Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Choisie par plus de 60 % des adhérents du Parti Socialiste, Ségolène Royale est désormais la candidate officielle de son parti pour l'élection présidentielle de 2007. A en croire les sondages, le Parti socialiste a choisi la candidate qui aurait le plus de chance de l'emporter à cette élection.
Le gouvernement de droite, au pouvoir depuis quatre ans, a tellement accumulé de mesures anti-ouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, il a manifesté si ouvertement son mépris à l'égard du monde du travail, que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser. Et Sarkozy incarne cette droite anti-populaire dans sa variante la plus brutale.
Mais si l'électorat populaire avait des raisons de se réjouir des têtes déconfites des chefs de la droite, le soir des élections, aurait-il d'autres raisons de se réjouir ? Peut-il espérer que Ségolène Royal pourrait mener une politique qui correspondrait à ses besoins ? Est-ce qu'il peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce qu'avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Est-ce que les classes populaires peuvent espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'Etat, il y aura des changements significatifs ? Par exemple assez de crédits pour la construction de logements convenables à la portée d'un salaire ouvrier pour résoudre le problème du logement ? S'attaquerait-elle aux promoteurs immobiliers pour enrayer les hausses des loyers qui sont catastrophiques pour bien des ménages des classes populaires ?
Est-ce qu'on peut espérer que l'Etat donnera à l'Education nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait qu'elle ne fera rien de tout cela.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire.
Mais a-t-on entendu Ségolène Royal, pendant la campagne précédant le vote du Parti socialiste, prendre des engagements à l'égard des classes populaires ?. Oh, elle a tenu quelques propos généraux du genre « revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités ». Mais sans se donner la peine de préciser de combien ?
Elle ne promet même pas d'annuler les mesures les plus anti-ouvrières du gouvernement de droite en place, ce qui serait un minimum. Et surtout elle se garde bien d'annoncer quelque mesure de contrainte que ce soit pour obliger les patrons à utiliser leurs profits en hausse de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois. Comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
Car, dans les problèmes essentiels qui concernent la vie dans le monde du travail, l'insécurité de l'emploi, le chômage, les salaires, les décisions dépendent du grand patronat.
Il y a un mois à peine, c'est le PDG du trust Peugeot-Citroën qui annonçait la suppression de 10 000 emplois. Puis, c'est Airbus qui a fait état de son intention de se débarrasser d'une grande partie de ses sous-traitants, faisant payer aux travailleurs de ces sous-traitants les erreurs de sa propre direction.
Et voilà que cette semaine c'est la direction de Volkswagen qui annonce que, sur les 4 900 salariés de son usine de Bruxelles, en Belgique, elle n'en gardera que 900 ! 4 000 personnes apprennent du jour au lendemain qu'elles vont se retrouver au chômage !
« Une catastrophe nationale », affirme le Premier ministre belge qui, déclaration faite, passe à l'ordre du jour, sans chercher à empêcher cette catastrophe. Tout comme un autre Premier ministre, français et socialiste celui-là, Jospin, avait accepté, sans rien faire contre, la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde, il y a très exactement dix ans. Pourtant, l'État était, à l'époque, encore actionnaire majoritaire de Renault.
Et ces grandes entreprises ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Pour ne parler que de l'automobile, combien de sous-traitants et équipementiers suppriment des emplois ou ferment carrément des usines, de Forecia à Thomé-Génot, en passant par Delphy, TRW ou Vistion? Et combien d'autres entreprises, moyennes ou petites ?
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Je ne préconise ni la charité ni l'invention d'emplois artificiels, mais la création d'emplois utiles, c'est-à-dire correspondant à des besoins réels qui sont mal satisfaits ou pas du tout, pour une partie plus ou moins importante des classes populaires. A commencer par les logements dont l'insuffisance, la mauvaise qualité ou le prix constituent de véritables drames pour des centaines de milliers de familles. Ces besoins sont innombrables.
