Texte intégral
Dans le fracas des armes et dans le sang, dans le courage et par la volonté, dans l'abnégation, au nom de l'idéal, quelque chose est né ici.
Sur ces terres vallonnées que survole l'esprit de Washington, de Lafayette et de tant d'autres combattants, ensemble nous avons écrit le premier chapitre de l'histoire moderne.
La victoire de Yorktown n'est pas une victoire comme les autres.
Le temps était à l'incertitude et au doute, dans une guerre qui ne voulait pas s'achever. Au Nord, Rochambeau maudissait l'inaction imposée à son corps expéditionnaire. Devant New York, la guerre piétinait. Les soldats de la puissante Angleterre tenaient bon. L'une des flottes les plus prestigieuses jamais mises à la mer par la monarchie française rongeait son frein en rade du Cap français.
Incertitude et doute. La guerre manque d'argent. Les combattants manquent d'objectif. L'Etat major manque d'unité, les populations manquent de tout.
Un sursaut de clairvoyance et de volonté va pourtant tout changer. Le destin va choisir son camp : celui de l'audace et de la liberté.
Octobre 1781, tout bascule. Cornwallis est aux abois, quoiqu'il espère le secours de la flotte anglaise toujours maîtresse de la Chesapeake. Là, entre en jeu l'Amiral, notre Amiral, de Grasse. Outrepassant les ordres de son roi, avec hardiesse, il répond à l'appel de Washington, met à la voile et précède l'armada anglaise au point névralgique. Les vaisseaux de Graves et de Hood sont bien vite dispersés.
S'ensuit le siège des forces de Cornwallis, leur reddition et un geste qui marquera l'histoire. Le geste du général français Mathieu Dumas. Délégué par Cornwallis, le général O'Hara se rend auprès de Rochambeau pour lui remettre l'épée du chef anglais défait. Dumas, d'un geste, lui désigne Washington, le vrai chef suprême. Chacun comprend alors que la victoire de Yorktown marque l'avènement de la jeune nation américaine, inscrit sur la scène de l'Histoire la naissance du Nouveau Monde.
Oui, Yorktown est un lien entre nous, un lien indéfectible.
C'est ici, en Amérique que Montesquieu et nos Lumières ont eu leurs premiers disciples. C'est ici, en Amérique, avant nous, que vous avez donné une réalité à trois idées qui ont marqué et marquent toujours le monde : l'indépendance pour la Nation, la Constitution pour l'Etat, la Liberté pour les peuples. Franklin et Jefferson ont inspiré notre déclaration des Droits de l'Homme.
Ici, aux Etats-Unis, une idée a pris corps, celle de la liberté. Elle est notre référence commune, notre héritage le plus précieux, notre bien en partage.
Chaque fois qu'elle était en cause, nous nous sommes retrouvés, parce qu'alors l'essentiel était en cause. Au 18ème siècle, la France était là en cette terre américaine, pour combattre à vos côtés pour votre liberté. Vous ne l'oubliez pas. Par deux fois, c'est vous qui êtes venus défendre la liberté sur notre sol. En 1917, Pershing, en 1944 Eisenhower, étaient au rendez vous de ce combat commun. Nous ne l'oublierons jamais.
Le pacte de l'amitié scellé à Yorktown a toujours été respecté. Nos deux pays entendent toujours l'honorer. Oui, notre amitié est pour nous un bien précieux. Jamais nos deux peuples, c'est une particularité rare dans le concert des Nations, ne se sont affrontés par les armes.
En ce début de 21ème siècle, que veut dire être amis ? Etre ami, c'est d'abord se respecter. Etre amis, c'est se parler en toute franchise, s'écouter en confiance. Ne pas chercher à dominer, ne pas se conduire comme un vassal.
L'amitié créé un devoir de sincérité. Etre sincère, c'est dire ce que l'on pense, en toute indépendance, sans révérence excessive, sans soumission béate. C'est se dire parfois des vérités rudes, mais c'est aussi être capable de donner sa vie pour protéger celle de son ami.
Il nous est arrivé et sans doute nous arrivera t-il encore, à tel détour de l'histoire, de ne pas faire les mêmes choix. Nous avons chacun nos identités, nos aspirations, nos intérêts nationaux à défendre. Ils sont parfois contradictoires. Nous avons chacun nos convictions sur l'organisation des rapports sociaux et sur l'ordre économique. Elles sont parfois différentes. Nul ne peut demander et encore moins exiger de l'autre qu'il y renonce.
