Texte intégral
Q - Que peut-on faire pour empêcher la Corée du Nord de poursuivre son programme nucléaire ?
R - D'abord, il faut bien comprendre ce qui s'est passé la semaine dernière : annonce d'un essai nucléaire par la Corée du Nord et réaction rapide, ferme et unanime, y compris par la Chine, du Conseil de sécurité des Nations unies qui a adopté une résolution.
Cette résolution vise à exiger le démantèlement des programmes nucléaires balistiques et d'armes de destruction massive de la Corée du Nord. C'est une énorme affaire et, en réalité, la communauté internationale - on y reviendra je pense - s'adresse à la Corée du Nord mais aussi à l'Iran.
C'est la première fois qu'il y a à la fois la fermeté, la rapidité et l'unanimité de la communauté internationale. Il faut qu'elle le reste pour la mise en oeuvre de la résolution et c'est là la grande difficulté. Il faut un dialogue avec les Russes et les Chinois et nous nous apprêtons à travailler avec eux dans ce sens.
Q - Mme Rice est arrivée en Asie pour convaincre les Japonais et les Russes de se joindre aux Etats-Unis pour la mise en place des sanctions. Ces sanctions sont-elles suffisantes ou faut-il envisager une opération militaire ?
R - Il faut tout d'abord mettre en place cette résolution. Si, véritablement, on obtient le démantèlement des programmes balistiques, nucléaires et des armes de destruction massive, ce serait une victoire sans précédent de la communauté internationale.
Q - Est-ce que l'on peut croire cela alors que la Corée du Nord parle de "déclaration de guerre" ?
R - La Corée du Nord a rejeté cette résolution ; on s'y attendait. En réalité, pour la première fois, les Chinois ont accepté de suivre les autres membres du Conseil de sécurité. Les Japonais, eux, n'ont pas de difficultés puisqu'ils sont directement concernés.
La vraie question, si vous permettez que j'élargisse le débat pour sortir du cadre classique lorsque l'on parle de ce type de problème, c'est celle du réchauffement de la planète.
Pourquoi parler du réchauffement de la planète alors qu'il est question du nucléaire et de la Corée du Nord ? Parce qu'une des solutions pour tous les pays en voie d'industrialisation, c'est d'abandonner progressivement le pétrole, le gaz et le charbon et d'aller vers le nucléaire. La France a suivi cette voie avec le général de Gaulle et, surtout, le président Giscard d'Estaing qui avaient fait ce choix.
80 % de notre électricité vient du nucléaire civil. Nous sommes les meilleurs au monde dans ce domaine, avec Areva, et nous exportons cette technologie. Lorsque nous irons en Chine, avec le président de la République, nous espérons emporter ce marché du nucléaire civil. Lorsque nous allons en Inde ou en Turquie, nous poursuivons le même objectif : ce sont des marchés colossaux. Nous devons poursuivre le développement de la technologie nucléaire civile.
Quelle est la différence entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire pour ceux qui nous écoutent ? La technologie n'est pas différente. C'est une question de pourcentage d'enrichissement d'uranium. Et, lorsque vous avez commencé à enrichir de l'uranium avec des centrifugeuses, qui vous dit que cela ne dépasse pas le seuil d'enrichissement à 5 % pour arriver à 20 % ? Une des questions qui est posée, aujourd'hui, c'est la crédibilité du système multilatéral de non-prolifération. Or, personne n'en parle aujourd'hui.
Q - Il est vrai que la Corée du Nord a démontré sa volonté et sa capacité de se doter de l'arme nucléaire et on peut se dire que si elle y parvenait, des pays comme le Brésil, l'Arabie Saoudite ou l'Egypte feraient de même ?
R - Le problème qui se pose à nous aujourd'hui, en effet, c'est celui du nucléaire civil. Je n'ai pas la solution mais je sais qu'il est nécessaire de poser très rapidement la question de la sécurisation et de la crédibilité du système multilatéral. C'est évidemment dans le cadre d'un système multilatéral comme l'ONU qu'il faut poser la question. Une des solutions serait peut-être une mutualisation.
Q - Le nouveau Secrétaire général des Nations unies étant un Sud-Coréen est-ce un atout dans les négociations ?
R - En tout cas, c'est bon signe qu'avant même de prendre ses fonctions de Secrétaire général, Ban Ki-Moon, que je connais bien, ait eu un geste de médiation à l'égard de la Corée du Nord. C'est son rôle de futur Secrétaire général. Ce genre de question ne pourra se régler qu'à un très haut niveau.
Plusieurs questions se posent.
La première, comme je le disais, c'est la crédibilité de ce système multilatéral incarné par l'Agence internationale pour l'Energie atomique.
La seconde est la suivante : est-ce que l'ONU pourra continuer à ne pas se réformer ? Lorsque vous parlez avec un Coréen du Nord, ou avec un Iranien, ils demandent ce que signifie "la communauté internationale", ils demandent à ce qu'on leur explique comment cinq pays qui sont membres permanents du Conseil de sécurité - la Chine, la Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France - décident de tout pour tout le monde.
La véritable question qui se pose pour le XXIème siècle est de savoir jusqu'où voudra-t-on réformer l'Organisation des Nations unies. Le président Chirac, me semble-t-il, a une véritable vision du monde parce qu'il a encouragé les pays de ce que l'on appelle le G4, dont l'Inde et le Japon, qui veulent rentrer dans ce club. Mais évidemment pour nous, a priori, sur le papier, cela nous donne moins de force. Parce que, ne vous y trompez pas : la force de la France dans le monde, c'est sa dissuasion nucléaire et sa place parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais ne pensons pas à court terme : il faut comprendre que les Nations unies doivent se réformer, comme cela s'est fait avec la Commission des Droits de l'Homme, mais aussi et surtout au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Le Traité de non-prolifération doit donc s'ouvrir, s'élargir, voire être complètement changé ?
R - Il faudra réfléchir à la manière de contrôler efficacement la non-prolifération et se dire que tous les pays vont avoir droit au nucléaire civil. Et, évidemment, quand vous avez le nucléaire civil, la frontière est ténue avec le nucléaire militaire.
Q - On évoque un risque de transfert de technologie de la Corée du Nord à l'Iran. Est-ce que cela ajoute à l'urgence de traiter le cas iranien ?
R - La question iranienne est très complexe et l'Union européenne, en particulier, l'EU3 (Allemagne, France, Royaume-Uni) joue un rôle considérable. Dominique de Villepin avait, en 2003, commencé ce processus avec ses homologues allemands, Joschka Fisher, et britannique, Jack Straw.
L'idée est d'éviter deux écueils avec l'Iran.
Le premier est celui de la confrontation progressive, en disant que l'Iran ne veut rien entendre et, puisque c'est comme ça, on saisit le Conseil de sécurité. Avec ce pays, qui peut jouer un rôle ? Qui peut travailler ? Qui peut avoir confiance ? Aucun pays au monde, aucun membre permanent du Conseil de sécurité, ni la Russie ni la Chine, n'ont intérêt à voir l'Iran nucléarisé sur le plan militaire. Une telle confrontation serait effrayante car elle signifierait une confrontation entre l'Occident, d'un côté, et le monde musulman, de l'autre. Je ne parle pas des responsables ni des gouvernements. J'ai vu ce qui s'est passé cet été au sujet du Liban. Dans ce genre de conflit, Il y a une radicalisation de part et d'autre. Attention à ne pas rentrer dans ce que nous devons tous éviter : le choc des civilisations. Je préfère ne pas y penser...
Q - Avant la guerre des civilisations, nous pourrions peut-être avoir une guerre froide régionale puisque nous aurions deux forces nucléaires dans la région : Israël et l'Iran ?
R - La première confrontation pourrait en effet opposer Israël et l'Iran. Mais je ne crois pas qu'elle se limiterait à cela. Il y aurait, d'un côté l'Occident et, de l'autre, le monde musulman. C'est effrayant, il faut tout faire pour l'éviter.
Le second écueil, c'est qu'à force de vouloir parler avec les Iraniens ceux-ci gagnent du temps : c'est ce que l'on voit tous les jours et c'est évidemment inacceptable.
Dans ces conditions, le président de la République a proposé, à New York, à l'Assemblée générale des Nations unies, ce que l'on appelle la double suspension. C'est déjà un pas considérable fait en direction des Iraniens.
Q - La double suspension, cela veut dire...
R - Cela veut dire que l'Iran suspend ses activités nucléaires sensibles, en particulier l'enrichissement de l'uranium, et que nous suspendons la procédure au Conseil de sécurité. Mme Rice s'est associée à cette démarche en tournant ainsi le dos à 28 ans de guerre froide entre les Etats-Unis et l'Iran. Eh bien les Iraniens refusent. Ils ne veulent pas la suspension...
Q - Parce qu'ils veulent l'arme nucléaire et devenir la puissance régionale dominante ?
R - Permettez-moi de simplement constater qu'il ne veulent pas suspendre leurs activités sensibles. A partir de ce moment là, il y a unanimité au Conseil de sécurité pour proposer des mesures. Ces mesures, nous en avions décidé le principe avec mes homologues à Paris, le 12 juillet dernier. Nous avons décidé de les placer sous le chapitre VII, article 41 de la Charte. C'est très sérieux et cela vise à demander à l'Iran la suspension et l'arrêt du programme nucléaire sensible.
