Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
La nouvelle est tombée cette semaine, à quelques jours de la grande foire de l'automobile à Paris : le groupe PSA, Peugeot-Citroën réduira ses effectifs de 10.000 personnes en Europe de l'ouest et annule le projet de construire une usine en Slovaquie. Les suppressions d'emplois ont déjà commencé par la réduction du nombre d'intérimaires et par la fermeture précédemment annoncée de l'usine de Ryton en Angleterre.
Que les suppressions d'emplois concernent les précaires ou les CDI, c'est la vie de plusieurs milliers de familles ouvrières qui sera bouleversée, sans parler de la catastrophe que représente, pour la région de Ryton, la fermeture complète de l'usine Peugeot et, pour la région concernée de Slovaquie, l'abandon du projet d'une nouvelle usine et de l'espoir de créations d'emplois qui allaient avec. Et les travailleurs de l'usine de Rennes ont toutes les raisons d'être inquiets.
Une fois de plus, une grande entreprise a décidé, dans le secret de son conseil d'administration, des conditions d'existence et de la vie de milliers de femmes et d'hommes. La raison invoquée, c'est que la marge bénéficiaire de l'entreprise n'est pas aussi élevée que la direction l'espérait.
Cette raison est révoltante en elle-même. Mais de plus, personne en dehors des gros actionnaires du groupe ne sait et personne ne peut savoir en fonction de quoi la décision a été prise et quels autres choix, moins dramatiques pour les travailleurs, auraient été possibles.
Notre société se prétend démocratique mais, dans le domaine de l'économie qui détermine les conditions d'existence de toute la population, ceux qui décident vraiment ne sont ni contrôlés ni contrôlables.
Les conseils d'administration de quelques centaines de grandes entreprises ont plus de poids sur la vie de la société que les politiques, y compris le président de la République, pour lesquels on ne vote qu'une fois tous les cinq ans.
C'est, en fait, une véritable dictature économique qui domine la politique et où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire : fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque.
Tout fonctionne à l'envers. Ceux qui font marcher la société et produisent les richesses ne sont pas ceux qui en bénéficient. Au contraire.
Par contre, ceux qui vivent du travail des autres sont ceux qui accaparent une part croissante de la richesse produite.
Le pouvoir d'achat se détériore même pour ceux qui ont un emploi stable. Car tout augmente : le logement, le chauffage, l'électricité, les transports, les prélèvements de toute sorte. Mais, au train où vont les choses, avoir un emploi stable sera considéré par ceux qui nous gouvernent comme un privilège tant la précarité se généralise, tant monte la misère à travers des emplois à temps partiel imposé, des contrats de courte durée, parfois même, cela s'est vu, des embauches pour une seule journée !
Le gouvernement prétend que le chômage baisse. C'est un mensonge. Les statistiques du chômage sont trafiquées, comme sont trafiquées les informations. Mais qui ne voit pas la pauvreté qui monte ? Qui ne sait pas que, lorsqu'on a perdu un emploi à peu près convenablement payé, on n'a aucune chance d'en retrouver un autre de même nature ? Les emplois nouvellement créés sont insuffisants et, de plus, les deux tiers d'entre eux sont des emplois précaires ! Ce qui signifie que, si on sort du chômage aujourd'hui, c'est pour y retomber demain !
Par contre, lorsque les journaux annoncent triomphalement -comme si on devait s'en réjouir !- que les profits des entreprises s'envolent, cela signifie en clair que leurs actionnaires encaissent des dividendes de plus en plus élevés, sans rien faire de leurs dix doigts.
On nous dit que c'est la mondialisation, la concurrence qui est responsable des fermetures d'usines, des licenciements, des délocalisations. C'est vrai qu'une économie dont le fonctionnement est guidé par le marché est une économie irrationnelle et inhumaine. Elle secrète inévitablement des licenciements, du gaspillage, le chômage et les crises.
Mais en invoquant les seules nécessités de la concurrence, les patrons licencieurs cherchent surtout à dégager leur propre responsabilité. Car si, pour résister à la concurrence internationale, il faut baisser les prix sur le marché, il y a un autre moyen que de baisser les salaires et d'imposer des sacrifices à ceux qui travaillent. On pourrait baisser les prix en baissant les bénéfices. Mais quel est le conseil d'administration qui prendrait cette décision sans y être contraint ?
Ces profits servent si peu aux investissements utiles. Ils ne servent pas à créer de nouvelles usines et de nouveaux emplois.