Mais peu importe ce qui manque à la société pour ceux qui possèdent les entreprises ! Ils ne produisent pas ce qui est utile, voire indispensable. Ils produisent ce qui rapporte du profit !
Le décalage entre les intérêts primordiaux de la société et les intérêts de la minorité qui domine la vie économique est catastrophique pour toute la société.
Et c'est précisément le chômage, dont le patronat est responsable, qui le rend encore plus sûr de lui et impitoyable avec les travailleurs qui l'enrichissent.
Regardez comment, après Bosch et quelques autres, c'est l'entreprise de découpage Bourgeois qui vient de décider de passer des 35 heures hebdomadaires à 38 heures et demie, mais sans augmentation de salaire ! Et le patron se paie même le luxe de prétendre qu'il le fait avec l'accord de ses travailleurs, après une consultation bidon où on sommait les travailleurs de « choisir » entre des licenciements massifs ou travailler plus et être payés moins.
Et, pourtant, un des principaux actionnaires de cette entreprise est le trust de l'acier Arcelor. Quant à la famille Bourgeois, la bien nommée, c'est une des plus riches familles de capitalistes de ce pays, avec des usines en Suisse, au Danemark, et même jusqu'en Chine !
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et du déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ?
Les patrons prétendent que la précarité et la flexibilité sont nécessaires pour les entreprises en raison de la concurrence internationale. Mais pourquoi est-ce les conditions de travail et les salaires des travailleurs qui devraient être flexibles et adaptables aux aléas du marché ? Pourquoi pas les dividendes et les bénéfices ?
Et les pires mesures anti-ouvrières seraient prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE, qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comme ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les dirigeants politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
Dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Voilà la réalité des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Pour pouvoir prendre sur le budget de plus en plus d'argent à consacrer au patronat, on rogne sur tout ce qui concerne les classes populaires, des transports collectifs au service postal, jusques y compris sur la paie ou la retraite des pompiers qui viennent de protester, en manifestant avec détermination face aux CRS, qu'ils n'acceptent pas, en plus, d'être traités de privilégiés.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout, des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions privés ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe.
La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus. Les prix des tableaux de maître ou des lots de grands crus atteignent dans les enchères des niveaux invraisemblables. Et tout cela, au moment même où l'institut de statistique INSEE confirme ce que savent tous ceux qui vivent dans les quartiers populaires : la pauvreté s'accroît parmi les salariés. De plus en plus nombreux sont ceux qui, tout en travaillant, ne peuvent plus payer un loyer et survivent dans des logements de « fortune », des caravanes, et pour qui, même la nourriture quotidienne est un problème.
Le contraste croissant entre le gaspillage de ceux qui vivent dans le luxe et ceux qui crèvent de pauvreté est révoltant. Mais ce n'est même pas ce qui coûte le plus cher à la société.
La part des profits -la plus importante- est utilisée par les entreprises à racheter d'autres entreprises, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est un immense gâchis du point de vue de la société car l'argent dépensé simplement pour qu'une entreprise change de propriétaire n'augmente pas la richesse sociale. Et c'est nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
Et c'est peut-être cela le pire. La concurrence, la spéculation, la course de chaque groupe capitaliste pour réaliser un maximum de profit, se transforment à l'échelle de l'ensemble de la société en une véritable course à l'abyme. C'est une société à irresponsabilité illimitée...
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie, sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs et en quoi cela représente un danger grave pour l'avenir de l'humanité.
C'est pour cela que je présente ma candidature dans le cadre de l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres, pour qu'ils aient le sentiment d'avoir un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
Les hommes politiques de la droite peuvent être d'autant plus ouvertement aux ordres des riches, d'autant plus cyniques et arrogants à l'égard des classes populaires, que cette attitude est bien vue par le gros de leur électorat. L'électorat de droite, dans son immense majorité, est composé de possédants petits et grands ou de celles et ceux qui aspirent à l'être et qui sont d'autant plus méprisants vis-à-vis des classes populaires qu'ils voudraient bien s'élever au-dessus d'eux.
