Interview de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, à "RMC" le 24 octobre 2006, sur le permis à points et la limitation de vitesse.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Notre invité ce matin, D. Perben, ministre des Transports, bonjour.
Bonjour !
Q- Vous êtes enfin arrivé, vous étiez bloqué dans les embouteillages.
R- Eh oui, cela arrive même au ministre des Transports. Vous voyez !
Q- Ça c'est extraordinaire, c'est extraordinaire, voilà. Eh bien c'est normal que cela vous arrive comme nous.
R- Les voitures sont les mêmes.
Q- Pas de gyrophare ?
R- Non, non et puis quand c'est bouché, c'est bouché.
Q- Quand c'est bouché c'est bouché ! Bien Bombardier, le groupe canadien, remporte le contrat de remplacement des trains de banlieue de la région parisienne. Alstom, le français, était pourtant sur les rangs, c'est la loi des marchés ?
R- Oui, si on met de côté les Japonais, il y a trois grands constructeurs mondiaux : Siemens, Alstom et Bombardier. Le conseil d'administration de la SNCF ne s'est pas encore prononcé, je crois que la presse est allée un peu vite - mais c'est effectivement ce qui se dit. C'est un marché public. La dimension prix en particulier compte beaucoup. Ce que je souhaite c'est qu'il puisse y avoir une coopération industrielle importante entre Bombardier et Alstom, puisque la commande est très importante et donc Bombardier sera amené à sous-traiter une partie de la production et je souhaite que cette sous-traitance se fasse au maximum au bénéfice des ouvriers français, des usines françaises et j'espère qu'il y aura ainsi une part pour l'un comme pour l'autre.
Q- D. Perben, vous êtes ministre des Transports, est-il admissible que des lignes de bus soient déviées et que des bus n'entrent plus dans certains quartiers, parce que dans ces quartiers la sécurité n'est pas assurée ?
R- Bien sûr que non, bien sûr que ce n'est pas admissible. Mais il faut bien voir que pour le chauffeur de bus, il peut y avoir une espèce de cas de force majeure - je me mets à la place des employés de la RATP ou d'autres compagnies, s'il s'agit d'autres compagnies dans d'autres agglomérations que celles de Paris et qui peuvent être en situation vraiment de grande fragilité, par rapport à la réalité. Donc, bien sûr, il faut que nous renforcions les éléments de sécurité à l'intérieur des transports en commun et d'ailleurs nous l'avons fait s'agissant de la SNCF avec le renforcement de la police ferroviaire, aussi bien service de la SNCF, que police nationale avec N. Sarkozy. Mais bien sûr, la sécurité ce n'est pas uniquement l'affaire des chauffeurs de bus, ce n'est évidemment pas d'abord leur affaire.
Q- D. Perben, parlons du permis à points. D. de Villepin était chez nous le 29 septembre et sur RMC, il avait annoncé que le permis à points devrait faire l'objet de réaménagement. Alors est-ce qu'on va bientôt pouvoir récupérer ses points plus vite ?
R- Le Premier ministre, dans l'esprit de ce que vous avez rappelé, a demandé J. Aribaud, qui est un préfet, de nous présenter des conclusions, enfin des réflexions sur le permis. Moi je veux simplement dire deux ou trois choses à vos auditeurs. Premièrement, il ne s'agit en aucune façon d'alléger les sanctions sur les petites infractions, ça là-dessus il faut que les choses soient claires...
Q- C'est-à-dire ? Si je suis à 52 quand c'est limité à 50, je serai toujours sanctionné ?
R- Oui, sachant qu'il y a la marge technique, vous le savez de 5. Donc en réalité, vous n'êtes pas à 52, vous êtes à 57 J.-J. Bourdin. Soyons précis.
Q- Oui, c'est vrai !
R- Donc ce n'est pas là-dessus, en tout cas moi je ne souhaite pas du tout que l'on revienne là-dessus.
