Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Permettez-moi d'abord de me réjouir de l'occasion que vous m'offrez de venir parler devant vous de la politique culturelle de mon ministère. Je souhaiterais centrer mon intervention sur notre politique de rayonnement du français dans le monde et vous montrer combien elle est intimement liée au combat que la France mène en faveur de la diversité culturelle, ainsi qu'à l'adaptation et au développement de notre dispositif d'influence et de coopération culturelle. Aussi, j'évoquerai brièvement les premiers résultats de notre travail en faveur de la diversité culturelle ; puis j'aborderai plus particulièrement notre nouvelle politique pour le français, et enfin, je vous parlerai des évolutions nécessaires, pour que notre réseau de coopération et d'influence soit encore plus efficace.
1. La convention sur la diversité culturelle est une chance pour le plurilinguisme et donc pour le français
La langue n'est en effet pas seulement un simple outil de communication : elle est aussi une façon de voir et de penser le monde, elle est vecteur de culture et de civilisation. Je le constate lors de mes déplacements : La demande de français reste forte dans de nombreux pays. Cette demande repose, dans les régions anglophones et lusophones notamment, sur une véritable volonté de diversification culturelle et linguistique ainsi que d'intégration régionale (c'est le cas du Ghana ou du Mozambique, par exemple, qui viennent de rejoindre l'Organisation internationale de la Francophonie ou encore du Botswana). Elle repose aussi sur ce besoin d'une mondialisation maîtrisée et respectueuse de toutes les identités et de toutes les cultures portée par la France.
Le français dans le monde, c'est aujourd'hui :
- 175 millions de francophones dont 110 millions de francophones réels et 65 millions de francophones partiels ;
- 75 millions d'apprenants de français, dont 600.000 formés dans les alliances françaises et les centres culturels français et 160.000 dans les établissements de l'AEFE ;
- 825.500 professeurs de français dans le monde ;
- Une augmentation de 16 millions d'apprenants de français en 10 ans.
Le français est, avec l'anglais, l'une des deux seules langues parlées sur tous les continents et demeure une grande langue internationale. Le français fait partie en effet des 6 langues officielles de l'ONU et de ses trois langues de travail. Il fait également partie des langues officielles de l'Union africaine. Il reste enfin, en pratique, l'une des deux langues de travail de l'Union européenne, même si son rôle est aujourd'hui clairement minoritaire depuis les deux derniers élargissements de 1995 et de 2004. Tendance qu'il nous faut absolument inverser puisqu'au 1er janvier prochain, nous serons 14 membres de l'Union sur 27, c'est-à-dire la majorité, à être aussi membres de l'OIF.
En effet, force est de constater que, si le nombre de locuteurs de français augmente dans le monde, sa position se dégrade dans les enceintes internationales. Conserver au français toute sa place dans ces enceintes est donc un combat quotidien qui appelle la vigilance de tous les services diplomatiques de l'Etat et auquel l'Organisation internationale de la Francophonie apporte toute sa part. Le vade mecum en faveur de l'utilisation du français dans les organisations internationales adopté par les ministres, à l'occasion du XIème Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones de Bucarest, est un nouvel outil au service des diplomaties francophones pour relever ce défi. Le document reflète l'engagement politique des Etats francophones en faveur du français, tout en prenant en compte la situation particulière des pays bilingues ou multilingues.
2. Pour essentielle qu'elle soit, notre politique pour le français doit hiérarchiser ses priorités
Notre langue est placée dans un environnement de plus en plus concurrentiel face à l'anglais et à l'espagnol notamment mais aussi de plus en plus au chinois ou à l'arabe. Les risques existent, par conséquent, en l'absence de politique offensive, de voir diminuer sa place et son rôle. Aussi, le gouvernement souhaite hiérarchiser les priorités et renforcer notre politique en faveur du français dans deux régions stratégiques pour l'avenir de notre langue : l'Europe et l'Afrique.
