Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les Premières rencontres internationales sur la mémoire partagée, à Paris le 27 octobre 2006.

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Circonstance : Clôture des Premières rencontres sur la mémoire partagée, à Paris le 27 octobre 2006

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs et les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations,
Mesdames, Messieurs,
Je suis sincèrement heureuse de clôturer ces « Premières Rencontres internationales sur la mémoire partagée ». Je constate, avec une grande satisfaction, le succès de cet événement sans précédent.
Je veux, en premier lieu, en remercier nos hôtes étrangers, ministres et membres des 24 délégations étrangères qui nous ont fait l'honneur de nous rejoindre à cette occasion. Vous êtes venus aussi bien en voisins que des antipodes. Vous êtes venus, amis depuis plusieurs siècles ou à la suite d'un long processus de réconciliation. Votre présence à tous démontre combien notre histoire a croisé celles des peuples du monde entier au cours des siècles passés, combien nos destins sont aujourd'hui liés.
Je remercie aussi les nombreux participants français venus témoigner de leur attachement aux questions de mémoire. J'adresse un salut particulier aux anciens combattants qui, une nouvelle fois, démontrent à la fois leur sens de l'intérêt général et leur vision de l'avenir.
Enfin, chacun comprendra que je veuille exprimer tout particulièrement ma gratitude à Hamlaoui Mékachéra qui a imaginé et pris l'initiative de ces Premières Rencontres.
Mesdames, Messieurs,
En regardant votre assemblée, en voyant autant de pays différents réunis ici. En apercevant côte à côte des peuples qui se sont affrontés pendant des décennies, on mesure le chemin parcouru, on apprécie aussi la force du symbole que constituent ces Rencontres.
La mémoire, creuset traditionnel de l'identité nationale, prend une nouvelle dimension et devient ainsi un outil nouveau de dialogue entre les nations.
Déjà, ces dernières années, des événements emblématiques avaient marqué les esprits. Qui n'a pas été ému en voyant Français, Alliés et Allemands commémorant ensemble la sanglante bataille de Verdun et le débarquement de Normandie ? Qui ne s'est réjoui de savoir que Français et Vietnamiens organisaient ensemble un colloque universitaire conjoint sur Dien Bien Phu, douloureuse défaite pour les uns, éclatante victoire fondatrice pour les autres ? Aujourd'hui, ces Rencontres marquent une nouvelle étape, hautement significative.
Oui, je crois dans le respect de l'histoire de chacun, sans renier ses engagements antérieurs, il est possible de considérer le passé sans haine, ni passion. Oui, des pays aux histoires, aux cultures, aux régimes différents démontrent qu'il est possible et constructif de travailler ensemble sur la mémoire pour mieux préparer l'avenir. Aider à construire un avenir meilleur pour les nouvelles générations est la véritable ambition de ces Rencontres. C'est aussi pour nous tous une espérance collective.
Mesdames, Messieurs,
Les premiers artisans de ces rapprochements ont souvent été les anciens combattants. Ils aspiraient, parfois naïvement, parfois de façon prophétique, à ce que l'on nomme en français « la paix des braves ». Pour leur engagement, naturellement, et pour ce rôle souvent pionnier, les anciens combattants méritent toute notre reconnaissance.
Il est d'ailleurs significatif que vous ayez souhaité ouvrir vos travaux sur la reconnaissance due aux soldats, sur le « droit à réparation », sur l'aide à la reconversion, au retour à la vie civile, sur le traitement du handicap physique et psychique. Nous sommes tous, peu ou prou, confrontés aux mêmes problématiques. Je me réjouis que vous ayez pu échanger en profondeur sur ces sujets et que chacun puisse bénéficier de la connaissance et des initiatives des autres. Les récentes avancées scientifiques, technologiques, politiques, redonnent un juste espoir à ceux de nos vétérans qui ont été le plus durement touchés dans leur corps, dans leur esprit ou dans leur âme. Des échanges ont lieu entre services de plusieurs de nos pays. Il convient assurément de les encourager et de les développer.
