Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie,
Monsieur le Président de la Bibliothèque nationale de France,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Permettez-moi d'abord, Monsieur le Président, de vous remercier chaleureusement pour l'organisation de ce colloque qui vient clôturer magnifiquement, à la fois l'année Senghor et le Festival Francofffonies, et pour ces aimables et fortes paroles que vous venez de prononcer.
L'événement qui nous réunit, dans ce lieu prestigieux de la Bibliothèque nationale de France, a été, pour de nombreux écrivains, professeurs et savants du monde entier, une occasion unique d'évoquer l'homme d'écriture, le poète et le penseur que fut Léopold Sédar Senghor à qui notre communauté francophone doit tant. Il a incarné et symbolisé avec bonheur, tout au long de cette année francophone en France, cette Francophonie dont nous rêvons, et que nous cherchons à construire jour après jour.
Je voudrais, pour ma part, vous dire simplement combien je suis heureuse d'être ici ce soir pour partager avec vous ma conviction que la francophonie, legs de l'histoire et de la volonté de quelques hommes d'exception, est une idée à la fois utile et moderne. Ses pères fondateurs, contemporains de la décolonisation, n'avaient-ils pas en effet la prescience de ce que notre monde serait aujourd'hui ? N'est-elle pas en effet, pour les jeunes générations, un formidable outil pour affronter les évolutions de notre monde et en maîtriser le cours ?
L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) compte aujourd'hui 68 Etats et gouvernements, et elle est en cela une parfaite illustration de la diversité culturelle que la France et ses partenaires francophones cherchent à promouvoir sur la scène internationale. C'est d'abord une communauté de valeurs au service de la justice et du progrès, un lieu de dialogue entre les cultures, mais aussi un espace de solidarité entre les peuples. Rappelons que le dernier Sommet des chefs d'Etats et de gouvernements francophones de Bucarest a mis l'éducation au centre des préoccupations de la coopération francophone. La Francophonie incarne donc l'espoir d'une mondialisation respectueuse de toutes les identités, et elle est une belle réponse au "choc des civilisations". Elle reste enfin une force attractive, puisque, chaque année, de nouveaux Etats souhaitent la rejoindre.
Vous le savez, le 20 octobre 2005, l'UNESCO a inscrit dans le droit international la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles en adoptant la convention que la France et ses partenaires francophones appelaient de leurs voeux dès 2002. Qu'il me soit permis de souligner avec force, dans cette enceinte, la contribution majeure de la Francophonie et de son Secrétaire général, le président Diouf, à ce combat pour la promotion de la diversité culturelle dans le monde.
Ce texte constitue une avancée majeure dans la mesure où il garantit le droit souverain des Etats à décider de leurs politiques culturelles. Il consacre la valeur spécifique des biens et services culturels et affirme l'importance de la solidarité culturelle internationale. Cette convention est ainsi porteuse de valeurs et de principes défendus de longue date par la France et par ses partenaires de la Francophonie. Elle reconnaît l'égalité des cultures, la diversité des identités culturelles et la liberté d'expression des artistes, des créateurs et des peuples.
S'il fallait résumer l'esprit de cette noble ambition francophone, je citerais volontiers Léopold Sédar Senghor qui nous proposait de : "s'enrichir de nos différences pour converger vers l'universel". L'universel dans la vision du poète ne se confond pas ici avec l'uniformisation, ne se substitue pas aux cultures ou aux héritages propres à chaque peuple, au contraire, il les prolonge et les dépasse car, écrivait encore Senghor : "ce qui nous unit, c'est l'esprit de la Civilisation, des civilisations, par quoi se définit la Culture. C'est l'Esprit, qui est raison et imagination, liberté créatrice". Cette convention de l'UNESCO que notre mouvement francophone a défendue avec tant de force est bien la traduction en acte, sur le plan culturel, de cette éthique de la différence. Elle représente un pari humaniste pour que cette différence soit maintenue et valorisée, pour l'enrichissement de tous.