Ces profits ne servent qu'à enrichir un peu plus ceux qui sont déjà riches. Ils servent à augmenter la consommation de luxe. Et ils ne servent surtout qu'à alimenter des batailles boursières où les entreprises se rachètent les unes les autres, en jetant, au passage, à la rue un contingent supplémentaire de travailleurs.
Alors oui, l'emprise actuelle des conseils d'administration des grandes entreprises sur la société, avec comme motivation la seule recherche du profit, conduit à la catastrophe.
Le seul moyen d'empêcher la société d'aller droit dans le mur est de soumettre les grandes entreprises, les banques, au contrôle de la collectivité.
Tout le reste en découle. Résorber le chômage ne pourra se faire qu'en donnant un droit de regard aux travailleurs, à la population, sur la gestion des finances des grandes entreprises.
Il faut que toute la population, à commencer par l'ensemble des travailleurs de ces grandes entreprises qui sont les mieux placés pour le faire, puissent contrôler les circuits de l'argent, celui qui entre, par où il passe, vers qui il sort, vérifier les choix qui sont faits, en fonction de quoi et au profit de qui. On pourrait alors se rendre compte que les fermetures d'usines, que les licenciements, sont des choix, et que des choix, il y en aurait d'autres. Moins favorables, sans doute, aux actionnaires, mais plus favorables à toute la société, en passant par les travailleurs qui les enrichissent.
Il faut que les travailleurs, que la population, puissent avoir connaissance longtemps à l'avance des projets des entreprises et qu'ils puissent peser sur leurs décisions. C'est le seul moyen de créer des emplois utiles en montrant qu'on pourrait offrir du travail à tout le monde en répartissant les heures de travail, et cela sans même de baisse des salaires. Cela permettra même sûrement de prouver qu'il est possible d'augmenter les salaires pour que chacun puisse vivre correctement.
Cela diminuera les dividendes et, donc, les revenus des actionnaires ? Mais il n'y a pas de raisons que ces gens-là accumulent de plus en plus, vivent dans le luxe, pendant que la classe productive s'appauvrit !
Il faut aussi donner aux services publics utiles à toute la population, comme les hôpitaux publics, les écoles, les transports en commun, les logements sociaux, tous les moyens dont ils ont besoin, en augmentant en conséquence les impôts sur les profits des entreprises comme sur les hauts revenus.
Ces objectifs-là sont vitaux pour le monde du travail. On ne peut pas les obtenir sans prendre sur les profits des entreprises. Ces profits, la collectivité y a droit. Elle y a droit parce qu'ils résultent du travail collectif. Ils devraient servir d'abord à ce qui est indispensable à la collectivité.
Tout cela ne peut se réaliser simplement par des élections. Cela ne peut être imposé que par la lutte collective du monde du travail. Mais, à l'élection présidentielle, on peut au moins s'exprimer par son vote sur de tels objectifs clairement affirmés, sans se contenter de soutenir ceux qui nous mentent ou ceux qui nous bercent de vagues promesses.
Aucune élection ne change en elle-même le rapport de forces entre la bourgeoisie qui dirige l'économie et les classes travailleuses. Mais il est important que, face aux grands partis qui, tous, se situent sur le terrain de l'économie capitaliste, s'affirme un courant exprimant les intérêts politiques des travailleurs.
Il faut que ce courant s'affirme, en premier lieu, contre la droite au pouvoir. Ces gens-là, les Chirac, Villepin, Sarkozy, sont tous ouvertement au service des plus riches. Leur préoccupation constante est de leur donner des moyens supplémentaires pour s'enrichir davantage. Réduire leurs impôts, quitte à ce que le budget de l'Etat manque d'argent pour les hôpitaux ou l'Education nationale. Réduire, voire supprimer, leurs charges sociales, quitte à enfoncer la Sécurité sociale dans le déficit et, ensuite, à exhiber ce déficit pour faire payer les salariés. Arroser les entreprises déjà largement bénéficiaires d'aides et de subventions.
Pour les salariés, en revanche, les cinq années que les hommes de la droite auront passées au pouvoir, sont une succession de mauvais coups.
La « réforme » des retraites, c'est l'allongement de la durée de travail et l'amputation des pensions.
La « réforme » de l'assurance maladie, c'est l'augmentation des cotisations des salariés et la diminution des prestations.
La réforme du code du travail, c'est débarrasser la législation sociale du peu qui protège les travailleurs. Comme, par exemple, le CNE ou Contrat nouvelle embauche, qui permet à de nombreuses entreprises d'embaucher tous les nouveaux salariés avec une période d'essai de deux ans, situation encore pire qu'un contrat à durée déterminée qui doit en principe aller jusqu'à son terme. En fait, la plupart de celles de moins de 20 salariés auxquelles le CNE s'applique useront et abuseront de cette possibilité.
