Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Ainsi donc, c'est Ségolène Royal qui a été choisie par les militants du Parti socialiste pour les représenter à l'élection présidentielle. Ils l'ont fait avec une très nette majorité de plus de 60 %. En choisissant Ségolène Royal, qui dépassait de très loin ses concurrents également dans les sondages concernant au-delà des rangs du parti, le Parti socialiste s'est donné une candidate susceptible, peut-être, de remporter l'élection présidentielle.
Mais est-ce que pour autant l'électorat populaire peut espérer que Ségolène Royal a les moyens de s'attaquer à la solution de ses problèmes réels ? Est-ce que l'électorat populaire peut espérer que, si elle est élue, elle pourra faire reculer le chômage, voire le faire disparaître ? Est-ce qu'il peut espérer que l'État consacrera désormais à l'Education nationale les sommes nécessaires pour qu'elle puisse assurer à tout un chacun, et en particulier dans les quartiers populaires, une éducation convenable ? Est-ce qu'il peut espérer que sera assuré pour tout un chacun un logement correct ?
Est-ce que les travailleurs peuvent espérer de ne plus vivre sous la menace permanente d'un licenciement collectif, d'un plan social ou d'une délocalisation ? Est-ce que les jeunes du monde du travail auront l'espoir de commencer leur vie active autrement que comme chômeur ou, au mieux, en galérant d'emploi précaire en emploi précaire ?
La réponse n'est malheureusement que trop claire, et c'est non seulement parce le Parti socialiste, on l'a vu au pouvoir sous Mitterrand et sous Jospin sans que s'arrête la dégradation des conditions d'existence des travailleurs et sans que les travailleurs soient un tant soit peu protégés par le gouvernement.
Mais, aussi, en écoutant ce que disait SÉGOLÈNE ROYAL pendant la campagne précédant le vote du Parti socialiste. Oh, elle a tenu quelques propos généraux du genre « revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités » ou, encore, assurant les enseignants de ses préoccupations à leur égard. Et les rares fois où elle a été concrète et où elle a fait preuve d'originalité, il n'y a pas eu lieu de s'en réjouir. On ne peut pas dire que l'encadrement militaire des jeunes délinquants ouvre un espoir devant les classes populaires. Pas plus que les enseignants n'ont à se féliciter de l'idée, formulée il est vrai en cercle restreint, de les obliger à passer 35 heures dans leurs établissements. Car, tout de même, si des enseignants manquent, et de façon catastrophique, dans les écoles des quartiers populaires, il faudrait en former et en embaucher en nombre suffisant, au lieu de faire travailler davantage ceux qui sont déjà embauchés.
Alors que Ségolène Royal se veut proche des préoccupations concrètes, elle n'a pris aucun engagement concret que les classes populaires pourraient lui rappeler une fois qu'elle sera élue. Elle se garde bien de s'engager à revenir même sur les mesures les plus anti-ouvrières du gouvernement de droite actuel.
Et, surtout, il n'a jamais été question dans les discours de Ségolène Royal de s'en prendre à ceux qui tiennent les cordons de la bourse, à ceux qui dirigent les entreprises en monarques absolus, à ce grand patronat qui dirige souverainement toute l'économie, c'est-à-dire toute la société.
Or, ne rien dire à ce sujet signifie que les déclarations d'intention de Ségolène Royal ne seront suivies d'aucun effet, qu'elles ne sont que des phrases creuses de politicienne.
Je sais bien cependant que, si Ségolène Royal a une chance de l'emporter à la présidentielle qui vient, cela ne vient pas de ce qu'elle dit ou de ce qu'elle ne dit pas, mais bien plus de ce que dit et fait Sarkozy, et plus généralement le gouvernement de droite en place.
Cette droite aux ordres des riches, mais cynique et arrogante à l'égard des classes populaires, a pris pendant les quatre années passées tellement de mesures anti-ouvrières, a tellement aidé le grand patronat à dégrader le sort des classes populaires, qu'elle mérite la haine de tous ceux, travailleurs, chômeurs, retraités, dont elle a écrasé les conditions d'existence.
La droite qui est au pouvoir depuis quatre ans n'a que faire de l'opinion, des sentiments des travailleurs et des classes populaires. Elle ne cherche à plaire qu'aux possédants, petits et grands. Elle se prosterne devant l'argent et ceux qui le détiennent, auxquels elle est liée par une multitude de liens personnels, familiaux ou financiers.