L'Europe, où se joue le devenir du français comme grande langue des relations internationales, est un enjeu majeur. L'Union européenne élargie doit offrir l'exemple d'une diversité culturelle et linguistique assumée, surtout dans le fonctionnement de ses institutions. Dans cet esprit la France travaille dans trois directions.
- Dans le cadre de la négociation du nouveau statut de la fonction publique communautaire, nous avons veillé à ce que la place privilégiée du français au sein des institutions soit préservée. Ainsi, la promotion de fonctionnaires européens comporte désormais l'obligation de maîtriser une troisième langue.
- La France oeuvre également à renforcer son plan de formation pluriannuelle au français à destination des fonctionnaires européens. Le budget alloué en 2006 à l'OIF pour ces actions s'élève à 2,5 millions d'euros auxquels s'ajoutent près de 300 000 euros versés par mon ministère. Le nombre de personnes ayant bénéficié de formations en français organisées dans ce cadre a augmenté de manière importante au cours des dernières années. Ainsi, en 2006, plus de 9 500 formations individuelles ont été organisées à travers l'Europe.
Ce plan a pu être mis en oeuvre localement grâce à notre réseau de centres et d'instituts culturels et d'Alliances françaises en Europe, lesquels disposent de l'expertise pédagogique nécessaire pour assurer ces formations très spécialisées. Ces établissements culturels ont été profondément modernisés au cours des années récentes. Il s'agit désormais de véritables outils au service de notre influence en Europe, s'adressant à des publics ciblés auxquels ils proposent une large gamme de services spécialisés. La promotion de la création et des industries culturelles françaises, s'effectue, quant à elle, le plus souvent en dehors de nos structures, en partenariat avec les institutions locales.
- En plein accord avec la Commission européenne, nos postes diplomatiques et culturels s'attachent à conforter la présence du français au sein des systèmes éducatifs nationaux en promouvant la généralisation de deux langues vivantes obligatoires pendant la scolarité, l'introduction d'une seconde langue obligatoire bénéficiant le plus souvent au français.
L'Afrique et ses 1,2 milliard d'habitants à l'horizon 2020, est la seconde zone prioritaire pour notre politique linguistique. La France doit veiller à ce que le français y devienne réellement la langue du développement, de la solidarité et de l'intégration régionale. Il s'agit avant tout de consolider la place du français dans les systèmes éducatifs locaux, en formant mieux un plus grand nombre de professeurs de français, en améliorant la formation en français des formateurs dans les systèmes éducatifs où le français est la langue des apprentissages fondamentaux, et en créant un environnement favorable au français hors milieu scolaire. Il convient également d'améliorer l'usage du français dans les institutions et organisations régionales africaines comme l'Union africaine et la CEDEAO.
Au total, la France consacre près de 200 millions d'euros à la promotion de la francophonie et du français et même plus de 800 millions d'euros si l'on y ajoute les crédits destinés à l'AEFE et au réseau culturel. Au titre de notre coopération bilatérale, pour l'année 2007, les crédits inscrits sont de l'ordre de 60 Meuros. L'effort financier portera, par exemple, sur la formation, sur 3 ans, de 10.000 professeurs de français pour remédier à un problème de renouvellement des générations. Il portera également sur le lancement d'un programme d'utilisation renforcée des technologies de l'information et de la communication au service de l'enseignement (TICE).
A ce montant s'ajoutent bien entendu les contributions de la France aux organisations de la Francophonie multilatérale qui sont stables, et représentent, pour 2007, 68 millions d'euros, dont 33,5 millions d'euros pour l'OIF et 33 millions d'euros pour l'AUF.
3. Notre dispositif d'influence et de coopération est au service du rayonnement de la France et du français
Mon ministère dispose de trois instruments d'importance qu'il convient d'adapter et de développer, et sans lesquels aucune politique de rayonnement du français n'est possible. Ce sont :
- nos 148 centres et instituts culturels, et 250 Alliances françaises ;
- notre réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger ;
- un audiovisuel extérieur performant avec RFI, TV5, la chaîne francophone, et, dès la fin de cette année, France 24, la chaîne française d'information continue.