La seule réforme qu'ils n'ont pas réussi à imposer est le CPE, que la mobilisation de la jeunesse les a obligés à remballer.
Tout laisse à penser que la droite sera représentée à l'élection présidentielle par Sarkozy, le clone de Le Pen, l'homme qui veut nettoyer les quartiers populaires au kärcher, l'homme dont les classes populaires ne peuvent attendre que des coups redoublés.
Si son cynisme frise la franchise, c'est qu'il cible l'électorat de droite et d'extrême droite, le plus haineusement anti-ouvrier et anti-pauvre. Ce qu'il dit aux électeurs d'extrême droite, c'est « voyez donc, j'ai le même programme que Le Pen mais, moi, je l'applique déjà comme ministre et, contrairement à lui, j'ai la chance d'être élu président de la République ».
Il s'adresse à cet électorat réactionnaire qui estime qu'un salarié n'est jamais assez flexible, mais toujours trop payé. Cet électorat qui pense que les chômeurs ne le sont que parce qu'ils ne veulent pas travailler. Un électorat qui aime entendre la promesse de multiplier, dans les quartiers populaires, le nombre des policiers plutôt que celui des enseignants.
Mais, même là, c'est de la démagogie. Sarkozy se paie de mots provocateurs parce qu'il n'y a pas d'argent, ni pour les uns ni pour les autres, lorsqu'il s'agit des quartiers populaires. Non, l'argent de l'Etat est réservé au grand patronat !
Ma candidature est celle du rejet radical non seulement de cet homme et de la clique politique qu'il représente, mais aussi l'exploitation économique de la classe travailleuse par la minorité riche que la droite défend avec acharnement.
Mais il faut aussi affirmer les intérêts politiques et les objectifs économiques et sociaux des travailleurs face au candidat ou à la candidate du PS.
Je me garderai bien de faire des pronostics, si ce n'est un seul : que ce soit l'une ou l'autre, son seul argument réellement efficace dans la campagne électorale sera que son élection nous débarrasserait de Sarkozy.
C'est un argument de poids, en effet.
Mais qui peut espérer raisonnablement qu'une présidence socialiste, qu'un gouvernement socialiste, veuille et puisse changer réellement le sort des travailleurs ? Qui peut raisonnablement espérer qu'un gouvernement socialiste annule toutes les mesures anti-ouvrières prises par la droite ?
Et, à bien plus forte raison, qui peut espérer qu'il résorbe le chômage, augmente les salaires, assure aux retraités une pension qui permette de vivre ? Comment croire qu'il fera ce que le gouvernement Jospin n'a pas fait pendant les cinq ans de son existence ?
Regardons les participants au concours pour désigner le candidat du PS à l'élection présidentielle. Ils sont plus nombreux que jamais. Même Jospin, le même Jospin qui, en 2002, avait fait ses adieux à la scène politique en lâchant dans la défaite ses troupes et ses électeurs, a fait un tour d'essai. Le voilà qui se retire de la course en essayant de se poser en autorité morale. Il faut croire que son retour n'a pas déclenché une ferveur excessive même dans son propre parti.
Mais ne sont-ils pas des revenants aussi, les autres, tous les autres ? Ils sont tous des anciens ministres de Jospin, et à ce titre tous responsables de sa politique qui a déçu l'électorat populaire au point qu'il se détourne massivement du candidat socialiste en 2002 ?
Auraient-ils changé depuis 2002 ? Auraient-ils au moins critiqué ce qui, dans leur politique pendant cinq ans, leur a fait perdre une très grande partie de leur propre électorat populaire ?
Non ! Sur tout cela, un silence pas même gêné.
Alors, il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire en vienne à ne rien exiger du PS, en oubliant tout ce que la gauche au pouvoir a fait pour le grand patronat, tout ce qu'elle n'a pas fait pour le monde du travail, en oubliant les déceptions. La haine, oh combien légitime, de la droite ne doit pas se transformer en quitus pour la politique passée de la gauche, ni surtout en un encouragement à recommencer dans l'avenir.
Dans son discours à la fête de L'Huma, Marie-George Buffet a fixé comme objectif de son parti : « Il faut une gauche populaire, courageuse, audacieuse, qui porte contre vents et marées une politique qui change la vie ». Et d'ajouter un peu plus tard : « Je veux le rassemblement le plus large possible, et donc majoritaire ». Marie-George Buffet sait parfaitement que, sur le plan électoral, auquel elle se réfère, la gauche ne peut être majoritaire qu'avec et autour du PS.