Et Sarkozy, qui va représenter cet électorat de droite, est à son image, dans toute son arrogance, dans toute son mépris des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, de tous les travailleurs !
Et il formule d'autant plus clairement ces idées les plus réactionnaires qu'il espère ainsi gagner des voix dans l'électorat de Le Pen.
Le Pen, ce démagogue d'extrême droite, a fait un capital politique de quelques slogans aussi stupide que réactionnaire. Ce sont les travailleurs immigrés qu'il accuse d'être responsables du chômage alors que ce sont les patrons, et eux seuls, qui licencient. Il accuse les plus pauvres d'être responsables du déficit de la Sécurité sociale alors que ce sont les entreprises, c'est-à-dire leurs propriétaires et leurs actionnaires qui bénéficient de toutes les diminutions ou suppressions de charges sociales qui vident les caisses de Sécurité sociale comme du budget de l'État. Il réclame plus de répression, plus de prison, alors que c'est précisément la prison qui transforme les petits voyous en criminels.
C'est à ceux que Le Pen a réussi à attirer dans son électorat que Sarkozy cherche à plaire. C'est ce que vise son projet de loi sur « la prévention de la délinquance » qui passera à l'Assemblée la semaine prochaine et contre lequel ont manifesté hier des éducateurs, des assistantes sociales, des enseignants.
Sarkozy sait que ses mesures répressives ne changeront rien à rien, pas même à l'insécurité dans certains quartiers populaires. Mais il s'en moque ! Ce n'est pas la vie dans ces quartiers qui le préoccupe, mais le nombre de voix que la démagogie sécuritaire peut lui rapporter.
Je n'en finirais pas d'énumérer tous les licenciements collectifs, baptisés « plans sociaux », qui se sont produits depuis le début de l'année ou qui vont avoir lieu dans les mois à venir.
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est pour moi une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Je ne préconise ni la charité ni l'invention d'emplois artificiels, mais la création d'emplois utiles, c'est-à-dire correspondant à des besoins réels qui sont mal satisfaits ou pas du tout, pour une partie plus ou moins importante des classes populaires. A commencer par les logements dont l'insuffisance, la mauvaise qualité ou le prix constituent de véritables drames pour des centaines de milliers de familles. Ils sont innombrables. Une femme ou un homme qui fait un travail utile socialement crée en même temps la fraction de richesse sociale qui permet de lui verser un salaire correct.
Mais peu importe ce qui manque à la société pour ceux qui possèdent les entreprises ! Ils ne produisent pas ce qui est utile, voire indispensable. Ils produisent ce qui rapporte du profit !
Le décalage entre les intérêts primordiaux de la société et les intérêts de la minorité qui domine la vie économique est catastrophique pour toute la société.
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et du déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ? Qui, dans les familles ouvrières, ne sait qu'un jeune n'a pratiquement aucune chance d'entrer dans la vie active autrement que intérim mal payé ou en stage pas payé du tout ?
Les patrons prétendent que la précarité et la flexibilité sont nécessaires pour les entreprises en raison de la concurrence internationale. Mais pourquoi est-ce les conditions de travail et les salaires des travailleurs qui devraient être flexibles et adaptables aux aléas du marché ? Pourquoi pas les dividendes ?
Et les pires mesures anti-ouvrières sont prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les forfaits, les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE, qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comme ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les dirigeants politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
On nous convoque périodiquement à des élections pour élire des responsables politiques à différents niveaux. Mais, dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Dans ce pays, voilà la réalité des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout, des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions en première classe, ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe. La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus.
Et la part des profits -en fait, la plus importante- qui n'est pas engloutie dans les dépenses de luxe ne sert aux entreprises qu'à racheter d'autres entreprises, concurrentes ou pas, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est du gaspillage du point de vue de la société, un immense gâchis. Et c'est nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie, sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs.
C'est pour cela que je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres, pour qu'ils aient le sentiment d'avoir un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase, même si, pour ce genre d'hommes, perdre sa place est certainement moins dramatique que de perdre son emploi pour un salarié. Ils iront pantoufler dans les entreprises dont ils ont si bien servi les patrons lorsqu'ils étaient ministres. Ils seront même probablement mieux payés encore.
