Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le rôle du pharmacien dans le cadre de la politique de santé publique, l'avenir de la profession, Paris le 9 novembre 2006.

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Circonstance : XIXème Journée de l'Ordre des pharmaciens à Paris le 9 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Ordre, cher Jean (Parrot),
Monsieur le Président de l'Inter-Ordre africain (M. Fofana),
Monsieur le Président (du CA de l'INCa), cher Dominique (Marininchi),
Mesdames, Messieurs,
La vitalité de l'Ordre des Pharmaciens tient à la place centrale de votre profession, avec sa variété, dans notre système de soins. Elle tient aussi à la façon, cher Jean, dont vous faites vivre cette institution et dont vous en faites un partenaire exigeant autant que volontaire des pouvoirs publics. C'est également une institution qui sait s'ouvrir et se préparer aux défis de demain, une institution qui a noué des partenariats en Europe bien sûr, mais aussi avec les organisations internationales, et dans le monde entier, et la présence de Monsieur Fofana, que je salue, en est la preuve. Ensemble, chacun dans notre rôle, nous dessinons l'avenir de votre profession, un avenir qui passe par la réussite de la réforme de l'assurance maladie, par une politique du médicament équilibrée, tournée vers l'innovation, et enfin par des missions de proximité de service public et de santé publique sans cesse réaffirmées. Vous êtes au contact quotidien avec nos concitoyens ; vous êtes donc aux avant postes de l'évolution des comportements dans le domaine de la santé.
I/ Je veux d'abord, alors que le Parlement examine le dernier PLFSS de cette législature, vous rappeler ce que notre engagement commun dans la réforme nous a permis de réaliser.
La réforme de l'assurance maladie implique largement votre profession, que ce soit au travers de la maîtrise médicalisée, de l'évolution des comportements qui est demandée à tous, ou de la politique du médicament qui repose sur le bon usage, le juste prix, et la prime à l'innovation.
. Grâce à l'engagement de tous, assurés comme professionnels, en 2006, le déficit de l'assurance maladie sera cette année limité à 6 milliards d'euros, et nous prévoyons pour l'an prochain, un déficit de 3,9 milliards. En trois ans, il aura été divisé par quatre....
. Sur certains postes, les inflexions de tendance sont particulièrement nettes. Ainsi, la progression des génériques se poursuit : en trois ans, leur part dans l'ensemble des prescriptions est passée de 10,8% à 16,7% en mai 2006. L'accord signé entre l'UNCAM et les syndicats de pharmaciens prévoit
à cet égard un objectif de taux de substitution dans le répertoire de 70% en décembre 2006.
. Les dépenses de produits de santé, vous le savez, enregistrent un ralentissement historique, avec une évolution comprise entre 0 et 1 % en 2006, contre plus de 5 % en 2005.
. Ces bons résultats, il faut les conforter et les approfondir. C'est l'objectif de ce PLFSS 2007.
Je le répète, l'ensemble de ces mesures vise à rationaliser les dépenses et à revenir à un équilibre viable et durable. C'est la condition indispensable non seulement à la pérennisation mais aussi au développement de notre système de soin. L'avenir de votre profession en dépend très directement.
. Cela nous permet de continuer à dépenser chaque année 1 Mdeuros de plus pour la prise en charge de nouveaux médicaments, notamment pour des traitements très onéreux. Nous pouvons être fiers que dans notre pays tous les patients aient accès aux soins, même les plus coûteux. Cela concernera désormais aussi des produits qui ne sont pas remboursés, mais qui sont indispensables à la survie de certains patients atteints de maladies graves et rares. C'est par exemple le cas des écrans solaires pour les enfants dits « de la lune », qui seront désormais pris en charge.
. Nous avons également décidé de moins rembourser certains médicaments dont le service médical rendu a été reconnu insuffisant par la Haute autorité de santé. Je suis conscient de votre rôle essentiel dans l'accompagnement des patients qui ont besoin de votre pédagogie pour bien
comprendre la notion de service médical rendu insuffisant.
