Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur "France Inter" le 17 novembre 2006, sur l'élection de Ségolène Royal comme candidate du PS à l'élection présidentielle de 2007.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q- S. Royal investie au premier tour, résultat net et sans appel, le PS a désormais son candidat - sa candidate - à la présidentielle. Votre analyse de la séquence qui s'est terminée hier soir ?
R- D'abord, ma satisfaction parce que je crois que la démarche que nous avions engagée, qui n'allait pas de soi, qui n'était pas facile d'avoir une primaire devant les adhérents du Parti socialiste, c'est-à-dire d'avoir le choix mais aussi la rigueur d'un débat puis ensuite l'aléa d'un vote, cette démarche s'est retrouvée pleinement soutenue par les adhérents du Parti socialiste et cela permet aujourd'hui d'avoir une dynamique de victoire qui est engagée autour de la candidate S. Royal.
Q- Le vote s'est déroulé dans de bonnes conditions ? On avait vu ça et là des doutes émerger sur la qualité même de l'organisation technique. Tout s'est bien passé ?
R- Vous en entendez, vous, aujourd'hui des doutes... ?
Q- J'en entendais hier donc je vous pose la question, il y eu le vote entre temps.
R- Hier voilà. Il y a eu le vote et ce vote a été clair, transparent, ample quant à son résultat et je crois qu'aujourd'hui nous pouvons être collectivement...Qu'il y ait des vainqueur, en l'occurrence une, et des vaincus, il y en a toujours dans une compétition démocratique, ce sont tous les socialistes qui ont gagné et je crois qu'ils ne l'ont pas fait simplement pour eux-mêmes. Parce que, cessons de nous regarder là, comme si nous étions le coeur de la vie politique. Si nous faisons cette procédure, si nous avons réussi à investir une candidate avec la force nécessaire c'est pour aller devant les Français, les convaincre que nous portons l'espérance et battre la droite.
Q- La bataille a été rude, surtout dans les derniers jours. Dans quel état sort le PS de cette primaire ? Cela va-t-il être être facile de recoller les morceaux, si morceaux à recoller il y a ?
R- Je pense que d'abord ce qui s'est produit ces dernières semaines, au delà des incidents toujours présents dans n'importe quelle campagne électorale, même si entre socialistes on peut en éviter quelques uns, je pense que cette campagne a été digne, a été ouverte. Jamais il n'y avait eu de débat, par exemple, à la télévision entre candidats à la candidature dans un parti politique et je crois que c'était pour la démocratie en France un progrès. Il y a un score qui est sans appel, mais quand on gagne, et c'est le cas de S. Royal, il faut à la fois prendre la mesure de l'appui que vient de témoigner le corps militant du Parti socialiste et en même temps, être toujours capable - et elle l'est - de rassembler tous les socialistes. En tout cas, moi, c'est ce qui est mon rôle dans cette période. C'est, quelles que soient les préférences des uns ou des autres, quelle que soit la vigueur du débat, aujourd'hui, nous sommes ensemble, unis, mobilisés parce qu'une autre étape s'ouvre aujourd'hui, c'est celle de la dynamique de victoire que nous devons engager dans le pays.
Q- Il y avait trois lignes en lice, dans cette primaire, on peut dire "la gauche de gauche" avec L. Fabius, "la social démocratie" avec D. Strauss-Kahn, comment décrire celle de S. Royal ?
R- C'est celle qui a gagné. Je crois que c'est celle qui doit maintenant garder son identité, son originalité, développer les thèmes de la démocratie participative et je pense que c'est ce qui faisait son originalité dans cette campagne. Il y a dans le Parti socialiste une ligne qui est très largement majoritaire, qui est celle tout simplement du socialisme d'aujourd'hui. Moi je ne suis pas pour accoler des étiquettes lorsque l'on a ce beau nom de socialiste. A partir de là, on ne doit pas non plus simplement être dans le culte du passé, d'une tradition qui a sa force. On ne pas simplement rappeler des valeurs qui ont tout à fait leur fondement, il faut être capable de répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Et je crois que ce qui a pu à un moment faire la différence, qui a fait la différence d'ailleurs ces derniers mois, c'est que S. Royal a su créer avec la pays un lien, quelque chose, elle a été entendue écoutée.