Nous sommes en train de travailler actuellement avec les Russes et les Chinois pour obtenir une résolution commune. Permettez-moi de m'arrêter un instant là-dessus pour que vous compreniez bien. Ou nous la votons tous et elle a un poids - parce que vous ne me retirerez pas l'idée que ce qui fait le plus mal à l'Iran, c'est son isolement qui est intenable pour la population iranienne. Ou alors, parce que nous voulons aller trop vite, on perd l'appui des Russes et des Chinois et cette résolution perd tout son poids.
Q - Si nous sortons quelques instants du contexte général que nous venons de dresser, vous avez donc rencontré fréquemment les Iraniens. Que veulent-ils ?
R - C'est justement la question qui est posée. Le peuple iranien, qui est une vieille civilisation, qui a une diplomatie très raffinée a, je crois, plusieurs caractéristiques aujourd'hui. D'abord, il nous semble qu'il souhaite jouer un rôle très important dans la région, nous venons de le dire et deuxièmement, je ne suis pas certain que tous les membres au pouvoir aient la même vision. Ce que je sais, c'est que tous les Iraniens souhaitent qu'il y ait ce programme nucléaire. Le président Ahmadinejad a eu des propos inacceptables sur le peuple juif, sur Israël, et j'ai même été le premier ministre des Affaires étrangères à réagir à ses propos inacceptables et choquants.
Q - C'est une question de fierté nationale !
R - Voilà, une sorte de forte "identité" nationale.
Ce que je souhaite, c'est que nous allions en effet au Conseil de sécurité des Nations unies, que nous votions ensemble, avec les Russes et les Chinois, et bien sûr, avec les Britanniques et les Américains, des mesures proportionnées, très concrètes, à la fois sur le nucléaire et sur le balistique.
Q - Cela, nous l'avons bien compris, mais ce que nous avons moins compris à une époque, c'est justement lorsque vous avez évoqué, et nous allons en parler, ce qui devrait être le rôle stabilisateur, -avez-vous dit- dans la région. Ces propos ont-ils été mal interprétés ? Pouvez-vous vous expliquer à ce sujet car cela avait suscité une incompréhension.
R - Cela ne m'avait pas échappé.
Que l'on me comprenne bien, ceci s'est passé au Liban, à Beyrouth lors d'une conférence de presse. Le 12 juillet, nous avions décidé au Quai d'Orsay, je viens de le dire à l'instant, des mesures concernant l'Iran.
Ce même jour, le Hezbollah a enlevé deux soldats israéliens au Liban. C'est peut-être une coïncidence, en tout cas, c'est le même jour. Ensuite, quelques jours après, je me trouve au Liban et l'on me pose cette question sur l'Iran. Tout le monde connaît les relations entre le Hezbollah, l'Iran et la Syrie. J'ai donc dit, en m'adressant directement aux Iraniens, alors même que je rencontrais le soir-même mon homologue M. Motaki : de deux choses l'une, ou l'Iran veut jouer un rôle stabilisateur et nous allons vite nous en rendre compte, car il nous faut vite un cessez-le-feu et il faut que le Hezbollah cesse, une bonne fois pour toutes, d'envoyer des roquettes sur Haïfa - où je me suis d'ailleurs rendu -, ou alors l'Iran joue un rôle extrêmement dangereux, un rôle de déstabilisation.
On n'a repris que ma première phrase, c'est ainsi et je me suis expliqué depuis et tout le monde a compris.
Q - Comme vous avez l'habitude de parler un peu directement, hors des codes de la diplomatie usuelle, c'est ce dont vous vous réclamez en apportant un style nouveau depuis que vous êtes nommé à ce poste, finalement, n'était-ce pas une manière d'indiquer que vous parlez différemment même en situation sensible ?
R - En tout cas, sur ce sujet-là, je le pense réellement. Je pense profondément que l'Iran avait, dans le dossier libanais, une responsabilité importante, comme la Syrie d'ailleurs. Et je voudrais dire aujourd'hui que la résolution 1701 est respectée, de part et d'autre.
Q - Vos contacts avec l'Iran se poursuivent-ils aujourd'hui ?
R - Nous avons décidé une règle d'or : nous ne parlons qu'à trois, avec les Anglais et les Allemands, lorsque nous parlons aux Iraniens. Si nous avons un contact avec les Iraniens, immédiatement, nous en parlons à nos partenaires et eux font de même. Nous avons décidé surtout, d'avoir M. Javier Solana comme porte-parole, non seulement pour l'Union européenne mais aussi pour la communauté internationale. Il est d'ailleurs intéressant de voir que, pour la première fois, c'est un Européen qui est le porte-parole de la communauté internationale, Etats-Unis, Russie et Chine compris.
Q - Du fait que les Etats-Unis ne peuvent pas avoir un dialogue direct avec l'Iran, la France a-t-elle un rôle particulier à jouer dans cette affaire ?
R - La France a un rôle au sein de l'Union européenne et nous pensons depuis le début qu'il faut être, à la fois ferme, qu'il faut garder l'unité de la communauté internationale et en même temps, qu'il faut indiquer aux Iraniens que la logique des sanctions peut s'arrêter s'ils reviennent à la raison. Aujourd'hui, les Iraniens, en refusant de suspendre leurs activités nucléaires sensibles et en particulier l'enrichissement de l'uranium, se mettent totalement en marge de la communauté internationale et je ne peux pas penser un seul instant qu'ils continuent de le faire.
Q - Ils se mettent en marge mais, en même temps, ce qui les intéresse, vous le disiez vous-même, c'est de fédérer peut-être, toute l'opinion et le monde arabe autour d'eux. Ils ne sont pas si isolés que cela finalement !
R - Oui, en même temps, sachez que les pays du Golfe sont très préoccupés par ce programme nucléaire dont M. El Baradeï indique dans son rapport ne pas être certain qu'il ne soit que civil.
Q - Vous citiez tout à l'heure le président iranien, il y a, comme cela, quelques personnages aujourd'hui que l'on pourrait ajouter, le président syrien par exemple qui, tout de même, pose des problèmes, il y a, comme cela, quelques personnages qui, visiblement ne parviennent pas au dialogue et à la discussion.
La conception de la diplomatie de Philippe Douste-Blazy implique-t-elle qu'en diplomatie, on doit parler avec tout le monde, même avec le "diable" s'il le faut pour faire avancer les choses ?
R - En diplomatie, il n'y a qu'un seul mot d'ordre, c'est de prendre l'initiative pour faire changer la personne qui, en face, éventuellement ne le souhaite pas.
Q - Cela veut donc dire qu'il faut parler avec tout le monde ?
R - Vous êtes obligé de parler à une condition, c'est que vous devez être persuadé que, malgré tout, il peut y avoir une écoute. Si vous prenez M. El Assad, dont nous venons de parler - sachant qu'aujourd'hui ce n'est pas la Syrie qui pose un problème, ce n'est pas le peuple syrien qui pose un problème - lorsque vous parlez donc au président syrien et que vous voyez que rien n'y fait, cela ne sert à rien.
Q - Je dirai même un peu contraire !
R - La résolution 1595 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a été votée à l'unanimité, y compris par les pays qui représentaient la Ligue arabe, demande à la Syrie et aux autorités syriennes de répondre et de coopérer totalement avec la Commission d'enquête internationale pour savoir qui a tué l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Nous demandons à la Syrie de le faire. On sait que le Hezbollah est armé, essentiellement par la Syrie, et il est important pour nous qu'il y ait un embargo des armes à la frontière libano-syrienne. Nous demandons aux autorités syriennes de coopérer pour que, définitivement, il n'y ait pas d'ingérence au Liban. Il faut là que soit instaurée la confiance, sinon, cela ne sert à rien de parler.
Q - Cela veut dire que, pour l'instant, vous n'estimez pas que la Syrie doit revenir dans le jeu régional ?
R - Nous ne demandons pas mieux que d'avoir une paix durable au Liban. Il faut simplement que les responsables puissent montrer qu'ils ont tout simplement envie de restaurer la confiance. Si la confiance n'est pas restaurée, comment voulez-vous parler avec quelqu'un en qui vous n'avez pas confiance !
Je me permets d'ajouter aussi que nous n'avons jamais parlé à M. Ahmadinejad. Il y a eu une réunion au Conseil des Européens, les Allemands, les Britanniques et les Français à New York à l'Assemblée générale des Nations unies ... à laquelle M. Ahmadinejad était venu rencontrer les ministres des Affaires étrangères mais à ma connaissance, il n'y a jamais eu de contact entre le président Chirac et M. Ahmadinejad.
Q - En a-t-il fait la demande comme il l'a faite à George Bush de débattre avec lui. A-t-il demandé ce débat à la France ?
R - Je crois qu'il le demande à tous les chefs d'Etats mais pour l'instant, il n'a, forcément que des fins de non-recevoir.
Q - Avant d'aborder le conflit israélo-palestinien car c'est un sujet important aussi, une question d'actualité : on parle de personnages un peu ambigus, il y a aussi le président du Venezuela qui est très compliqué, très complexe pour le moins. Actuellement, le Venezuela demande à devenir membre du Conseil de sécurité de l'ONU, pas membre permanent mais membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour l'instant, les différents votes qui ont eu lieu ont fait échec à cette demande. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
R - C'est un processus électoral et vous comprendrez que je n'aie pas à dire, ici, dans une émission de télévision, quelle est notre position.
Q - Ce serait une bonne chose si ce pays entrait au Conseil de sécurité ?