Alors, Strauss-Kahn, Fabius, Royal, Lang, c'est cela la « gauche populaire, courageuse et audacieuse » qui « change la vie » ?
Les dirigeants du PC prétendent que, si leur parti recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le PS à infléchir son programme. Mais, même entre 1981 et 1984, où les résultats électoraux du PC dépassaient les 16 %, il n'a pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste, ou alors les ministres du PC étaient d'accord sur tout !
Une fois de plus, le PC reprend, sous une forme à peine renouvelée et enveloppée dans un langage qui se veut revendicatif, la politique qui est la sienne depuis des décennies. Une politique destinée à convaincre les travailleurs que la seule perspective qui s'offre à eux, le seul débouché politique possible, est un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. En défendant cette politique avec les moyens militants dont il dispose, le PC a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte de classe, le seul moyen pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. Et les ministres du PC n'ont fait que cautionner devant les travailleurs la politique des gouvernements auxquels ils appartenaient, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
Je ne veux pas m'étendre ici sur les tentatives de présenter un candidat unitaire à la gauche de la gauche. Nous avons refusé dès le début d'entrer dans ce jeu de poker menteur opposant Marie-George Buffet, Olivier Besancenot, José Bové et quelques autres, qui prétendent tous vouloir oeuvrer pour cette unité à gauche d'on ne sait quelle gauche.
Tout en appelant à voter « non », nous n'avons jamais cru et dit que le vote « non » au référendum sur la Constitution européenne, puisse susciter une « dynamique » et encore moins qu'il ait ouvert une perspective politique représentant un espoir pour les travailleurs. Ce qui réunit les formations politiques et associatives qui participent à cette opération, c'est le plus petit dénominateur commun : la dénonciation des « politiques libérales » ou du « libéralisme ». Mais ce sont des mots creux pour masquer le refus de combattre le capitalisme et la dictature du grand patronat.
Aucun des candidats affirmés au rôle de candidat unitaire n'a de toute façon pas la moindre chance d'être élu président de la République, et même d'être présent au second tour de l'élection. Pas plus que moi-même. Alors, plutôt que de se présenter sur la base d'un compromis inodore, mélangeant la défense du monde du travail, l'interdiction des OGM, le choix du tri sélectif des déchets, et le ralliement au PS, que chacun intervienne donc en défendant clairement sa propre politique pour, au moins, qu'elle serve d'objectif.!
Une partie de ce que nous avons à dénoncer dans cette élection le sera par d'autres également. Je suis d'accord avec Marie-George Buffet, à plus forte raison, avec Olivier Besancenot, lorsqu'ils dénoncent les profits du CAC 40, les bas salaires, la précarité. Il est des questions d'écologie où je partage les points de vue de José Bové. Mais à quoi ça sert d'avoir de bonnes idées sur la répartition des profits ou en écologie si c'est toujours le grand capital qui commande ?
Ce que j'entends populariser dans cette campagne, ce n'est pas seulement la dénonciation d'un système économique injuste et fou, ce n'est pas seulement celle d'une caste politique qui gère loyalement ce système, je veux surtout populariser les objectifs de lutte qui en découlent pour les travailleurs. Et cela, personne ne le fera à notre place.
Bien sûr, nous avons encore un obstacle à franchir, celui de l'obligation légale de présenter 500 parrainages d'élus. Le mode de scrutin, conçu pour favoriser les grands partis, fait que nous n'avons jamais eu le nombre d'élus correspondant à notre représentativité électorale réelle, c'est-à-dire au pourcentage de nos voix. Comme dans le passé, nous ne pouvons compter que sur les sentiments démocratiques d'un certain nombre d'élus, généralement des maires de petites communes qui pensent que ma présence aux élections se justifie et qui sont assez courageux et indépendants pour résister à toutes les pressions des appareils, même s'ils ne partagent pas nos opinions politiques.
J'ai eu l'occasion d'annoncer, il y a quelques jours, que les 500 parrainages sont en voie d'être atteints car 450 élus m'ont promis leur soutien. C'est à la fois beaucoup et pas assez. D'une part, cela nous renforce dans la conviction que je pourrai me présenter. Cependant, ce n'est pas assez car les pressions se font toujours sentir et il suffit qu'une seule signature me manque le jour venu pour que ma candidature ne soit pas possible.
C'est pourquoi nous ne pouvons pas relâcher nos efforts.
