congrès et d'ouvrir la réflexion sur l'évolution du contrat de travail dans le cadre de la sécurisation des parcours professionnels. Deuxième initiative : la mise en place dès novembre d'un groupe de travail du BN en vue de la préparation d'un dossier sur nos systèmes de retraite, qui sera proposé aux fédérations et aux régions en début d'année. Avant l'été 2007, nous organiserons une seconde série de rencontres. Tant sur les retraites que sur le contrat de travail, il y aura des débats avec les militants avant de fixer des orientations pour la CFDT.
Q - Après trois mois, quel bilan tires-tu du congrès de Grenoble ?
R - Les deux grands objectifs ont été atteints en démontrant notre capacité à dépasser nos difficultés et à rebondir, autrement dit confronter nos idées sans remettre en cause l'équilibre de l'organisation. Mais nous avons aussi prouvé notre aptitude à nous positionner sur des sujets comme le statut des entreprises publiques, l'utilisation de la grève, notre représentativité, le contrat de travail ou les retraites, entre autres. Les militants se sont engagés de façon claire. Ils ont donné leur confiance aux responsables. Mais cette confiance est assortie d'une grande vigilance. D'où un travail des quatre années à venir exigeant qui nécessitera le développement de pratiques participatives afin d'installer durablement la confiance entre militants et responsables.Source http://www.cfdt.fr, le 29 septembre 2006