R - C'est au président de la République à parler de cela. Pour l'instant, nous en parlons avec nos partenaires, avec les membres permanents également et je pourrai vous donner une réponse bientôt.
Q - Quels seraient les avantages d'avoir un pays tel que celui-là au Conseil de sécurité ?
R - Je n'ai pas à donner de bons ou de mauvais points. ...
Q - Juste avant de parler du conflit israélo-palestinien, j'aimerais vous faire réagir à une proposition de Mme Royal : vous savez que récemment, la candidate supposée du parti socialiste à la présidentielle a fait une conférence de presse centrée essentiellement sur la politique étrangère et elle a fait des propositions très claires disant qu'il fallait que les Européens reprennent l'aide aux Palestiniens car, selon elle, ce n'est pas une bonne manière de ramener le Hamas à la raison. Que pensez-vous de cette proposition ?
R - En fait vous me posez la question de savoir si l'Union européenne aidait ou pas les Palestiniens, car je crains qu'elle ne connaisse pas le dossier.
Q - A l'entendre, elle estime que cette aide est interrompue ?
R - Alors, je vous le dis, la Commission européenne, l'Union européenne a donné cette année, 320 millions d'euros, je dis bien, 320 millions d'euros à l'Autorité palestinienne. L'Union européenne n'aura jamais autant donné aux Palestiniens, je le dis pour ne pas faire croire qu'après des phrases comme celles-ci, on pense que les Européens ont arrêté leur aide. En réalité, ce qui se passe est différent. Une partie de l'aide directe de l'Union européenne avait été suspendue. Permettez-moi de rester un instant sur cette question. Je crois que ce qui se joue aujourd'hui à Gaza est d'une importance capitale car, autant je ne croyais pas à une solution militaire au Sud-Liban, autant je ne crois pas non plus à une solution militaire dans les Territoires palestiniens. Nous avons besoin de tout faire pour aider Mahmoud Abbas, et Israël a tout intérêt à avoir, d'un côté M. Siniora le Premier ministre libanais, et de l'autre, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Q - Que fait Mahmoud Abbas aujourd'hui alors qu'il a un gouvernement ?
R - L'intérêt d'aider Mahmoud Abbas est de tout faire pour qu'il ait un gouvernement qui puisse fonctionner. Je suis partisan, pour ce qui me concerne, d'un gouvernement d'union nationale. Pourquoi ? Le Hamas a été élu avec 72 % de participation. Il avait, avant, gagné les élections municipales. C'est un mouvement qui aujourd'hui n'est absolument pas reconnu, en particulier pas par nous puisque nous avons toujours dit que, tant qu'il ne reconnaîtrait pas Israël, tant qu'il ne reconnaîtrait pas les accords de paix OLP-Israël, tant que, bien sûr, il ne reconnaîtra pas, explicitement, que la violence est un non-sens, nous ne le reconnaîtrons pas.
En revanche, ce dont je suis certain, c'est qu'aujourd'hui, ce gouvernement se rend compte que tous ses électeurs sont devenus des grévistes, tous ses électeurs organisent et participent à des manifestations. Eux-mêmes, qui tentaient de faire le tour des capitales, qui avaient été reçus dans le monde arabe ou en Russie, souvenez-vous, aujourd'hui, ils ne sont plus reçus par personne. Ils se disent qu'il devient impossible de continuer ainsi. Ils avaient accepté, me semble-t-il, du côté palestinien qu'il y ait un gouvernement d'union nationale. Je regrette qu'il soit mis des freins à cela, un peu partout parce que même un Hamas...
Q - Un peu partout, c'est-à-dire aussi de Mahmoud Abbas ?
R - Non, je pense que c'est du côté du Hamas, à l'intérieur du Hamas, il y a des forces radicales qui refusent, car accepter OLP, c'est par définition et surtout lorsqu'on est minoritaire et c'est ce qui avait été prévu, c'est accepter les accords OLP et accepter cela, c'est évidemment reconnaître Israël.
Q - Mais on a quand même le sentiment que le processus est même totalement inverse puisque, maintenant, il y a la question du nouvel armement du Hamas qui tente de s'armer un peu à la manière du Hezbollah. Les dirigeants israéliens ont déjà annoncé des avertissements, ne risque-t-on pas de retomber dans l'escalade, comme au Liban ?
R - C'est effrayant, oui et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il est important de prendre en compte la question du poids politique du président de l'Autorité palestinienne et la communauté internationale a d'ailleurs intérêt à tout faire pour que son poids politique soit le plus important possible. Donc, ce que le président de la République a demandé en premier, c'est de renforcer ce mécanisme temporaire international qui permet de faire parvenir de l'argent à l'Autorité palestinienne pour au moins payer les hôpitaux, les médecins, payer des éducateurs également. Si le président de l'Autorité palestinienne diminue en termes d'influence, c'est comme un château de cartes, il y aura alors une crise ouverte et quand on ne peut négocier avec personne, alors, les choses s'aggravent.
Q - Mais ce n'est pas le cas déjà ?
R - Non, je crois que, tant que le président de l'Autorité palestinienne est là, le président Olmert a intérêt à lui parler. Je vois avec plaisir qu'il en parle, je crois que, maintenant, il faut devenir très concret.
Le président de la République, Jacques Chirac a même dit, et on le sait bien, que la confiance aujourd'hui n'existe pas entre les Territoires palestiniens et Israël. Mais, à la communauté internationale de tout faire pour qu'ils puissent se reparler et la France est prête à cela.
Q - Sans parler de la question de confiance, il y a aussi, vous le savez, une crise politique et peut-être même morale aujourd'hui en Israël avec les scandales qui frappent le président Katsav. Quel regard portez-vous sur tout cela ? Pensez-vous que cela pèse, d'une manière ou d'une autre, sur la situation ?
R - D'abord, je voudrais dire une chose concernant Israël : nous sommes des amis d'Israël et si je le dis, c'est parce que je le pense profondément. Je l'ai déjà dit dans cette émission et je suis sincère. Je dis cela et j'ajoute qu'Israël a droit à la sécurité.
Dès que j'ai été élu à la mairie de Toulouse, je suis allé rencontrer mon ami le maire de Tel-Aviv. C'était en pleine intifada. Je sais ce que les Israéliens ont vécu, et ce qu'ils vivent. Il est inadmissible d'aller au restaurant ou au cinéma sans être certain d'en revenir.
J'ai beaucoup évolué sur la question du mur lorsque j'ai appris que depuis sa construction, il y avait 80 % d'attentats en moins - Dieu sait si, a priori, moralement et éthiquement, pour moi, c'était impossible. J'ai pensé que je n'avais plus le droit d'en parler de la même façon.
Pour moi, Kadima est une occasion absolument historique de faire la paix et c'est pour cela que je m'y attarde quelques secondes - j'ai d'ailleurs beaucoup d'estime pour M. Sharon que j'ai rencontré en juillet 2005, lorsqu'il est venu en France. C'est l'expression d'une société israélienne qui globalement, après l'Intifada, après toutes ces guerres, avait envie de paix.
Ce n'est pas à moi à donner de bons ou de mauvais points -, ce que je sais, c'est qu'il faut éviter que Kadima puisse être remplacé par des gens qui ne voudraient pas la paix. Il me semble que la seule solution aujourd'hui, c'est qu'il puisse y avoir très vite des discussions entre le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien pour qu'enfin, il puisse y avoir deux Etats vivant côte à côte, le plus possible en paix et en sécurité. C'est évidemment l'esprit d'Oslo et c'est la seule solution.
Q - Il y a quelques jours, la Syrie a tendu une main aux Israéliens et évoqué la possibilité d'entrer dans un processus de dialogue. Pour l'instant, Israël a dit "non " car c'est un pays qui soutient le terrorisme. Pensez-vous que M. Olmert a raison d'agir ainsi ?
R - Je n'ai pas de conseil à lui donner mais je pense que M. Olmert...
Q - Mais la France est-elle favorable à un processus entre Israël et la Syrie ?
R - Nous savons tous très bien qu'il y a des ramifications entre certaines parties du Hamas, très radicales, et certains pays.
Q - Avec beaucoup de solennité, vous avez dit tout à l'heure que la France était l'amie d'Israël et que vous-même, vous étiez un ami personnel de ce pays. Ce pays continue de frapper à la porte de la Francophonie et malheureusement...
R - Je suis un fervent défenseur...
Q - Mais le dossier n'avance pas !
R - Je fais partie de toutes les enceintes de la francophonie et, croyez-moi, on m'entend. Je souhaite cela et je le souhaite profondément. D'ailleurs, je pense et j'espère que cela sera réglé assez rapidement.
Q - Le processus est engagé, la Macédoine est entrée...
R - Je vous dis que je souhaite qu'Israël puisse entrer dans la Francophonie. Ce serait tout à fait normal et c'est, d'ailleurs, dans l'intérêt des pays francophones.
Q - Mais on sait bien qu'il y a des freins. Comment lever ces freins ?
R - Par la politique, par la force de conviction et je fais partie de ceux qui plaident pour cela. Je n'ai pas peur de le dire ici.
Q - Nous allons aborder maintenant un autre dossier un peu chaud qui est celui des relations franco-turques puisque, depuis le vote à l'Assemblée nationale d'une loi sur la pénalisation de la négation du génocide arménien. On a l'impression que l'on se trouve au bord d'une crise diplomatique avec la Turquie. Une question brute sur laquelle j'espère une réponse claire : cette loi est-elle une erreur ?
