Interview de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, sur "RMC Info" le 21 novembre 2006, sur sa candidature à l'élection présidentielle de 2007 et sur la difficulté pour la gauche dite "antilibérale" de désigner un candidat unique.

Prononcé le

Texte intégral

Q- Candidat c'est sûr ? Quoi qu'il arrive, à gauche ?
R- Si un accord unitaire pouvait être trouvé un jour dans la gauche antilibérale, je serais prêt à me retirer, mais...
Q- Vous n'y croyez pas vous ?
R- Pour l'instant je suis le candidat de la LCR, je ne suis pas le candidat unique de la gauche anti-libérale, je suis uniquement le candidat de la LCR, rien que le candidat de la LCR mais sûrement le candidat de la LCR.
Q- Bien, quelle question voulez-vous poser ce matin aux auditeurs de RMC ?
R- Une question qui touche à l'éducation. Si on réduit le nombre d'élèves par classe de cinq, de combien cela réduit-il les inégalités de performance entre les ZEP et les non ZEP ?
Q- La réponse tout à l'heure. Parlons d'abord de votre métier de facteur. Vous commencez à vous balader avec un ordinateur maintenant, le métier s'est modernisé, non ?
R- Cela a été un grand effet d'annonce, on n'a pas ça, ni d'ailleurs les très très beaux vélos qu'on nous a promis...
Q- Vous avez toujours un vieux vélo ?
R- Pas un vieux vélo non plus, parce que vous savez on se bat aussi pour nos conditions de travail. Mais, ce que je veux dire, c'est qu'au-delà des effets d'annonce, ce qui a concrètement changé sur ma tournée de facteur à moi c'est qu'il y a actuellement un facteur privé qui passe derrière moi, à quelques mètres et qui distribue le courrier qui est au dessus de 50 grammes - puisqu'il y a eu une directive européenne qui a mis en concurrence les activités postales au dessus de 50 grammes - d'une société qui s'appelle Adrexo. Et justement le département des Hauts de Seine, dans lequel je travaille, est un des départements pilotes pour ça et cela va être le cas un peu partout, c'est-à-dire que tous les usagers très concrètement dans quelques semaines vont pouvoir constater dans toute la France qu'il y aura plusieurs facteurs qui passeront. Ce qui prouve au moins que l'on nous a bluffé sur un sujet. Il y a cinq ans, on nous expliquait que de toute façon il avait de moins en moins de courrier à cause d'internent, que c'est pour ça qu'il fallait fermer les bureaux de poste, que c'est pour ça qu'il fallait supprimer des emplois et on se rend compte cinq ans après qu'on est autant de salariés à trier le courrier mais dans des opérateurs différents. Evidemment, les salariés d'Adrexo travaillent dans des conditions un petit peu plus pénibles encore que les nôtres.
Q- Sont-ils mieux payés que vous ?
R- Non, ils gagnent à peu près la même chose que nous mais ils n'ont pas accès, je dirais aux quelques acquis que l'on a quand même réussi à arracher. Parce que l'histoire de La Poste c'est aussi l'histoire des postiers et de quelques années de luttes sociales.
Q- Les parrainages pour cette candidature, où en êtes-vous ? Combien de promesses actuellement ?
R- La dernière fois que l'on a fait le comptage, le week-end dernier, on en était à 300, voilà.
Q- Vous en êtes à 300 sur les 500 nécessaires.
R- On parle de promesses.
Q- Oui, de promesses, bien sûr, difficile cette année, plus que jamais ?
R- C'était déjà difficile en 2002, il ne faut pas refaire l'histoire après coup. Mais c'est encore plus difficile cette fois-ci puisqu'il y a eu le 21 avril 2002, parce que les élections municipales cette fois-ci tombent juste après la présidentielle et la léglistative.
Q- Un an après oui.
R- Et puis parce que quelques consignes ont été données aussi par F. Hollande, comme vous le savez peut-être, qui consistent à dire que tous les élus de gauche, les élus socialistes en tous les cas, il leur interdit concrètement de donner leur soutien à des candidats qui ne seraient pas au Parti socialiste.
Q- Alors vous lancez un appel, vous dites : "aidez nous". Moi je vous pose une question que j'ai posée hier à J.-M. Le Pen qui était là, J.- M. Le Pen qui demande à ce que l'on ne rende pas publics les noms des maires qui accordent leur parrainage, que l'on ne publie rien. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui là ?