J'ai évoqué le rôle nouveau que tiennent les centres et instituts culturels au service de l'influence française en Europe. Ailleurs dans le monde, et notamment en Afrique subsaharienne, au Maghreb, et plus largement dans la Zone de solidarité prioritaire, les centres culturels sont aussi des instruments de notre coopération : lieux de formation et de diffusion des artistes locaux et régionaux, mais aussi espaces de découverte de la culture française contemporaine pour le public local, les centres sont souvent le principal équipement culturel des villes où ils sont implantés. Ils servent de support aux politiques mises en oeuvre sur FSP (pour la formation en français, la lecture publique, le développement culturel).
En considération de ces différents objectifs, j'ai veillé à ce que les crédits de ces établissements soient globalement maintenus, sans s'interdire de procéder à certains redéploiements en fonction des évolutions stratégiques et politiques. C'est ainsi qu'une nouvelle Alliance française s'est ouverte en Chine voici quelques semaines, confortant un réseau créé de toutes pièces en l'espace de seulement quelques années. Ou que nous allons pouvoir rouvrir en 2007 le centre culturel français de Tizi-Ouzou, après celui de Tlemcen en 2006 : le réseau des centres culturels français en Algérie, que des considérations de sécurité nous avaient contraint à fermer après 1994, sera ainsi globalement reconstitué l'an prochain.
CulturesFrance, créée en 2006, a bien entendu vocation à travailler en partenariat constant, comme le faisaient par le passé l'AFAA et l'ADPF, avec le réseau des services et des établissements culturels français à l'étranger.
Le réseau des établissements d'enseignement à l'étranger joue également un rôle essentiel pour la présence française, son influence et son rayonnement dans le monde. Il constitue le premier réseau scolaire mondial à l'étranger par le nombre des établissements et l'étendue de son implantation, il totalise près de 440 écoles et lycées dans 130 pays, dont 256 relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et plusieurs dizaines de la Mission laïque française, liée depuis novembre 2005 au ministère des Affaires étrangères par un mémorandum d'entente.
240.000 élèves sont scolarisés, dont près de 160.000 dans les établissements liés à l'AEFE (45% de Français, 55% d'étrangers). L'homologation délivrée par le ministère de l'Education nationale (MENESR) garantit la qualité, l'homogénéité de l'enseignement et la fluidité de la scolarisation (les élèves peuvent circuler d'un établissement à l'étranger à l'autre ou venir poursuivre leur scolarité en France). Une large place est faite à l'enseignement de la langue et de la culture du pays d'accueil.
Le réseau, qui scolarise une majorité de jeunes ressortissants locaux ou de pays tiers contribue à former et à orienter vers notre pays les élites étrangères. La très forte attractivité du réseau d'établissements scolaires français que traduit la hausse de ses effectifs d'élèves de près de 10 % en 15 ans témoigne de sa grande qualité. Le ministère des Affaires étrangères, à travers l'AEFE, contribue aux côtés des familles de façon importante au développement maîtrisé de ce réseau : la subvention 2006 versée à l'AEFE est de 324,6 millions d'euros. L'aide consiste principalement en l'affectation de personnels titulaires (6 450 emplois) et concerne également des projets immobiliers. Afin de développer ce réseau, pour répondre aux besoins des familles, il a été décidé de lancer un plan de rénovation ou de construction de nouveaux établissements notamment à Dakar, Munich, Ho Chi Minh Ville, Hanoï ou Londres. Il a été décidé, par ailleurs, de faire appel à des financements novateurs, notamment en partenariat public/privé comme c'est le cas pour l'opération de construction du lycée du Caire. En 2006, 63 millions d'euros ont d'ores et déjà été programmés pour des projets immobiliers scolaires.
