Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'enseignement supérieur, les conditions de vie des étudiants, l'égalité des chances et la recherche, Paris le 4 octobre 2006.

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Circonstance : Convention pour la France d'après "Société de la connaissance : la nouvelle frontière" à Paris le 4 octobre 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je veux d'abord saluer tout spécialement François Fillon et François d'Aubert qui ont chacun travaillé avant moi à la refondation de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
J'y associe les Présidents Dubernard et Valade, les députés, les sénateurs, tous les élus et sympathisants dont la présence ici prouve que l'UMP a inscrit au coeur de ses préoccupations l'enseignement supérieur et la recherche.
Aujourd'hui, la société de la connaissance n'est plus une fiction : c'est déjà la réalité du monde dans lequel nous vivons : un monde globalisé, un monde où la recherche et l'innovation deviennent les clés de la création de richesses. Un monde enfin où le principal atout d'un individu est la connaissance, et sa capacité à l'actualiser.
Sur ce sujet comme pour tant d'autres, certains peuvent éprouver une tentation bien française : celle de la modestie excessive, voire du mépris de soi.
On citera alors telle statistique défavorable, ou tel classement qui condamnerait notre pays à un rang infamant.
Chers amis, si j'avais un souhait à émettre au début de cette convention, ce serait que nous nous gardions de ce travers.
Regardons ce qui chez nous fonctionne, regardons ce que nous sommes déjà parvenus à faire ! Non pas pour nous complaire dans l'autosatisfaction, mais pour y trouver de nouvelles raisons d'agir !
Nos universités sont les premières en Europe à avoir adapté leurs formations au cadre européen du LMD.
Nos grandes écoles dispensent d'excellentes formations d'ingénieur.
Nos écoles de commerce se classent au premier rang européen.
Notre école mathématique française vient d'être honorée par une nouvelle médaille Fields.
Alors, bien sûr, nous avons encore des progrès à faire. Mais nous sommes engagés dans la bonne direction, avec le Pacte pour la recherche et la loi de programme que nous avons élaborée avec François Goulard, dans un climat apaisé.
Grâce à l'action du gouvernement, grâce au soutien de la majorité, notre enseignement supérieur et notre recherche sont en train de répondre à trois grands défis :
- le défi de l'égalité des chances ;
- le défi de l'insertion professionnelle des étudiants ;
- et enfin, le défi de l'excellence.
Je commencerai par le premier défi, celui de l'égalité des chances.
Il n'y a pas si longtemps, le système éducatif français donnait leur chance aux enfants de l'école communale qui n'avaient d'autre atout dans la vie que leur intelligence. La chance de grimper dans l'ascenseur social pour accéder au plus haut niveau.
Pensons à Camus, l'enfant pauvre d'Alger, pensons à tous les autres !
Aujourd'hui, hélas, ces cas deviennent de plus en plus rares : dans nos grandes écoles, les enfants de milieu modeste sont trop souvent des exceptions.
Il y aurait, je crois, beaucoup à dire sur ceux qui portent la responsabilité d'un tel désastre social - car c'en est un !
Je pense notamment à tous ceux qui pendant des années ont pratiqué, à tous les niveaux, l'art du nivellement par le bas, au nom de prétendues vertus égalitaires !
Ils croyaient combattre la reproduction sociale. Et ils s'en prenaient en fait à la transmission du savoir !
Ils croyaient combattre l'élitisme. Et ils ont détruit la promotion par le mérite, belle valeur de la République !
Notre premier défi, pour l'enseignement supérieur et la recherche, n'est pas d'abord financier. Il n'est pas technique ou technologique.
Notre premier défi, c'est un défi humain : faire en sorte que tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, puissent accéder à l'excellence ! Voilà notre premier défi !
Alors, faut-il pour cela instaurer des quotas, et créer de nouvelles contraintes ?
Je préfère la voie que nous avons empruntée : donner un second souffle à l'ambition scolaire dans les lycées et les quartiers où elle a malheureusement disparu.
Nous devons convaincre les jeunes qui en sont issus d'entreprendre des études éventuellement longues, parfois difficiles, mais qui leur permettront au bout du compte de donner le meilleur d'eux-mêmes.
En un mot, plutôt que d'abaisser les obstacles, je crois qu'il faut aider les jeunes des milieux défavorisés à les franchir.
C'est ce que nous avons fait pour les inscriptions en classe préparatoire aux grandes écoles, comme l'a souhaité le Président de la République.
Pour la rentrée de cette année, j'avais demandé à tous les recteurs de se mobiliser afin d'encourager dans cette voie les élèves boursiers méritants.