Mais renvoyer la droite du pouvoir, cela ne peut se faire sur le terrain électoral qu'en y ramenant la gauche, cette gauche dont les travailleurs ont pu mesurer, pendant les cinq ans du gouvernement de Jospin, à quel point elle ne constitue en rien un rempart contre l'avidité patronale.
Alors, se débarrasser de la droite, oui, mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien en exiger en retour.
Le Parti communiste et sa candidate Marie-George Buffet, qui a été investie le week-end dernier par l'écrasante majorité des militants de son parti, se présentent comme une sorte d'antidote à ce qu'ils appellent parfois la dérive sociale-libérale du Parti socialiste. Ils dénoncent à juste raison les bas salaires, la précarité, l'accroissement incessant de la pauvreté, alors même que les profits du CAC 40 sont énormes. Ils formulent des revendications comme un relèvement de 300 euros de tous les minima sociaux, une augmentation de l'ensemble des salaires et des retraites, avec le smic à 1500 euros brut tout de suite et net rapidement.
En somme, Marie-George Buffet formule des promesses concrètes que le Parti socialiste se garde bien de formuler. Mais si c'est le Parti socialiste qui tient les rênes du pouvoir demain, que valent ces promesses ?
Il en avait annoncé, des revendications concrètes, le Parti communiste avant 1997, avant même que Jospin prenne dans son gouvernement trois ministres communistes, Marie-George Buffet y compris ! Les a-t-on entendus rappeler leurs revendications et protester contre le fait qu'elles n'aient pas été reprises par le gouvernement ? Bien sûr que non ! Et, comme l'a dit plus tard Jospin, « c'était de bons ministres ».
Pour la prochaine présidentielle, Marie-George Buffet ambitionne d'être présentée, non pas par le seul Parti communiste, mais par le « rassemblement anti-libéral de gauche », lequel rassemblement ne se prononcera que début décembre. Il n'est pas dit encore que Marie-George Buffet soit investie par « les collectifs anti-libéraux ». Mais cela lui permet de prétendre, dans un tract électoral, que « cette gauche citoyenne, populaire et anti-libérale peut à nouveau bousculer le paysage politique » et que « 2007 peut voir naître un nouvel espoir, celui d'une gauche courageuse, populaire, inventive, moderne ».
Et, dans un récent meeting, elle a insisté en affirmant « Nous sommes en train de révolutionner la gauche ».Et de prédire que la gauche sera à majorité anti-libérale : « Nous sommes en train de bâtir cette gauche. Nous étions la majorité le 29 mai 2005. Nous étions la majorité contre le CPE. Pourquoi ne serions-nous pas la majorité de la politique ? ».
Marie-George Buffet sait parfaitement que, même si elle est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne prendra pas la place de la candidate du Parti socialiste. Mais, depuis le début de sa campagne, elle répète que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Ce n'est évidemment qu'un discours électoral car, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste. Ou, alors, il faut croire qu'ils étaient d'accord sur tout.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte des classes, le seul moyen véritable pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est en demandant à ses militants de défendre cette perspective que le Parti communiste les a usés, dégoûtés de toute politique car, chaque fois que cette perspective s'est réalisée, sous Mitterrand et avec Jospin, les ministres du Parti communiste ont cautionné aux yeux des travailleurs les mesures anti-ouvrières du gouvernement auquel ils appartenaient.
Nous nous garderons bien de faire des pronostics pour deviner qui les collectifs anti-libéraux choisiront parmi les cinq postulants. Est-ce que ce sera Marie-George Buffet, comme le souhaite le Parti communiste ? Ou encore José Bové, Yves Salesse, Clémentine Autain ou Patrick Braouezec, qui ont également posé leur candidature ?
De toute évidence, l'affaire n'est pas réglée. Autant les militants du Parti communiste, qui militent au sein de ces collectifs, pousseront pour choisir Marie-George Buffet, autant une partie de ce courant n'est pas disposé à l'investir comme leur candidate. Certains parce que, comme le prétend José Bové, un dirigeant de parti ne peut pas représenter l'ensemble du courant. D'autres, notamment ceux qui se revendiquent de la LCR, parce qu'ils demandent au Parti communiste non seulement de ne plus accepter de gouverner avec le Parti socialiste, mais aussi de renoncer à une alliance PC/PS pour les législatives.
