Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur "RTL" le 4 octobre 2006, sur son intention de ne pas être candidat à l'élection présidentielle 2007, et sur le rôle qu'il aura à jouer à l'intérieur du PS.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Bonjour F. Hollande.
Bonjour...
Q- Vous n'êtes pas candidat à l'élection présidentielle, et vous l'avez dit, hier, au journal Le Monde : vous ne choisirez pas, avant qu'il ne soit désigné, entre D. Strauss Kahn, S. Royal et L. Fabius. Vous définissez, en fait, le rôle qu'est le vôtre, désormais, F. Hollande : celui de spectateur. Est-ce frustrant ?
R- Non, il s'agit d'être le premier acteur du Parti socialiste, puisque...
Q- Ca n'est pas vous ?
R- C'est moi. Je suis premier secrétaire du Parti socialiste. Je dois faire vivre le débat qui va se produire maintenant pendant six semaines, peut-être sept. Je dois faire en sorte que les socialistes se rassemblent... Se rassemblent : c'est déjà fait. Il n'y a, si je puis dire, que trois candidats. On en annonçait davantage, il y a quelques semaines ; et ensuite quand le vote sera intervenu - après, je l'espère, un débat clair et respectueux - je serai celui qui permettra le rassemblement autour de celle ou de celui qui aura remporté le suffrage militant.
Q- Le Parisien de la semaine dernière vous présentait comme portant en bandoulière une mélancolie nouvelle ; et Libération, ce matin, vous décrie : "amer, affaissé, avec un fond de tristesse dans le regard".
R- Mais, vous savez...
Q- On ne peut pas dans votre situation, F. Hollande, dire la vérité de ce que l'on ressent ? Il faut faire semblant ?
R- Non, moi je ne fais pas semblant. Je ne fais jamais semblant. Je ne suis pas triste. Je n'ai aucune raison de l'être. Je trouve que le Parti socialiste est en train de donner, s'il sait se maîtriser, une bonne image démocratique. Je pense qu'il y a des candidats de qualité qui sont maintenant en compétition pour être, demain, l'un de ceux qui peut prétendre à la fonction présidentielle ; et je suis celui qui peut permettre avec l'ensemble des socialistes, qu'il y ait un changement en 2007. Vous ne trouvez pas que c'est une belle perspective ? Et pourquoi serai-je moi-même... ?
Q- Mais votre perspective, F. Hollande, ça n'était pas celle-là.
R- Mais j'aurais pu, par la légitimité qui était la mienne comme premier secrétaire, par l'action qui avait été la mienne depuis 2002 : redresser la gauche, lui permettre de gagner les élections régionales, européennes, la conduire comme je l'ai fait dans l'opposition à l'égard du Gouvernement, mais de manière responsable et forte, j'aurais pu prétendre... J'avais, je crois, en plus les capacités pour le faire. Mais j'ai un devoir supérieur à tous les autres. Moi, parce que je suis premier secrétaire : être celui qui permet le rassemblement. Est-ce que le rassemblement était possible autour de ma candidature ? Non. Est-ce qu'il y avait une autre candidature qui s'était installée ? Oui. Aurais-je, à ce moment-là, le droit.
Q- La candidature de qui ?
R- Je crois qu'il y est clair qu'il y a une candidature qui s'est installée ...
Q- Laquelle ?
R- Celle de S. Royal. Elle s'est installée. Je ne dis pas qu'elle sera finalement choisie mais elle s'est installée depuis plusieurs mois et je pense qu'il était donc normal de la part du premier secrétaire de faire en sorte de n'être pas une candidature de plus. A quoi cela aura-t-il rimé ? Mais d'être celui qui, justement, tout au long des prochains mois, va permettre de mettre son camp en bon ordre : de le rassembler. Je suis le garant de l'unité des socialistes. Ca ne me permet pas d'être amer ou triste ! C'est ni dans mon caractère, ni dans ma fonction.
Q- Vos liens privés avec S. Royal font douter de votre impartialité, F. Hollande.
R- Mais qu'est-ce que vous avez vous-même rappelé ? Que, à compter d'aujourd'hui, je suis le garant du débat, du respect.
Q- Moi, je ne l'ai pas rappelé, c'est vous qui l'avez dit.