R - Je vais vous répondre très directement : il faut savoir que la France reconnaît le génocide arménien. Une loi a été votée en 2001.
Q - Mais là nous avons parlé d'une nouvelle loi qui va plus loin.
R - Il ne s'agit pas d'une loi mais d'une proposition de loi portant sur la pénalisation de la négation du génocide arménien, présenté par le Groupe socialiste, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, avant d'être transmise au Sénat.
Je pense, exactement comme les Arméniens qui vivent en Turquie et qui se sont exprimés, que ce n'est pas aux députés français d'écrire l'Histoire de la France, de la Turquie ou de l'Arménie. Aujourd'hui, il y a en Turquie un processus auquel sont associés des historiens, des scientifiques et des chercheurs - nous avons également eu ce type de réflexion -, pour voir ce qui s'est passé et trouver une voie qui permette d'effacer cette terrible plaie.
Ce que j'ai vu en Arménie lorsque j'y suis allé avec le président de la République, l'autre jour, est effrayant. Mais laissons aux Turcs et aux Arméniens qui vivent en Turquie le soin de s'occuper de cette question.
Q - Ce processus a été évoqué par Jacques Chirac depuis longtemps et à plusieurs reprises et, tout d'un coup, il prononce des paroles fortes, mettant la reconnaissance du génocide arménien comme un préalable pour entrer à la...
R - J'étais présent à la conférence de presse et le président n'a pas dit cela. Il a dit, et c'est très important...
Q - Ah bon ! pourtant, on voit des extraits de cette conférence de presse partout, en long, en large et en travers !
R -Le président n'a jamais dit cela. Aucune personne n'a dit ce que vous dites. Il a indiqué que la Turquie serait bien inspirée de reconnaître les erreurs qu'elle aurait pu commettre.
Q - Mais il a dit cela en réponse à une question préalable !
R - Ce qui compte dans la diplomatie, dans la politique, ce sont les mots. Le président de la République n'a jamais dit qu'il s'agissait d'une condition. Il a dit que la Turquie se grandirait en faisant ce travail de mémoire et il est en train d'être fait.
Permettez-moi de le dire, car c'est une affaire importante, que moi aussi je souhaite cela, comme le président de la République. Il est allé très loin lorsqu'il a dit cela. Mais, à aucun moment, nous n'avons dit qu'il fallait écrire l'Histoire. Ce sont deux choses différentes. Ce n'est pas aux hommes politiques d'écrire l'Histoire, c'est aux chercheurs de le faire. Je le dis sur le fond et pas seulement à propos de la Turquie.
Q - Quel était le but de ces hommes politiques qui ont voulu écrire l'Histoire ? Etait-ce, comme l'a dit je crois l'une de vos collègues du gouvernement, des objectifs électoralistes ou est-ce, plus profondément, une volonté d'empêcher la Turquie d'entrer dans l'Europe ?
R - Non, j'ai trop de respect pour les parlementaires pour penser qu'un geste politique aussi lourd soit dû, uniquement à des raisons électoralistes. En réalité, je crois qu'il y a beaucoup d'émotion. Je pense qu'un député comme François Rocheboine, qui est UDF, n'a pas voté en faveur de cette proposition de loi pour des raisons électoralistes : c'est parce qu'il le pense profondément.
Q - Mais il y a des Arméniens dans sa circonscription quand même !
R - J'ai rencontré ces gens : ils sont sincères. Mais il ne faut pas prendre l'habitude d'écrire l'Histoire dans un parlement. Ce n'est pas ainsi que l'on écrit l'Histoire.
Q - Dans cette émission, nous avons pour habitude de parler de la diplomatie française, de son avenir et de l'après-2007. Cela veut-il dire quelque chose ce concept de rupture qui est celui de Nicolas Sarkozy ? Cela veut-il dire quelque chose en politique étrangère ? Ce concept peut-il être appliqué ?
R - Je connais bien Nicolas Sarkozy. Un chef d'Etat est là pour servir son pays et il le sert en fonction de ses convictions et de ses idées. Ce ne sont pas les discours qui comptent mais ce que l'on décide lors d'une crise. C'est devant les travaux pratiques que vous devenez ministre des Affaires étrangères ou que vous devenez un chef d'Etat.
Prenez par exemple la guerre d'Irak, ce qui compte, ce n'est pas le discours, 3 mois avant, sur l'Irak et le Moyen-Orient. Ce qui compte, c'est ce qui se passe au Conseil de sécurité des Nations unies lorsqu'un chef d'Etat mandate son ministre des Affaires étrangères pour dire une chose : oui ou non. Et personne ne peut savoir aujourd'hui qui ferait quoi.
Q - Sans se demander qui ferait quoi dans le débat national, quel est votre sentiment sur ce qui devrait ou pas changer en termes de politique étrangère, par exemple, la nouvelle relation transatlantique qu'a prônée à Washington M. Sarkozy, la partagez-vous et pensez-vous qu'il faudra aller dans une réflexion comme celle-ci ?
R - Ceci a été beaucoup caricaturé car Nicolas Sarkozy a dit trois choses :
Premièrement, qu'il aimait la société américaine parce qu'elle est fluide : on peut être en bas et remonter. Je suis complètement d'accord et je suis sûr que le président Chirac aussi.
Deuxièmement, il indique qu'il n'est pas d'accord avec le président américain lorsqu'il dit que la Turquie doit entrer dans l'Union européenne : ce qui prouve qu'il ne se rallie pas toujours à ce que disent les Etats-Unis.
Enfin, il dit qu'il est contre la politique énergétique des Etats-Unis concernant l'environnement avec l'accord de Kyoto, le Canada et les Etats-Unis qui ne le respectent pas du tout. L'administration Bush là-dessus, de mon point de vue, a tort.
Q - N'est-ce pas un peu d'arrogance de la diplomatie française qui n'a pas su juguler ces crises et qui a transformé des divergences en crise par arrogance ?
R - Je reste persuadé que Nicolas Sarkozy, comme d'ailleurs beaucoup d'autres au sein de l'UMP, restent fidèle à notre politique étrangère. Notre politique étrangère, c'est quoi ? C'est l'héritage du général de Gaulle : nous ne nous alignons sur aucun autre - cela ne nous impressionne pas - et nous avons nos convictions, en particulier, le respect de la souveraineté des peuples, le respect des indépendances nationales et le respect des intégrités territoriales. C'est important parce que l'on en reparlera pour l'Irak.
Q - Nicolas Sarkozy n'incarne-t-il pas une inflexion atlantiste ?
R - C'est ce que vous dites. Je dis ouvertement que Nicolas Sarkozy a des idées qui ne sont pas toujours en accord avec les Américains et on a fait une caricature de ce qu'il a voulu exprimer. Si lui, ou quelqu'un d'autre d'ailleurs, avait la responsabilité de la politique étrangère de la France, je ne vois pas pourquoi il ferait systématiquement ce que veulent les Russes, les Chinois, les Américains ou les Britanniques.
Q - Est-ce que vous estimez que ses propos n'ont pas été compris, qu'ils ont été caricaturés ?
R - Je ne crois pas qu'il faut rentrer dans la critique systématique des Américains. Je crois qu'il ne faut pas s'aligner systématiquement sur qui que ce soit. Voilà ce que j'ai entendu des propos de Nicolas Sarkozy et ce que je pense. D'ailleurs, c'est ce que pense aussi le président de la République.
Sur la Syrie, sur le Liban - à propos de la résolution 1701 -, nous travaillons en permanence avec les Américains. Lors de leur rencontre, il y a quelques jours, il y avait une convergence de vue absolue entre le président de la République et le président Bush sur les dossiers iranien, libanais et syrien...
(...)
...Israël est notre ami. Nous condamnons le Hezbollah et nous ferons tout pour que le Hezbollah cesse cette violence où des civils sont tués. On a fait croire pendant longtemps qu'il y avait une guerre entre Israël et le Liban. Ce n'était pas une guerre entre Israël et le Liban, mais une guerre entre Israël et le Hezbollah. M. Siniora n'a jamais eu un propos, je dirais, agressif, avant.
Q - On ne peut pas dire, non plus, que le Liban est un ami d'Israël, vu qu'il n'a pas de relations diplomatiques ?
R - Ce n'est pas cela. Israël a tout intérêt à avoir un Liban avec M. Siniora. Parce que si ce n'est pas M. Siniora qui est à sa tête, ce seront des radicaux et, là, c'est autre chose. Israël a tout intérêt à parler avec Mahmoud Abbas parce que sinon ce ne sera que le Hamas. Et cela, permettez moi de le dire, si on est ami d'Israël, c'est ce que l'on pense.
Q - Cette émission touche à sa fin. Il y a une petite tradition à la fin de "Ma vision du monde", c'est de vous demander en quelques mots ce que sera votre vision d'un monde meilleur ?
R - Pour moi, la principale question du début du XXIème, c'est le fossé de plus en plus évident qui existe entre les pays pauvres et les pays riches. Ils ne s'en rendent même pas compte d'ailleurs. Cela aboutit au cortège de maladies et de pauvreté que l'on connaît. Mais surtout à un sentiment effrayant de colère et d'humiliation des pays les plus pauvres. Or, on voit bien que sur la planète, il y a des gens qui savent se servir de cette colère, de cette humiliation et en particulier des gens qui pourront détourner les religions.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2006
R - D'abord, il faut bien comprendre ce qui s'est passé la semaine dernière : annonce d'un essai nucléaire par la Corée du Nord et réaction rapide, ferme et unanime, y compris par la Chine, du Conseil de sécurité des Nations unies qui a adopté une résolution.
