Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur l'avis de la Haute autorité de santé concernant 89 médicaments dont le service médical rendu est insuffisant et la décision du gouvernement de demander au laboratoires pharmaceutiques d'en baisser le prix, Paris le 25 octobre 2006.

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Texte intégral

Jeudi dernier, la Haute autorité de santé m'a recommandé de dérembourser 89 médicaments à service médical rendu insuffisant. J'ai décidé de ne pas suivre l'avis de la HAS. Je vais vous dire ce que j'ai décidé. Je veux vous dire pourquoi j'ai pris cette décision.
Vous le savez, en 1999, le service médical rendu de l'ensemble des médicaments (soit 4 500) a été réévalué.
La prise en charge des médicaments doit s'apprécier en fonction du service médical rendu, et lui-même s'évalue et se réévalue en tenant compte notamment de l'évolution des connaissances scientifiques.
La prise en charge des médicaments nécessite donc une gestion dynamique et rigoureuse. Elle doit fournir à nos concitoyens l'ensemble des médicaments dont ils ont besoin et seulement ceux là. Elle doit aussi être capable de fournir des solutions pour l'ensemble des pathologies qui le nécessitent. Elle doit être en mesure d'assurer la prise en charge des médicaments les plus innovants, même quand ce sont aussi les plus coûteux.
Je sais aussi que, quand il n'y a rien, un médicament même faiblement efficace est un progrès pour les patients.
Je souhaite donc qu'on ne parle plus de médicaments inefficaces ou inutiles. C'est incompréhensible pour des patients qui prennent ces médicaments depuis des années. Ca l'est également pour les médecins qui ont prescrit ces médicaments. Je préfère que l'on insiste sur le caractère prioritaire des médicaments remboursés ; c'est pourquoi, je compte modifier le décret sur la transparence prochainement.
La troisième et dernière vague de médicaments au service médical rendu jugé insuffisant vient d'être réévaluée par la Haute autorité de santé, autorité scientifique indépendante Elle porte sur des médicaments à prescription obligatoire, c'est-à-dire sur des médicaments que seul un médecin peut vous autoriser à prendre.
La décision que je vais vous présenter prend compte plusieurs approches :
- la recommandation scientifique de la HAS
- l'existence d'alternatives thérapeutiques
- la capacité des patients concernés à modifier leur comportement
- l'absence d'étude sur les reports éventuels sur d'autres médicaments. Je demande d'ailleurs à l'Assurance maladie de procéder à ces études.
- l'évolution des prix à la sortie du déremboursement
Vous comprendrez qu'en tant que ministre de la santé, je dois non seulement fonder ma décision sur des recommandations scientifiques mais aussi anticiper les conséquences d'un déremboursement sur les prix et voir très concrètement comment les patients et les professionnels de santé vont pratiquer ces changements. La HAS est dans son rôle quand elle regarde l'appréciation scientifique, mon rôle c'est de tenir compte de la réalité sociale. Je suis convaincu que médical ne peut en aucun cas rimer avec brutal. Pour autant, je ne veux pas de statu quo.
Sur la base d'éléments scientifiques nouveaux, la HAS a considéré que 5 des médicaments réévalués ont un service médical rendu suffisant pour être pris en charge dans toutes leurs indications thérapeutiques et 50 dans une partie de leurs indications. Ces médicaments méritent donc d'être pris en charge, et continueront à l'être à hauteur de 65 ou 35 %, selon leur service médical rendu.
Pour 89 autres médicaments, la HAS a confirmé que le service médical rendu était insuffisant et a recommandé leur déremboursement selon des modalités adaptées à chaque type de médicament.
Mais c'est aussi aux laboratoires, et non seulement aux patients, d'assumer les conséquences du service médical rendu insuffisant, je demande donc que soient appliqués à ces médicaments des baisses de prix significatives. L'explosion des prix seraient incompréhensibles et inacceptables.
Elle a en effet distingué un premier groupe de 48 médicaments dit « vasodilatateurs », utilisés dans les troubles cognitifs des sujets âgés pour lesquels il n'existe pas, à ce jour, d'alternative. Et un deuxième groupe de 41 médicaments utilisés dans des pathologies diverses et souvent bénignes, pour lesquels il existe, en revanche, d'autres traitements.
En ce qui concerne le groupe dit des vasodilatateurs pour lesquels il n'existe pas d'alternative, j'ai décidé de conserver leur prise en charge à hauteur de 35 % tout en leur appliquant une baisse de prix allant jusqu'à 20 %. Je sais que des études importantes sont en cours sur certains de ses produits. Je souhaite que selon les voeux exprimés par le Collège de la Haute autorité de santé, des nouveaux résultats cliniques permettent de modifier comme cela a été fait pour d'autres médicaments l'évaluation de leur service médical rendu.
En ce qui concerne les 41 médicaments pour lesquels il existe une alternative, j'ai décidé de conserver leur prise en charge, mais seulement à 15 %, et ce pendant un an avec une baisse de prix allant jusqu'à 15 %. Les patients qui le souhaitent pourront bénéficier d'une période de transition pendant laquelle la charge est répartie entre les patients, l'Assurance maladie et les laboratoires.
Le maintien au remboursement, ne serait ce qu'à hauteur de 15 %, permettra aux patients de bénéficier d'un temps d'adaptation et aux professionnels de santé d'un temps de pédagogie. Je suis par ailleurs très attaché à ce les prix ne flambent pas au moment du déremboursement. C'est pourquoi je souhaite aussi utiliser cette période pour formaliser avec les industriels des accords de modération de prix à la sortie de leur déremboursement.
Je tiens à préciser que les complémentaires santé vont également bénéficier de ces baisses de tarifs et qu'elles n'auront donc aucune raison d'augmenter leurs tarifs, bien au contraire.
J'ai donc saisi le Comité des produits de santé pour que l'ensemble de mes décisions soient appliqués dès la fin du mois de janvier.
Enfin, je tiens à préciser que nous n'avons pas besoin de ce type de mesure pour réussir la réforme de l'Assurance maladie. Ce qui m'intéresse d'avantage, c'est l'évolution des comportements. Je suis fier qu'aujourd'hui un milliard d'euros soient consacrés chaque année à la prise en charge de médicaments nouveaux. Les 70 à 100 millions d'euros d'économie attendus sont bien loin de ce compte là.

source http://www.sante.gouv.fr, le 26 octobre 2006