Alors, camarades, je vous souhaite une bonne fin de fête pour aujourd'hui et du courage dans l'activité qui me permettra d'être candidate et, ensuite, pour mener la campagne électorale !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 octobre 2006
La nouvelle est tombée cette semaine, à quelques jours de la grande foire de l'automobile à Paris : le groupe PSA, Peugeot-Citroën réduira ses effectifs de 10.000 personnes en Europe de l'ouest et annule le projet de construire une usine en Slovaquie. Les suppressions d'emplois ont déjà commencé par la réduction du nombre d'intérimaires et par la fermeture précédemment annoncée de l'usine de Ryton en Angleterre.
Que les suppressions d'emplois concernent les précaires ou les CDI, c'est la vie de plusieurs milliers de familles ouvrières qui sera bouleversée, sans parler de la catastrophe que représente, pour la région de Ryton, la fermeture complète de l'usine Peugeot et, pour la région concernée de Slovaquie, l'abandon du projet d'une nouvelle usine et de l'espoir de créations d'emplois qui allaient avec. Et les travailleurs de l'usine de Rennes ont toutes les raisons d'être inquiets.
Une fois de plus, une grande entreprise a décidé, dans le secret de son conseil d'administration, des conditions d'existence et de la vie de milliers de femmes et d'hommes. La raison invoquée, c'est que la marge bénéficiaire de l'entreprise n'est pas aussi élevée que la direction l'espérait.
Cette raison est révoltante en elle-même. Mais de plus, personne en dehors des gros actionnaires du groupe ne sait et personne ne peut savoir en fonction de quoi la décision a été prise et quels autres choix, moins dramatiques pour les travailleurs, auraient été possibles.
Notre société se prétend démocratique mais, dans le domaine de l'économie qui détermine les conditions d'existence de toute la population, ceux qui décident vraiment ne sont ni contrôlés ni contrôlables.
Les conseils d'administration de quelques centaines de grandes entreprises ont plus de poids sur la vie de la société que les politiques, y compris le président de la République, pour lesquels on ne vote qu'une fois tous les cinq ans.
C'est, en fait, une véritable dictature économique qui domine la politique et où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire : fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque.
Tout fonctionne à l'envers. Ceux qui font marcher la société et produisent les richesses ne sont pas ceux qui en bénéficient. Au contraire.
Par contre, ceux qui vivent du travail des autres sont ceux qui accaparent une part croissante de la richesse produite.
Le pouvoir d'achat se détériore même pour ceux qui ont un emploi stable. Car tout augmente : le logement, le chauffage, l'électricité, les transports, les prélèvements de toute sorte. Mais, au train où vont les choses, avoir un emploi stable sera considéré par ceux qui nous gouvernent comme un privilège tant la précarité se généralise, tant monte la misère à travers des emplois à temps partiel imposé, des contrats de courte durée, parfois même, cela s'est vu, des embauches pour une seule journée !
Le gouvernement prétend que le chômage baisse. C'est un mensonge. Les statistiques du chômage sont trafiquées, comme sont trafiquées les informations. Mais qui ne voit pas la pauvreté qui monte ? Qui ne sait pas que, lorsqu'on a perdu un emploi à peu près convenablement payé, on n'a aucune chance d'en retrouver un autre de même nature ? Les emplois nouvellement créés sont insuffisants et, de plus, les deux tiers d'entre eux sont des emplois précaires ! Ce qui signifie que, si on sort du chômage aujourd'hui, c'est pour y retomber demain !
Par contre, lorsque les journaux annoncent triomphalement -comme si on devait s'en réjouir !- que les profits des entreprises s'envolent, cela signifie en clair que leurs actionnaires encaissent des dividendes de plus en plus élevés, sans rien faire de leurs dix doigts.
On nous dit que c'est la mondialisation, la concurrence qui est responsable des fermetures d'usines, des licenciements, des délocalisations. C'est vrai qu'une économie dont le fonctionnement est guidé par le marché est une économie irrationnelle et inhumaine. Elle secrète inévitablement des licenciements, du gaspillage, le chômage et les crises.
Mais en invoquant les seules nécessités de la concurrence, les patrons licencieurs cherchent surtout à dégager leur propre responsabilité. Car si, pour résister à la concurrence internationale, il faut baisser les prix sur le marché, il y a un autre moyen que de baisser les salaires et d'imposer des sacrifices à ceux qui travaillent. On pourrait baisser les prix en baissant les bénéfices. Mais quel est le conseil d'administration qui prendrait cette décision sans y être contraint ?
Ces profits servent si peu aux investissements utiles. Ils ne servent pas à créer de nouvelles usines et de nouveaux emplois.