. Il nous faut aussi améliorer l'efficience du système de soins. Cela passe par le bon usage du médicament. La promotion de ce bon usage sera renforcée au sein des établissements pour personnes âgées dépendantes, où la consommation de médicament est près du double de celle des personnes âgées vivant à leur domicile, ce qui est augmente les risques iatrogènes. Je crois à l'interaction du médecin coordonnateur et du pharmacien d'officine pour lutter contre cette iatrogénie : ce sera l'objet de la convention type prévue dans le PLFSS 2007.
II/ Cette politique du médicament n'est qu'un aspect de l'avenir de votre profession, dont je veux vous parler plus largement.
Votre profession évolue, que vous soyez officinal, grossiste-répartiteur ou industriel. Mais pour que votre spécificité continue à être reconnue, vous devez vous appuyer chaque jour davantage sur les mêmes valeurs : la compétence, le service médical rendu et l'assurance de qualité.
. En ce qui concerne l'industrie, le CSIS, dont vous avez commencé les travaux préparatoires avec les
services des ministères concernés, va donner une nouvelle impulsion à la promotion de l'innovation thérapeutique dans le cadre d'un partenariat renouvelé avec l'industrie.
. Pour les grossistes-répartiteurs, c'est aussi le choix du plus grand service aux malades qui représente l'avenir de la profession. C'est pourquoi j'ai engagé une réflexion autour de l'évolution des missions de service public, qui doit notamment acter le passage de l'obligation de moyens à l'obligation de résultat.
. Les pharmaciens d'officine jouent un rôle majeur dans les évolutions de notre système de soins. - Je pense notamment à la médication familiale, qui ne représente que 31% du marché des médicaments à prescription médicale facultative dans notre pays, contre 67% en Allemagne et 90% en Italie. Je veux donner toute sa place à ce mode de prise en charge des troubles les plus courants, dans une démarche de responsabilisation des patients. Mais nous le ferons avec un niveau d'exigence de qualité des soins sur lequel je ne transigerai pas : cette autonomisation du patient ne peut se faire que dans le cadre de référentiels de bon usage, et accompagné par le conseil des professionnels que vous êtes. C'est le sens du groupe de travail présidé par M. Alain Coulomb, dont les conclusions doivent m'être remises très prochainement. Sur ce sujet, je voulais aussi vous dire que je m'engage à travailler avec l'ensemble des professionnels concernés à une modération des prix des produits de santé pour lesquels celui-ci n'est pas fixé. - Je voulais également revenir un instant sur la question des préparations pharmaceutiques. J'ai demandé, vous le savez, que leur cadre réglementaire soit entièrement revu, sans remettre en cause celles qui sont nécessaires, notamment en pédiatrie et en dermatologie. Les autorités de santé doivent également vous procurer les référentiels nécessaires sur les stratégies thérapeutiques.
- Enfin, je veux saluer votre participation à l'effort de permanence des soins. Votre intégration au sein des CODAMUPS, au même titre que les autres professions de santé marque à cet égard un grand progrès - le décret afférent sera examiné le 14 novembre prochain par le Conseil d'Etat. Je compte sur cette nouveauté pour améliorer la coordination des soins de proximité.
Ce sont ces évolutions qui confortent votre rôle de professionnel de santé de proximité.
III/ Je veux enfin souligner votre rôle toujours plus important en matière de santé
publique
Ce rôle est reconnu par nos concitoyens : un sondage IPSOS montre ainsi que près de 80 % des Français estiment que l'éducation à la santé est de votre ressort, tandis que près de 90% vous interrogent davantage sur les sujets de santé publique. Du rôle de conseil à celui d'acteur de la prévention en passant par votre mission d'éducateur à la santé, vos tâches sont aujourd'hui de plus en plus diversifiées, nombreuses et exigeantes.
. Je tiens notamment à saluer votre rôle dans la prévention de la contamination par les infections sexuellement transmissibles. En mettant en évidence les préservatifs dont le prix, comme l'a souhaité le Président de la République, doit être plus abordable, en déployant les dispositifs d'information que l'INPES peut notamment vous donner, en répondant aux nombreuses questions que peuvent parfois se poser nos concitoyens sur la sexualité, la contraception, ... vous êtes de véritables relais de la prévention.
