Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Massimo d'Alema, vice-président du Conseil et ministre italien des affaires étrangères, sur les relations franco-italiennes, les enjeux européens prioritaires, notamment en matière d'élargissement et de lutte contre l'immigration clandestine, et sur la situation au Proche-Orient et la condamnation à mort de Saddam Hussein en Irak, Paris le 6 novembre 2006.

Prononcé le

Circonstance : Visite en France de Massimo d'Alema, vice-président du Conseil italien et ministre des affaires étrangères : rencontre avec Philippe Douste-Blazy consacré à la préparation du sommet bilatéral franco-italien de fin novembre 2006, à Paris le 6

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, je voudrais vous dire le plaisir intense que j'éprouve en recevant mon ami, Massimo d'Alema, au Quai d'Orsay.
Notre rencontre d'aujourd'hui intervient quelques semaines avant le prochain sommet bilatéral franco-italien qui aura lieu à la fin du mois en Italie. Elle nous a permis d'évoquer les principaux dossiers que nous souhaitons voir avancer lors de ce sommet. Nos relations bilatérales connaissent, vous le savez, une très grande vitalité. De nombreux contacts auront lieu entre les présidents et les Premiers ministres et nous espérons que ce sommet franco-italien permettra de resserrer un peu plus encore la relation étroite entre nos deux pays.
Nous avons abordé les questions européennes, tant sur les sujets à l'ordre du jour pour les prochaines semaines que dans une vision plus prospective. Nous avons eu avec Massimo d'Alema une discussion stimulante sur ces questions, notamment sur la nécessité pour l'Union européenne de devenir un véritable acteur global dans le monde d'aujourd'hui. Nous avons parlé des questions institutionnelles et de la problématique de l'élargissement de l'Union. Nous avons abordé, en particulier, un sujet qui tient beaucoup à coeur de Massimo d'Alema : les Balkans.
Dans quelques mois, nous célébrerons le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Nous avons discuté des moyens d'être fidèles à l'ambition des Pères fondateurs de l'Europe et de renforcer la dynamique de l'intégration européenne face aux nouveaux grands défis du monde d'aujourd'hui.
Nous avons aussi évoqué notre engagement dans le partenariat euro-méditerranéen et la nécessité de renforcer la coopération avec ces pays de la rive Sud de la Méditerranée, notamment en matière d'immigration. C'est un problème auquel l'Italie est très exposée, mais c'est aussi un enjeu pour tous.
Enfin, nous avons surtout longuement parlé de la situation internationale, en particulier la situation au Proche-Orient en exprimant notre souhait commun d'un engagement plus déterminé de la communauté internationale et, en premier lieu, de l'Union européenne pour relancer le processus de paix. Nous avons dit tous les deux que s'il y a un gouvernement d'union nationale dans les Territoires palestiniens, nous aiderons tout de suite ce gouvernement d'union nationale parce que nous pensons que c'est une chance pour la paix et pour le dialogue politique. Nous demandons bien sûr de la retenue aux parties. Nous pensons que si Israël a un droit à la sécurité et un droit à la défense, il ne faut pas que l'offensive militaire israélienne radicalise les populations palestiniennes.
Nous avons aussi parlé du Liban parce que vous savez que nos deux pays travaillent étroitement ensemble dans cette mission difficile et dans un esprit européen. L'entretien d'aujourd'hui a permis de confirmer la très grande proximité de nos positions et je tiens à cet égard à saluer à nouveau l'excellente coopération entre nos deux pays sur cette question.
Nous avons également évoqué les grands sujets comme l'Iran, l'Irak, l'Afghanistan. J'ai dit à Massimo d'Alema que nous souhaitons poursuivre et renforcer cette coopération dans tous les domaines dans la perspective de l'entrée de l'Italie au Conseil de sécurité des Nations unies, pour les deux années qui viennent, ce dont la France se réjouit grandement.