R- Pour moi, ce n'est pas la bonne solution, la vraie bonne solution ce serait de faire une autre loi de parrainage, qui serait une loi de parrainage populaire, moi c'est ça que je propose. C'est à dire que l'on peut discuter du nombre d'ailleurs mais que ça soit la population qui parraine une candidature pour sélectionner effectivement un minimum à l'entrée le nombre de candidats à l'élection. Ce serait plus démocratique, cela permettrait aux militants de la LCR de continuer à discuter avec les gens de tous les jours. Et puis je crois que pas mal de maires commencent à en avoir un petit peu assez de voir ce défilé incessant des candidats à l'élection présidentielle et on peut les comprendre.
Q- Est-ce que vous trouveriez anti-démocratique que J.-M. Le Pen ne puisse pas se présenter lui aussi ?
R- Ecoutez, si Le Pen n'a pas ses signatures, ce n'est pas moi qui vais pleurnicher, franchement, ce ne serait pas le genre de la maison. Mais très sincèrement comme on dit, moi je pense que la percée de l'extrême droite est une maladie et on ne soigne pas une maladie ne cassant le thermomètre. On attaque les vrais problèmes qui font que l'extrême droite perce aujourd'hui, notamment les problèmes sociaux. Je crois que plein de gens sont déboussolés, qui pensent malheureusement qu'en votant Le Pen ça va tout casser. Ils oublient que sur les questions sociales, Le Pen reste un milliardaire qui est toujours du côté des plus riches, qui est par exemple contre l'augmentation de l'impôt sur les grandes fortunes, qui est même carrément pour l'abolir et qui à chaque fois qu'il y a eu des grands conflits sociaux dans ce pays y compris le plus récent sur le contrat "première embauche" était toujours du côté des plus libéraux et du côté de la droite que l'on a actuellement.
Q- Bien, on va entrer dans le vif du sujet. Avec S. Royal, vous la trouvez comment S. Royal ? Elle est où selon vous ?
R- Elle est candidate du Parti socialiste.
Q- Vous l'avez écoutée, vous l'avez regardée ?
R- Bien sûr, évidemment parce que je juge sur les actes, sur les déclarations, je suis quelqu'un d'assez pragmatique. Elle avait quelque chose de sympathique au départ, c'était d'affoler un petit peu les éléphants du Parti socialiste. Et puis elle avait aussi ma solidarité par rapport aux attaques machistes. Maintenant, ce que je constate c'est qu'elle a voté, d'ailleurs comme L. Fabius et D. Strauss-Kahn, un programme du Parti socialiste avec lequel je suis en radical désaccord. Et c'est avec ce programme là, moi, que je vais marquer mes différences. Moi je ne me trompe pas d'adversaire, mon adversaire dans cette campagne c'est le Medef et c'est la droite et notamment N. Sarkozy. On peut vouloir battre Sarkozy, vouloir défendre le programme du Parti socialiste, c'est franchement une chose, puisque là dedans, par exemple, il y a une proposition qui me paraît moi complètement aberrante et même scandaleuse : c'est de proposer une augmentation du SMIC à 1500 euros - bruts pas nets, bruts - d'ici 2012, c'est-à-dire une augmentation du pouvoir d'achat concrètement qui est plus faible que ce que l'on a eu les cinq dernières années. Alors, quand on voit comment les gens sont pris à la gorge actuellement dans toutes le professions sans parler de ceux qui n'ont même plus de boulot, je crois qu'il y a un vrai scandale et le problème c'est de répartir les richesses pour augmenter les revenus. Nous c'est ce que l'on propose en tous les cas à hauteur de 300 euros.
Q- Regardons ce qui se passe à l'extrême gauche. Vous êtes candidat, la gauche dite antilibérale a beaucoup de mal à désigner un candidat unique à côté de vous ou avec vous. On voit le Parti communiste, tout un tas de forces de gauche - C. Autain et d'autres J. Bové, P. Braouezec - se réunir, se réunir, se réunir mais sans prendre de décision. Pourquoi est-ce que cela se passe mal ?
R- Il faudrait leur poser la question. C'est d'autant plus frustrant qu'il y a un espoir fantastique qui est né dans la campagne du "non" de gauche à la Constitution, puisque c'était ça à la base, qu'une autre gauche soit possible que l'ex gauche plurielle, et à l'époque, tout le monde était d'accord pour dire qu'on ne voulait pas faire la gauche plurielle n° 2. Depuis, on a des tribunes où tout le monde crie "Unité, unité, unité". C'est comme si on était d'accord sur absolument tout, et cela donne cette curieuse sensation de s'engueuler dans les coulisses pour savoir qui pourrait incarner la candidature...