Résultat : le nombre des demandes a augmenté de plus de 5 %. Une sur dix émanait d'un lycée qui n'adressait jamais de candidatures jusque là.
Cela veut dire que les filières d'excellence s'inscrivent de nouveau dans le paysage des possibles ! Cela veut dire que l'ambition scolaire retrouve son sens, et avec elle le goût du travail, et de la rigueur.
Et puis, naturellement, l'égalité des chances passe aussi par la question des conditions de vie des étudiants. Car il n'y pas d'études réussies sans des conditions de vie favorables !
Aline, la nouvelle allocation pour l'installation étudiante décidée par le Premier Ministre, est une première réponse en faveur des étudiants boursiers qui quittent le domicile familial.
C'est un effort supplémentaire de 24 millions d'euros que nous y consacrons dès cette année.
Mais il faudra aller plus loin ! Le rapport de Laurent Wauquiez sur les aides aux étudiants ouvre des pistes pour l'avenir. En ce moment même, nous y travaillons, de manière très constructive, avec les associations étudiantes.
Les conditions de vie, elles comprennent aussi le logement.
Nous avons doublé l'aide de l'Etat avec le déplafonnement de l'allocation de logement social ; nous poursuivons à bon rythme la mise en oeuvre du plan Anciaux : plus de 6 000 chambres nouvelles ou rénovées dans les CROUS, livrées à cette rentrée, et autant en chantier !
C'est pour les étudiants une condition pour mieux réussir.
Mais le succès des études, il se mesure aussi à la qualité de l'insertion professionnelle. Voilà notre deuxième grand défi.
D'énormes progrès ont été accomplis au cours des dernières années. Mais 11 % de nos diplômés sont encore, trois ans après leur sortie de l'université, en recherche d'emploi, sans compter tous ceux qui ont dû abandonner avant la fin du parcours.
C'est un gâchis humain qui ne peut laisser personne indifférent.
J'ai la conviction qu'aujourd'hui, si nous voulons faire cesser cette situation que personne ne peut accepter, notre université doit être mieux connectée au monde du travail.
Le monde du savoir doit être partenaire du monde du savoir-faire !
Et je dirais volontiers que même les futurs enseignants devraient connaître le monde de l'entreprise pendant leur passage à l'IUFM !
Ce défi de l'insertion professionnelle, chers amis, nous sommes en train de le relever.
Dès cette rentrée, 1400 licences professionnelles sont ouvertes. 40.000 étudiants bénéficient ainsi d'une formation élaborée en étroite liaison avec le monde professionnel.
Vous voulez devenir libraire, parfumeur, détective privé, vous voulez travailler dans les métiers du cheval, eh bien l'université désormais vous y amène aussi !
Vous voulez travailler dans la communication d'entreprise, l'imagerie numérique, les réseaux informatiques, eh bien l'IUT vous y conduit ! C'est pourquoi nous ouvrons à cette rentrée 10 nouveaux départements d'IUT.
Pour aider les étudiants à s'insérer professionnellement, nous devons les aider à s'orienter plus efficacement.
Nous avons déjà amélioré l'information, en ouvrant un portail internet qui recense toutes les formations supérieures.
Ce portail a été lancé par François Goulard. C'est en quelque sorte le « guichet unique » de l'information sur les études supérieures.
Progressivement, ce portail internet donnera aussi, pour chaque filière, le taux d'insertion des diplômés, le pourcentage de cadres qu'elle forme, et le salaire offert à l'entrée dans la vie active.
C'est donc un outil de responsabilisation de nos jeunes.
Car il faut leur dire : voici quelles sont les voies possibles, ce à quoi elles mènent. A vous de décider en connaissance de cause !
Je crois que ce même principe de responsabilisation doit valoir pour l'inscription à l'université.
François Goulard vient de proposer une procédure d'information préalable, ouverte aux lycéens qui envisagent des études universitaires.
Je sais que beaucoup d'universités sont intéressées par ce dispositif novateur.
Une bonne information, un choix assumé sont les premières conditions de la réussite à l'université.
Cette réussite, elle passe aussi bien sûr par la qualité de notre système d'enseignement supérieur.
C'est notre troisième grand défi : l'excellence de la formation et de la recherche.
Excellence : je sais bien que certains à gauche n'aiment pas ce mot.
Les mêmes qui n'osent pas parler de mérite !
Qu'ils ouvrent les yeux, et ils verront que la recherche est un enjeu stratégique pour tous les pays !