Q- On ne reviendra pas là-dessus.
R- Pourquoi ? Parce que si on a récupéré 8.500 morts en moins et 110.000 blessés de moins en quatre ans, 110.000 blessés de moins en quatre ans ! c'est parce que la vitesse moyenne a baissé de 10 Km/H. Donc attention de ne pas aller dans l'autre sens. Par contre, la question effectivement a été posée par le Premier ministre et là-dessus, J. Aribaud, je sais a vu un certain nombre de gens. La question est par exemple de savoir dans quel délai on peut se réinscrire pour passer son permis quand on vous l'a retiré.
Q- C'est-à-dire comment raccourcir le délai, on va raccourcir le délai ?
R- Je ne sais pas ce que J. Aribaud va nous proposer.
Q- Il est de six mois aujourd'hui !
R- Et je sais encore moins ce que le Premier ministre décidera. Mais c'est autour de ce type d'idée qu'il y a une réflexion, qu'il y a des discussions avec les associations de victimes de la route, avec tout le milieu disons qui s'intéresse à ce sujet. Et il faudra que, dans la sérénité, on améliore la situation pour faire quoi ? Eh bien pour éviter tout simplement qu'il y ait des gens qui aient la tentation folle de circuler sans permis.
Q- Donc, on ne revient pas sur la limitation de vitesse.
R- Sûrement pas !
Q- Ni sur route, ni sur autoroute, ni en ville ?
R- Ni en ville.
Q- Pas de 30 km/H.
R- Vous avez vu qu'en ce moment, je fais diffuser sur les télés des spots sur le respect du 50Km/H. Pourquoi je fais ça ? Je ne fais pas ça pour passer des images un peu dures. Je fais ça parce que nous avons une amélioration formidable - la baisse des accidents sur les autoroutes, sur les routes de rase campagne - mais nous n'avons pas la même baisse en ville. Or la ville peut aussi être dangereuse. Donc on fait une campagne pédagogique pour respecter les vitesses. Nos nouveaux radars vont permettre de surveiller un certain nombre de feux rouges, un certain nombre de stops. Parce que manifestement, c'est en ville que vraiment ça résiste si vous voulez, on n'arrive pas à faire baisser le nombre d'accidents et le nombre de morts.
Q- Bien, j'ai une idée D. Perben, vous allez me dire ce que vous en pensez : n'est-il pas plus dangereux de rouler à 60 Km/H quand c'est limité à 50 que de rouler à 140 quand c'est limité à 130 ?
R- Qu'est-ce que vous en savez ? Moi je n'en sais rien, je suis prêt...
Q- Je vous dis ça, parce qu'on pourrait peut-être moduler les sanctions en fonction du lieu où est situé l'excès de vitesse, où l'on a constaté l'excès de vitesse ? Ce n'est pas une idée ça ?
R- Je ne sais pas si c'est une super idée, je ne sais pas si elle est praticable. Par contre, ce que j'ai demandé, nous avons signé avec N. Sarkozy une circulaire commune au préfet pour quelque chose qui nous était très demandé et à juste titre - moi je l'ai expérimenté personnellement en observant les choses - c'est faire en sorte que les itinéraires soient cohérents, qu'on ne change pas de limites de vitesse trop souvent et qu'il n'y ait pas une multiplication de panneaux qui finissent par rendre je dirais, la route illisible pour le conducteur. On lui dit 70, après on lui dit 90, après... bon. Donc, on a demandé aux préfets avec les DDE de bien regarder les itinéraires, pour que le respect de la limite de vitesse corresponde bien sûr à la réalité de la route, à sa dangerosité, mais que ce soit aussi compréhensible pour le conducteur. C'est un point très important, cela nous avait été souvent signalé, donc ce travail il est engagé.
Q- Je vois beaucoup d'associations qui demandent des aménagements pour les petites infractions. Et là vous êtes contre tout aménagement. Les associations nous disent, mais doit-on accepter qu'une personne perde son permis pour une série d'infractions inférieures à 20Km/H, sans danger direct pour le reste de la population ?