Ces profits ne servent qu'à enrichir un peu plus ceux qui sont déjà riches. Ils servent à augmenter la consommation de luxe. Et ils ne servent surtout qu'à alimenter des batailles boursières où les entreprises se rachètent les unes les autres, en jetant, au passage, à la rue un contingent supplémentaire de travailleurs.
Alors oui, l'emprise actuelle des conseils d'administration des grandes entreprises sur la société, avec comme motivation la seule recherche du profit, conduit à la catastrophe.
Le seul moyen d'empêcher la société d'aller droit dans le mur est de soumettre les grandes entreprises, les banques, au contrôle de la collectivité.
Tout le reste en découle. Résorber le chômage ne pourra se faire qu'en donnant un droit de regard aux travailleurs, à la population, sur la gestion des finances des grandes entreprises.
Il faut que toute la population, à commencer par l'ensemble des travailleurs de ces grandes entreprises qui sont les mieux placés pour le faire, puissent contrôler les circuits de l'argent, celui qui entre, par où il passe, vers qui il sort, vérifier les choix qui sont faits, en fonction de quoi et au profit de qui. On pourrait alors se rendre compte que les fermetures d'usines, que les licenciements, sont des choix, et que des choix, il y en aurait d'autres. Moins favorables, sans doute, aux actionnaires, mais plus favorables à toute la société, en passant par les travailleurs qui les enrichissent.
Il faut que les travailleurs, que la population, puissent avoir connaissance longtemps à l'avance des projets des entreprises et qu'ils puissent peser sur leurs décisions. C'est le seul moyen de créer des emplois utiles en montrant qu'on pourrait offrir du travail à tout le monde en répartissant les heures de travail, et cela sans même de baisse des salaires. Cela permettra même sûrement de prouver qu'il est possible d'augmenter les salaires pour que chacun puisse vivre correctement.
Cela diminuera les dividendes et, donc, les revenus des actionnaires ? Mais il n'y a pas de raisons que ces gens-là accumulent de plus en plus, vivent dans le luxe, pendant que la classe productive s'appauvrit !
Il faut aussi donner aux services publics utiles à toute la population, comme les hôpitaux publics, les écoles, les transports en commun, les logements sociaux, tous les moyens dont ils ont besoin, en augmentant en conséquence les impôts sur les profits des entreprises comme sur les hauts revenus.
Ces objectifs-là sont vitaux pour le monde du travail. On ne peut pas les obtenir sans prendre sur les profits des entreprises. Ces profits, la collectivité y a droit. Elle y a droit parce qu'ils résultent du travail collectif. Ils devraient servir d'abord à ce qui est indispensable à la collectivité.
Tout cela ne peut se réaliser simplement par des élections. Cela ne peut être imposé que par la lutte collective du monde du travail. Mais, à l'élection présidentielle, on peut au moins s'exprimer par son vote sur de tels objectifs clairement affirmés, sans se contenter de soutenir ceux qui nous mentent ou ceux qui nous bercent de vagues promesses.
Aucune élection ne change en elle-même le rapport de forces entre la bourgeoisie qui dirige l'économie et les classes travailleuses. Mais il est important que, face aux grands partis qui, tous, se situent sur le terrain de l'économie capitaliste, s'affirme un courant exprimant les intérêts politiques des travailleurs.
Il faut que ce courant s'affirme, en premier lieu, contre la droite au pouvoir. Ces gens-là, les Chirac, Villepin, Sarkozy, sont tous ouvertement au service des plus riches. Leur préoccupation constante est de leur donner des moyens supplémentaires pour s'enrichir davantage. Réduire leurs impôts, quitte à ce que le budget de l'Etat manque d'argent pour les hôpitaux ou l'Education nationale. Réduire, voire supprimer, leurs charges sociales, quitte à enfoncer la Sécurité sociale dans le déficit et, ensuite, à exhiber ce déficit pour faire payer les salariés. Arroser les entreprises déjà largement bénéficiaires d'aides et de subventions.
Pour les salariés, en revanche, les cinq années que les hommes de la droite auront passées au pouvoir, sont une succession de mauvais coups.
La « réforme » des retraites, c'est l'allongement de la durée de travail et l'amputation des pensions.
La « réforme » de l'assurance maladie, c'est l'augmentation des cotisations des salariés et la diminution des prestations.
La réforme du code du travail, c'est débarrasser la législation sociale du peu qui protège les travailleurs. Comme, par exemple, le CNE ou Contrat nouvelle embauche, qui permet à de nombreuses entreprises d'embaucher tous les nouveaux salariés avec une période d'essai de deux ans, situation encore pire qu'un contrat à durée déterminée qui doit en principe aller jusqu'à son terme. En fait, la plupart de celles de moins de 20 salariés auxquelles le CNE s'applique useront et abuseront de cette possibilité.