Sarkozy a fait toute sa carrière politique en essayant d'incarner au plus près la mentalité, les préjugés, de cet électorat de droite, dans tout son mépris des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, et de tous les travailleurs.
Il est d'autant plus porté à accentuer d'une manière démagogique tous les traits qui pouvaient plaire à cet électorat qu'il a l'ambition de reconquérir à son profit une partie de l'électorat lepéniste.
L'avenir dira si l'électorat d'extrême droite sera conquis ou pas par ce clone de Le Pen qui a un argument de poids par rapport à lui, celui d'être en situation de devenir président de la République et, par conséquent, d'appliquer la politique que Le Pen, faute d'accéder à la présidence, ne sera jamais en position d'appliquer.
Le projet de loi sur la « prévention de la délinquance » qui est en train de passer à l'Assemblée reflète cette préoccupation. Sarkozy sait que cette nouvelle loi, plus répressive notamment à l'égard des mineurs, ne changera rien à rien, pas même à l'insécurité dans certains quartiers populaires. Mais il s'en moque, ce n'est pas la vie dans ces quartiers qui le préoccupe, mais le nombre de voix qu'il espère de cette démagogie sécuritaire.
Il faut dire cependant que, pour le moment, Sarkozy a plus à craindre ses amis de l'UMP que son concurrent Le Pen ou sa future adversaire Ségolène Royal.
Plus l'élection approche, plus sa position de « candidat naturel » de la droite lui est contestée par Chirac et son clan. Pas un jour ne se passe sans que les médias rapportent la dernière en date des petites phrases assassines ou des petites vacheries entre amis.
Michèle Alliot-Marie a déjà plus ou moins annoncé sa candidature. Villepin, lui, attend en embuscade la faute de Sarkozy qui lui permettrait de se relancer dans la course à l'Élysée. Et, derrière eux, Chirac lui-même qui laisse courir les bruits de son éventuelle candidature... Il ne le fera sans doute pas, mais tout ce qui peut faire douter Sarkozy, le désarçonner, a l'air d'amuser beaucoup le chef de l'État en place.
Face à la tension croissante dans le principal parti de droite, le Parti socialiste, une fois sa candidate désignée, apparaît comme un modèle d'harmonie.
Rien de tel, pour pousser au ralliement, que l'écrasante majorité avec laquelle Ségolène Royal a été désignée par les adhérents. Les notables du Parti socialiste s'alignent les uns après les autres, sans même que Ségolène Royal ait à lancer des offres publiques de ralliement ! Même Jospin, après avoir boudé pendant plusieurs semaines, lui accorde désormais son onction !
Pourquoi ? Mais si Ségolène Royal est élue, il faut être dans ses petits papiers et parmi ses amis.
Dans la peau de la candidate largement élue, Ségolène Royal tient surtout à manifester qu'elle est au-dessus du lot, qu'elle ne veut pas être entravée par le Parti socialiste.
Il n'y a déjà pas grand-chose dans le programme socialiste qui pourrait concerner les classes populaires, mais Ségolène Royal annonce ainsi par avance qu'elle ne se sent pas liée même par ce peu. Son programme ? Eh bien, elle est à l'écoute ! Elle, qui avait proclamé il y a quelque temps qu'elle était partisane d'un « ordre juste », petite phrase qui a déclenché des réactions inquiètes dans le Landerneau socialiste, vient de donner cette précision « aux Français de me dire ce qu'ils entendent par "ordre juste" » !
Que, parmi les Français, il y ait tout à la fois la famille Peugeot, les Bettencourt ou Michelin, aussi bien que leurs ouvriers, et que les uns et les autres n'aient vraiment pas les mêmes choses à exprimer, ne la préoccupe manifestement pas : il faut lui faire confiance pour le choix de ceux des « Français » qu'elle écoutera et, surtout, qu'elle entendra !
L'élection présidentielle est dans cinq mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent, mais elle ne le fera pas. Il faudra en tout cas qu'elle sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles se méfient aussi des bonimenteurs qui ne prennent aucun engagement. Et cela, les classes populaires auraient intérêt à le lui faire entendre. Au mieux, avant même les élections. Mais, au moins, au premier tour des élections.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase.
Mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien exiger de lui.
Le Parti communiste et sa candidate Marie-George Buffet, qui a été investie par l'écrasante majorité des militants de son parti, se présentent comme une sorte d'antidote à ce qu'ils appellent souvent la dérive sociale-libérale du Parti socialiste.
Dans une déclaration faite après l'investiture de Ségolène Royal par le Parti socialiste et approuvée à la quasi-unanimité par le Conseil national du Parti communiste, Marie-George Buffet vient de rendre publique « une adresse aux femmes et aux hommes de gauche ». Elle y affirme son inquiétude et ses préoccupations par rapport aux « propositions de Ségolène Royal » car « une politique de gauche, ce doit être la justice sociale, l'augmentation du Smic, des salaires, des retraites, du pouvoir d'achat, le droit au logement de tous. Ce doit être la lutte contre la précarité, les suppressions d'emplois, les délocalisations (...) Ce doit être l'abrogation des lois Fillon et Douste-Blazy et le développement de la protection sociale (...) ».
Lorsque, en 1997, Jospin a pris dans son gouvernement trois ministres communistes, dont Marie-George Buffet, le Parti communiste avait des revendications concrètes. Que sont-elles devenues pendant les cinq ans du gouvernement Jospin ? On n'a pas entendu Marie-George Buffet les rappeler et, à plus forte raison, exiger que le gouvernement en tienne compte. Non, Marie-George Buffet s'est tue car, comme le disait si bien Chevènement dans le temps, « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Comme l'a dit plus tard Jospin, parlant des ministres du Parti communiste, « c'étaient de bons ministres » -ce qui, dans sa bouche, signifie qu'ils étaient bien obéissants !
Pour la prochaine présidentielle, Marie-George Buffet ambitionne d'être présentée, non pas par le seul Parti communiste, mais par le « rassemblement anti-libéral de gauche », lequel rassemblement ne se prononcera que début décembre. Il n'est pas dit encore que Marie-George Buffet soit investie par « les collectifs anti-libéraux ». Mais cela lui permet de prétendre, dans un tract électoral, que « cette gauche citoyenne, populaire et anti-libérale peut à nouveau bousculer le paysage politique ». Et c'est cette fiction de « dynamique unitaire » qui sert à Marie-George Buffet de prétexte pour affirmer, comme elle vient de le faire dans un entretien publié dans L'Humanité de ce jeudi : « Notre rassemblement doit clairement viser une majorité populaire pour constituer un gouvernement ».
Marie-George Buffet sait parfaitement que, même si elle est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne dépassera pas la candidate du Parti socialiste. Mais le calcul qu'elle affiche dans sa campagne est que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Mais, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste.
Avec des formulations mises au goût du jour, en parlant au nom, non pas du Parti communiste, mais du courant anti-libéral de gauche, Marie-George Buffet recommence la jonglerie politique que le Parti communiste pratique depuis « L'Union de la gauche ».
Mais le résultat a été à chaque fois le même. Une fois à la tête du gouvernement, le Parti socialiste a mené la politique qu'il entendait mener, c'est-à-dire une politique acceptée par le patronat, en ne laissant au Parti communiste que le choix entre s'aligner ou quitter le gouvernement.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a désarmé les travailleurs et les a détournés de la lutte de classe, le seul moyen pourtant pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est avec cette politique qu'il a déçu et démoralisé ses militants et son électorat. Ce n'est pas parce que cette politique est présentée dans un nouvel emballage, signé « anti-libéral de gauche », qu'elle est meilleure !
Plus on s'approche de la date où doit surgir, par consensus paraît-il, le ou la candidate représentant ce courant, plus les tensions s'accroissent au sein de ces collectifs.