Autant dire que c'est demander l'impossible au Parti communiste. La force de ce parti était, dans le passé, le nombre et le dévouement de ses militants, et liée à cela, son audience électorale. Sa stratégie désastreuse d'alignement derrière le Parti socialiste lui a fait perdre une grande partie et de l'une et de l'autre. Pour conserver ses élus, le Parti communiste a absolument besoin du soutien du Parti socialiste ou, du moins, que le Parti socialiste ne présente pas de candidats contre les siens.
Eh bien, pour ma part, je ne suis pas anti-libérale, car « anti-libérale », cela ne veut rien dire. Je combats le capitalisme, je combats la mainmise d'une petite minorité de gros possédant sur l'économie, je combats la course au profit, je combats l'exploitation de l'homme par l'homme !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre au grand patronat et à sa dictature sur l'économie et sur la société.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément. Car tous les maux qui rongent la société viennent de la concurrence, de la course au profit que mènent entre eux ceux qui possèdent les usines, les banques.
Ne pas s'en prendre à ceux-là, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, c'est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
On n'en est pas, aujourd'hui, à tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de faire entendre leur voix. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Les idées que je défendrai dans cette campagne, nous les défendons tout au long de l'année. Mais nous ne sommes pas présents partout. Et, en temps ordinaire, nous ne pouvons guère compter sur les grands médias.
La campagne pour l'élection présidentielle a ceci de particulier que nous avons un peu plus accès aux grands médias et à la télévision. Mais, même là, bien moins que les vedettes de la politique ou, en tout cas, celles et ceux que les médias présentent comme telles.
Nous comptons surtout sur le dévouement de nos militants mais aussi, bien au-delà, sur tous ceux qui se retrouvent dans les idées et dans les objectifs que je compte défendre dans la campagne électorale.
Alors, aidez-nous pour propager ces idées. Parlez-en dans votre entreprise, à votre famille, à vos voisins, partout.
Il faut que se fasse entendre la voix de ceux qui sont convaincus qu'on ne peut arrêter la dégradation de la condition ouvrière qu'en arrachant au grand patronat le pouvoir absolu qu'il exerce sur la société !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 20 novembre 2006
Ainsi donc, c'est Ségolène Royal qui a été choisie par les militants du Parti socialiste pour les représenter à l'élection présidentielle. Ils l'ont fait avec une très nette majorité de plus de 60 %. En choisissant Ségolène Royal, qui dépassait de très loin ses concurrents également dans les sondages concernant au-delà des rangs du parti, le Parti socialiste s'est donné une candidate susceptible, peut-être, de remporter l'élection présidentielle.
Mais est-ce que pour autant l'électorat populaire peut espérer que Ségolène Royal a les moyens de s'attaquer à la solution de ses problèmes réels ? Est-ce que l'électorat populaire peut espérer que, si elle est élue, elle pourra faire reculer le chômage, voire le faire disparaître ? Est-ce qu'il peut espérer que l'État consacrera désormais à l'Education nationale les sommes nécessaires pour qu'elle puisse assurer à tout un chacun, et en particulier dans les quartiers populaires, une éducation convenable ? Est-ce qu'il peut espérer que sera assuré pour tout un chacun un logement correct ?
Est-ce que les travailleurs peuvent espérer de ne plus vivre sous la menace permanente d'un licenciement collectif, d'un plan social ou d'une délocalisation ? Est-ce que les jeunes du monde du travail auront l'espoir de commencer leur vie active autrement que comme chômeur ou, au mieux, en galérant d'emploi précaire en emploi précaire ?
La réponse n'est malheureusement que trop claire, et c'est non seulement parce le Parti socialiste, on l'a vu au pouvoir sous Mitterrand et sous Jospin sans que s'arrête la dégradation des conditions d'existence des travailleurs et sans que les travailleurs soient un tant soit peu protégés par le gouvernement.