La seule réforme qu'ils n'ont pas réussi à imposer est le CPE, que la mobilisation de la jeunesse les a obligés à remballer.
Tout laisse à penser que la droite sera représentée à l'élection présidentielle par Sarkozy, le clone de Le Pen, l'homme qui veut nettoyer les quartiers populaires au kärcher, l'homme dont les classes populaires ne peuvent attendre que des coups redoublés.
Si son cynisme frise la franchise, c'est qu'il cible l'électorat de droite et d'extrême droite, le plus haineusement anti-ouvrier et anti-pauvre. Ce qu'il dit aux électeurs d'extrême droite, c'est « voyez donc, j'ai le même programme que Le Pen mais, moi, je l'applique déjà comme ministre et, contrairement à lui, j'ai la chance d'être élu président de la République ».
Il s'adresse à cet électorat réactionnaire qui estime qu'un salarié n'est jamais assez flexible, mais toujours trop payé. Cet électorat qui pense que les chômeurs ne le sont que parce qu'ils ne veulent pas travailler. Un électorat qui aime entendre la promesse de multiplier, dans les quartiers populaires, le nombre des policiers plutôt que celui des enseignants.
Mais, même là, c'est de la démagogie. Sarkozy se paie de mots provocateurs parce qu'il n'y a pas d'argent, ni pour les uns ni pour les autres, lorsqu'il s'agit des quartiers populaires. Non, l'argent de l'Etat est réservé au grand patronat !
Ma candidature est celle du rejet radical non seulement de cet homme et de la clique politique qu'il représente, mais aussi l'exploitation économique de la classe travailleuse par la minorité riche que la droite défend avec acharnement.
Mais il faut aussi affirmer les intérêts politiques et les objectifs économiques et sociaux des travailleurs face au candidat ou à la candidate du PS.
Je me garderai bien de faire des pronostics, si ce n'est un seul : que ce soit l'une ou l'autre, son seul argument réellement efficace dans la campagne électorale sera que son élection nous débarrasserait de Sarkozy.
C'est un argument de poids, en effet.
Mais qui peut espérer raisonnablement qu'une présidence socialiste, qu'un gouvernement socialiste, veuille et puisse changer réellement le sort des travailleurs ? Qui peut raisonnablement espérer qu'un gouvernement socialiste annule toutes les mesures anti-ouvrières prises par la droite ?
Et, à bien plus forte raison, qui peut espérer qu'il résorbe le chômage, augmente les salaires, assure aux retraités une pension qui permette de vivre ? Comment croire qu'il fera ce que le gouvernement Jospin n'a pas fait pendant les cinq ans de son existence ?
Regardons les participants au concours pour désigner le candidat du PS à l'élection présidentielle. Ils sont plus nombreux que jamais. Même Jospin, le même Jospin qui, en 2002, avait fait ses adieux à la scène politique en lâchant dans la défaite ses troupes et ses électeurs, a fait un tour d'essai. Le voilà qui se retire de la course en essayant de se poser en autorité morale. Il faut croire que son retour n'a pas déclenché une ferveur excessive même dans son propre parti.
Mais ne sont-ils pas des revenants aussi, les autres, tous les autres ? Ils sont tous des anciens ministres de Jospin, et à ce titre tous responsables de sa politique qui a déçu l'électorat populaire au point qu'il se détourne massivement du candidat socialiste en 2002 ?
Auraient-ils changé depuis 2002 ? Auraient-ils au moins critiqué ce qui, dans leur politique pendant cinq ans, leur a fait perdre une très grande partie de leur propre électorat populaire ?
Non ! Sur tout cela, un silence pas même gêné.
Alors, il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire en vienne à ne rien exiger du PS, en oubliant tout ce que la gauche au pouvoir a fait pour le grand patronat, tout ce qu'elle n'a pas fait pour le monde du travail, en oubliant les déceptions. La haine, oh combien légitime, de la droite ne doit pas se transformer en quitus pour la politique passée de la gauche, ni surtout en un encouragement à recommencer dans l'avenir.
Dans son discours à la fête de L'Huma, Marie-George Buffet a fixé comme objectif de son parti : « Il faut une gauche populaire, courageuse, audacieuse, qui porte contre vents et marées une politique qui change la vie ». Et d'ajouter un peu plus tard : « Je veux le rassemblement le plus large possible, et donc majoritaire ». Marie-George Buffet sait parfaitement que, sur le plan électoral, auquel elle se réfère, la gauche ne peut être majoritaire qu'avec et autour du PS.
