Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à des questions sur les attentats perpétrés en Israël, à l'Assemblée nationale le 5 mars 1996.

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Circonstance : Attentats - suicide à Jérusalem le 3 mars 1996 et à Tel Aviv le 4, revendiqués par le Mouvement de la résistance islamique Hamas (31 morts). Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 5 mars 1996

Texte intégral

1)
Comme vous, en voyant, pour la quatrième fois en une semaine, les images de mort et
de désolation qui nous viennent d'Israël, j'ai senti la révolte et l'horreur envahir mon coeur.
Notre pensée à tous va d'abord aux victimes et à leurs familles et je veux leur exprimer
ici toute la sympathie et tout le soutien de la France et de son peuple dans ces circonstances
dramatiques. Je veux redire ici combien la France condamne avec force et indignation ces
actes de barbarie.
Je veux aussi adresser à l'ensemble du peuple israélien, dont nous sommes plus proches
aujourd'hui que jamais, un message d'amitié, de solidarité et de soutien.
Je veux encore adresser un message à l'autorité palestinienne : il faut qu'elle s'engage
sans faiblesse ni répit dans le combat contre le terrorisme et ceux qui le véhiculent. Le
Président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a fait part de sa détermination et
commencé à prendre des mesures. Nous devons le soutenir et l'inciter à aller plus loin dans la
lutte contre le terrorisme, ce fléau dont nous avons eu, c'est vrai, nous aussi à subir les
conséquences.
Au-delà de ces messages qu'inspire la simple humanité, que pouvons-nous faire ?
Certes, je mesure bien comment mes paroles peuvent être ressenties en Israël par ceux qui
éprouvent avant tout douleur, révolte ou même rejettent le processus dans lequel ils sont
engagés. Mais par le biais de la vie de victimes innocentes c'est la paix elle-même que l'on
veut assassiner. Notre responsabilité est donc aujourd'hui d'affirmer qu'il faut continuer sur
cette voie, quoi qu'il en coûte, car en changer entraînerait vraisemblablement plus de
souffrances, plus de malheurs encore. Certes, il est facile de donner des conseils, mais que
faire d'autre ? D'autant que nous ne pratiquons pas l'incantation mais nous nous engageons au
service du processus de paix.
Tel est le sens des contacts que le Président de la République a eus avec Shimon Peres
et Yasser Arafat. Nous allons continuer à apporter notre soutien moral, diplomatique, matériel
à ceux qui ont choisi cette voie difficile. Nous allons aider Palestiniens et Israéliens à
combattre tous ceux qui encouragent les assassins par leur inaction ou par des prises de
position inacceptables.
L'Union européenne a déjà fait beaucoup, par ses crédits comme par son engagement
politique. C'est sur cette voie que la France se montrera déterminée et ferme aux côtés de nos
amis d'Israël auxquels j'exprime encore une fois notre solidarité./.

2)
J'ai dit les sentiments que nous éprouvions et je crois qu'ils sont ici unanimement
partagés.
Que pouvons-nous faire ? Nous avons envie d'agir, vous comme nous. Je répète que face
à un tel drame le soutien moral et politique est essentiel. Le peuple d'Israël sait qu'il peut
compter sur la France. J'ai contribué, pour ma part, lorsque j'étais responsable de la diplomatie
française, à resserrer nos liens avec Israël et j'ai été personnellement très affecté par
l'assassinat d'Yitzhak Rabin, avec qui j'avais beaucoup travaillé.
Il nous faut ensuite manifester notre solidarité diplomatique, en soutenant le
gouvernement israélien et l'autorité palestinienne, qui veulent continuer le processus de paix,
et en condamnant ceux qui sont assez irresponsables pour se réjouir de ces attentats...
Un député - L'Iran !
R - Oui, l'Iran et d'autres encore ! Nous devons les condamner ouvertement.
Il nous faut manifester notre solidarité également sur le plan économique, de façon à
convaincre les Palestiniens de Gaza, de Jéricho et d'ailleurs, qu'ils ont intérêt à la paix. La
France et l'Union européenne sont en pointe à cet égard. Dans les semaines qui viennent nous
allons développer notre action sur ce triple terrain de la solidarité politique, de la clarté
diplomatique et de l'aide économique./.

3)
Nous sommes tous sous le coup d'un émotion sincère et profonde mais nous n'agirions
pas bien en passionnant encore davantage le drame d'Israël. Cela dit, voir sur le même plateau
de télévision l'ambassadeur d'Israël et la déléguée en France de l'Autorité palestinienne
n'aurait pas été possible il y a quelques années : ils étaient là pour attester de leur volonté
commune de poursuivre le processus de paix.
Nous avons demandé à M. Yasser Arafat de tout faire pour renforcer la sécurité et nous
l'y aiderons. Déjà, l'Union européenne l'a aidé à équiper sa police.
Quant aux déclarations auxquelles vous avez fait allusion, elles sont évidemment
inacceptables et la France n'a rien à voir avec des pays qui poussent ainsi au crime et qui
encouragent les terroristes. Vous avez cité l'Iran mais vous auriez pu aussi nommer la Libye.
De telles déclarations appellent notre réprobation et nous en tirerons les conséquences
diplomatiques./.

(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 2002)