L'esprit de notre pacte de Yorktown est fondé sur cette valeur primordiale : l'indépendance et le respect de l'indépendance de l'autre.
Etre indépendant, ce n'est pas être replié sur soi. Ce n'est pas être arrogant. Ce n'est pas faire montre d'esprit de supériorité.
Que penser de celui qui cherche à complaire plutôt qu'à dire sa vérité, ou qui fait de l'assentiment automatique son mode de comportement ? Celui-là serait un piètre ami. La France n'est pas et ne sera jamais un piètre ami pour l'Amérique.
La France est sincère, sans arrogance, mais avec la franchise due à l'amitié indestructible qui lie nos deux pays. La France n'est ni arrogante, ni repliée sur elle-même. La France est simplement, mais passionnément et définitivement, indépendante.
Indépendante, elle est libre de ses choix. Etre libre de ses choix, ce n'est pas faire montre d'esprit de supériorité, c'est être loyal dans la vérité.
La France, fidèle à son image, est au sein de l'Europe ouverte au monde, attentive à ses turbulences, à ses aspirations à la paix.
Elle est fidèle à ses amis, notamment les Etats-Unis, compte tenu de ce que nous avons partagé et de ce que nous partageons.
Chacun de nous ici aime son pays. Le peuple américain aime son pays, et en est fier. J'aime la France, et je suis fière de mon pays.
Mon pays est aussi intransigeant sur sa liberté et son indépendance que sur le respect de ses engagements et de ses amis. Car être indépendant, enfin, cela ne consistera jamais à négliger nos amitiés ni à porter atteinte à une alliance qui prend ici sa source, et dont nous ressentons en ces lieux l'immuable exigence de pérennité.
La dangerosité de notre monde, la menace du terrorisme contre lequel nous luttons en commun, la pression de l'obscurantisme, la montée des intolérances rendent cette alliance plus que jamais nécessaire.
Le combat contre toute forme de domination, politique, économique ou culturelle est notre patrimoine historique commun. Ensemble, écoutons les voix qui de tous les continents s'élèvent et demandent liberté, indépendance, respect et dignité.
Je forme le voeu que dans les combats à venir pour la paix, la justice, l'indépendance et la liberté, nous nous retrouvions toujours mieux côte à côte.
Que vive donc et triomphe, l'esprit des « Insurgents » de la guerre d'indépendance que nous honorons aujourd'hui !Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 octobre 2006
Sur ces terres vallonnées que survole l'esprit de Washington, de Lafayette et de tant d'autres combattants, ensemble nous avons écrit le premier chapitre de l'histoire moderne.
La victoire de Yorktown n'est pas une victoire comme les autres.
Le temps était à l'incertitude et au doute, dans une guerre qui ne voulait pas s'achever. Au Nord, Rochambeau maudissait l'inaction imposée à son corps expéditionnaire. Devant New York, la guerre piétinait. Les soldats de la puissante Angleterre tenaient bon. L'une des flottes les plus prestigieuses jamais mises à la mer par la monarchie française rongeait son frein en rade du Cap français.
Incertitude et doute. La guerre manque d'argent. Les combattants manquent d'objectif. L'Etat major manque d'unité, les populations manquent de tout.
Un sursaut de clairvoyance et de volonté va pourtant tout changer. Le destin va choisir son camp : celui de l'audace et de la liberté.
Octobre 1781, tout bascule. Cornwallis est aux abois, quoiqu'il espère le secours de la flotte anglaise toujours maîtresse de la Chesapeake. Là, entre en jeu l'Amiral, notre Amiral, de Grasse. Outrepassant les ordres de son roi, avec hardiesse, il répond à l'appel de Washington, met à la voile et précède l'armada anglaise au point névralgique. Les vaisseaux de Graves et de Hood sont bien vite dispersés.
S'ensuit le siège des forces de Cornwallis, leur reddition et un geste qui marquera l'histoire. Le geste du général français Mathieu Dumas. Délégué par Cornwallis, le général O'Hara se rend auprès de Rochambeau pour lui remettre l'épée du chef anglais défait. Dumas, d'un geste, lui désigne Washington, le vrai chef suprême. Chacun comprend alors que la victoire de Yorktown marque l'avènement de la jeune nation américaine, inscrit sur la scène de l'Histoire la naissance du Nouveau Monde.
Oui, Yorktown est un lien entre nous, un lien indéfectible.