Q- Et en s'affranchissant donc de l'histoire et du patrimoine idéologique du Parti socialiste, c'est ce que vous venez de dire un peu ?
R- Non, si elle s'en était affranchie, elle n'aurait pas eu le résultat qui est le sien aujourd'hui et qui est le nôtre donc maintenant puisque c'est elle qui doit maintenant porter nos couleurs pour la bataille qui s'ouvre. Non, je crois qu'on ne peut pas rompre, il ne faut pas rompre, c'est là qu'il y a une grande différence avec d'autres candidats dans d'autres formations politiques. On ne doit jamais rompre avec son passé, avec son histoire, avec ses valeurs et on a un devoir d'invention, d'innovation, d'imagination et surtout de réussite, c'est ça le sens de la campagne qui va s'ouvrir. C'est à la fois être pleinement socialiste et être capable de donner à notre pays qui doute, qui s'interroge, un espoir, une confiance, une image de lui-même qui le porte à de nouveaux succès. Et puis, pensez à toutes ces personnes qui s'étaient coupées de la politique, qui avaient le sentiment qu'elles n'étaient plus représentées. Elles peuvent l'être aujourd'hui par un grand parti de Gouvernement.
Q- Est-ce que S. Royal d'après vous a inventé quelque chose dans la vie politique française ?
R- Cela, je pense qu'on le saura le jour de la victoire de l'élection présidentielle. Aujourd'hui, nous ne sommes que dans une étape, il ne faut pas non plus...
Q- Mais un nouveau rapport à la politique, une nouvelle façon d'appréhender les choses ?
R- Je pense qu'elle a un langage qui effectivement est très différent de celui qui était jusque là utilisé. Elle a une manière de parler des problèmes quotidiens, qui je crois, crée une curiosité, une attente, une espérance. Elle a une façon aussi d'être sur des sujets qui n'étaient pas jusque là dans la vie politique. Et puis, elle a donné une image de liberté, sans doute, même si elle était portée par l'ensemble des principaux dirigeants socialistes et que les militants ont eu la conviction qu'en la choisissant, ils choisissaient le Parti socialiste lui-même.
Q- "Populisme" ont dit certains ?
R- Populaire sans doute, c'est je crois une qualité dans la vie politique. On ne peut pas se plaindre d'être finalement reconnu par les concitoyens, ou alors il faut changer de vocation. En même temps, il faut toujours être capable de s'adresser aux citoyens en les élevant, en les gratifiant non pas simplement d'une promesse, non pas simplement d'une opinion, mais d'une capacité à changer. Je crois qu'elle a aussi démontré qu'elle voulait changer les choses.
Q- Une femme en position d'être élue présidente de la République, cela vous inspire quoi ?
R- Je ne devrais même pas être inspiré par quoi que ce soit, cela devrait être tout à fait une évidence.
Q- La preuve que cela ne l'est pas.
R- Peut-être que ça va l'être. Mais vous voyez, cessons de penser qu'il y aurait là comme un fait nouveau qu'une femme puisse être en situation de devenir chef de l'Etat. Là, il y a un fait politique d'importance...
Q- En France, en 2006, il faut croire que c'est encore une nouveauté.
R- En même temps, je crois qu'il faut que la vie politique soit menée par des hommes par des hommes et par des femmes et à égalité de droits et de devoirs.
Q- Dernière question, ça aussi c'est une première, comme compagnon de S. Royal et premier secrétaire du Parti socialiste, on a aussi là quelque chose d'inédit en France et ailleurs sauf erreur de ma part. Comment vivez-vous, vous, très précisément ce moment là ?
R- Pour ce qui est de la vie politique, c'est le premier secrétaire qui s'exprime, pour ce qui est de la vie personnelle, le personnage que je suis n'a pas à en révéler les émotions.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 novembre 2006