Nos grands opérateurs audiovisuels internationaux, TV5 et RFI, jouent également un rôle primordial, en tant que relais de notre influence culturelle et linguistique. En décidant de lancer France 24 qui va démarrer ses émissions dans quelques semaines, le gouvernement a mis un terme à la relative stagnation qui marquait, jusqu'en 2006, l'effort budgétaire de la France en faveur de son audiovisuel extérieur. En ajoutant au programme 116, support de France 24, le programme 115 qui finance TV5, RFI et CFI et la contribution de la redevance à RFI (et marginalement à TV5), le total des ressources publiques consacrées à l'audiovisuel extérieur va dépasser 305 millions d'euros, progressant de 17 % entre le budget exécuté en 2006 et le PLF 2007. Ceci marque bien la volonté du Gouvernement de rapprocher l'audiovisuel extérieur français du niveau de financement des médias internationaux des autres grands pays développés.
J'ajouterai à cette remarque que, pour la première fois en 2007, la France consacrera davantage de crédits publics à la télévision qu'à la radio extérieure. Cette évolution ne fait que refléter le constat que chacun peut faire : à l'exception, pour quelques années encore, de l'Afrique subsaharienne, c'est la télévision qui est partout devenue le média dominant, sur lequel nous devons aujourd'hui concentrer nos efforts. C'est pourquoi je crois que, pour promouvoir ses idées, sa culture, sa langue dans le monde, il faut que la France dispose à la fois, avec TV5 Monde d'une télévision généraliste en langue française construite depuis plus de 20 ans avec nos amis francophones, et avec France 24 d'une chaîne d'information multilingue mobilisée en permanence sur l'actualité du monde. TV5 Monde et France 24 seront complémentaires et devront s'épauler mutuellement à travers une coordination étroite, en termes de distribution, de promotion, mais aussi de programmes. Le fait que France 24 sera diffusée sur deux canaux, l'un en français et l'autre laissant une très large place à la langue anglaise, et progressivement à d'autres grandes langues, de façon à toucher le plus de téléspectateurs possibles, ne fera que renforcer cette complémentarité naturelle. Il faut également souligner que, au départ et pendant plusieurs années, TV5, qui bénéficiera en 2007 d'une dotation du ministère des Affaires étrangères en hausse de 4 % (65,27 millions d'euros), restera la seule présence télévisée française en Asie et, pour l'essentiel, en Amérique.
Pour sa part, RFI doit, pour rester demain le média transfrontières de grande qualité qu'elle a su devenir, évoluer en profondeur vers un rôle de "bimédia", dans lequel l'Internet jouera un rôle au moins aussi important que la radio hertzienne classique. C'est un chantier ambitieux qu'il faut engager sans tarder : le Gouvernement est décidé à soutenir RFI à travers la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens qui devra traduire la nécessité de cette révolution. Pour 2007, compte tenu d'une hausse de 0,5 million d'euros de la subvention à RMC Moyen-Orient, d'une baisse de 2,5 millions d'euros de celle versée à RFI, et par ailleurs d'une économie annuelle de 5 millions d'euros consécutive à la renégociation de son contrat onde courte avec TDF, le groupe RFI disposera de ressources stables par rapport à 2006. RFI devra cependant, dans ce contexte très contraint, poursuivre la politique d'économies à laquelle le gouvernement l'incite depuis plusieurs années.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je conclurai en disant qu'une réflexion indispensable s'est ouverte au sein de mon ministère pour que la politique du français devienne une question véritablement transversale qui irrigue l'ensemble de nos politiques d'influence et de coopération. La place de la France au sein de l'Union européenne et dans le monde dépend avant tout de sa capacité d'adaptation aux évolutions d'aujourd'hui. C'est bien par une politique volontariste et conforme aux réalités nouvelles que la France se doit de préserver et d'élargir son influence culturelle et linguistique dans le monde.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2006
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Permettez-moi d'abord de me réjouir de l'occasion que vous m'offrez de venir parler devant vous de la politique culturelle de mon ministère. Je souhaiterais centrer mon intervention sur notre politique de rayonnement du français dans le monde et vous montrer combien elle est intimement liée au combat que la France mène en faveur de la diversité culturelle, ainsi qu'à l'adaptation et au développement de notre dispositif d'influence et de coopération culturelle. Aussi, j'évoquerai brièvement les premiers résultats de notre travail en faveur de la diversité culturelle ; puis j'aborderai plus particulièrement notre nouvelle politique pour le français, et enfin, je vous parlerai des évolutions nécessaires, pour que notre réseau de coopération et d'influence soit encore plus efficace.