Enfin, j'ai souhaité évoquer avec Massimo d'Alema la question des financements innovants pour le développement, UNITAID, sur lesquels nos deux pays ont pris des initiatives qui sont en train de rallier un nombre croissant de pays pour trouver enfin des solutions à la grande pauvreté dans les pays du Sud, en particulier en Afrique. Je remercie sincèrement Massimo d'Alema d'avoir écouté ce que nous lui avons dit et d'étudier cette question dès son retour en Italie.
Merci Massimo d'être venu. Je souhaite que nous continuions à avoir des échanges de la qualité de celui que nous avons eu aujourd'hui et que nos deux pays continuent à travailler aussi activement ensemble au projet européen et à la stabilité internationale.
Q - Deux points très rapidement. Vous avez tous les deux rappelé la position de principe de l'Union européenne pour la peine de mort. Est-ce qu'à l'issue de vos concertations, vous pensez que l'Union européenne devra aller un peu plus loin ou devra se contenter de rappeler ce principe, en ce qui concerne la condamnation à mort de Saddam Hussein ?
L'autre point concerne la détérioration de la situation à Gaza. Est-ce qu'il faut attendre un gouvernement d'union nationale ou bien est-ce que l'Union européenne peut faire quelque chose avant que ce gouvernement qui tarde à se mettre en place soit en place ?
R - En ce qui concerne la peine de mort, l'Union européenne a une position constante en faveur de son abolition universelle. Elle prêche pour l'abolition universelle de la peine de mort. Nous devrons donc, avec nos partenaires européens, définir très rapidement les modalités pour faire connaître cette position aux autorités de Bagdad.
Concernant la question sur Gaza, la situation est en effet dramatique. Jusqu'à ce matin, les négociations pour un gouvernement d'union nationale étaient dans l'impasse. Il y a cependant maintenant une lueur d'espoir s'il y a un gouvernement d'union nationale. L'Union européenne doit être présente en demandant aux Israéliens de reverser le produit des taxes dues à l'Autorité palestinienne. L'Union européenne doit demander à la Banque mondiale d'accélérer la mise en oeuvre du volet I du mécanisme international temporaire (TIM) qui permettra de financer des dépenses d'équipement dans la santé et l'éducation. Mais on sait que certains fonctionnaires des Territoires palestiniens ne sont pas payés depuis maintenant plus de six mois. Donc, oui, l'Union européenne a son mot à dire, spécifique, dans cette région du monde. Elle l'a fait d'ailleurs pour la question du poste de contrôle de Rafah. Elle doit continuer maintenant.
Q - Je voudrais vous demander un rappel de la position de la France concernant le verdict du procès de Saddam Hussein. Vous avez parlé au niveau européen, je souhaiterais connaître la position de la France.
R - Je me suis déjà exprimé sur ce sujet plusieurs fois. La France prend acte de la décision du tribunal irakien. Nous pensons qu'il était tout à fait souhaitable que les Irakiens puissent faire, au niveau de leurs nouvelles institutions judiciaires, toute la transparence et la vérité sur les actes qui étaient reprochés à Saddam Hussein. Je laisse aux Irakiens le soin de juger des conditions dans lesquelles ce procès s'est tenu. Il me semble que ce procès s'est tenu dans un climat de violence générale en Irak tout à fait considérable car ce sont en effet cent morts par jour qu'il faut déplorer en Irak.
Enfin, concernant la peine de mort, je suis personnellement contre la peine capitale de manière générale. La France a été un des premiers pays au monde à abolir la peine de mort et l'Union européenne a décidé qu'elle souhaitait l'abolition universelle de la peine de mort. C'est vous dire combien je pense que pour des raisons purement éthiques, il ne faut pas qu'il y ait une condamnation à mort de Saddam Hussein.
Mais surtout, rappelons-nous que la situation en Irak est extrêmement préoccupante. Nous sommes au bord d'une guerre civile avec un fossé de plus en plus important entre les communautés avec en même temps une lutte de pouvoir entre communautés chiite et sunnite, au sein même de la communauté chiite, entre les forces qui sont occupées et celles qui sont occupantes et, enfin, entre les différentes ethnies, je pense aux Arabes et aux Kurdes. Vous ajoutez à cela des exfiltrations de terroristes dans différents pays voisins, et la cohésion sociale et politique irakienne est extrêmement mise à mal.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2006