C'est ici, en Amérique que Montesquieu et nos Lumières ont eu leurs premiers disciples. C'est ici, en Amérique, avant nous, que vous avez donné une réalité à trois idées qui ont marqué et marquent toujours le monde : l'indépendance pour la Nation, la Constitution pour l'Etat, la Liberté pour les peuples. Franklin et Jefferson ont inspiré notre déclaration des Droits de l'Homme.
Ici, aux Etats-Unis, une idée a pris corps, celle de la liberté. Elle est notre référence commune, notre héritage le plus précieux, notre bien en partage.
Chaque fois qu'elle était en cause, nous nous sommes retrouvés, parce qu'alors l'essentiel était en cause. Au 18ème siècle, la France était là en cette terre américaine, pour combattre à vos côtés pour votre liberté. Vous ne l'oubliez pas. Par deux fois, c'est vous qui êtes venus défendre la liberté sur notre sol. En 1917, Pershing, en 1944 Eisenhower, étaient au rendez vous de ce combat commun. Nous ne l'oublierons jamais.
Le pacte de l'amitié scellé à Yorktown a toujours été respecté. Nos deux pays entendent toujours l'honorer. Oui, notre amitié est pour nous un bien précieux. Jamais nos deux peuples, c'est une particularité rare dans le concert des Nations, ne se sont affrontés par les armes.
En ce début de 21ème siècle, que veut dire être amis ? Etre ami, c'est d'abord se respecter. Etre amis, c'est se parler en toute franchise, s'écouter en confiance. Ne pas chercher à dominer, ne pas se conduire comme un vassal.
L'amitié créé un devoir de sincérité. Etre sincère, c'est dire ce que l'on pense, en toute indépendance, sans révérence excessive, sans soumission béate. C'est se dire parfois des vérités rudes, mais c'est aussi être capable de donner sa vie pour protéger celle de son ami.
Il nous est arrivé et sans doute nous arrivera t-il encore, à tel détour de l'histoire, de ne pas faire les mêmes choix. Nous avons chacun nos identités, nos aspirations, nos intérêts nationaux à défendre. Ils sont parfois contradictoires. Nous avons chacun nos convictions sur l'organisation des rapports sociaux et sur l'ordre économique. Elles sont parfois différentes. Nul ne peut demander et encore moins exiger de l'autre qu'il y renonce.
L'esprit de notre pacte de Yorktown est fondé sur cette valeur primordiale : l'indépendance et le respect de l'indépendance de l'autre.
Etre indépendant, ce n'est pas être replié sur soi. Ce n'est pas être arrogant. Ce n'est pas faire montre d'esprit de supériorité.
Que penser de celui qui cherche à complaire plutôt qu'à dire sa vérité, ou qui fait de l'assentiment automatique son mode de comportement ? Celui-là serait un piètre ami. La France n'est pas et ne sera jamais un piètre ami pour l'Amérique.
La France est sincère, sans arrogance, mais avec la franchise due à l'amitié indestructible qui lie nos deux pays. La France n'est ni arrogante, ni repliée sur elle-même. La France est simplement, mais passionnément et définitivement, indépendante.
Indépendante, elle est libre de ses choix. Etre libre de ses choix, ce n'est pas faire montre d'esprit de supériorité, c'est être loyal dans la vérité.
La France, fidèle à son image, est au sein de l'Europe ouverte au monde, attentive à ses turbulences, à ses aspirations à la paix.
Elle est fidèle à ses amis, notamment les Etats-Unis, compte tenu de ce que nous avons partagé et de ce que nous partageons.
Chacun de nous ici aime son pays. Le peuple américain aime son pays, et en est fier. J'aime la France, et je suis fière de mon pays.
Mon pays est aussi intransigeant sur sa liberté et son indépendance que sur le respect de ses engagements et de ses amis. Car être indépendant, enfin, cela ne consistera jamais à négliger nos amitiés ni à porter atteinte à une alliance qui prend ici sa source, et dont nous ressentons en ces lieux l'immuable exigence de pérennité.
La dangerosité de notre monde, la menace du terrorisme contre lequel nous luttons en commun, la pression de l'obscurantisme, la montée des intolérances rendent cette alliance plus que jamais nécessaire.
Le combat contre toute forme de domination, politique, économique ou culturelle est notre patrimoine historique commun. Ensemble, écoutons les voix qui de tous les continents s'élèvent et demandent liberté, indépendance, respect et dignité.
Je forme le voeu que dans les combats à venir pour la paix, la justice, l'indépendance et la liberté, nous nous retrouvions toujours mieux côte à côte.
Que vive donc et triomphe, l'esprit des « Insurgents » de la guerre d'indépendance que nous honorons aujourd'hui !Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 octobre 2006