1. La convention sur la diversité culturelle est une chance pour le plurilinguisme et donc pour le français
La langue n'est en effet pas seulement un simple outil de communication : elle est aussi une façon de voir et de penser le monde, elle est vecteur de culture et de civilisation. Je le constate lors de mes déplacements : La demande de français reste forte dans de nombreux pays. Cette demande repose, dans les régions anglophones et lusophones notamment, sur une véritable volonté de diversification culturelle et linguistique ainsi que d'intégration régionale (c'est le cas du Ghana ou du Mozambique, par exemple, qui viennent de rejoindre l'Organisation internationale de la Francophonie ou encore du Botswana). Elle repose aussi sur ce besoin d'une mondialisation maîtrisée et respectueuse de toutes les identités et de toutes les cultures portée par la France.
Le français dans le monde, c'est aujourd'hui :
- 175 millions de francophones dont 110 millions de francophones réels et 65 millions de francophones partiels ;
- 75 millions d'apprenants de français, dont 600.000 formés dans les alliances françaises et les centres culturels français et 160.000 dans les établissements de l'AEFE ;
- 825.500 professeurs de français dans le monde ;
- Une augmentation de 16 millions d'apprenants de français en 10 ans.
Le français est, avec l'anglais, l'une des deux seules langues parlées sur tous les continents et demeure une grande langue internationale. Le français fait partie en effet des 6 langues officielles de l'ONU et de ses trois langues de travail. Il fait également partie des langues officielles de l'Union africaine. Il reste enfin, en pratique, l'une des deux langues de travail de l'Union européenne, même si son rôle est aujourd'hui clairement minoritaire depuis les deux derniers élargissements de 1995 et de 2004. Tendance qu'il nous faut absolument inverser puisqu'au 1er janvier prochain, nous serons 14 membres de l'Union sur 27, c'est-à-dire la majorité, à être aussi membres de l'OIF.
En effet, force est de constater que, si le nombre de locuteurs de français augmente dans le monde, sa position se dégrade dans les enceintes internationales. Conserver au français toute sa place dans ces enceintes est donc un combat quotidien qui appelle la vigilance de tous les services diplomatiques de l'Etat et auquel l'Organisation internationale de la Francophonie apporte toute sa part. Le vade mecum en faveur de l'utilisation du français dans les organisations internationales adopté par les ministres, à l'occasion du XIème Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones de Bucarest, est un nouvel outil au service des diplomaties francophones pour relever ce défi. Le document reflète l'engagement politique des Etats francophones en faveur du français, tout en prenant en compte la situation particulière des pays bilingues ou multilingues.
2. Pour essentielle qu'elle soit, notre politique pour le français doit hiérarchiser ses priorités
Notre langue est placée dans un environnement de plus en plus concurrentiel face à l'anglais et à l'espagnol notamment mais aussi de plus en plus au chinois ou à l'arabe. Les risques existent, par conséquent, en l'absence de politique offensive, de voir diminuer sa place et son rôle. Aussi, le gouvernement souhaite hiérarchiser les priorités et renforcer notre politique en faveur du français dans deux régions stratégiques pour l'avenir de notre langue : l'Europe et l'Afrique.