Cette résolution vise à exiger le démantèlement des programmes nucléaires balistiques et d'armes de destruction massive de la Corée du Nord. C'est une énorme affaire et, en réalité, la communauté internationale - on y reviendra je pense - s'adresse à la Corée du Nord mais aussi à l'Iran.
C'est la première fois qu'il y a à la fois la fermeté, la rapidité et l'unanimité de la communauté internationale. Il faut qu'elle le reste pour la mise en oeuvre de la résolution et c'est là la grande difficulté. Il faut un dialogue avec les Russes et les Chinois et nous nous apprêtons à travailler avec eux dans ce sens.
Q - Mme Rice est arrivée en Asie pour convaincre les Japonais et les Russes de se joindre aux Etats-Unis pour la mise en place des sanctions. Ces sanctions sont-elles suffisantes ou faut-il envisager une opération militaire ?
R - Il faut tout d'abord mettre en place cette résolution. Si, véritablement, on obtient le démantèlement des programmes balistiques, nucléaires et des armes de destruction massive, ce serait une victoire sans précédent de la communauté internationale.
Q - Est-ce que l'on peut croire cela alors que la Corée du Nord parle de "déclaration de guerre" ?
R - La Corée du Nord a rejeté cette résolution ; on s'y attendait. En réalité, pour la première fois, les Chinois ont accepté de suivre les autres membres du Conseil de sécurité. Les Japonais, eux, n'ont pas de difficultés puisqu'ils sont directement concernés.
La vraie question, si vous permettez que j'élargisse le débat pour sortir du cadre classique lorsque l'on parle de ce type de problème, c'est celle du réchauffement de la planète.
Pourquoi parler du réchauffement de la planète alors qu'il est question du nucléaire et de la Corée du Nord ? Parce qu'une des solutions pour tous les pays en voie d'industrialisation, c'est d'abandonner progressivement le pétrole, le gaz et le charbon et d'aller vers le nucléaire. La France a suivi cette voie avec le général de Gaulle et, surtout, le président Giscard d'Estaing qui avaient fait ce choix.
80 % de notre électricité vient du nucléaire civil. Nous sommes les meilleurs au monde dans ce domaine, avec Areva, et nous exportons cette technologie. Lorsque nous irons en Chine, avec le président de la République, nous espérons emporter ce marché du nucléaire civil. Lorsque nous allons en Inde ou en Turquie, nous poursuivons le même objectif : ce sont des marchés colossaux. Nous devons poursuivre le développement de la technologie nucléaire civile.
Quelle est la différence entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire pour ceux qui nous écoutent ? La technologie n'est pas différente. C'est une question de pourcentage d'enrichissement d'uranium. Et, lorsque vous avez commencé à enrichir de l'uranium avec des centrifugeuses, qui vous dit que cela ne dépasse pas le seuil d'enrichissement à 5 % pour arriver à 20 % ? Une des questions qui est posée, aujourd'hui, c'est la crédibilité du système multilatéral de non-prolifération. Or, personne n'en parle aujourd'hui.
Q - Il est vrai que la Corée du Nord a démontré sa volonté et sa capacité de se doter de l'arme nucléaire et on peut se dire que si elle y parvenait, des pays comme le Brésil, l'Arabie Saoudite ou l'Egypte feraient de même ?
R - Le problème qui se pose à nous aujourd'hui, en effet, c'est celui du nucléaire civil. Je n'ai pas la solution mais je sais qu'il est nécessaire de poser très rapidement la question de la sécurisation et de la crédibilité du système multilatéral. C'est évidemment dans le cadre d'un système multilatéral comme l'ONU qu'il faut poser la question. Une des solutions serait peut-être une mutualisation.
Q - Le nouveau Secrétaire général des Nations unies étant un Sud-Coréen est-ce un atout dans les négociations ?
R - En tout cas, c'est bon signe qu'avant même de prendre ses fonctions de Secrétaire général, Ban Ki-Moon, que je connais bien, ait eu un geste de médiation à l'égard de la Corée du Nord. C'est son rôle de futur Secrétaire général. Ce genre de question ne pourra se régler qu'à un très haut niveau.
Plusieurs questions se posent.
La première, comme je le disais, c'est la crédibilité de ce système multilatéral incarné par l'Agence internationale pour l'Energie atomique.
La seconde est la suivante : est-ce que l'ONU pourra continuer à ne pas se réformer ? Lorsque vous parlez avec un Coréen du Nord, ou avec un Iranien, ils demandent ce que signifie "la communauté internationale", ils demandent à ce qu'on leur explique comment cinq pays qui sont membres permanents du Conseil de sécurité - la Chine, la Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France - décident de tout pour tout le monde.
La véritable question qui se pose pour le XXIème siècle est de savoir jusqu'où voudra-t-on réformer l'Organisation des Nations unies. Le président Chirac, me semble-t-il, a une véritable vision du monde parce qu'il a encouragé les pays de ce que l'on appelle le G4, dont l'Inde et le Japon, qui veulent rentrer dans ce club. Mais évidemment pour nous, a priori, sur le papier, cela nous donne moins de force. Parce que, ne vous y trompez pas : la force de la France dans le monde, c'est sa dissuasion nucléaire et sa place parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais ne pensons pas à court terme : il faut comprendre que les Nations unies doivent se réformer, comme cela s'est fait avec la Commission des Droits de l'Homme, mais aussi et surtout au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Le Traité de non-prolifération doit donc s'ouvrir, s'élargir, voire être complètement changé ?
R - Il faudra réfléchir à la manière de contrôler efficacement la non-prolifération et se dire que tous les pays vont avoir droit au nucléaire civil. Et, évidemment, quand vous avez le nucléaire civil, la frontière est ténue avec le nucléaire militaire.
Q - On évoque un risque de transfert de technologie de la Corée du Nord à l'Iran. Est-ce que cela ajoute à l'urgence de traiter le cas iranien ?
R - La question iranienne est très complexe et l'Union européenne, en particulier, l'EU3 (Allemagne, France, Royaume-Uni) joue un rôle considérable. Dominique de Villepin avait, en 2003, commencé ce processus avec ses homologues allemands, Joschka Fisher, et britannique, Jack Straw.
L'idée est d'éviter deux écueils avec l'Iran.
Le premier est celui de la confrontation progressive, en disant que l'Iran ne veut rien entendre et, puisque c'est comme ça, on saisit le Conseil de sécurité. Avec ce pays, qui peut jouer un rôle ? Qui peut travailler ? Qui peut avoir confiance ? Aucun pays au monde, aucun membre permanent du Conseil de sécurité, ni la Russie ni la Chine, n'ont intérêt à voir l'Iran nucléarisé sur le plan militaire. Une telle confrontation serait effrayante car elle signifierait une confrontation entre l'Occident, d'un côté, et le monde musulman, de l'autre. Je ne parle pas des responsables ni des gouvernements. J'ai vu ce qui s'est passé cet été au sujet du Liban. Dans ce genre de conflit, Il y a une radicalisation de part et d'autre. Attention à ne pas rentrer dans ce que nous devons tous éviter : le choc des civilisations. Je préfère ne pas y penser...
Q - Avant la guerre des civilisations, nous pourrions peut-être avoir une guerre froide régionale puisque nous aurions deux forces nucléaires dans la région : Israël et l'Iran ?
R - La première confrontation pourrait en effet opposer Israël et l'Iran. Mais je ne crois pas qu'elle se limiterait à cela. Il y aurait, d'un côté l'Occident et, de l'autre, le monde musulman. C'est effrayant, il faut tout faire pour l'éviter.
Le second écueil, c'est qu'à force de vouloir parler avec les Iraniens ceux-ci gagnent du temps : c'est ce que l'on voit tous les jours et c'est évidemment inacceptable.
Dans ces conditions, le président de la République a proposé, à New York, à l'Assemblée générale des Nations unies, ce que l'on appelle la double suspension. C'est déjà un pas considérable fait en direction des Iraniens.
Q - La double suspension, cela veut dire...
R - Cela veut dire que l'Iran suspend ses activités nucléaires sensibles, en particulier l'enrichissement de l'uranium, et que nous suspendons la procédure au Conseil de sécurité. Mme Rice s'est associée à cette démarche en tournant ainsi le dos à 28 ans de guerre froide entre les Etats-Unis et l'Iran. Eh bien les Iraniens refusent. Ils ne veulent pas la suspension...
Q - Parce qu'ils veulent l'arme nucléaire et devenir la puissance régionale dominante ?
R - Permettez-moi de simplement constater qu'il ne veulent pas suspendre leurs activités sensibles. A partir de ce moment là, il y a unanimité au Conseil de sécurité pour proposer des mesures. Ces mesures, nous en avions décidé le principe avec mes homologues à Paris, le 12 juillet dernier. Nous avons décidé de les placer sous le chapitre VII, article 41 de la Charte. C'est très sérieux et cela vise à demander à l'Iran la suspension et l'arrêt du programme nucléaire sensible.
