Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur la stratégie énergétique à définir sur le long terme pour stabiliser les prix des énergies et des matières premières, définir les investissements nécessaires et protéger l'environnement, Paris le 3 octobre 2006.

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Circonstance : 7es Rencontres Parlementaires sur l'Énergie « Énergie : <br>quelles orientations stratégiques pour assurer l'avenir ? » à Paris le 3 octobre 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'intervenir pour la deuxième année consécutive à vos nouvelles Rencontres Parlementaires sur l'énergie. C'est devenu un rendez-vous incontournable des acteurs de ce secteur qui est stratégique pour la société et l'économie française.
Dans le contexte géostratégique et économique mondial, je félicite Claude Gatignol pour avoir retenu le thème des « orientations stratégiques pour assurer l'avenir ». C'est en effet LA question.
Votre colloque s'intéresse à des questions de première importance comme la politique européenne de l'énergie, l'avenir du nucléaire et des énergies renouvelables, la sécurité d'approvisionnement. Ma première conviction est qu'en matière d'énergie, il nous faut « faire feu de tout bois » et ne se priver d'aucune option. Tous les scénarios le prouvent - ceux élaborés par mes services comme ceux de l'Agence Internationale de l'Énergie -, la simple prolongation des tendances nous mènerait à une impasse.
Dans ce contexte où les périls sont nombreux :
1) la crise des prix des énergies et des matières premières ;
2) le défi des investissements considérables à réaliser pour ajuster l'offre à la demande à venir ;
3) les préoccupations grandissantes en matière d'environnement,
il importe de définir une stratégie de long terme. C'est ma deuxième conviction et c'est le thème de ce colloque.
Pour ce qui concerne l'Europe et la France, le Gouvernement s'y emploie, comme le prouvent les nombreux travaux concernant l'énergie de ces dernières années, directives, lois ou mémorandum.
1) Mes deux convictions trouvent une réponse dans : la loi du 13 juillet 2005. C'est elle qui fixe les grandes orientations de notre politique énergétique.
Je vous les rappelle :
a) maîtriser la demande d'énergie, c'est bien engagé grâce à de multiples mesures (certificats d'économies d'énergie, normes et réglementations, fiscalité incitative) ;
b) diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, en accroissant l'usage des énergies renouvelables (qui ne constituent encore que 7% de notre mix énergétique primaire), en maintenant l'option nucléaire (construction d'un réacteur EPR d'ici 2012 à Flamanville) ;
c) développer la recherche dans le domaine de l'énergie, parce qu'il s'agit d'un impératif pour relever les défis du long terme, par exemple pour les bio-énergies, la pile à combustible, la voiture propre, les bâtiments à basse consommation, le solaire, le captage et stockage géologique du CO2, le nucléaire de 4ème génération (outils : ANR et AII) ;
d) assurer des moyens de transport et de stockage de l'énergie adaptés aux besoins, notamment pour garantir la qualité de la fourniture d'électricité, conforter la sécurité des réseaux électrique et gazier et, de façon générale, améliorer la sécurité d'approvisionnement de la France.
Pour cadrer cette stratégie, des objectifs chiffrés ont été définis, de façon aussi ambitieuse que possible. Ainsi, la loi de programme fixe-t-elle de nombreux indicateurs de suivi, tels que :
- la division par quatre des émissions de CO2 d'ici 2050,
- la baisse moyenne de l'intensité énergétique finale d'au moins 2% par an à partir de 2015 et -de 2,5% sur 2015-2030,
- la production de 10% des besoins énergétiques à partir de sources d'énergies renouvelables d'ici 2010,
- l'incorporation de biocarburants à hauteur de 5,75% d'ici la fin de 2010, objectif avancé depuis à 2008.
2) Ces orientations ne suffisent pas, il faut aussi les mettre en oeuvre pour assurer la sécurité d'approvisionnement de notre pays
- D'abord avec une vision programmatrice pour les investissements :
En matière de production d'électricité les investissements nécessaires ont fait l'objet de l'arrêté du 7 juillet 2006 relatif à la « programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité » jusqu'en 2015. Cette PPI prend notamment acte de la mise en service d'un réacteur EPR en 2012, conformément à la loi de programme du 13 juillet 2005. Elle préconise également la mise en service de moyens thermiques classiques, car il y aura forcément le déclassement de plus de la moitié des centrales au charbon existantes, en raison de contraintes environnementales, et par ailleurs, on constate un besoin croissant en électricité « de pointe ». La PPI souligne l'importance de la maîtrise de la demande en électricité et prévoit un développement significatif des énergies renouvelables dans la production électrique, notamment grâce à l'éolien et l'hydro-électricité, dans l'objectif d'atteindre le taux européen de 21% d'électricité d'origine renouvelable.
D'autres exercices de programmation, du type de la PPI pour l'électricité, seront bientôt rendus publics pour le gaz et la chaleur. Le Gouvernement souhaite ainsi éclairer les marchés sur la façon de respecter des objectifs de sécurité d'approvisionnement et de développement durable à moyen termeoe mais aussi détecter les impasses et les remèdes à appliquer.
