Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur les atouts des entreprises françaises pour renforcer leur place sur les marchés internationaux, Vincennes le 17 octobre 2006.

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Circonstance : Conférence : «Face à la mondialisation, les entreprises françaises martyres ou conquérantes» organisée par le MEDEF de l'Est parisien à Vincennes, le 17 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le Député,
Messieurs les Présidents du Medef de l'est parisien, du Medef International et des Medef territoriaux,
Mesdames et Messieurs,
Introduction
Une coopération exemplaire avec le MEDEF
Je remercie le Medef, le Medef International et les Medef territoriaux pour leur mobilisation en faveur de l'export, dans le cadre du tour de France de l'export lancé le mois dernier avec Laurence Parisot.
Après un tour de chauffe réussi pendant l'été (réunion des Medef Seine-et-Marne début juillet et Toulouse, début septembre), les rencontres du Medef en région, autour du thème de l'export, sont des occasions nouvelles d'encourager les entreprises à exporter et je souhaite remercier le Medef de l'est parisien, d'avoir organisé cette nouvelle étape.
Ces rencontres s'inscrivent dans une logique de complémentarité avec les actions des autres partenaires en région (CCEF, CCI, agences régionales). Je tiens à souligner ici la nécessité d'avancer en peloton ou plutôt de naviguer en escadre, au niveau local, pour rendre l'action de tous, plus lisible et plus efficace. Les PME, qui sont le coeur de cible de notre action, ont parfois du mal à se retrouver dans cette «caravane de l'export» que l'on observe de temps à autres dans certaines régions.
La mobilisation des Medef territoriaux est donc utile pour atteindre de nouveaux publics d'entreprises, des entreprises qui ne sont pas toujours concernés par l'export mais qui ont des savoir faire et des produits exportables. Les informer est également une priorité de notre action commune.
Grâce à ce remarquable guide de l'exportation (« l'indispensable de l'export ») que vient de réaliser le Medef, les Medef territoriaux sont désormais des prescripteurs des dispositifs d'appui et des incitateurs à aller vers la compétition sur d'autres marchés.
Comme l'écrivait Epictète[esclave affranchi, est l'un des trois grands philosophes. stoïciens de l'époque impériale romaine], « Il ne faut pas lier un navire à une seule ancre, ni une vie à un seul espoir ». Compte tenu du contexte national et international dont bénéficient les entreprises françaises aujourd'hui, je suis convaincue qu'il ne faut pas lier une entreprise à un seul marché, ni l'activité du chef d'entreprise à une seule ambition nationale, mais qu'il faut en revanche, aller vers d'autres horizons, découvrir d'autres marchés, d'autres vies, d'autres cultures, dans un état d'esprit « modérément » conquérant.
Je dis « modérément » car pour moi la conquête est avant tout un jeu de séduction, d'apprivoisement ou encore de charme du client et non de combat ou de soumission de l'autre. Les Français connaissent bien leurs défauts, notamment lorsqu'ils arrivent sur un territoire étranger et veulent imposer leurs vues. Ils doivent aujourd'hui savoir davantage utiliser leurs atouts et surtout l'image de leurs produits ou du « made in France » dans le monde pour conquérir, avec élégance et efficacité, de nouvelles parts de marché.
1 - Un environnement national favorable à la conquête
a -l'export dans l'Est parisien : une place de choix dans l'approche des marchés internationaux
L'Est parisien c'est un territoire qui s'étend d'Orly à Roissy. Les entreprises ont donc une chance inouïe d'aller vers l'international grâce à cette localisation optimale en France, et les deux départements du 93 et du 94, des atouts majeurs en termes d'attractivité.
Les chiffres des exportations des 2 départements témoignent du dynamisme des entreprises locales, déjà bien orientées à l'international et qui ont su profiter de cet environnement exceptionnel.
Même si au 1er semestre 2006, les exportations du département de Seine-Saint-Denis (93) connaissent une légère baisse de 3 % par rapport au 1er semestre 2005, celles-ci représentent déjà 3,4 Mds euros sur la période. Le département du Val de Marne (94), avec plus de 2 Mds euros d'exportations sur la même période, connaît une belle progression de + 25 %.