. Le professeur Marininchi vous a parlé ce matin du Plan Cancer. Acteurs de proximité, vous devez jouer un rôle essentiel dans l'accompagnement vers le dépistage des cancers, ce dépistage gratuit que nous avons organisé pour le cancer du sein, le cancer colo-rectal. Vous serez également en première ligne dans la politique d'accompagnement à l'arrêt des fumeurs que nous soutenons en parallèle de l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
Je voudrais aussi vous parler des nouveaux risques sanitaires. Là encore, votre proximité avec l'ensemble de nos concitoyens, votre rôle d'éducateur à la santé publique vous confèrent de nouvelles tâches. Je veux à cet égard saluer les efforts des pharmaciens de l'Ile de la Réunion qui
ont grandement participé à la lutte contre le chikungunya.
. Je sais aussi quel a été votre investissement dans la préparation de notre Plan de lutte contre la grippe aviaire. Vous avez notamment joué un rôle important dans la réalisation du kit d'information, distribué à tous les professionnels de santé. Et je sais pouvoir compter sur vous pour promouvoir les gestes d'hygiène, ainsi que pour expliquer sur le terrain l'organisation des soins en cas de pandémie. A cet effet, des sessions de formation auront lieu dans toute la France.
. En cas de pandémie, ce sont les pharmaciens qui assureront la distribution et la mise à disposition des traitements antiviraux et des masques chirurgicaux. Cela montre la confiance que je porte à l'ensemble de la chaîne de distribution du médicament.
. Je tiens ainsi à remercier pour leur engagement l'ensemble des professionnels de la filière ainsi que l'Ordre des Pharmaciens, dont je salue le référent grippe aviaire, M. Jean-Luc Delmas.
Enfin, et je sais qu'il s'agit là du thème de votre table ronde de cet après-midi, je voulais vous évoquer la mise en place d'un « dossier pharmaceutique du patient ». Vous avez su préparer la mise en oeuvre du DMP, ce formidable outil informatique au service des patients, avec votre projet de dossier pharmaceutique qui mettra en réseau tous les dossiers patients des officines. Il contiendra toutes les délivrances des 4 derniers mois, que le médicament soit remboursé ou non. Cette initiative permettra de réduire la iatrogénie, d'encourager l'observance et de faciliter le suivi thérapeutique. A terme, ce dossier sera intégré au DMP. Je vais d'ailleurs déposer au Sénat un amendement du gouvernement au PLFSS afin de donner un véritable support juridique au Dossier pharmaceutique. C'est avec ce genre d'initiatives, cher Jean, que l'Ordre des Pharmaciens apporte la preuve qu'il est à la pointe du progrès en matière de santé, et que votre profession est capable de répondre aux attentes de nos concitoyens en termes de qualité.
Je veux profiter de la présence de Monsieur Fofana pour évoquer la question du recyclage des médicaments. Le dispositif actuel, nous le savons, est très perfectible. Nous devons, dans la concertation, trouver le moyen de le faire évoluer, afin d'assurer notamment la sécurité de la chaîne de tri et de distribution de ces médicaments, en France comme à l'étranger, mais surtout de continuer à apporter les thérapeutiques à ceux qui ne peuvent les acheter. Je prendrai très prochainement, après cette phase d'écoute, une décision sur le sujet. Vous savez que sur ce dossier de l'accès aux médicaments, notamment les plus onéreux, la France est en pointe avec des initiatives comme UNITAID. Cependant, je crois réellement que le mouvement mondial qui se dessine pour la construction de systèmes d'assurance maladie efficaces dans les pays qui en sont dépourvus sera la véritable solution, à terme, pour améliorer l'accès aux médicaments pour tous.
Les pharmaciens sont en première ligne non seulement pour assurer la pérennisation de notre assurance maladie, un système dont nous pouvons être fiers, mais aussi pour dessiner son avenir. Vous avez choisi résolument, cher Jean, la voie de la qualité, la voie du service de la santé publique, au travers de vos missions quotidiennes de conseil, de prévention, comme de celles qui peuvent exister en cas de crise sanitaire. Je reconnais en vous un maillon essentiel de ce système de santé performant que nous voulons bâtir, le maillon le plus immédiat, et donc essentiel, pour nos concitoyens.Source http://www.sante.gouv.fr, le 13 novembre 2006