Texte intégral
Q- D'abord, les chiffres du chômage pour septembre. On passe sous la barre des 9 % et surtout, la tendance reste la même, à la baisse. Est-ce que, pour vous, ce sont de bons chiffres ?
R- Je ne conteste pas la baisse du chômage, cela fait plusieurs mois que j'indique qu'il va continuer à baisser. Le problème, c'est de savoir pourquoi le chômage baisse. Or il baisse essentiellement pour quatre éléments : des dispositifs de traitement social du chômage qui contribuent à ce que les gens qui, par exemple, sont en contrat d'accompagnement vers l'emploi ne sont plus comptabilisés comme chômeurs ; une population active qui augmente moins vite qu'auparavant, donc moins de nouvelles arrivées sur le marché du travail ; des radiations - c'est le troisième phénomène - plus importantes qu'auparavant et des créations d'emplois qui sont malheureusement limitées. C'est essentiellement dans le secteur de l'intérim, qui augmente beaucoup, un peu dans le secteur des services, mais dans le secteur des services, ce ne sont pas de vrais emplois. Donc, à partir de là, le problème qui se pose aujourd'hui, c'est comment avoir de vraies créations d'emplois et ça, cela passe par un dynamisme économique accru.
Q- Le ministre du Travail souligne qu'il y a quand même en tendance 200.000 créations d'emplois dans le privé sur l'année.
R- Les créations d'emplois, on les trouve dans la construction, qui est un secteur qui n'a pas trop mal marché, et essentiellement dans le secteur de l'intérim. Cela veut dire que le recours à l'intérim montre que tout cela est très fragile. Quant aux services, je dis bien les services à la personne dont on parle beaucoup, qui est un vrai secteur potentiel en emploi, ce sont bien souvent deux heures par ci, deux heures par là, qui ne sont même pas tous couverts par des conventions collectives. Donc, c'est très fragile. Si l'on veut, effectivement, non seulement que le chômage baisse mais qu'en plus il y ait de vraies créations d'emplois, cela suppose plus de confiance et cela suppose notamment de relancer la machine économique par les salaires. D'autant qu'on a les possibilités, les gains de productivité sont élevés dans notre pays, de 1,5 % par an, c'est passé à 2,4 %. Donc il y a des marges de manoeuvre pour les salaires.
Q- Justement, J. Chirac se fixe une nouvelle ambition dans le Figaro ce matin. Il dit qu'avec les bons résultats pour l'emploi, il pense maintenant à l'augmentation du pouvoir d'achat des Français. Vous ne pouvez pas lui donner tort.
R- L'augmentation du pouvoir d'achat, bien entendu ! Cela fait plus d'un an que l'on réclame une augmentation du pouvoir d'achat parce que les besoins de consommation sont réels. On le voit très bien : les ménages français sont maintenant obligés, pour maintenir un niveau de consommation, ou de tirer sur leur épargne quand ils en ont, ou de s'endetter. Cela veut dire que les besoins sont là mais que leur pouvoir d'achat ne permet de les satisfaire. Donc l'augmentation du pouvoir d'achat aurait un effet positif non seulement sur les créations d'emplois, mais accélérerait encore plus la baisse du taux de chômage, c'est évident.
Q- J. Chirac, toujours ce matin dans le Figaro, dit que la France peut passer sous la barre des 8 % de chômage l'an prochain ; partagez-vous cet optimisme ?
R- On ne peut pas l'exclure vu qu'il y a un phénomène qui... Ce n'est pas tellement lié aux créations d'emplois, c'est plus lié à différents phénomènes. Donc, ça, cela va continuer. C'est pour cela que depuis plusieurs mois, mis à part un mois ou deux, on a dit que le chômage allait continuer à baisser. Il y a l'environnement international qui est également un peu porteur, donc, oui, ce n'est pas exclu que le taux de chômage continuer de baisser, je ne l'exclus pas.
Q- C'est donc que la politique du Gouvernement accompagne la baisse du chômage ?
R- Il y a un accompagnement, notamment à travers le traitement social du chômage, mais ce qui est important, et là où le Gouvernement n'accompagne pas suffisamment une reprise économique, c'est qu'en termes de pouvoir d'achat, pour le moment, le compte n'y est pas, loin s'en faut. Donc il faudrait effectivement - et si le président de la République le dit, eh bien c'est un point positif - que maintenant, il y ait une priorité sur l'augmentation du pouvoir d'achat, des salaires, afin que, effectivement, non seulement la confiance revienne mais que la consommation s'accélère, donc l'activité et l'emploi.
Q- Vous êtes à Vienne, en Autriche, pour participer au nom de FO à la création de la CSI, la Confédération syndicale internationale. Pourquoi cette nouvelle centrale internationale, et d'abord, que va t- elle représenter, que va-t-elle peser ?
R- La Confédération internationale des syndicats libres à laquelle nous appartenons, était déjà l'organisation la plus importante. Elle va se regrouper dans les jours à venir, demain, avec une autre organisation internationale qui existait, plus quelques organisations qui n'étaient affiliées nulle part. Donc cela va devenir une très grosse confédération syndicale internationale. Ce qui nous importe - bon, il va falloir vivre ensemble parce que cela ne va pas être aussi simple que ça au début...
Q- Justement, c'est un peu curieux que vous adhériez aux côtés de la CGT, de la CFTD, de la CFTC ; vous allez tous ensemble entonner l'Internationale ?
R- On se retrouve déjà à la Confédération européenne des syndicats, les mêmes organismes français sont déjà membres de la Confédération européenne des syndicats. Nous ne sommes pas toujours d'accord, ce n'est pas parce qu'il y a une seule organisation internationale qui se met en place, comme il y en a une en Europe, qu'il y a une seule organisation en France. Ce n'est pas aussi simple que cela et l'on voit bien que l'on a des divergences entre nous. Mais en même temps, une organisation internationale, son rôle n'est pas celui d'une holding qui va donner des ordres aux organisations nationales. On va se coordonner, au niveau mondial, dans tous les continents. Ce que l'on peut espérer, ce que l'on souhaite, c'est que cette organisation défende la démocratie, l'indépendance car il y a beaucoup de pays, aujourd'hui, où la liberté syndicale n'existe pas - la Chine, par exemple, mais on pourrait en citer d'autres - et fasse, joue contrepoids auprès des organismes internationaux, le FMI, par exemple.
Q- Le taux de syndicalisation est de plus en plus faible en France, est-ce que la priorité, pour vous, elle n'est pas plutôt là ?
R- C'est un vieux débat. Il y a un taux de syndicalisation qui est plus faible que dans d'autres pays comparables, pour autant, les droits des travailleurs français sont au moins aussi bons que les droits des travailleurs allemands ou danois. On ne peut donc pas faire un lien entre les deux. Il n'y a pas de corrélation entre taux de syndicalisation et situation réelle des travailleurs. C'est ce que j'appelle, moi, "le modèle républicain". Maintenant, plus il y a de salariés qui sont syndiqués, mieux c'est, et plus ils sont à FO et plus j'en suis satisfait, bien entendu.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 novembre 2006