A cela s'ajoutent de grands noms français de l'export, tels que Valeo, l'Union Minière, SEMT Pielstick pour le 93 et STMicroélectronique, Sanofi, Valeo, Essilor, Chantelle pour le 94, des groupes capables d'entraîner dans leur sillage des PME locales moins organisées à l'export.
Par ailleurs, de grands investisseurs étrangers ont choisi de s'installer ici tels que Bosch, Siemens, Daewoo, Embraer, LG, Nokia pour le 93 et Philips, Abott, GE, Siemens, Mattel, Nestle ou encore UPS pour le 94, des implantations qui témoignent des atouts de l'est parisien dans la mondialisation.
Je souligne également l'existence d'organismes de soutien particulièrement actifs à l'export en Ile de France, soutenus dans leurs démarches collectives à l'international, par Ubifrance et la DRCE Ile de France.
b -des positions françaises très favorables à la conquête
Des chiffres excellents et une bonne image à l'international
La France, 6ème puissance mondiale, est le 5e exportateur mondial de marchandises, le 4e exportateur de services. Notre pays est au 3e rang pour l'accueil d'investissements directs étrangers, au 2ème rang en matière de productivité horaire des salariés, et au 1er rang en matière de tourisme.
Le commerce international, en augmentation de 7 % en 2005, fournit à nos entreprises une croissance génératrice d'emplois.
Les résultats 2005 étaient bons, jamais nos entreprises n'avaient autant exporté (355 Mdseuros). C'est un record historique. Cela montre que nos entreprises savent tirer parti de la croissance du commerce et sont compétitives. 2006 se présente bien : la croissance dans l'UE repart et devrait doper l'activité des PME. Les commandes étrangères, passées à notre industrie, atteignent un niveau inégalé avec 40 Mdseuros, le double de 2004.
Sur les 6 premiers mois 2006, les exportations françaises ont augmenté de 7,4 % (194 Mdseuros) (+21 % vers les 5 pays pilotes de Cap export).
En termes d'image, je le disais tout à l'heure, le « Made in France » est reconnu et apprécié dans le monde entier. Il n'est sans doute pas suffisamment exploité. Les PME peuvent tirer davantage profit, sur les marchés étrangers, de la renommée et de l'excellence du savoir faire et du savoir vivre français.
Avec Cap export, le Gouvernement a mis en place des mesures de soutien, simples et efficaces. Il s'agit d'un ensemble de mesures visant à favoriser l'emploi des jeunes à l'export, à partir gagner des marchés à l'étranger et surtout à jouer collectif à l'export. 25 pays cibles dont 5 pays pilotes ont été sélectionnées.
Ces mesures sont détaillées dans le guide du Medef (« l'Indispensable de l'export ») ou sur le site www.exporter.gouv.fr . Elles sont essentiellement d'ordre assurantiel, fiscal et de labellisation par Ubifrance (groupements, parrainage, participation à des missions ou salons à l'étranger).
J'ai voulu que le dispositif d'appui public soit simplifié. Aujourd'hui, Ubifrance est devenu le navire amiral, leader d'une escadre de 156 Missions économiques et de 24 DRCE, partenaires naturels des Medef territoriaux
2 - Un environnement international favorable à la conquête, malgré certains aléas
Les négociations du cycle de Doha ont été suspendues. Je regrette l'intransigeance de certains grands acteurs - notamment les Etats-Unis- qui a conduit à la suspension actuelle du Cycle.
L'UE, quant à elle, a fait tout son possible et a consommé toute sa marge de manoeuvre, notamment en agriculture.
Nous le savons, les entreprises françaises ont largement profité de l'ouverture internationale: 50 % des gains de productivité depuis les années 1960 sont liées à l'ouverture des marchés. La France compte des leaders mondiaux dans de nombreux domaines (gestion de l'eau (Véolia), construction (Bouygues)
La conquête des marchés étrangers passe par le cadre multilatéral qui est le seul à pouvoir assurer sur le long terme la croissance et la stabilité globale dont nos entreprises ont besoin.