A ce jour, sur 23 pays ayant déjà ratifié la convention, on compte 16 pays membres de l'OIF ! La France, dont le Parlement a ratifié la Convention à l'unanimité de ses membres, entend avoir un rôle d'entraînement auprès des Etats membres et observateurs de la Francophonie et auprès de ses partenaires européens. Notre pays considère en effet qu'il est essentiel de compter le plus de francophones et d'Européens parmi les 30 premiers Etats à déposer les instruments, afin de participer aux organes directeurs qui décideront des orientations et des mesures à prendre pour la mise en oeuvre de la convention. Aussi le président de la République a-t-il annoncé à Bucarest le 28 septembre dernier le dépôt, avant la fin de cette année, des instruments de ratification de la France, de la communauté européenne et des autres pays de l'Union européenne qui auront ratifié la convention.
En déposant les instruments dans un délai bref, la France démontrera une fois de plus qu'elle est fidèle à ses engagements. Elle donnera toutes ses chances à la nouvelle Convention d'entrer en vigueur et de s'appliquer. Elle prolongera sur le plan normatif l'action qu'elle mène à travers sa coopération culturelle internationale, afin de préserver le droit de chacun d'être lui-même.
L'Organisation internationale de la Francophonie a inscrit, quant à elle, dès 2004, dans ses programmes, la promotion de la diversité culturelle comme une de ses quatre missions fondamentales. L'une des priorités de la coopération francophone devrait, dans les prochaines années, porter principalement sur l'aide au développement de véritables politiques culturelles dans les pays francophones du Sud.
Le colloque que vous consacrez aujourd'hui à Léopold Sédar Senghor vient clore une année tout à fait exceptionnelle pour la Francophonie et les cultures francophones. Il vient en écho à la profonde réforme qui a touché cette année notre organisation qui rassemble désormais, dans une même structure, et sous l'autorité directe de son Secrétaire général, le président Abdou Diouf, les activités politiques et les programmes de coopération. Cette réforme était pour la France et l'ensemble de nos partenaires la condition nécessaire à une action politique francophone plus efficace et plus affirmée sur la scène internationale. Elle permettra au groupe francophone de peser davantage dans les grands débats internationaux.
Votre assemblée couronne aussi brillamment la programmation du Festival Francofffonies, qui a rencontré auprès de nos compatriotes un très beau succès. Cette année francophone en France devait permettre au public français de découvrir une francophonie moderne, vivante et créative et de le sensibiliser à notre mouvement et aux francophonies qui existent de par le monde. Comme l'on se plaît à le rappeler, la langue française n'appartient plus aux seuls Français. Il y a aujourd'hui des langues françaises, mille et une manières de parler et d'écrire le français. Il fallait le montrer avec éclat dans un hexagone toujours rétif face à une francophonie qu'il ignore le plus souvent ou dont il minore le rôle et la place. Les nombreux débats, notamment autour de la question des littératures et des écrivains francophones, qui, ces derniers mois, ont jalonné et ponctué le Festival, ont sans aucun doute contribué à faire reculer les idées reçues et ont magistralement illustré la richesse et l'actualité de la francophonie.
Pour conclure, je crois pouvoir dire que notre mouvement francophone, au vu de ses évolutions récentes et des actions menées, a su rester fidèle à l'esprit et à la vision de ses pères fondateurs. La pensée de Léopold Sédar Senghor tout comme notre communauté francophone sont, dans le monde d'aujourd'hui, plus que jamais nécessaires. Précurseur et acteur d'une mondialisation humaniste et solidaire, notre mouvement francophone s'est engagé résolument ces dernières années dans la construction d'une civilisation de l'universel, au sens où le président Senghor l'entendait. La mondialisation, née de l'histoire de la colonisation et des bouleversements économiques du siècle dernier, n'est en effet pas à redouter ou à rejeter. Elle peut représenter une chance pour l'humanité si elle est maîtrisée, si l'homme et la culture y trouvent toute leur place, si la pluralité des forces de création y est préservée et encouragée, et si, enfin, elle s'inscrit dans le dialogue des cultures et des civilisations, dans le strict respect, bien évidemment, de la liberté d'expression et de création.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2006