Mais, aussi, en écoutant ce que disait SÉGOLÈNE ROYAL pendant la campagne précédant le vote du Parti socialiste. Oh, elle a tenu quelques propos généraux du genre « revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités » ou, encore, assurant les enseignants de ses préoccupations à leur égard. Et les rares fois où elle a été concrète et où elle a fait preuve d'originalité, il n'y a pas eu lieu de s'en réjouir. On ne peut pas dire que l'encadrement militaire des jeunes délinquants ouvre un espoir devant les classes populaires. Pas plus que les enseignants n'ont à se féliciter de l'idée, formulée il est vrai en cercle restreint, de les obliger à passer 35 heures dans leurs établissements. Car, tout de même, si des enseignants manquent, et de façon catastrophique, dans les écoles des quartiers populaires, il faudrait en former et en embaucher en nombre suffisant, au lieu de faire travailler davantage ceux qui sont déjà embauchés.
Alors que Ségolène Royal se veut proche des préoccupations concrètes, elle n'a pris aucun engagement concret que les classes populaires pourraient lui rappeler une fois qu'elle sera élue. Elle se garde bien de s'engager à revenir même sur les mesures les plus anti-ouvrières du gouvernement de droite actuel.
Et, surtout, il n'a jamais été question dans les discours de Ségolène Royal de s'en prendre à ceux qui tiennent les cordons de la bourse, à ceux qui dirigent les entreprises en monarques absolus, à ce grand patronat qui dirige souverainement toute l'économie, c'est-à-dire toute la société.
Or, ne rien dire à ce sujet signifie que les déclarations d'intention de Ségolène Royal ne seront suivies d'aucun effet, qu'elles ne sont que des phrases creuses de politicienne.
Je sais bien cependant que, si Ségolène Royal a une chance de l'emporter à la présidentielle qui vient, cela ne vient pas de ce qu'elle dit ou de ce qu'elle ne dit pas, mais bien plus de ce que dit et fait Sarkozy, et plus généralement le gouvernement de droite en place.
Cette droite aux ordres des riches, mais cynique et arrogante à l'égard des classes populaires, a pris pendant les quatre années passées tellement de mesures anti-ouvrières, a tellement aidé le grand patronat à dégrader le sort des classes populaires, qu'elle mérite la haine de tous ceux, travailleurs, chômeurs, retraités, dont elle a écrasé les conditions d'existence.
La droite qui est au pouvoir depuis quatre ans n'a que faire de l'opinion, des sentiments des travailleurs et des classes populaires. Elle ne cherche à plaire qu'aux possédants, petits et grands. Elle se prosterne devant l'argent et ceux qui le détiennent, auxquels elle est liée par une multitude de liens personnels, familiaux ou financiers.
Et Sarkozy, qui va représenter cet électorat de droite, est à son image, dans toute son arrogance, dans toute son mépris des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, de tous les travailleurs !
Et il formule d'autant plus clairement ces idées les plus réactionnaires qu'il espère ainsi gagner des voix dans l'électorat de Le Pen.
Le Pen, ce démagogue d'extrême droite, a fait un capital politique de quelques slogans aussi stupide que réactionnaire. Ce sont les travailleurs immigrés qu'il accuse d'être responsables du chômage alors que ce sont les patrons, et eux seuls, qui licencient. Il accuse les plus pauvres d'être responsables du déficit de la Sécurité sociale alors que ce sont les entreprises, c'est-à-dire leurs propriétaires et leurs actionnaires qui bénéficient de toutes les diminutions ou suppressions de charges sociales qui vident les caisses de Sécurité sociale comme du budget de l'État. Il réclame plus de répression, plus de prison, alors que c'est précisément la prison qui transforme les petits voyous en criminels.
C'est à ceux que Le Pen a réussi à attirer dans son électorat que Sarkozy cherche à plaire. C'est ce que vise son projet de loi sur « la prévention de la délinquance » qui passera à l'Assemblée la semaine prochaine et contre lequel ont manifesté hier des éducateurs, des assistantes sociales, des enseignants.
Sarkozy sait que ses mesures répressives ne changeront rien à rien, pas même à l'insécurité dans certains quartiers populaires. Mais il s'en moque ! Ce n'est pas la vie dans ces quartiers qui le préoccupe, mais le nombre de voix que la démagogie sécuritaire peut lui rapporter.
Je n'en finirais pas d'énumérer tous les licenciements collectifs, baptisés « plans sociaux », qui se sont produits depuis le début de l'année ou qui vont avoir lieu dans les mois à venir.
