Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre vous avez installé ce matin au Quai d'Orsay un Comité d'éthique avec des personnalités qui vont édicter des règles pour empêcher les ambassadeurs d'accepter des cadeaux, de faire des trafics d'influence avec leur carnet d'adresse, une fois à la retraite, ou de faire chambre d'hôte avec leur résidence. On croyait que cela allait sans dire, mais il y a eu l'affaire Mérimée, cet ambassadeur qui a profité des largesses de Saddam Hussein. Est-ce que vous pensez que les diplomates avaient besoin de leçon d'éthique ?
R - D'abord, ne présentons pas le Quai d'Orsay ou les diplomates comme des gens qui seraient à la limite de la légalité. Ce n'est pas vrai. Ce sont de grands serviteurs de l'Etat mais il me semble en effet important, comme dans tous les métiers, de bien marquer les repères. Vous avez pris l'exemple d'un ambassadeur aujourd'hui en poste, imaginons en Inde ou en Chine. Il va permettre à certaines entreprises françaises, de s'implanter dans ces pays qui sont de futures grandes puissances économiques et politiques du monde. Il part à la retraite, et il est démarché par une de ces entreprises.
Q - Cela arrive ?
R - Bien sûr, non seulement cela arrive mais cela arrivera de plus en plus. L'espérance de vie augmentant, il est évident qu'il y a une autre vie après la vie professionnelle. Regardez ce qui se passe aujourd'hui au ministère de la Défense, pour les généraux, à 50, 52 ans, ils ont une autre vie professionnelle après leur retraite. Cela peut arriver aussi pour les ambassadeurs. Eh bien, je voudrais que l'on puisse marquer exactement quelles sont les limites à ne pas franchir.
Q - Vous avez beaucoup investi dans l'amélioration des relations bilatérales avec Israël. Est-ce que vous êtes déçu ?
R - D'abord, je voudrais rétablir la vérité. Israël est un pays ami de la France et au Conseil de sécurité des Nations unies, nous avions soutenu un projet de résolution qui était totalement équilibré, qui visait à dire, d'un côté, que l'on condamnait ce qui s'était passé à Beit Hanoun, avec des tirs israéliens non discriminés sur des zones habités, et, de l'autre, les tirs de roquettes. Ensuite, nous avons voté, comme tous les autres Européens, récemment une résolution équilibrée à l'Assemblée générale des Nations unies. Tous les Européens l'ont votée. Les Israéliens ont reconnu une erreur à Beit Hanoun. Il faut arrêter cette offensive.
Q - S'il s'agit d'une erreur, pourquoi la dénoncer ?
R - C'est ce qu'ils ont fait. Vous le savez comme moi. Ils ont dit que c'était une erreur.
Q - Quand vous parlez d'une résolution équilibrée, ce n'est pas ce que pensent visiblement les responsables israéliens...
R - Lisez la résolution. Nous l'avons co-rédigée. Il y a deux parties : il y a une partie israélienne et une partie palestinienne. En réalité, il n'y aura pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien.
Q - Cette résolution est-elle un succès pour la diplomatie française ?
R - Ce n'est un succès pour personne. Nous aurions aimé, évidemment, l'éviter. On ne peut pas aujourd'hui, après la guerre du Liban, au mois d'août, accepter l'idée qu'il y ait une offensive israélienne qui finirait par aboutir à aider les partis extrémistes palestiniens.
Q - Est-ce bien le rôle de la France ? Est-ce bien le bon moment pour faire la leçon aux Israéliens alors que nous avons des troupes déployées au Liban-Sud et qu'elles ont été ces derniers jours à deux doigts d'un incident armé avec l'armée israélienne ?
R - Pourquoi ? Parce que quand vous avez des troupes au Liban, vous devez baisser pavillon ?
Q - Est-ce que la prochaine fois que les Français seront pris pour cible et que les artilleurs risquent de tirer, n'est-ce pas un paradoxe de se retrouver dans une situation de confrontation avec l'armée israélienne, à qui on fait la leçon à l'ONU, alors que dans le même temps cela se passe bien avec le Hezbollah qui est une organisation terroriste pour les Européens ?
R - Le Hezbollah est notre ennemi et d'autre part, il n'y a jamais eu de la part d'Israël, malgré ce que vous venez de dire, un risque d'agression directe, sauf qu'à un moment donné, il est vrai qu'un avion, voire deux avions, sont arrivés dans la zone rouge au-dessus du bataillon français.
Q - Ils survolent tout le temps le Liban-Sud ?