L'Europe, où se joue le devenir du français comme grande langue des relations internationales, est un enjeu majeur. L'Union européenne élargie doit offrir l'exemple d'une diversité culturelle et linguistique assumée, surtout dans le fonctionnement de ses institutions. Dans cet esprit la France travaille dans trois directions.
- Dans le cadre de la négociation du nouveau statut de la fonction publique communautaire, nous avons veillé à ce que la place privilégiée du français au sein des institutions soit préservée. Ainsi, la promotion de fonctionnaires européens comporte désormais l'obligation de maîtriser une troisième langue.
- La France oeuvre également à renforcer son plan de formation pluriannuelle au français à destination des fonctionnaires européens. Le budget alloué en 2006 à l'OIF pour ces actions s'élève à 2,5 millions d'euros auxquels s'ajoutent près de 300 000 euros versés par mon ministère. Le nombre de personnes ayant bénéficié de formations en français organisées dans ce cadre a augmenté de manière importante au cours des dernières années. Ainsi, en 2006, plus de 9 500 formations individuelles ont été organisées à travers l'Europe.
Ce plan a pu être mis en oeuvre localement grâce à notre réseau de centres et d'instituts culturels et d'Alliances françaises en Europe, lesquels disposent de l'expertise pédagogique nécessaire pour assurer ces formations très spécialisées. Ces établissements culturels ont été profondément modernisés au cours des années récentes. Il s'agit désormais de véritables outils au service de notre influence en Europe, s'adressant à des publics ciblés auxquels ils proposent une large gamme de services spécialisés. La promotion de la création et des industries culturelles françaises, s'effectue, quant à elle, le plus souvent en dehors de nos structures, en partenariat avec les institutions locales.
- En plein accord avec la Commission européenne, nos postes diplomatiques et culturels s'attachent à conforter la présence du français au sein des systèmes éducatifs nationaux en promouvant la généralisation de deux langues vivantes obligatoires pendant la scolarité, l'introduction d'une seconde langue obligatoire bénéficiant le plus souvent au français.
L'Afrique et ses 1,2 milliard d'habitants à l'horizon 2020, est la seconde zone prioritaire pour notre politique linguistique. La France doit veiller à ce que le français y devienne réellement la langue du développement, de la solidarité et de l'intégration régionale. Il s'agit avant tout de consolider la place du français dans les systèmes éducatifs locaux, en formant mieux un plus grand nombre de professeurs de français, en améliorant la formation en français des formateurs dans les systèmes éducatifs où le français est la langue des apprentissages fondamentaux, et en créant un environnement favorable au français hors milieu scolaire. Il convient également d'améliorer l'usage du français dans les institutions et organisations régionales africaines comme l'Union africaine et la CEDEAO.
Au total, la France consacre près de 200 millions d'euros à la promotion de la francophonie et du français et même plus de 800 millions d'euros si l'on y ajoute les crédits destinés à l'AEFE et au réseau culturel. Au titre de notre coopération bilatérale, pour l'année 2007, les crédits inscrits sont de l'ordre de 60 Meuros. L'effort financier portera, par exemple, sur la formation, sur 3 ans, de 10.000 professeurs de français pour remédier à un problème de renouvellement des générations. Il portera également sur le lancement d'un programme d'utilisation renforcée des technologies de l'information et de la communication au service de l'enseignement (TICE).
A ce montant s'ajoutent bien entendu les contributions de la France aux organisations de la Francophonie multilatérale qui sont stables, et représentent, pour 2007, 68 millions d'euros, dont 33,5 millions d'euros pour l'OIF et 33 millions d'euros pour l'AUF.
3. Notre dispositif d'influence et de coopération est au service du rayonnement de la France et du français
Mon ministère dispose de trois instruments d'importance qu'il convient d'adapter et de développer, et sans lesquels aucune politique de rayonnement du français n'est possible. Ce sont :
- nos 148 centres et instituts culturels, et 250 Alliances françaises ;
- notre réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger ;
- un audiovisuel extérieur performant avec RFI, TV5, la chaîne francophone, et, dès la fin de cette année, France 24, la chaîne française d'information continue.