Nous sommes en train de travailler actuellement avec les Russes et les Chinois pour obtenir une résolution commune. Permettez-moi de m'arrêter un instant là-dessus pour que vous compreniez bien. Ou nous la votons tous et elle a un poids - parce que vous ne me retirerez pas l'idée que ce qui fait le plus mal à l'Iran, c'est son isolement qui est intenable pour la population iranienne. Ou alors, parce que nous voulons aller trop vite, on perd l'appui des Russes et des Chinois et cette résolution perd tout son poids.
Q - Si nous sortons quelques instants du contexte général que nous venons de dresser, vous avez donc rencontré fréquemment les Iraniens. Que veulent-ils ?
R - C'est justement la question qui est posée. Le peuple iranien, qui est une vieille civilisation, qui a une diplomatie très raffinée a, je crois, plusieurs caractéristiques aujourd'hui. D'abord, il nous semble qu'il souhaite jouer un rôle très important dans la région, nous venons de le dire et deuxièmement, je ne suis pas certain que tous les membres au pouvoir aient la même vision. Ce que je sais, c'est que tous les Iraniens souhaitent qu'il y ait ce programme nucléaire. Le président Ahmadinejad a eu des propos inacceptables sur le peuple juif, sur Israël, et j'ai même été le premier ministre des Affaires étrangères à réagir à ses propos inacceptables et choquants.
Q - C'est une question de fierté nationale !
R - Voilà, une sorte de forte "identité" nationale.
Ce que je souhaite, c'est que nous allions en effet au Conseil de sécurité des Nations unies, que nous votions ensemble, avec les Russes et les Chinois, et bien sûr, avec les Britanniques et les Américains, des mesures proportionnées, très concrètes, à la fois sur le nucléaire et sur le balistique.
Q - Cela, nous l'avons bien compris, mais ce que nous avons moins compris à une époque, c'est justement lorsque vous avez évoqué, et nous allons en parler, ce qui devrait être le rôle stabilisateur, -avez-vous dit- dans la région. Ces propos ont-ils été mal interprétés ? Pouvez-vous vous expliquer à ce sujet car cela avait suscité une incompréhension.
R - Cela ne m'avait pas échappé.
Que l'on me comprenne bien, ceci s'est passé au Liban, à Beyrouth lors d'une conférence de presse. Le 12 juillet, nous avions décidé au Quai d'Orsay, je viens de le dire à l'instant, des mesures concernant l'Iran.
Ce même jour, le Hezbollah a enlevé deux soldats israéliens au Liban. C'est peut-être une coïncidence, en tout cas, c'est le même jour. Ensuite, quelques jours après, je me trouve au Liban et l'on me pose cette question sur l'Iran. Tout le monde connaît les relations entre le Hezbollah, l'Iran et la Syrie. J'ai donc dit, en m'adressant directement aux Iraniens, alors même que je rencontrais le soir-même mon homologue M. Motaki : de deux choses l'une, ou l'Iran veut jouer un rôle stabilisateur et nous allons vite nous en rendre compte, car il nous faut vite un cessez-le-feu et il faut que le Hezbollah cesse, une bonne fois pour toutes, d'envoyer des roquettes sur Haïfa - où je me suis d'ailleurs rendu -, ou alors l'Iran joue un rôle extrêmement dangereux, un rôle de déstabilisation.
On n'a repris que ma première phrase, c'est ainsi et je me suis expliqué depuis et tout le monde a compris.
Q - Comme vous avez l'habitude de parler un peu directement, hors des codes de la diplomatie usuelle, c'est ce dont vous vous réclamez en apportant un style nouveau depuis que vous êtes nommé à ce poste, finalement, n'était-ce pas une manière d'indiquer que vous parlez différemment même en situation sensible ?
R - En tout cas, sur ce sujet-là, je le pense réellement. Je pense profondément que l'Iran avait, dans le dossier libanais, une responsabilité importante, comme la Syrie d'ailleurs. Et je voudrais dire aujourd'hui que la résolution 1701 est respectée, de part et d'autre.
Q - Vos contacts avec l'Iran se poursuivent-ils aujourd'hui ?
R - Nous avons décidé une règle d'or : nous ne parlons qu'à trois, avec les Anglais et les Allemands, lorsque nous parlons aux Iraniens. Si nous avons un contact avec les Iraniens, immédiatement, nous en parlons à nos partenaires et eux font de même. Nous avons décidé surtout, d'avoir M. Javier Solana comme porte-parole, non seulement pour l'Union européenne mais aussi pour la communauté internationale. Il est d'ailleurs intéressant de voir que, pour la première fois, c'est un Européen qui est le porte-parole de la communauté internationale, Etats-Unis, Russie et Chine compris.
Q - Du fait que les Etats-Unis ne peuvent pas avoir un dialogue direct avec l'Iran, la France a-t-elle un rôle particulier à jouer dans cette affaire ?
R - La France a un rôle au sein de l'Union européenne et nous pensons depuis le début qu'il faut être, à la fois ferme, qu'il faut garder l'unité de la communauté internationale et en même temps, qu'il faut indiquer aux Iraniens que la logique des sanctions peut s'arrêter s'ils reviennent à la raison. Aujourd'hui, les Iraniens, en refusant de suspendre leurs activités nucléaires sensibles et en particulier l'enrichissement de l'uranium, se mettent totalement en marge de la communauté internationale et je ne peux pas penser un seul instant qu'ils continuent de le faire.
Q - Ils se mettent en marge mais, en même temps, ce qui les intéresse, vous le disiez vous-même, c'est de fédérer peut-être, toute l'opinion et le monde arabe autour d'eux. Ils ne sont pas si isolés que cela finalement !
R - Oui, en même temps, sachez que les pays du Golfe sont très préoccupés par ce programme nucléaire dont M. El Baradeï indique dans son rapport ne pas être certain qu'il ne soit que civil.
Q - Vous citiez tout à l'heure le président iranien, il y a, comme cela, quelques personnages aujourd'hui que l'on pourrait ajouter, le président syrien par exemple qui, tout de même, pose des problèmes, il y a, comme cela, quelques personnages qui, visiblement ne parviennent pas au dialogue et à la discussion.
La conception de la diplomatie de Philippe Douste-Blazy implique-t-elle qu'en diplomatie, on doit parler avec tout le monde, même avec le "diable" s'il le faut pour faire avancer les choses ?
R - En diplomatie, il n'y a qu'un seul mot d'ordre, c'est de prendre l'initiative pour faire changer la personne qui, en face, éventuellement ne le souhaite pas.
Q - Cela veut donc dire qu'il faut parler avec tout le monde ?
R - Vous êtes obligé de parler à une condition, c'est que vous devez être persuadé que, malgré tout, il peut y avoir une écoute. Si vous prenez M. El Assad, dont nous venons de parler - sachant qu'aujourd'hui ce n'est pas la Syrie qui pose un problème, ce n'est pas le peuple syrien qui pose un problème - lorsque vous parlez donc au président syrien et que vous voyez que rien n'y fait, cela ne sert à rien.
Q - Je dirai même un peu contraire !
R - La résolution 1595 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a été votée à l'unanimité, y compris par les pays qui représentaient la Ligue arabe, demande à la Syrie et aux autorités syriennes de répondre et de coopérer totalement avec la Commission d'enquête internationale pour savoir qui a tué l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Nous demandons à la Syrie de le faire. On sait que le Hezbollah est armé, essentiellement par la Syrie, et il est important pour nous qu'il y ait un embargo des armes à la frontière libano-syrienne. Nous demandons aux autorités syriennes de coopérer pour que, définitivement, il n'y ait pas d'ingérence au Liban. Il faut là que soit instaurée la confiance, sinon, cela ne sert à rien de parler.
Q - Cela veut dire que, pour l'instant, vous n'estimez pas que la Syrie doit revenir dans le jeu régional ?
R - Nous ne demandons pas mieux que d'avoir une paix durable au Liban. Il faut simplement que les responsables puissent montrer qu'ils ont tout simplement envie de restaurer la confiance. Si la confiance n'est pas restaurée, comment voulez-vous parler avec quelqu'un en qui vous n'avez pas confiance !
Je me permets d'ajouter aussi que nous n'avons jamais parlé à M. Ahmadinejad. Il y a eu une réunion au Conseil des Européens, les Allemands, les Britanniques et les Français à New York à l'Assemblée générale des Nations unies ... à laquelle M. Ahmadinejad était venu rencontrer les ministres des Affaires étrangères mais à ma connaissance, il n'y a jamais eu de contact entre le président Chirac et M. Ahmadinejad.
Q - En a-t-il fait la demande comme il l'a faite à George Bush de débattre avec lui. A-t-il demandé ce débat à la France ?
R - Je crois qu'il le demande à tous les chefs d'Etats mais pour l'instant, il n'a, forcément que des fins de non-recevoir.
Q - Avant d'aborder le conflit israélo-palestinien car c'est un sujet important aussi, une question d'actualité : on parle de personnages un peu ambigus, il y a aussi le président du Venezuela qui est très compliqué, très complexe pour le moins. Actuellement, le Venezuela demande à devenir membre du Conseil de sécurité de l'ONU, pas membre permanent mais membre du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour l'instant, les différents votes qui ont eu lieu ont fait échec à cette demande. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
R - C'est un processus électoral et vous comprendrez que je n'aie pas à dire, ici, dans une émission de télévision, quelle est notre position.
Q - Ce serait une bonne chose si ce pays entrait au Conseil de sécurité ?