Alors, Strauss-Kahn, Fabius, Royal, Lang, c'est cela la « gauche populaire, courageuse et audacieuse » qui « change la vie » ?
Les dirigeants du PC prétendent que, si leur parti recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le PS à infléchir son programme. Mais, même entre 1981 et 1984, où les résultats électoraux du PC dépassaient les 16 %, il n'a pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste, ou alors les ministres du PC étaient d'accord sur tout !
Une fois de plus, le PC reprend, sous une forme à peine renouvelée et enveloppée dans un langage qui se veut revendicatif, la politique qui est la sienne depuis des décennies. Une politique destinée à convaincre les travailleurs que la seule perspective qui s'offre à eux, le seul débouché politique possible, est un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. En défendant cette politique avec les moyens militants dont il dispose, le PC a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte de classe, le seul moyen pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. Et les ministres du PC n'ont fait que cautionner devant les travailleurs la politique des gouvernements auxquels ils appartenaient, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
Je ne veux pas m'étendre ici sur les tentatives de présenter un candidat unitaire à la gauche de la gauche. Nous avons refusé dès le début d'entrer dans ce jeu de poker menteur opposant Marie-George Buffet, Olivier Besancenot, José Bové et quelques autres, qui prétendent tous vouloir oeuvrer pour cette unité à gauche d'on ne sait quelle gauche.
Tout en appelant à voter « non », nous n'avons jamais cru et dit que le vote « non » au référendum sur la Constitution européenne, puisse susciter une « dynamique » et encore moins qu'il ait ouvert une perspective politique représentant un espoir pour les travailleurs. Ce qui réunit les formations politiques et associatives qui participent à cette opération, c'est le plus petit dénominateur commun : la dénonciation des « politiques libérales » ou du « libéralisme ». Mais ce sont des mots creux pour masquer le refus de combattre le capitalisme et la dictature du grand patronat.
Aucun des candidats affirmés au rôle de candidat unitaire n'a de toute façon pas la moindre chance d'être élu président de la République, et même d'être présent au second tour de l'élection. Pas plus que moi-même. Alors, plutôt que de se présenter sur la base d'un compromis inodore, mélangeant la défense du monde du travail, l'interdiction des OGM, le choix du tri sélectif des déchets, et le ralliement au PS, que chacun intervienne donc en défendant clairement sa propre politique pour, au moins, qu'elle serve d'objectif.!
Une partie de ce que nous avons à dénoncer dans cette élection le sera par d'autres également. Je suis d'accord avec Marie-George Buffet, à plus forte raison, avec Olivier Besancenot, lorsqu'ils dénoncent les profits du CAC 40, les bas salaires, la précarité. Il est des questions d'écologie où je partage les points de vue de José Bové. Mais à quoi ça sert d'avoir de bonnes idées sur la répartition des profits ou en écologie si c'est toujours le grand capital qui commande ?
Ce que j'entends populariser dans cette campagne, ce n'est pas seulement la dénonciation d'un système économique injuste et fou, ce n'est pas seulement celle d'une caste politique qui gère loyalement ce système, je veux surtout populariser les objectifs de lutte qui en découlent pour les travailleurs. Et cela, personne ne le fera à notre place.
Bien sûr, nous avons encore un obstacle à franchir, celui de l'obligation légale de présenter 500 parrainages d'élus. Le mode de scrutin, conçu pour favoriser les grands partis, fait que nous n'avons jamais eu le nombre d'élus correspondant à notre représentativité électorale réelle, c'est-à-dire au pourcentage de nos voix. Comme dans le passé, nous ne pouvons compter que sur les sentiments démocratiques d'un certain nombre d'élus, généralement des maires de petites communes qui pensent que ma présence aux élections se justifie et qui sont assez courageux et indépendants pour résister à toutes les pressions des appareils, même s'ils ne partagent pas nos opinions politiques.
J'ai eu l'occasion d'annoncer, il y a quelques jours, que les 500 parrainages sont en voie d'être atteints car 450 élus m'ont promis leur soutien. C'est à la fois beaucoup et pas assez. D'une part, cela nous renforce dans la conviction que je pourrai me présenter. Cependant, ce n'est pas assez car les pressions se font toujours sentir et il suffit qu'une seule signature me manque le jour venu pour que ma candidature ne soit pas possible.
C'est pourquoi nous ne pouvons pas relâcher nos efforts.
Alors, camarades, je vous souhaite une bonne fin de fête pour aujourd'hui et du courage dans l'activité qui me permettra d'être candidate et, ensuite, pour mener la campagne électorale !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 octobre 2006