J'ai évoqué le rôle nouveau que tiennent les centres et instituts culturels au service de l'influence française en Europe. Ailleurs dans le monde, et notamment en Afrique subsaharienne, au Maghreb, et plus largement dans la Zone de solidarité prioritaire, les centres culturels sont aussi des instruments de notre coopération : lieux de formation et de diffusion des artistes locaux et régionaux, mais aussi espaces de découverte de la culture française contemporaine pour le public local, les centres sont souvent le principal équipement culturel des villes où ils sont implantés. Ils servent de support aux politiques mises en oeuvre sur FSP (pour la formation en français, la lecture publique, le développement culturel).
En considération de ces différents objectifs, j'ai veillé à ce que les crédits de ces établissements soient globalement maintenus, sans s'interdire de procéder à certains redéploiements en fonction des évolutions stratégiques et politiques. C'est ainsi qu'une nouvelle Alliance française s'est ouverte en Chine voici quelques semaines, confortant un réseau créé de toutes pièces en l'espace de seulement quelques années. Ou que nous allons pouvoir rouvrir en 2007 le centre culturel français de Tizi-Ouzou, après celui de Tlemcen en 2006 : le réseau des centres culturels français en Algérie, que des considérations de sécurité nous avaient contraint à fermer après 1994, sera ainsi globalement reconstitué l'an prochain.
CulturesFrance, créée en 2006, a bien entendu vocation à travailler en partenariat constant, comme le faisaient par le passé l'AFAA et l'ADPF, avec le réseau des services et des établissements culturels français à l'étranger.
Le réseau des établissements d'enseignement à l'étranger joue également un rôle essentiel pour la présence française, son influence et son rayonnement dans le monde. Il constitue le premier réseau scolaire mondial à l'étranger par le nombre des établissements et l'étendue de son implantation, il totalise près de 440 écoles et lycées dans 130 pays, dont 256 relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et plusieurs dizaines de la Mission laïque française, liée depuis novembre 2005 au ministère des Affaires étrangères par un mémorandum d'entente.
240.000 élèves sont scolarisés, dont près de 160.000 dans les établissements liés à l'AEFE (45% de Français, 55% d'étrangers). L'homologation délivrée par le ministère de l'Education nationale (MENESR) garantit la qualité, l'homogénéité de l'enseignement et la fluidité de la scolarisation (les élèves peuvent circuler d'un établissement à l'étranger à l'autre ou venir poursuivre leur scolarité en France). Une large place est faite à l'enseignement de la langue et de la culture du pays d'accueil.
Le réseau, qui scolarise une majorité de jeunes ressortissants locaux ou de pays tiers contribue à former et à orienter vers notre pays les élites étrangères. La très forte attractivité du réseau d'établissements scolaires français que traduit la hausse de ses effectifs d'élèves de près de 10 % en 15 ans témoigne de sa grande qualité. Le ministère des Affaires étrangères, à travers l'AEFE, contribue aux côtés des familles de façon importante au développement maîtrisé de ce réseau : la subvention 2006 versée à l'AEFE est de 324,6 millions d'euros. L'aide consiste principalement en l'affectation de personnels titulaires (6 450 emplois) et concerne également des projets immobiliers. Afin de développer ce réseau, pour répondre aux besoins des familles, il a été décidé de lancer un plan de rénovation ou de construction de nouveaux établissements notamment à Dakar, Munich, Ho Chi Minh Ville, Hanoï ou Londres. Il a été décidé, par ailleurs, de faire appel à des financements novateurs, notamment en partenariat public/privé comme c'est le cas pour l'opération de construction du lycée du Caire. En 2006, 63 millions d'euros ont d'ores et déjà été programmés pour des projets immobiliers scolaires.