Ils verront que la Chine forme déjà autant d'ingénieurs que toute l'Europe réunie ; ils verront que l'Inde délivre le plus grand nombre de doctorats au monde !
Ils verront que tous les pays développés sont lancés dans une intense compétition pour prendre la tête dans le domaine du savoir et de l'innovation.
C'est pour cela que nous devons nous lancer sur le chemin de l'excellence.
Et pour y parvenir, nous devons améliorer la formation et l'encadrement de nos étudiants dans le premier cycle universitaire.
Lors de mes déplacements aux Etats-Unis, je suis toujours frappé de constater que sur les campus, les enseignants affichent leurs heures de cours, et surtout les créneaux de rendez-vous pour leurs étudiants. C'est tout simple, mais les étudiants ont des interlocuteurs disponibles, prêts à les conseiller.
Je suis convaincu que la plupart des enseignants-chercheurs de notre pays seraient prêts à se mobiliser de la même manière.
Encore faudrait-il qu'on le leur demande, qu'on valorise cet investissement et qu'on leur en donne les moyens matériels, avec un bureau par exemple.
Voilà comment on encourage concrètement l'excellence.
Nous devons ensuite garantir à l'université et à la recherche les conditions de leur performance.
Cela passe d'abord, bien entendu, par un effort financier. Nous sommes en train de l'accomplir !
La loi de programme pour la recherche, que la majorité a voulue et votée, prévoit une enveloppe de 20 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans.
Nos financements montent déjà en puissance : avec le budget qui va être discuté pour 2007, ce sont 6 milliards d'euros de plus qui auront été mobilisés en seulement trois ans !
C'est la même chose pour les postes. Après 1 000 emplois supplémentaires en 2005, 3 000 en 2006, 2 000 seront créés en 2007. Jamais la France n'a fait autant pour le supérieur et la recherche !
Rappelons-nous le grand plan recherche de la gauche au pouvoir : c'était tout juste 700 emplois de techniciens supplémentaires ! Alors, vraiment, nous n'avons pas de leçon à recevoir !
Mais les moyens ne valent que par les objectifs qu'on leur assigne, la stratégie qu'ils permettent, et l'utilisation responsable que l'on en fait.
Nous avons en effet besoin d'une recherche mieux financée, c'est incontestable, mais surtout plus performante, mieux évaluée, plus responsable !
Là encore, le Pacte pour la recherche a tracé la voie en restaurant la liberté et l'initiative pour nos scientifiques.
Il nous donne d'abord les outils d'une meilleure performance, en renforçant les coopérations, notamment dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES.
Le Pacte pour la recherche développe la culture du projet, stimule les initiatives, et organise une évaluation transparente et homogène, comme le font tous les grands pays scientifiques.
Je sais bien que certains à gauche trouvent que nous bousculons un peu trop les habitudes de la recherche française. On voudrait plus de temps, plus de précaution...
Mais l'université et la recherche ne peuvent pas se permettre de vivre à l'écart du monde qui les entoure ! Elles doivent s'ouvrir, se faire connaître !
Un chef d'entreprise me racontait qu'il avait un jour, par hasard, découvert la carte des formations dispensées par l'université de sa région. Il m'a dit alors qu'il avait eu le sentiment de trouver un véritable trésor de compétences ! Il faut mettre fin à cette méconnaissance réciproque !
C'est pourquoi nous voulons les pôles de compétitivité, où recherche et entreprises sont partenaires.
C'est pourquoi nous voulons des formations professionnalisantes, adaptées au monde économique !
Et nous devons nous assurer que ces formations soient actualisées régulièrement.
Les diplômes aujourd'hui sont trop focalisés sur l'acquisition de techniques ou de technologies qui seront de toute façon dépassées dans 5 ou 10 ans.
J'ai visité récemment une usine automobile avec des apprentis techniciens : ils ont du mal à imaginer que les voitures qu'ils fabriqueront dans 20 ans auront une pile à combustible, et non plus un moteur !
A nous de faire preuve de plus de bon sens, de réactivité et d'inventivité.
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je voudrais terminer avec ce mot d'inventivité.
Car je suis convaincu que l'avènement de la société de la connaissance nous offre une formidable occasion de libérer les initiatives, les énergies créatrices de notre pays.
Mais vous savez bien que l'école de la liberté est sans doute l'une des plus difficiles !
Eh bien, aidons notre pays à prendre la voie de l'innovation, le chemin de la liberté.
Soyons les aiguillons du changement !

source http://www.u-m-p.org, le 5 octobre 2006