R - C'est autre chose, cela touche la souveraineté du Liban. Je vous dis que le chef de l'Etat, le chef des armées, a été très clair et je l'ai dit à l'ambassadeur d'Israël en France. Chaque fois qu'un avion, quel qu'il soit, israélien ou pas, arrivera dans la zone rouge, il y a des protocoles pour les abattre. Je crois à l'armée française comme les Israéliens croient à l'armée israélienne et comme les Américains croient à l'armée américaine : ça c'est normal. En réalité, nous sommes les amis d'Israël et nous pensons qu'Israël doit parler avec Fouad Siniora, le Premier ministre libanais, car sinon, c'est le Hezbollah. Israël doit également parler avec Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne, car sinon ce sera le Hamas. Voilà ce que nous souhaitons.
Q - Mais la France ne parle pas tellement avec Bachar El Assad, qui est directement impliqué au Liban-Sud ?
R - Vous ne pouvez parler qu'avec quelqu'un en qui vous avez confiance.
Q - Vous croyez que les Israéliens ont confiance en Fouad Siniora ?
R - Regardez, vous venez de parler du Hezbollah. Qui aujourd'hui réarme le Hezbollah ? Vous savez bien la porosité entre le Liban et la Syrie. C'est donc en effet les Syriens qui ne respectent pas aujourd'hui la résolution 1559. Il faut que les Syriens respectent les résolutions 1559 et 1680, comme les résolutions sur l'enquête internationale pour savoir qui a tué l'ancien Premier ministre libanais. A partir du moment où la Syrie respectera ce que la communauté internationale lui a demandé, alors bien sûr, la confiance reviendra.
Q - Vous avez dit : "le Hezbollah est notre ennemi" ?
R - Nous l'avons toujours dit. Au mois d'août, lorsque le Hezbollah a pris en otage deux soldats israéliens, le 12 juillet, nous avons immédiatement condamné cette incursion unilatérale du Hezbollah. Nous avons simplement regretté la réaction disproportionnée d'Israël. Mais ce n'était qu'une réaction à une attaque du Hezbollah. Nous l'avons dit à plusieurs reprises : oui, nous avons condamné le Hezbollah.
Q - Est-ce que vous êtes inquiets de voir le Hezbollah essayer d'obtenir plus de poids au sein du pouvoir libanais et menacer de faire descendre ses partisans dans la rue ?
R - Il est évident que nous devons plus que jamais ne pas laisser le Liban devenir l'otage de conflits d'intérêts auxquels il est, en définitive, étranger. La Syrie et l'Iran, on le sait très bien, poussent aujourd'hui à la déstabilisation du gouvernement de Fouad Siniora. Nous croyons à sa souveraineté.
Q - Et Israël aussi ?
R - Je ne considère pas qu'il y ait une guerre entre Israël et le Liban. Je considère qu'il y a la Syrie, l'Iran et le Hezbollah, qui essaient de déstabiliser le Liban, qui est notre ami et au côté duquel il faut être.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2006
R - D'abord, ne présentons pas le Quai d'Orsay ou les diplomates comme des gens qui seraient à la limite de la légalité. Ce n'est pas vrai. Ce sont de grands serviteurs de l'Etat mais il me semble en effet important, comme dans tous les métiers, de bien marquer les repères. Vous avez pris l'exemple d'un ambassadeur aujourd'hui en poste, imaginons en Inde ou en Chine. Il va permettre à certaines entreprises françaises, de s'implanter dans ces pays qui sont de futures grandes puissances économiques et politiques du monde. Il part à la retraite, et il est démarché par une de ces entreprises.
Q - Cela arrive ?
R - Bien sûr, non seulement cela arrive mais cela arrivera de plus en plus. L'espérance de vie augmentant, il est évident qu'il y a une autre vie après la vie professionnelle. Regardez ce qui se passe aujourd'hui au ministère de la Défense, pour les généraux, à 50, 52 ans, ils ont une autre vie professionnelle après leur retraite. Cela peut arriver aussi pour les ambassadeurs. Eh bien, je voudrais que l'on puisse marquer exactement quelles sont les limites à ne pas franchir.
Q - Vous avez beaucoup investi dans l'amélioration des relations bilatérales avec Israël. Est-ce que vous êtes déçu ?
R - D'abord, je voudrais rétablir la vérité. Israël est un pays ami de la France et au Conseil de sécurité des Nations unies, nous avions soutenu un projet de résolution qui était totalement équilibré, qui visait à dire, d'un côté, que l'on condamnait ce qui s'était passé à Beit Hanoun, avec des tirs israéliens non discriminés sur des zones habités, et, de l'autre, les tirs de roquettes. Ensuite, nous avons voté, comme tous les autres Européens, récemment une résolution équilibrée à l'Assemblée générale des Nations unies. Tous les Européens l'ont votée. Les Israéliens ont reconnu une erreur à Beit Hanoun. Il faut arrêter cette offensive.
Q - S'il s'agit d'une erreur, pourquoi la dénoncer ?
R - C'est ce qu'ils ont fait. Vous le savez comme moi. Ils ont dit que c'était une erreur.