R- Sans danger direct, qui le dit ça ? Il y a douze points, quand même, cela ne se fait pas en une fois. La petite infraction c'est un point.
Q- Oui, mais celui qui roule beaucoup et qui perd à chaque fois un point tous les deux mois, on ne peut pas faire un effort pour lui, oui ou non ?
R- Ce n'est pas parce qu'il roule beaucoup qu'il est moins dangereux par kilomètre parcouru, si vous voulez. Il faut quand même...
Q- Vous ne prévoyez rien, vous ne prévoyez rien pour les professionnels de la route ?
R- Honnêtement, J.-J. Bourdin, cette politique est un succès, est un succès humain, ce n'est pas un succès politique, c'est d'abord et avant tout un succès humain. On ne va pas fragiliser cette réussite humaine extraordinaire qui passe d'abord par la prise de conscience d'ailleurs des conducteurs, de la nécessité de conduire de manière détendue, de manière plus cool. Je crois vraiment que ce serait une erreur de repartir dans l'autre sens.
Q- Est-ce que l'on peut permettre aux conducteurs de récupérer plus vite leurs points ?
R- Alors ça c'est une autre question, plus technique, plus pratique. Moi j'ai déjà eu l'occasion de dire que cela ne me paraissait pas extravagant et on va regarder dans les propositions d'Aribaud ce qu'il nous propose.
Q- Mais vous y êtes favorable ?
R- Moi je trouve que cela va....ça c'est de l'aménagement intelligent si je puis dire. Car ce n'est pas parce qu'on va pouvoir éventuellement se réinscrire plus vite pour passer le permis qu'on va vous le donner le permis, il faut le repasser. Je rappelle qu'il faut repasser le permis, donc le fait de rendre les choses peut-être plus faciles, en particulier pour ceux, c'est vrai qui ont une contrainte professionnelle, car souvent la voiture nous l'utilisons pour notre boulot.
Q- Mais qu'est-ce qu'ils font ceux-là, ils roulent sans permis, il y a de plus en plus... mais beaucoup, beaucoup, c'est la réalité.
R- Alors on dit ça, oui, la réalité...
Q- Malheureusement, malheureusement.
R- Non, Monsieur Bourdin, j'ai une seule statistique, une seule statistique : le nombre de gens sans permis impliqués dans des accidents, parce que des gens qui roulent sans permis, par définition ne viennent pas nous le dire. Mais quand il y a un accident, on regarde si les gens ont leur permis. Le nombre de gens sans permis impliqués dans des accidents a baissé de 2004 à 2005. On est passé de 1,6 à 1,4, donc ne nous mettons pas dans l'idée...
Q- Donc il n'y a pas plus de conducteurs sans permis qu'avant ?
R- La seule statistique dont je dispose dit le contraire. Voilà.
Q- Eh bien nous on a des chiffres...
R- C'est quoi ? C'est des constats faits par qui ?
Q- Je ne sais pas, moi. Ce sont des chiffres : 33.000 personnes contrôlées sans permis en 2005, contre 9.756 en 2004, je dis bien contrôlées sans permis, ce sont des chiffres de la police.
R- Parce qu'on contrôle plus. Mais le nombre de gens sans permis impliqués dans des accidents, c'est important aussi, parce que là, ce n'est pas lié au nombre de contrôles, ce n'est pas lié à l'action de la police.
Q- Donc pour vous, il n'y a pas plus de conducteurs sans permis en France ?
R- Ecoutez, je ne dis pas qu'il n'y en a pas plus, je dis "attention". Avant d'affirmer qu'on est devant une flambée, regardons quand même les chiffres avec sérénité.
Bien, on va parler de l'implantation des radars, on va parler d'autres sujets bien évidemment avec D. Perben, notre invité ce matin...
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Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 octobre 2006