Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à TF1 le 30 octobre 2006, sur les chiffres du chômage et la politique d'accueil des demandeurs d'emploi.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Site web TF1 - Le Monde - TF1

Texte intégral

Q- HARRY ROSELMACK
Alors, Jean-Louis BORLOO, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, la question revient à chaque fois que l'on publie les chiffres du chômage, c'est : à quoi, et donc à qui, attribuer ces chiffres ? A quelle part vous estimez la politique du gouvernement dans cette baisse ?
R- JEAN-LOUIS BORLOO, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA COHESION SOCIALE
En tous les cas, l'inverse je sais qui aurait été responsable et à juste titre. Non, ce reportage est très clair. En réalité, on a une énorme politique d'accueil des demandeurs d'emploi. On a recruté massivement dans les ANPE, 3.500 personnes. On reçoit maintenant les personnes tous les mois et avec un référent et non pas anonymement tous les 6 mois. Il y a des maisons de l'emploi qui regroupent toutes les compétences : la formation, l'UNEDIC, l'ASSEDIC. Il y a un dossier unique. Quand vous êtes en recherche d'emploi, vous avez besoin absolument d'être accompagné. C'est l'accompagnement personnalisé. Alors, il y a d'autres explications : l'apprentissage qui a été relancé, les contrats de professionnalisation, les services à la personne, le logement qui recrute massivement. Mais, fondamentalement, dans une société qui mute très vite, le sujet c'est pas de perdre son emploi et de se retrouver un peu perdu en tapant à des portes, mais d'être accompagné, suivi, par des bilans de compétences, par des plates-formes de vocation pour savoir quelle est votre habileté. C'est plus de perdre son emploi, c'est de changer d'emploi ou de changer de métier. On avait 25 ans de retard dans ce domaine par rapport aux grands pays, on est enfin en train de le faire.
Q- HARRY ROSELMACK
Alors, l'accompagnement des chômeurs, ça marche donc, mais est-ce que vous reconnaissez qu'il y a d'autres facteurs qui ne tiennent pas forcément à la politique quel que soit le gouvernement et qui jouent dans ces chiffres ?
R- JEAN-LOUIS BORLOO
Oui, mais ce qui est sûr, Harry ROSELMACK, c'est que quand vous êtes demandeur d'emploi parce que vous avez perdu votre emploi, vous êtes à un moment de fragilité particulière. C'est le moment où vous avez besoin de savoir quels sont les métiers, comment on y parvient, comment on les découvre, d'être soutenu psychologiquement, techniquement comme l'expliquait - c'était une cadre pourtant parrainée par ses chefs d'entreprise. Alors, on a fait feu de tout bois depuis 20 mois, on est à 350.000 chômeurs de moins, j'espère qu'on va continuer. On peut avoir un mauvais mois, ça peut arriver, mais on est sur une mutation.
Q- HARRY ROSELMACK
L'objectif de passer sous les 8 % de la population active dans le courant de l'année 2007 est maintenu ?
R- JEAN-LOUIS BORLOO
Je pense même qu'on est capable, dans les 2 années qui viennent, dans les 3 années qui viennent, d'aller beaucoup plus loin que ça. C'est vraiment la relation de l'offre et de la demande. Il y a des secteurs en très très forte croissance, mais statistiquement il n'y a pas de raison que ça se rencontre. Prenez les jeunes des quartiers en difficulté. Depuis un an, on a essayé de... parce que c'est un sujet qui est crucial, indépendamment des problèmes de rénovation urbaine. On voit les chiffres, là. On a mis en place du coaching pour les jeunes diplômés qui avaient du mal à avoir accès à l'entreprise, 5.000, 5.000, 10.000. On a fait des parrainages. On a fait du tutorat, des bilans de compétences. On a eu une action extrêmement précise. Résultat des courses : l'endroit où le chômage a le plus baissé, depuis un an en France, ce sont dans les cités, deux fois vite sur le reste du territoire national. Prenez cette ville emblématique qu'est Clichy-sous-Bois : 28 % de baisse du chômage des jeunes. Aulnay-sous-Bois : 23 %. On voit bien qu'il faut accompagner, c'est pas naturel le retour à l'emploi ou l'accès à l'emploi.
Q- HARRY ROSELMACK
Oui. Alors, ce que vous venez de nous dire, c'est tout de même le signe que la lutte contre le chômage n'est pas le seul élément qui peut ramener un peu plus de cohésion sociale dans les quartiers puisqu'on voit la situation aujourd'hui.
R- JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je vais vous dire Monsieur. Moi, je tiens vraiment à tenir un discours à la fois d'espoir et de détermination. Il y a plusieurs sujets à traiter en même temps. Premièrement, nous avions des cités qui étaient dans un état de délabrement inacceptable dans notre pays. On a lancé le chantier du siècle...
Q- HARRY ROSELMACK
Un plan très ambitieux.
R- JEAN-LOUIS BORLOO
500 quartiers à refaire intégralement.
Q- HARRY ROSELMACK
Mais, ne faut-il pas aller plus vite ?
R- JEAN-LOUIS BORLOO
La moitié... Ça ne se fait pas en claquant des doigts. On avait 30 ans de retard. La moitié d'entre eux, les travaux ont déjà démarré. Allez visiter Chanteloup-les-Vignes, allez visiter La Duchère à Lyon, ou Transition à Boulogne-sur-Mer. La moitié. L'autre moitié, ça ne fait que démarrer. Ce chantier du siècle, 35 milliards d'euros pour en faire des très beaux quartiers. La pierre ne résout pas tout, mais c'est un préalable parce que c'est la dignité. Puis, il y a le sujet des discriminations. Il y a encore 2 ans, il y avait une coalition du déni ou de l'indifférence ou du tabou. Enfin, on a pris ce problème en main. 2.000 entreprises ont signé les chartes de la diversité. Si quelqu'un est discriminé aujourd'hui, il peut saisir la Haute Autorité de lutte contre la discrimination. Il n'y a rien d'inéluctable. Espoir et détermination encore. Le logement, on double la production de logements en France. On fait des logements sociaux magnifiques, petits, des maisons individuelles. Tout ça, tout ça, notre pays est en train de bouger. Alors, il y a encore des tensions parce qu'il y a 30 ans de déni de tout ça. Mais c'est en train de bouger.
Q- HARRY ROSELMACK
Alors, vous n'êtes pas le ministre qui tient ces propos habituellement, au sein du gouvernement. On a l'impression quand même de certains équilibres, mais " détermination " et " fermeté " aussi, on l'a entendu aussi beaucoup ce matin.
R- JEAN-LOUIS BORLOO
Mais, l'un ne va pas sans l'autre. Je veux dire quand il y a le drame de ce bus, on peut évidemment comprendre la détermination et quel citoyen ne comprendrait qu'il n'y a pas une totale détermination. Mais, en même temps, ce qui est en jeu, là dans notre pays, dans nos quartiers où il y a une grande partie de la jeunesse, 1 enfant sur 4 aujourd'hui naît dans les cliniques, dans les maternités, dans ce qu'on appelle une zone urbaine sensible. C'est là qu'est la vitalité de notre pays. Il faut absolument qu'on gagne cette bataille-là et moi je suis convaincu qu'on va la gagner.
HARRY ROSELMACK
Merci Jean-Louis BORLOO d'avoir répondu à mes questions.
JEAN-LOUIS BORLOO
Merci à vous.
Source http://www.partiradical.net, le 6 novembre 2006