Q - Quand vous parlez d'une résolution équilibrée, ce n'est pas ce que pensent visiblement les responsables israéliens...
R - Lisez la résolution. Nous l'avons co-rédigée. Il y a deux parties : il y a une partie israélienne et une partie palestinienne. En réalité, il n'y aura pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien.
Q - Cette résolution est-elle un succès pour la diplomatie française ?
R - Ce n'est un succès pour personne. Nous aurions aimé, évidemment, l'éviter. On ne peut pas aujourd'hui, après la guerre du Liban, au mois d'août, accepter l'idée qu'il y ait une offensive israélienne qui finirait par aboutir à aider les partis extrémistes palestiniens.
Q - Est-ce bien le rôle de la France ? Est-ce bien le bon moment pour faire la leçon aux Israéliens alors que nous avons des troupes déployées au Liban-Sud et qu'elles ont été ces derniers jours à deux doigts d'un incident armé avec l'armée israélienne ?
R - Pourquoi ? Parce que quand vous avez des troupes au Liban, vous devez baisser pavillon ?
Q - Est-ce que la prochaine fois que les Français seront pris pour cible et que les artilleurs risquent de tirer, n'est-ce pas un paradoxe de se retrouver dans une situation de confrontation avec l'armée israélienne, à qui on fait la leçon à l'ONU, alors que dans le même temps cela se passe bien avec le Hezbollah qui est une organisation terroriste pour les Européens ?
R - Le Hezbollah est notre ennemi et d'autre part, il n'y a jamais eu de la part d'Israël, malgré ce que vous venez de dire, un risque d'agression directe, sauf qu'à un moment donné, il est vrai qu'un avion, voire deux avions, sont arrivés dans la zone rouge au-dessus du bataillon français.
Q - Ils survolent tout le temps le Liban-Sud ?
R - C'est autre chose, cela touche la souveraineté du Liban. Je vous dis que le chef de l'Etat, le chef des armées, a été très clair et je l'ai dit à l'ambassadeur d'Israël en France. Chaque fois qu'un avion, quel qu'il soit, israélien ou pas, arrivera dans la zone rouge, il y a des protocoles pour les abattre. Je crois à l'armée française comme les Israéliens croient à l'armée israélienne et comme les Américains croient à l'armée américaine : ça c'est normal. En réalité, nous sommes les amis d'Israël et nous pensons qu'Israël doit parler avec Fouad Siniora, le Premier ministre libanais, car sinon, c'est le Hezbollah. Israël doit également parler avec Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne, car sinon ce sera le Hamas. Voilà ce que nous souhaitons.
Q - Mais la France ne parle pas tellement avec Bachar El Assad, qui est directement impliqué au Liban-Sud ?
R - Vous ne pouvez parler qu'avec quelqu'un en qui vous avez confiance.
Q - Vous croyez que les Israéliens ont confiance en Fouad Siniora ?
R - Regardez, vous venez de parler du Hezbollah. Qui aujourd'hui réarme le Hezbollah ? Vous savez bien la porosité entre le Liban et la Syrie. C'est donc en effet les Syriens qui ne respectent pas aujourd'hui la résolution 1559. Il faut que les Syriens respectent les résolutions 1559 et 1680, comme les résolutions sur l'enquête internationale pour savoir qui a tué l'ancien Premier ministre libanais. A partir du moment où la Syrie respectera ce que la communauté internationale lui a demandé, alors bien sûr, la confiance reviendra.
Q - Vous avez dit : "le Hezbollah est notre ennemi" ?
R - Nous l'avons toujours dit. Au mois d'août, lorsque le Hezbollah a pris en otage deux soldats israéliens, le 12 juillet, nous avons immédiatement condamné cette incursion unilatérale du Hezbollah. Nous avons simplement regretté la réaction disproportionnée d'Israël. Mais ce n'était qu'une réaction à une attaque du Hezbollah. Nous l'avons dit à plusieurs reprises : oui, nous avons condamné le Hezbollah.
Q - Est-ce que vous êtes inquiets de voir le Hezbollah essayer d'obtenir plus de poids au sein du pouvoir libanais et menacer de faire descendre ses partisans dans la rue ?
R - Il est évident que nous devons plus que jamais ne pas laisser le Liban devenir l'otage de conflits d'intérêts auxquels il est, en définitive, étranger. La Syrie et l'Iran, on le sait très bien, poussent aujourd'hui à la déstabilisation du gouvernement de Fouad Siniora. Nous croyons à sa souveraineté.
Q - Et Israël aussi ?
R - Je ne considère pas qu'il y ait une guerre entre Israël et le Liban. Je considère qu'il y a la Syrie, l'Iran et le Hezbollah, qui essaient de déstabiliser le Liban, qui est notre ami et au côté duquel il faut être.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2006