R- Oui, mais vous avez dit que je n'avais pas moi-même "choisi". Je n'ai pas à le faire. Je le ferais si les conditions l'exigeaient, s'il y avait dans le débat quelque chose qui me paraissait anormal. Mais aujourd'hui, je veux être plutôt dans mon rôle de premier secrétaire, dans ce moment-là, c'est-à-dire celui qui va justement favoriser le rassemblement, l'émergence d'une candidature. Nous verrons bien laquelle après un débat. Et puis, ensuite, j'aurai à mener campagne. Je veux vous le dire ici : ça sera pas le choix d'une candidature qui sera seule responsable de la campagne des socialistes, parce que je ne crois pas que ça serait les meilleures conditions pour la faire gagner cette candidate ou ce candidat. C'est d'être moi-même avec le Parti socialiste pleinement acteur de la campagne. Il faudra faire quoi ? Convaincre les Français de notre projet ? Y'a besoin d'énoncer les dangers de la droite et notamment de N. Sarkozy, puisque c'est lui qui semble être le champion de la droite ; et enfin, rassembler la gauche. Oui, il ne me manque pas de travail.
Q- La vie publique a ses aspects impitoyables ...
R- Mais quels aspects impitoyables ?...
Q- Je vais vous les décrire ...
R- Oui, allez-y...
Q- Votre vie privée...
R- Ce n'est pas la vie publique.
Q- ... va sûrement être scrutée, regardée. On lisait, par exemple, dans Le Parisien de vendredi dernier, que votre couple allait très mal au moment où S. Royal s'est déclarée candidate. Trouvez-vous, F. Hollande, que ce type de remarques est légitime - puisque vous faites de la politique, vous êtes un personnage public - ou les jugez-vous illégitimes ?
R- Je considère qu'il faut séparer vie publique et vie privée.
Q- C'est possible, dans votre cas ?
R- Ca doit l'être. Pas, dans mon cas... Dans le vôtre.
Q- Dans le mien, c'est-à-dire ? Moi je ne suis pas candidat, moi, F. Hollande.
R- Oui, dans votre rôle de journaliste. Vous me citez un article. C'est vous-même qui l'évoquez.
Q- Bien sûr.
R- Est-ce que moi, je vous parle de ma vie personnelle ? Jamais. Je considère donc que c'est à chacun de savoir faire cette distinction et d'éviter de colporter quoi que ce soit.
Q- Et vous invitez donc tous les gens qui voudraient le faire, à s'abstenir de le faire ?
R- Mais j'invite chacun à être lui-même soucieux de cette séparation dès lors que moi-même je le suis.
Q- L. Jospin était à votre place, jeudi dernier. Il a annoncé sur RTL son renoncement. Il n'a même pas pu citer au cours de son intervention le nom de S. Royal. Vous l'avez sans doute écouté. Comment avez-vous analysé cela ?
R- Là, je pense que pour lui, il avait envisagé à un moment une candidature par rapport à une autre.
Q- Par rapport à celle de S. Royal.
R- Celle de S. Royal. Et son renoncement était un renoncement par rapport à une autre candidature. Je crois qu'il ne faut pas se déterminer...
Q- Celle de S. Royal.
R- Oui, celle de S. Royal. Donc, il ne faut pas se déterminer simplement par rapport aux autres, même si c'est une condition. J'ai évoqué moi-même la configuration de la candidature en ce moment au Parti socialiste. Il faut se déterminer par rapport à soi-même...
Q- Ce que L. Jospin n'a pas su faire ?
R- ... Par rapport à ce qu'on veut faire pour son propre pays, même si L. Jospin avait fixé des enjeux. Donc, je crois qu'il faut essayer de se déterminer non pas par rapport à des personnes mais par rapport à des enjeux.
Q- Vous avez été complice et proche de L. Jospin par le passé...
R- Je le suis.
Q- ... Quelle est votre relation, aujourd'hui, avec lui ?
R- Respectueuse.
Q- Fâchée ?
R- Mais pourquoi le serait-elle ?
Q- Je ne sais pas ...
R- Et je crois d'ailleurs qu'il a eu raison de ne pas être candidat.
Q- Il n'a pas l'air satisfait du rôle que vous avez joué, vous ?
R- Moi, j'ai joué le rôle de celui qui n'excluait aucune solution. Si L. Jospin avait été une solution, je l'aurais appelé.
Q- Un peu d'humour pour terminer ! J. Lang s'est retiré, lundi ; et il a dit qu'il choisirait un candidat de gauche "authentiquement révolutionnaire". Alors ? Ca existe ça ?
Il aura l'embarras du choix !
Q- C'est vrai ? S. Royal, D. Strauss Kahn, L. Fabius sont authentiquement "révolutionnaires" ?
R- Non, ce que je veux dire c'est que si l'on veut le changement, on est toujours pour la Révolution ; mais la meilleure façon de faire la révolution c'est encore de gagner les élections.
F. Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, était l'invité d'RTL ce matin.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 octobre 2006