A cet égard, je me félicite tout particulièrement qu'un grand nombre d'entre vous aient choisi de visiter, cet après-midi, l'Institution nationale des Invalides. Depuis sa création par le roi Louis XIV, au XVIIème siècle, cette institution symbolise la reconnaissance de la France envers ses combattants. Depuis plus de trois siècles, elle prétend au meilleur niveau, et à l'ouverture aux autres.
Mesdames, Messieurs,
J'ai la conviction que, loin de favoriser un repli nationaliste, la connaissance mutuelle de nos passés permet de se rapprocher de ceux qui nous ont aidés comme de ceux que nous avons affrontés. Savoir, comprendre, dialoguer, c'est le plus sûr moyen d'éviter la tragique reproduction des drames du passé ; car rien n'est définitivement acquis, et encore moins la paix. L'actualité quotidienne nous le rappelle tragiquement.
Oui, il nous reste, il vous reste de l'ouvrage sur le métier. Le travail à destination du public scolaire auquel vous avez consacré une part importante de vos débats est un enjeu décisif. Le développement du « tourisme de mémoire » est un moyen d'échange, de témoignage, de transmission, de compréhension. Les musées, les commémorations, les colloques, les échanges d'universitaires ou de jeunes sont une nécessité.
S'il n'y en avait qu'un, le message de ces Rencontres serait que cette quête est une chance pour le dialogue entre les peuples et pour la paix.
Mesdames, Messieurs,
Le XXème siècle nous a cruellement appris le coût de l'absence d'échanges entre les pays, les nations, les peuples. Dans un monde sans frontières, de plus en plus globalisé, uniformisé par les médias, nos concitoyens respectifs aspirent à retrouver leurs racines. Il ne faut pas que cela conduise à un repli sur soi, à une ignorance créatrice de méfiance et donc d'agressivité à l'égard des autres.
A l'heure où de nouvelles sources de conflits pèsent sur un monde incertain, la compréhension mutuelle et la mobilisation pour la paix sont des obligations ardentes. Se comprendre, c'est se respecter l'un l'autre. C'est respecter dans l'autre la liberté, l'indépendance, l'identité, que l'on veut et que l'on réclame pour soi-même.
Pour cela, nous devons assumer notre passé, avec lucidité, avec honnêteté, mais sans contrition. A la repentance, je préfère la réconciliation sincère.
Nous avons été tour à tour amis ou adversaires, parfois nous avons commis des erreurs aux conséquences dramatiques, et parfois l'histoire nous a donné raison. Nous avons construit notre relation actuelle dans le sang et dans les larmes, mais aussi dans la joie.
Heureuse ou malheureuse, nous avons une histoire commune. Nous avons choisi d'en faire vivre la mémoire. Pas pour obtenir une absolution, mais pour en tirer les leçons et pour construire le monde de demain.
Tous nos peuples aspirent à la paix. Ils attendent de nous que nous bâtissions un monde meilleur, plus respectueux des hommes et des femmes, plus juste, plus libre. Tous ici, nous avons conscience d'appartenir à une même communauté humaine. Nous avons le devoir de construire un destin humain commun, celui de la paix et de la liberté.
C'est l'honneur des anciens combattants et la responsabilité des acteurs publics de conjuguer leurs efforts pour y contribuer. En développant un dialogue constructif et en affirmant une volonté mutuelle de regarder notre histoire combattante sans passion, vous avez ouvert la voie à de nouvelles initiatives internationales au service de cet avenir commun.
Cher Hamlaoui, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, de vous renouveler mes remerciements pour votre présence et mes chaleureuses félicitations pour la qualité de vos échanges lors de ces « Premières Rencontres internationales sur la mémoire partagée ».
Chers amis,
Dans un instant, nous serons réunis sous l'Arc de Triomphe pour honorer le soldat inconnu de la Grande Guerre. Je vous y retrouverai avec beaucoup d'émotion.source http://www.defense.gouv.fr, le 30 octobre 2006