Nos grands opérateurs audiovisuels internationaux, TV5 et RFI, jouent également un rôle primordial, en tant que relais de notre influence culturelle et linguistique. En décidant de lancer France 24 qui va démarrer ses émissions dans quelques semaines, le gouvernement a mis un terme à la relative stagnation qui marquait, jusqu'en 2006, l'effort budgétaire de la France en faveur de son audiovisuel extérieur. En ajoutant au programme 116, support de France 24, le programme 115 qui finance TV5, RFI et CFI et la contribution de la redevance à RFI (et marginalement à TV5), le total des ressources publiques consacrées à l'audiovisuel extérieur va dépasser 305 millions d'euros, progressant de 17 % entre le budget exécuté en 2006 et le PLF 2007. Ceci marque bien la volonté du Gouvernement de rapprocher l'audiovisuel extérieur français du niveau de financement des médias internationaux des autres grands pays développés.
J'ajouterai à cette remarque que, pour la première fois en 2007, la France consacrera davantage de crédits publics à la télévision qu'à la radio extérieure. Cette évolution ne fait que refléter le constat que chacun peut faire : à l'exception, pour quelques années encore, de l'Afrique subsaharienne, c'est la télévision qui est partout devenue le média dominant, sur lequel nous devons aujourd'hui concentrer nos efforts. C'est pourquoi je crois que, pour promouvoir ses idées, sa culture, sa langue dans le monde, il faut que la France dispose à la fois, avec TV5 Monde d'une télévision généraliste en langue française construite depuis plus de 20 ans avec nos amis francophones, et avec France 24 d'une chaîne d'information multilingue mobilisée en permanence sur l'actualité du monde. TV5 Monde et France 24 seront complémentaires et devront s'épauler mutuellement à travers une coordination étroite, en termes de distribution, de promotion, mais aussi de programmes. Le fait que France 24 sera diffusée sur deux canaux, l'un en français et l'autre laissant une très large place à la langue anglaise, et progressivement à d'autres grandes langues, de façon à toucher le plus de téléspectateurs possibles, ne fera que renforcer cette complémentarité naturelle. Il faut également souligner que, au départ et pendant plusieurs années, TV5, qui bénéficiera en 2007 d'une dotation du ministère des Affaires étrangères en hausse de 4 % (65,27 millions d'euros), restera la seule présence télévisée française en Asie et, pour l'essentiel, en Amérique.
Pour sa part, RFI doit, pour rester demain le média transfrontières de grande qualité qu'elle a su devenir, évoluer en profondeur vers un rôle de "bimédia", dans lequel l'Internet jouera un rôle au moins aussi important que la radio hertzienne classique. C'est un chantier ambitieux qu'il faut engager sans tarder : le Gouvernement est décidé à soutenir RFI à travers la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens qui devra traduire la nécessité de cette révolution. Pour 2007, compte tenu d'une hausse de 0,5 million d'euros de la subvention à RMC Moyen-Orient, d'une baisse de 2,5 millions d'euros de celle versée à RFI, et par ailleurs d'une économie annuelle de 5 millions d'euros consécutive à la renégociation de son contrat onde courte avec TDF, le groupe RFI disposera de ressources stables par rapport à 2006. RFI devra cependant, dans ce contexte très contraint, poursuivre la politique d'économies à laquelle le gouvernement l'incite depuis plusieurs années.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je conclurai en disant qu'une réflexion indispensable s'est ouverte au sein de mon ministère pour que la politique du français devienne une question véritablement transversale qui irrigue l'ensemble de nos politiques d'influence et de coopération. La place de la France au sein de l'Union européenne et dans le monde dépend avant tout de sa capacité d'adaptation aux évolutions d'aujourd'hui. C'est bien par une politique volontariste et conforme aux réalités nouvelles que la France se doit de préserver et d'élargir son influence culturelle et linguistique dans le monde.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2006