Q- C'est-à-dire qu'on est d'accord pour la photo ?
R- Voilà. Et moi, le problème c'est ça, c'est que nos tribunes, pendant très longtemps, étaient plus que des photos, c'était des tribunes où on pouvait y compris aborder les sujets qui fâchent entre nous, parce que le seul moyen d'aborder les sujets qui fâchent, c'est de les aborder précisément. Donc, le problème pour moi, c'est de ne pas cautionner une unité de façade, parce que ce serait le contraire de tout ce qu'on a fait ensemble les uns et les autres depuis plusieurs mois. Et une unité de façade c'est faire comme si on était d'accord, et puis, finalement produire une unité qui va se rompre à la première échéance concrète. La question-clé, maintenant, on la connaît : c'est les alliances avec la direction du Parti socialiste. Le programme du PS on le connaît, la candidate du Parti socialiste on la connaît. La question elle est toute simple : c'est si oui ou non on va faire croire au pays qu'on peut convertir à l'antilibéralisme S. Royal à moins de cinq mois de campagne. Moi, je ne crois pas.
Q- Mais si elle se retrouve au second tour, vous ferez quoi ? Vous voterez pour elle ou pas ?
R- C'est autre chose. Pour moi, c'est une question de consigne de vote que je donnerai après le premier tour. Mais la LCR n'a jamais fait la politique du pire. Pour moi, ça n'a jamais été bonnet blanc et blanc bonnet.
Q- Vous voulez tuer le PCF ?
R- Non, sûrement pas. D'abord, ce n'est pas mon genre de vouloir tuer les gens, encore moins les militants communistes avec lesquels j'ai des rapports fraternels. Dans les entreprises, y compris à La Poste, il y a des tas de militants syndicaux, on peut avoir des désaccords avec ces militants du PC, mais en général, ils sont quand même [du bon] côté pour défendre les acquis sociaux des salariés. Je leur dois ça, mais je crois d'ailleurs qu'il y a plein de militants du Parti communiste qui aimeraient faire avec nous, la LCR, et puis tous les autres, plutôt que de faire avec le Parti socialiste, et c'est ça, le choix, de la direction du Pari communiste a finalement du mal à choisir entre ses 10 et 11.000 élus, probablement, qui dépendent en grande partie pour les municipales des accords avec le Parti socialiste et de cette aspiration unitaire à la base qui veut faire autre chose que la gauche plurielle. Nous, on n'a rien à perdre à revendiquer notre indépendance et notre liberté de parole, finalement, vis-à-vis de la direction du Parti socialiste.
Q- Et l'éclatement des voix de gauche, question qui nous arrive sur Internet : si vous vous présentez, vous faites perdre le PS et Ségolène, c'est mathématique, dit Patricia.
Qu'en pensez-vous ?
R- Ce n'est pas mathématique du tout. Il y a quelque chose qui est tout à fait mathématique en revanche, c'est qu'en 2002, il y a cinq partis de la gauche plurielle qui ont gouverné ensemble pendant cinq ans - enfin, quatre ans pour Chevènement, parce qu'il s'est barré une année avant la fin - mais enfin, ils ont gouverné ensemble pendant longtemps. Moi, je n'ai jamais empêché à l'époque ces cinq partis de présenter une seule candidature. En l'occurrence, ce sont eux qui ont éclaté leurs propres voix. La gauche qui n'était pas au Gouvernement, c'était aussi logique qu'elle se fasse entendre. Cette gauche plurielle-là, elle semble devoir se reconstituer, puisque j'ai entendu les propositions de F. Hollande, qui s'adresse de nouveau à ses anciens partenaires. Bien sûr, on ne va pas appeler cela la gauche plurielle, on va trouver un nouveau look, mais ce sera sur le fond la même chose. Moi je n'étais pas dans la gauche plurielle n° 1, je ne serai pas dans la gauche plurielle n° 2. Par contre, je cherche à fédérer, effectivement, les forces anticapitalistes. Donc, très concrètement, d'un point de vue mathématique, entre huit ou neuf candidatures à gauche, comme il a pu y avoir en 2002 et une seule candidature en 2007, il doit y avoir un juste milieu.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 novembre 2006