R - C'est au président de la République à parler de cela. Pour l'instant, nous en parlons avec nos partenaires, avec les membres permanents également et je pourrai vous donner une réponse bientôt.
Q - Quels seraient les avantages d'avoir un pays tel que celui-là au Conseil de sécurité ?
R - Je n'ai pas à donner de bons ou de mauvais points. ...
Q - Juste avant de parler du conflit israélo-palestinien, j'aimerais vous faire réagir à une proposition de Mme Royal : vous savez que récemment, la candidate supposée du parti socialiste à la présidentielle a fait une conférence de presse centrée essentiellement sur la politique étrangère et elle a fait des propositions très claires disant qu'il fallait que les Européens reprennent l'aide aux Palestiniens car, selon elle, ce n'est pas une bonne manière de ramener le Hamas à la raison. Que pensez-vous de cette proposition ?
R - En fait vous me posez la question de savoir si l'Union européenne aidait ou pas les Palestiniens, car je crains qu'elle ne connaisse pas le dossier.
Q - A l'entendre, elle estime que cette aide est interrompue ?
R - Alors, je vous le dis, la Commission européenne, l'Union européenne a donné cette année, 320 millions d'euros, je dis bien, 320 millions d'euros à l'Autorité palestinienne. L'Union européenne n'aura jamais autant donné aux Palestiniens, je le dis pour ne pas faire croire qu'après des phrases comme celles-ci, on pense que les Européens ont arrêté leur aide. En réalité, ce qui se passe est différent. Une partie de l'aide directe de l'Union européenne avait été suspendue. Permettez-moi de rester un instant sur cette question. Je crois que ce qui se joue aujourd'hui à Gaza est d'une importance capitale car, autant je ne croyais pas à une solution militaire au Sud-Liban, autant je ne crois pas non plus à une solution militaire dans les Territoires palestiniens. Nous avons besoin de tout faire pour aider Mahmoud Abbas, et Israël a tout intérêt à avoir, d'un côté M. Siniora le Premier ministre libanais, et de l'autre, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Q - Que fait Mahmoud Abbas aujourd'hui alors qu'il a un gouvernement ?
R - L'intérêt d'aider Mahmoud Abbas est de tout faire pour qu'il ait un gouvernement qui puisse fonctionner. Je suis partisan, pour ce qui me concerne, d'un gouvernement d'union nationale. Pourquoi ? Le Hamas a été élu avec 72 % de participation. Il avait, avant, gagné les élections municipales. C'est un mouvement qui aujourd'hui n'est absolument pas reconnu, en particulier pas par nous puisque nous avons toujours dit que, tant qu'il ne reconnaîtrait pas Israël, tant qu'il ne reconnaîtrait pas les accords de paix OLP-Israël, tant que, bien sûr, il ne reconnaîtra pas, explicitement, que la violence est un non-sens, nous ne le reconnaîtrons pas.
En revanche, ce dont je suis certain, c'est qu'aujourd'hui, ce gouvernement se rend compte que tous ses électeurs sont devenus des grévistes, tous ses électeurs organisent et participent à des manifestations. Eux-mêmes, qui tentaient de faire le tour des capitales, qui avaient été reçus dans le monde arabe ou en Russie, souvenez-vous, aujourd'hui, ils ne sont plus reçus par personne. Ils se disent qu'il devient impossible de continuer ainsi. Ils avaient accepté, me semble-t-il, du côté palestinien qu'il y ait un gouvernement d'union nationale. Je regrette qu'il soit mis des freins à cela, un peu partout parce que même un Hamas...
Q - Un peu partout, c'est-à-dire aussi de Mahmoud Abbas ?
R - Non, je pense que c'est du côté du Hamas, à l'intérieur du Hamas, il y a des forces radicales qui refusent, car accepter OLP, c'est par définition et surtout lorsqu'on est minoritaire et c'est ce qui avait été prévu, c'est accepter les accords OLP et accepter cela, c'est évidemment reconnaître Israël.
Q - Mais on a quand même le sentiment que le processus est même totalement inverse puisque, maintenant, il y a la question du nouvel armement du Hamas qui tente de s'armer un peu à la manière du Hezbollah. Les dirigeants israéliens ont déjà annoncé des avertissements, ne risque-t-on pas de retomber dans l'escalade, comme au Liban ?
R - C'est effrayant, oui et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il est important de prendre en compte la question du poids politique du président de l'Autorité palestinienne et la communauté internationale a d'ailleurs intérêt à tout faire pour que son poids politique soit le plus important possible. Donc, ce que le président de la République a demandé en premier, c'est de renforcer ce mécanisme temporaire international qui permet de faire parvenir de l'argent à l'Autorité palestinienne pour au moins payer les hôpitaux, les médecins, payer des éducateurs également. Si le président de l'Autorité palestinienne diminue en termes d'influence, c'est comme un château de cartes, il y aura alors une crise ouverte et quand on ne peut négocier avec personne, alors, les choses s'aggravent.
Q - Mais ce n'est pas le cas déjà ?
R - Non, je crois que, tant que le président de l'Autorité palestinienne est là, le président Olmert a intérêt à lui parler. Je vois avec plaisir qu'il en parle, je crois que, maintenant, il faut devenir très concret.
Le président de la République, Jacques Chirac a même dit, et on le sait bien, que la confiance aujourd'hui n'existe pas entre les Territoires palestiniens et Israël. Mais, à la communauté internationale de tout faire pour qu'ils puissent se reparler et la France est prête à cela.
Q - Sans parler de la question de confiance, il y a aussi, vous le savez, une crise politique et peut-être même morale aujourd'hui en Israël avec les scandales qui frappent le président Katsav. Quel regard portez-vous sur tout cela ? Pensez-vous que cela pèse, d'une manière ou d'une autre, sur la situation ?
R - D'abord, je voudrais dire une chose concernant Israël : nous sommes des amis d'Israël et si je le dis, c'est parce que je le pense profondément. Je l'ai déjà dit dans cette émission et je suis sincère. Je dis cela et j'ajoute qu'Israël a droit à la sécurité.
Dès que j'ai été élu à la mairie de Toulouse, je suis allé rencontrer mon ami le maire de Tel-Aviv. C'était en pleine intifada. Je sais ce que les Israéliens ont vécu, et ce qu'ils vivent. Il est inadmissible d'aller au restaurant ou au cinéma sans être certain d'en revenir.
J'ai beaucoup évolué sur la question du mur lorsque j'ai appris que depuis sa construction, il y avait 80 % d'attentats en moins - Dieu sait si, a priori, moralement et éthiquement, pour moi, c'était impossible. J'ai pensé que je n'avais plus le droit d'en parler de la même façon.
Pour moi, Kadima est une occasion absolument historique de faire la paix et c'est pour cela que je m'y attarde quelques secondes - j'ai d'ailleurs beaucoup d'estime pour M. Sharon que j'ai rencontré en juillet 2005, lorsqu'il est venu en France. C'est l'expression d'une société israélienne qui globalement, après l'Intifada, après toutes ces guerres, avait envie de paix.
Ce n'est pas à moi à donner de bons ou de mauvais points -, ce que je sais, c'est qu'il faut éviter que Kadima puisse être remplacé par des gens qui ne voudraient pas la paix. Il me semble que la seule solution aujourd'hui, c'est qu'il puisse y avoir très vite des discussions entre le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien pour qu'enfin, il puisse y avoir deux Etats vivant côte à côte, le plus possible en paix et en sécurité. C'est évidemment l'esprit d'Oslo et c'est la seule solution.
Q - Il y a quelques jours, la Syrie a tendu une main aux Israéliens et évoqué la possibilité d'entrer dans un processus de dialogue. Pour l'instant, Israël a dit "non " car c'est un pays qui soutient le terrorisme. Pensez-vous que M. Olmert a raison d'agir ainsi ?
R - Je n'ai pas de conseil à lui donner mais je pense que M. Olmert...
Q - Mais la France est-elle favorable à un processus entre Israël et la Syrie ?
R - Nous savons tous très bien qu'il y a des ramifications entre certaines parties du Hamas, très radicales, et certains pays.
Q - Avec beaucoup de solennité, vous avez dit tout à l'heure que la France était l'amie d'Israël et que vous-même, vous étiez un ami personnel de ce pays. Ce pays continue de frapper à la porte de la Francophonie et malheureusement...
R - Je suis un fervent défenseur...
Q - Mais le dossier n'avance pas !
R - Je fais partie de toutes les enceintes de la francophonie et, croyez-moi, on m'entend. Je souhaite cela et je le souhaite profondément. D'ailleurs, je pense et j'espère que cela sera réglé assez rapidement.
Q - Le processus est engagé, la Macédoine est entrée...
R - Je vous dis que je souhaite qu'Israël puisse entrer dans la Francophonie. Ce serait tout à fait normal et c'est, d'ailleurs, dans l'intérêt des pays francophones.
Q - Mais on sait bien qu'il y a des freins. Comment lever ces freins ?
R - Par la politique, par la force de conviction et je fais partie de ceux qui plaident pour cela. Je n'ai pas peur de le dire ici.
Q - Nous allons aborder maintenant un autre dossier un peu chaud qui est celui des relations franco-turques puisque, depuis le vote à l'Assemblée nationale d'une loi sur la pénalisation de la négation du génocide arménien. On a l'impression que l'on se trouve au bord d'une crise diplomatique avec la Turquie. Une question brute sur laquelle j'espère une réponse claire : cette loi est-elle une erreur ?