- S'agissant de sécurité d'approvisionnement, la mise en place de grands groupes énergétiques sur le plan européen et mondial est indispensable :
Avec Areva, EDF et Total, nous avons trois champions mondiaux du secteur. Parce que c'est stratégique pour l'approvisionnement des Français, le Parlement travaille en ce moment à permettre la construction d'un leader européen du gaz, autour de Gaz de France.
Comme vous le savez nous ne produisons pas de gaz et nous sommes donc dépendants de pays producteurs qui se situent dans des zones géographiques très concentrées (Russie, +de 50 % des réserves mondiales sont en Iran et au Qatar). Notre sécurité d'approvisionnent passe donc par un renforcement de nos entreprises dans l'amont gazier, qui est très capitalistique alors que Gaz de France est aujourd'hui un acteur de taille moyenne sur le marché mondial, surtout titulaire des contrats de concessions des collectivités locales en matière de distribution.
Donner des marges de manoeuvre capitalistiques à Gaz de France, c'est lui permettre de réaliser son projet de fusion amicale avec Suez et ainsi voir l'émergence d'un nouvel acteur majeur de l'énergie en Europe issu du rapprochement d'une entreprise française et d'une entreprise franco-belge.
3) Lors du débat à l'Assemblée Nationale, j'ai pu constater que sur tous les bancs on veut une politique européenne . Au niveau européen, la France se préoccupe de faire émerger une stratégie énergétique efficace :
Malgré les directives, malgré l'antécédent de la CECA, l'Europe de l'énergie reste à faire car la solidarité nécessite un minimum d'accord sur le diagnostic : et le diagnostic aujourd'hui ne porte que sur la concurrence, ce qui n'est pas en mesure de régler les problèmes d'approvisionnement.
Aussi la France a présenté en janvier 2006 un « Mémorandum pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable » qui a permis de faire débattre au niveau communautaire des idées défendues par la France, comme :
- la nécessité de politiques énergétiques intégrées - notamment grâce à un renforcement de l'analyse prospective de l'offre et de la demande d'énergie -,
- la nécessité de mieux produire et de mieux consommer l'énergie,
- de renforcer la recherche et développement,
- ainsi que d'engager des actions internationales portant sur l'énergie ou la préservation de l'environnement.
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J'ai eu depuis le plaisir de trouver un écho favorable de ces développements, notamment dans le Livre vert que la Commission européenne a présenté le 8 mars 2006 sur « Une stratégie européenne pour une énergie durable, compétitive et sûre », puis lors du Conseil européen des 23-24 mars 2006. Je suis convaincu que face à un monde qui est toujours plus gourmand en énergies fossiles et à un changement climatique qui s'affirme, une stratégie européenne coordonnée et efficace est indispensable et possible. Nous nous y employons.
Pour conclure, j'ajouterai que le Gouvernement attache une haute priorité à la mise en place d'une stratégie énergétique et à son maintien sur une longue période. La définition de cette stratégie doit être réalisée dans des conditions de transparence et avec la volonté de débattre à tous les niveaux. C'est ce à quoi s'est employé le Gouvernement, depuis le Débat National sur les Énergies organisé en 2003, jusqu'aux récents débats nationaux sur le nucléaire, sans oublier de nombreux débats parlementaires.
Et je ne serais pas complet sans citer :
- les travaux de réflexion de la Commission « Energie » présidée par l'ancien président de la Commission de Régulation de l'Énergie, M. Jean Syrota, dans le cadre du Centre d'Analyse Stratégique, qui étudie les scénarios énergétiques possibles pour la France d'ici 2050 ;
- les scénarios énergétiques régulièrement publié par mon ministère, tels que celui, réalisé en 2004 et qualifié de « scénario de référence à l'horizon 2030 » ;
- le groupe « facteur 4 » (division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050) présidé par Christian de Boissieu, que nous avons mis en place avec Nelly Olin et qui a déjà présenté en juillet dernier des conclusions provisoires (28 recommandations). Un colloque, que je co-présiderai avec Mme Olin, se tiendra le 9 octobre à Bercy pour analyser ces recommandations, et prendre toute la mesure du défi à relever.
Tous ces travaux montrent aussi le potentiel de nouvelles activités de ce secteur face à la contrainte internationale, les économies d'énergie emploient déjà plus de 300 000 personnes en France et les énergies renouvelables 40 000 personnes.
Nous pouvons espérer l'adhésion des citoyens et des entreprises pour qu'ils modifient leurs comportements dans le sens du développement durable. Les pouvoirs publics nationaux mais aussi les collectivités favorisent ces changements grâce à différents instruments, que ce soit les crédits d'impôt, une fiscalité attractive, les certificats d'économie d'énergie, des tarifs d'achat avantageux, une réglementation adaptée, etc. Et de nouvelles créations d'emplois sont attendues, c'est ma troisième conviction.
Vos travaux, en contribuant à préparer la bonne stratégie énergétique de la France sont tout à fait bienvenus et je ne manquerai pas d'en faire bon usage. Je tiens, pour terminer, à remercier le député Claude Gatignol et les autres participants à ce colloque pour leur dévouement à cette belle et noble cause.
Merci de votre attention.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 16 octobre 2006