Une reprise des discussions est donc souhaitable mais pas au prix de nouvelles concessions européennes.
J'ai mentionné tout à l'heure la collaboration exemplaire avec le MEDEF. Elle l'a été tout autant s'agissant du suivi des négociations à l'OMC.
Le soutien et les positions claires du MEDEF, exprimées notamment par la voix de sa Présidente, ont été extrêmement utiles aux négociateurs français et à la France.
La suspension des négociations à l'OMC nous invite à reconsidérer la politique européenne de négociations bilatérales, anesthésiée depuis 2001 par le chloroforme "Doha".
Force est de constater que nos partenaires développent une activité de négociation très allante en la matière qui peut, à terme, porter préjudice aux intérêts économiques de la France : il est temps de réagir car nous n'avons pas de vocation au martyr !
Pour permettre à nos entreprises de conquérir de nouveaux marchés, l'UE doit se doter d'une politique d'accords bilatéraux plus active, plus pragmatique et mieux préparée que par le passé.
Les accords bi et multilatéraux ne sont pas exclusifs et contradictoires. Nos partenaires le savent bien. Je suis moi-même sûre que la dynamique d'accords bilatéraux peut relancer la dynamique multilatérale.
Quatre éléments sont particulièrement importants: les pays cibles, le contenu, la mise en oeuvre, les normes sociales et environnementales.
Cette relance de la politique d'accords bilatéraux doit se faire d'abord selon des critères économiques c'est-à-dire le potentiel de marché. Je pense notamment que nous devons renforcer nos liens en priorité avec les pays d'Asie, comme la Corée, l'Inde et l'Asean ; ainsi que vers les pays du Golf et les pays de l'Euromed.
Le contenu des accords doit être adapté aux enjeux actuels : le commerce des services, les investissements et les règles (concurrence, marchés publics) qui sont, pour certaines, sorties du cadre de Doha, doivent être considérés comme autant de priorités.
Le suivi et la mise en oeuvre des accords méritent d'être renforcés: une meilleure mise en oeuvre des règles - accès aux marchés, propriété intellectuelle- est nécessaire, notamment grâce à une meilleure implication des entreprises.
Ce réexamen de la politique commerciale bilatérale devrait également inclure une réflexion sur les moyens de faire progresser la question des normes sociales et environnementales, d'une façon qui ne soit pas perçue comme protectionniste. Les pays signataires pourraient ainsi s'engager à améliorer la gouvernance, la mise en oeuvre des droits fondamentaux du travail ou la prise en compte de l'environnement dans leurs politiques, tout en profitant des avantages du libre échange.
Un débat sur la relance de la politique bilatérale est ouvert au niveau européen. (cf. dîner informel des Ministres du Commerce) Il doit être nourri par la société civile et les partenaires sociaux: la position du MEDEF et ses propositions seront essentielles pour guider nos réflexions. Elles renforceront la voie de la France et assureront que les positions françaises reflètent effectivement les besoins et les intérêts de nos opérateurs économiques.
Il faudra bien sûr le faire en coordination avec nos homologues des autres pays européens en cherchant à développer des positions communes.
En conclusion, je souhaite rappeler un trait d'humour de Georges Bernard Shaw qui écrivait: "Le martyre est le moyen pour qu'une personne devienne célèbre sans être douée."
Nos entreprises n'ont pas besoin du martyre car elles ne manquent pas de qualités, j'en veux pour preuve leur position enviée dans l'économie mondiale
Dans un monde globalisé, c'est donc bien vers la conquête qu'il nous faut tendre et c'est ce à quoi je travaille.
Ensemble et grâce à vous, la France peut gagner et partir à la conquête des marchés à forte croissance, elle en a les moyens mais elle a besoin plus que jamais d'ambition et de volonté. Donnons lui en !
source http://www.exporter.gouv.fr, le 30 octobre 2006