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est pour moi une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Je ne préconise ni la charité ni l'invention d'emplois artificiels, mais la création d'emplois utiles, c'est-à-dire correspondant à des besoins réels qui sont mal satisfaits ou pas du tout, pour une partie plus ou moins importante des classes populaires. A commencer par les logements dont l'insuffisance, la mauvaise qualité ou le prix constituent de véritables drames pour des centaines de milliers de familles. Ils sont innombrables. Une femme ou un homme qui fait un travail utile socialement crée en même temps la fraction de richesse sociale qui permet de lui verser un salaire correct.
Mais peu importe ce qui manque à la société pour ceux qui possèdent les entreprises ! Ils ne produisent pas ce qui est utile, voire indispensable. Ils produisent ce qui rapporte du profit !
Le décalage entre les intérêts primordiaux de la société et les intérêts de la minorité qui domine la vie économique est catastrophique pour toute la société.
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et du déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ? Qui, dans les familles ouvrières, ne sait qu'un jeune n'a pratiquement aucune chance d'entrer dans la vie active autrement que intérim mal payé ou en stage pas payé du tout ?
Les patrons prétendent que la précarité et la flexibilité sont nécessaires pour les entreprises en raison de la concurrence internationale. Mais pourquoi est-ce les conditions de travail et les salaires des travailleurs qui devraient être flexibles et adaptables aux aléas du marché ? Pourquoi pas les dividendes ?
Et les pires mesures anti-ouvrières sont prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les forfaits, les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE, qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comme ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les dirigeants politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
On nous convoque périodiquement à des élections pour élire des responsables politiques à différents niveaux. Mais, dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Dans ce pays, voilà la réalité des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout, des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions en première classe, ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe. La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus.
Et la part des profits -en fait, la plus importante- qui n'est pas engloutie dans les dépenses de luxe ne sert aux entreprises qu'à racheter d'autres entreprises, concurrentes ou pas, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est du gaspillage du point de vue de la société, un immense gâchis. Et c'est nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie, sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs.
C'est pour cela que je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres, pour qu'ils aient le sentiment d'avoir un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase, même si, pour ce genre d'hommes, perdre sa place est certainement moins dramatique que de perdre son emploi pour un salarié. Ils iront pantoufler dans les entreprises dont ils ont si bien servi les patrons lorsqu'ils étaient ministres. Ils seront même probablement mieux payés encore.
Mais renvoyer la droite du pouvoir, cela ne peut se faire sur le terrain électoral qu'en y ramenant la gauche, cette gauche dont les travailleurs ont pu mesurer, pendant les cinq ans du gouvernement de Jospin, à quel point elle ne constitue en rien un rempart contre l'avidité patronale.
Alors, se débarrasser de la droite, oui, mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien en exiger en retour.
Le Parti communiste et sa candidate Marie-George Buffet, qui a été investie le week-end dernier par l'écrasante majorité des militants de son parti, se présentent comme une sorte d'antidote à ce qu'ils appellent parfois la dérive sociale-libérale du Parti socialiste. Ils dénoncent à juste raison les bas salaires, la précarité, l'accroissement incessant de la pauvreté, alors même que les profits du CAC 40 sont énormes. Ils formulent des revendications comme un relèvement de 300 euros de tous les minima sociaux, une augmentation de l'ensemble des salaires et des retraites, avec le smic à 1500 euros brut tout de suite et net rapidement.
En somme, Marie-George Buffet formule des promesses concrètes que le Parti socialiste se garde bien de formuler. Mais si c'est le Parti socialiste qui tient les rênes du pouvoir demain, que valent ces promesses ?
Il en avait annoncé, des revendications concrètes, le Parti communiste avant 1997, avant même que Jospin prenne dans son gouvernement trois ministres communistes, Marie-George Buffet y compris ! Les a-t-on entendus rappeler leurs revendications et protester contre le fait qu'elles n'aient pas été reprises par le gouvernement ? Bien sûr que non ! Et, comme l'a dit plus tard Jospin, « c'était de bons ministres ».
Pour la prochaine présidentielle, Marie-George Buffet ambitionne d'être présentée, non pas par le seul Parti communiste, mais par le « rassemblement anti-libéral de gauche », lequel rassemblement ne se prononcera que début décembre. Il n'est pas dit encore que Marie-George Buffet soit investie par « les collectifs anti-libéraux ». Mais cela lui permet de prétendre, dans un tract électoral, que « cette gauche citoyenne, populaire et anti-libérale peut à nouveau bousculer le paysage politique » et que « 2007 peut voir naître un nouvel espoir, celui d'une gauche courageuse, populaire, inventive, moderne ».