R - Je vais vous répondre très directement : il faut savoir que la France reconnaît le génocide arménien. Une loi a été votée en 2001.
Q - Mais là nous avons parlé d'une nouvelle loi qui va plus loin.
R - Il ne s'agit pas d'une loi mais d'une proposition de loi portant sur la pénalisation de la négation du génocide arménien, présenté par le Groupe socialiste, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, avant d'être transmise au Sénat.
Je pense, exactement comme les Arméniens qui vivent en Turquie et qui se sont exprimés, que ce n'est pas aux députés français d'écrire l'Histoire de la France, de la Turquie ou de l'Arménie. Aujourd'hui, il y a en Turquie un processus auquel sont associés des historiens, des scientifiques et des chercheurs - nous avons également eu ce type de réflexion -, pour voir ce qui s'est passé et trouver une voie qui permette d'effacer cette terrible plaie.
Ce que j'ai vu en Arménie lorsque j'y suis allé avec le président de la République, l'autre jour, est effrayant. Mais laissons aux Turcs et aux Arméniens qui vivent en Turquie le soin de s'occuper de cette question.
Q - Ce processus a été évoqué par Jacques Chirac depuis longtemps et à plusieurs reprises et, tout d'un coup, il prononce des paroles fortes, mettant la reconnaissance du génocide arménien comme un préalable pour entrer à la...
R - J'étais présent à la conférence de presse et le président n'a pas dit cela. Il a dit, et c'est très important...
Q - Ah bon ! pourtant, on voit des extraits de cette conférence de presse partout, en long, en large et en travers !
R -Le président n'a jamais dit cela. Aucune personne n'a dit ce que vous dites. Il a indiqué que la Turquie serait bien inspirée de reconnaître les erreurs qu'elle aurait pu commettre.
Q - Mais il a dit cela en réponse à une question préalable !
R - Ce qui compte dans la diplomatie, dans la politique, ce sont les mots. Le président de la République n'a jamais dit qu'il s'agissait d'une condition. Il a dit que la Turquie se grandirait en faisant ce travail de mémoire et il est en train d'être fait.
Permettez-moi de le dire, car c'est une affaire importante, que moi aussi je souhaite cela, comme le président de la République. Il est allé très loin lorsqu'il a dit cela. Mais, à aucun moment, nous n'avons dit qu'il fallait écrire l'Histoire. Ce sont deux choses différentes. Ce n'est pas aux hommes politiques d'écrire l'Histoire, c'est aux chercheurs de le faire. Je le dis sur le fond et pas seulement à propos de la Turquie.
Q - Quel était le but de ces hommes politiques qui ont voulu écrire l'Histoire ? Etait-ce, comme l'a dit je crois l'une de vos collègues du gouvernement, des objectifs électoralistes ou est-ce, plus profondément, une volonté d'empêcher la Turquie d'entrer dans l'Europe ?
R - Non, j'ai trop de respect pour les parlementaires pour penser qu'un geste politique aussi lourd soit dû, uniquement à des raisons électoralistes. En réalité, je crois qu'il y a beaucoup d'émotion. Je pense qu'un député comme François Rocheboine, qui est UDF, n'a pas voté en faveur de cette proposition de loi pour des raisons électoralistes : c'est parce qu'il le pense profondément.
Q - Mais il y a des Arméniens dans sa circonscription quand même !
R - J'ai rencontré ces gens : ils sont sincères. Mais il ne faut pas prendre l'habitude d'écrire l'Histoire dans un parlement. Ce n'est pas ainsi que l'on écrit l'Histoire.
Q - Dans cette émission, nous avons pour habitude de parler de la diplomatie française, de son avenir et de l'après-2007. Cela veut-il dire quelque chose ce concept de rupture qui est celui de Nicolas Sarkozy ? Cela veut-il dire quelque chose en politique étrangère ? Ce concept peut-il être appliqué ?
R - Je connais bien Nicolas Sarkozy. Un chef d'Etat est là pour servir son pays et il le sert en fonction de ses convictions et de ses idées. Ce ne sont pas les discours qui comptent mais ce que l'on décide lors d'une crise. C'est devant les travaux pratiques que vous devenez ministre des Affaires étrangères ou que vous devenez un chef d'Etat.
Prenez par exemple la guerre d'Irak, ce qui compte, ce n'est pas le discours, 3 mois avant, sur l'Irak et le Moyen-Orient. Ce qui compte, c'est ce qui se passe au Conseil de sécurité des Nations unies lorsqu'un chef d'Etat mandate son ministre des Affaires étrangères pour dire une chose : oui ou non. Et personne ne peut savoir aujourd'hui qui ferait quoi.
Q - Sans se demander qui ferait quoi dans le débat national, quel est votre sentiment sur ce qui devrait ou pas changer en termes de politique étrangère, par exemple, la nouvelle relation transatlantique qu'a prônée à Washington M. Sarkozy, la partagez-vous et pensez-vous qu'il faudra aller dans une réflexion comme celle-ci ?
R - Ceci a été beaucoup caricaturé car Nicolas Sarkozy a dit trois choses :
Premièrement, qu'il aimait la société américaine parce qu'elle est fluide : on peut être en bas et remonter. Je suis complètement d'accord et je suis sûr que le président Chirac aussi.
Deuxièmement, il indique qu'il n'est pas d'accord avec le président américain lorsqu'il dit que la Turquie doit entrer dans l'Union européenne : ce qui prouve qu'il ne se rallie pas toujours à ce que disent les Etats-Unis.
Enfin, il dit qu'il est contre la politique énergétique des Etats-Unis concernant l'environnement avec l'accord de Kyoto, le Canada et les Etats-Unis qui ne le respectent pas du tout. L'administration Bush là-dessus, de mon point de vue, a tort.
Q - N'est-ce pas un peu d'arrogance de la diplomatie française qui n'a pas su juguler ces crises et qui a transformé des divergences en crise par arrogance ?
R - Je reste persuadé que Nicolas Sarkozy, comme d'ailleurs beaucoup d'autres au sein de l'UMP, restent fidèle à notre politique étrangère. Notre politique étrangère, c'est quoi ? C'est l'héritage du général de Gaulle : nous ne nous alignons sur aucun autre - cela ne nous impressionne pas - et nous avons nos convictions, en particulier, le respect de la souveraineté des peuples, le respect des indépendances nationales et le respect des intégrités territoriales. C'est important parce que l'on en reparlera pour l'Irak.
Q - Nicolas Sarkozy n'incarne-t-il pas une inflexion atlantiste ?
R - C'est ce que vous dites. Je dis ouvertement que Nicolas Sarkozy a des idées qui ne sont pas toujours en accord avec les Américains et on a fait une caricature de ce qu'il a voulu exprimer. Si lui, ou quelqu'un d'autre d'ailleurs, avait la responsabilité de la politique étrangère de la France, je ne vois pas pourquoi il ferait systématiquement ce que veulent les Russes, les Chinois, les Américains ou les Britanniques.
Q - Est-ce que vous estimez que ses propos n'ont pas été compris, qu'ils ont été caricaturés ?
R - Je ne crois pas qu'il faut rentrer dans la critique systématique des Américains. Je crois qu'il ne faut pas s'aligner systématiquement sur qui que ce soit. Voilà ce que j'ai entendu des propos de Nicolas Sarkozy et ce que je pense. D'ailleurs, c'est ce que pense aussi le président de la République.
Sur la Syrie, sur le Liban - à propos de la résolution 1701 -, nous travaillons en permanence avec les Américains. Lors de leur rencontre, il y a quelques jours, il y avait une convergence de vue absolue entre le président de la République et le président Bush sur les dossiers iranien, libanais et syrien...
(...)
...Israël est notre ami. Nous condamnons le Hezbollah et nous ferons tout pour que le Hezbollah cesse cette violence où des civils sont tués. On a fait croire pendant longtemps qu'il y avait une guerre entre Israël et le Liban. Ce n'était pas une guerre entre Israël et le Liban, mais une guerre entre Israël et le Hezbollah. M. Siniora n'a jamais eu un propos, je dirais, agressif, avant.
Q - On ne peut pas dire, non plus, que le Liban est un ami d'Israël, vu qu'il n'a pas de relations diplomatiques ?
R - Ce n'est pas cela. Israël a tout intérêt à avoir un Liban avec M. Siniora. Parce que si ce n'est pas M. Siniora qui est à sa tête, ce seront des radicaux et, là, c'est autre chose. Israël a tout intérêt à parler avec Mahmoud Abbas parce que sinon ce ne sera que le Hamas. Et cela, permettez moi de le dire, si on est ami d'Israël, c'est ce que l'on pense.
Q - Cette émission touche à sa fin. Il y a une petite tradition à la fin de "Ma vision du monde", c'est de vous demander en quelques mots ce que sera votre vision d'un monde meilleur ?
R - Pour moi, la principale question du début du XXIème, c'est le fossé de plus en plus évident qui existe entre les pays pauvres et les pays riches. Ils ne s'en rendent même pas compte d'ailleurs. Cela aboutit au cortège de maladies et de pauvreté que l'on connaît. Mais surtout à un sentiment effrayant de colère et d'humiliation des pays les plus pauvres. Or, on voit bien que sur la planète, il y a des gens qui savent se servir de cette colère, de cette humiliation et en particulier des gens qui pourront détourner les religions.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2006