Texte intégral
Monsieur le Président de la Confédération suisse,
Monsieur le Général, représentant le président de Hongrie,
Monsieur le Maire du VIIIème arrondissement,
Monsieur le Directeur de la rédaction de Paris Match,
Monsieur Pedrazzini,
Mesdames et Messieurs les Combattants de la liberté,
Mes Chers Compatriotes,
Mesdames et Messieurs,
Il y a cinquante ans très exactement, une foule s'avançait, silencieuse, sur les boulevards de Budapest. Son silence, comme une condamnation sans appel des crimes, de la répression et du mensonge, défia, pour la première fois, le système totalitaire répressif imposé à la Hongrie. Un irrépressible espoir animait cette foule. Ce vent de liberté allait soulever tout un pays, tout un peuple contre la tyrannie. Ce vent automnal allait aussi conduire sur cette place un reporter-photographe franco-suisse de Paris Match, Jean-Pierre Pedrazzini, à qui nous rendons hommage aujourd'hui.
La mort, quand elle frappe, inattendue, à l'âge de tous les possibles et de tous les espoirs, nous touche au plus profond des coeurs. La disparition de Jean-Pierre Pedrazzini à vingt-neuf ans annonçait-elle, comme un présage, avec l'écrasement de l'insurrection par les chars soviétiques, la fin tragique des espoirs de la jeunesse hongroise ? Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer la vie et l'action d'un homme, qui s'était porté volontaire pour couvrir le soulèvement de la population hongroise. Il a payé de sa vie le serment qu'il avait fait en embrassant la carrière de journaliste, le serment de la vérité et du témoignage, fragiles mais salutaires armes contre le silence coupable et contre le mensonge.
En érigeant ce buste à quelques mètres de l'endroit où il fut mortellement blessé le 30 octobre 1956, nous voulons non seulement lui rendre hommage mais aussi, à travers lui, rendre hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui ont donné leur vie pour que nous connaissions la vérité. Jean-Pierre Pedrazzini nous rappelle ainsi que ce devoir de vérité a toujours un prix. Son courage tout comme l'actualité nous rappellent aussi que le métier de journaliste est toujours un métier dangereux, qu'il s'exerce à Budapest en 1956, ou, de nos jours, à Moscou, Bagdad, Abidjan et dans bien d'autres lieux. Je rappelle qu'il y a eu 63 journalistes tués en 2005 et qu'au moment où je vous parle 130 d'entre eux sont emprisonnés ou retenus en otage dans le monde. Je veux avoir aujourd'hui une pensée particulière pour Jean Hélène, assassiné, pour Fred Nerac et Guy-André Kieffer également, disparus tous deux dans des circonstances tragiques. Pourtant que seraient notre monde et notre conscience sans ces témoignages indispensables et donc sans cette liberté de la presse qui est l'un des fondements de notre système démocratique ? Les clichés noir et blanc de Jean-Pierre Pedrazzini sur la révolution hongroise ont fait le tour du monde et sont devenus une part de notre mémoire collective. Oui, il avait vraiment rencontré "l'âme de l'insurrection".
Nous rendons aussi hommage par ce geste aux combattants de la liberté hongrois, dont la présence parmi nous aujourd'hui nous honore et pour lesquels Jean-Pierre Pedrazzini aura été un compagnon d'armes, un frère d'idéal puisqu'ils partageaient les mêmes espoirs. Spectateur engagé, Jean-Pierre Pedrazzini aura été, à sa manière, un acteur de cette Révolution, lui qui n'hésita pas, au mépris du danger, à secourir ce 30 octobre 1956 un jeune combattant blessé.
Cette cérémonie est aussi pour la France une occasion de remercier le peuple hongrois de son combat pour la défense de sa liberté mais aussi de la nôtre, de lui dire que son sacrifice aura permis à l'Europe, des décennies plus tard, d'être réunifiée. Jean-Pierre Pedrazzini est à ce titre un messager du lien qui existe entre nos deux pays. Sa présence à Budapest fut un exemple de cette solidarité instinctive et spontanée que la population française a ressentie envers les combattants hongrois de la liberté. Cette solidarité s'est aussi exprimée, vous le savez, par l'accueil de plus de 13.000 réfugiés qui, fuyant la répression, ont trouvé en France une seconde patrie.
Au moment d'inaugurer cette statue, je tiens, au nom des autorités françaises, à remercier tout particulièrement Monsieur le Maire de Budapest et les services de la mairie de Budapest, Monsieur le Maire du VIIIème arrondissement et les services de la municipalité, qui ont apporté une aide précieuse dans la réalisation de ce projet. Je tiens également à remercier M. Tibor Bakonyi, président de l'Association de Jeunesse Szent Laszlo, à l'initiative de ce buste et pour son engagement renouvelé chaque année qui permet d'honorer la mémoire de Jean-Pierre Pedrazzini, M. Attila Zsigmond, président de la galerie de Budapest, pour ces précieux conseils, le sculpteur, M. Gábor Szabó, pour la qualité de son travail, le magazine Paris Match, la famille de Jean-Pierre Pedrazzini que je salue respectueusement et vous, Mes Chers Compatriotes, qui êtes venus nombreux aujourd'hui pour honorer la mémoire de l'un des nôtres et notre attachement aux liens d'amitié entre la Hongrie et la France.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2006