Et, dans un récent meeting, elle a insisté en affirmant « Nous sommes en train de révolutionner la gauche ».Et de prédire que la gauche sera à majorité anti-libérale : « Nous sommes en train de bâtir cette gauche. Nous étions la majorité le 29 mai 2005. Nous étions la majorité contre le CPE. Pourquoi ne serions-nous pas la majorité de la politique ? ».
Marie-George Buffet sait parfaitement que, même si elle est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne prendra pas la place de la candidate du Parti socialiste. Mais, depuis le début de sa campagne, elle répète que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Ce n'est évidemment qu'un discours électoral car, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste. Ou, alors, il faut croire qu'ils étaient d'accord sur tout.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte des classes, le seul moyen véritable pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est en demandant à ses militants de défendre cette perspective que le Parti communiste les a usés, dégoûtés de toute politique car, chaque fois que cette perspective s'est réalisée, sous Mitterrand et avec Jospin, les ministres du Parti communiste ont cautionné aux yeux des travailleurs les mesures anti-ouvrières du gouvernement auquel ils appartenaient.
Nous nous garderons bien de faire des pronostics pour deviner qui les collectifs anti-libéraux choisiront parmi les cinq postulants. Est-ce que ce sera Marie-George Buffet, comme le souhaite le Parti communiste ? Ou encore José Bové, Yves Salesse, Clémentine Autain ou Patrick Braouezec, qui ont également posé leur candidature ?
De toute évidence, l'affaire n'est pas réglée. Autant les militants du Parti communiste, qui militent au sein de ces collectifs, pousseront pour choisir Marie-George Buffet, autant une partie de ce courant n'est pas disposé à l'investir comme leur candidate. Certains parce que, comme le prétend José Bové, un dirigeant de parti ne peut pas représenter l'ensemble du courant. D'autres, notamment ceux qui se revendiquent de la LCR, parce qu'ils demandent au Parti communiste non seulement de ne plus accepter de gouverner avec le Parti socialiste, mais aussi de renoncer à une alliance PC/PS pour les législatives.
Autant dire que c'est demander l'impossible au Parti communiste. La force de ce parti était, dans le passé, le nombre et le dévouement de ses militants, et liée à cela, son audience électorale. Sa stratégie désastreuse d'alignement derrière le Parti socialiste lui a fait perdre une grande partie et de l'une et de l'autre. Pour conserver ses élus, le Parti communiste a absolument besoin du soutien du Parti socialiste ou, du moins, que le Parti socialiste ne présente pas de candidats contre les siens.
Eh bien, pour ma part, je ne suis pas anti-libérale, car « anti-libérale », cela ne veut rien dire. Je combats le capitalisme, je combats la mainmise d'une petite minorité de gros possédant sur l'économie, je combats la course au profit, je combats l'exploitation de l'homme par l'homme !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre au grand patronat et à sa dictature sur l'économie et sur la société.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément. Car tous les maux qui rongent la société viennent de la concurrence, de la course au profit que mènent entre eux ceux qui possèdent les usines, les banques.
Ne pas s'en prendre à ceux-là, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, c'est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
On n'en est pas, aujourd'hui, à tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de faire entendre leur voix. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Les idées que je défendrai dans cette campagne, nous les défendons tout au long de l'année. Mais nous ne sommes pas présents partout. Et, en temps ordinaire, nous ne pouvons guère compter sur les grands médias.
La campagne pour l'élection présidentielle a ceci de particulier que nous avons un peu plus accès aux grands médias et à la télévision. Mais, même là, bien moins que les vedettes de la politique ou, en tout cas, celles et ceux que les médias présentent comme telles.
Nous comptons surtout sur le dévouement de nos militants mais aussi, bien au-delà, sur tous ceux qui se retrouvent dans les idées et dans les objectifs que je compte défendre dans la campagne électorale.
Alors, aidez-nous pour propager ces idées. Parlez-en dans votre entreprise, à votre famille, à vos voisins, partout.
Il faut que se fasse entendre la voix de ceux qui sont convaincus qu'on ne peut arrêter la dégradation de la condition ouvrière qu'en arrachant au grand patronat le pouvoir absolu qu'il exerce sur la société !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 20 novembre 2006