C'est dans l'ordre des choses puisque ce courant se veut la continuation du « non de gauche » au référendum sur la Constitution européenne. Autant dire une coalition hétéroclite. Ceux qui venaient du Parti socialiste parmi ces « non de gauche », Fabius en tête, ont depuis longtemps rejoint le bercail socialiste. Seul Mélenchon continue la navette entre les deux.
Nous ne savons pas si le poids des militants du Parti communiste au sein des collectifs anti-libéraux est telle que Marie-George Buffet sera choisie, ou si l'unité de façade entre les différentes composantes éclatera sans qu'elles puissent se mettre d'accord sur un ou une candidate.
Aux dernières nouvelles, José Bové tire sa révérence. Il n'est plus candidat à la candidature pour représenter le courant « anti-libéral ». Il conteste notamment la candidature de Marie-George Buffet. Je relève cependant que ce qu'il reproche à Marie-George Buffet, c'est d'être la porte-parole d'un parti, mais pas du tout d'avoir été ministre dans le gouvernement Jospin. Cela éclaire la différence entre la politique que les collectifs incarnent et celle que j'entends défendre.
Ils prétendent combattre les politiques libérales ; moi, je combats le grand patronat et le capitalisme.
Ils parlent de « politique citoyenne » Mais parmi les citoyens, il y a des exploiteurs et des exploités, des actionnaires et les ouvriers sur le travail de qui ils prélèvent leur prébende, des riches et des pauvres. Eh bien, pour ma part, je ne cherche pas à mélanger des classes sociales aux intérêts opposés, j'affirme que mon camp est celui des travailleurs !
Eux, ils prétendent tirer la gauche réformiste vers la gauche tout en se préparant, pour beaucoup d'entre eux, à la rejoindre ; moi, je dénonce le fait que, lorsque la gauche réformiste est au gouvernement, elle mène la politique exigée par le grand patronat.
Je combats le capitalisme, je combats la mainmise d'une petite minorité de gros possédant sur l'économie, je combats la course au profit, je combats l'exploitation de l'homme par l'homme !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre au grand patronat et à sa dictature sur l'économie et sur la société.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément.
Ne pas s'en prendre à la domination du grand patronat, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, c'est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Il ne s'agit pas de tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs véritables intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs ! Et si j'étais vraiment la porte-parole de tous les travailleurs, je vous jure que les choses changeraient et pour le patronat, et pour les travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de le dire. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Les idées que je défendrai dans cette campagne, nous les défendons tout au long de l'année. Mais nous ne sommes pas présents partout. Et, en temps ordinaire, nous ne pouvons guère compter sur les grands médias.
La campagne pour l'élection présidentielle a ceci de particulier que nous avons un peu plus accès aux grands médias et à la télévision. Mais, même là, bien moins que les vedettes de la politique ou, en tout cas, celles et ceux que les médias présentent comme telles.
Nous comptons surtout sur le dévouement de nos militants mais aussi, bien au-delà, sur tous ceux qui se retrouvent dans les idées et dans les objectifs que je compte défendre dans la campagne électorale.
Alors, aidez-nous pour propager ces idées. Parlez-en dans votre entreprise, à votre famille, à vos voisins, partout.
Il faut que se fasse entendre la voix de ceux qui sont convaincus qu'on ne peut arrêter la dégradation de la condition ouvrière qu'en arrachant au grand patronat le pouvoir absolu qu'il exerce sur la société !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 27 novembre 2006
Choisie par plus de 60 % des adhérents du Parti Socialiste, Ségolène Royale est désormais la candidate officielle de son parti pour l'élection présidentielle de 2007. A en croire les sondages, le Parti socialiste a choisi la candidate qui aurait le plus de chance de l'emporter à cette élection.
Le gouvernement de droite, au pouvoir depuis quatre ans, a tellement accumulé de mesures anti-ouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, il a manifesté si ouvertement son mépris à l'égard du monde du travail, que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser. Et Sarkozy incarne cette droite anti-populaire dans sa variante la plus brutale.
Mais si l'électorat populaire avait des raisons de se réjouir des têtes déconfites des chefs de la droite, le soir des élections, aurait-il d'autres raisons de se réjouir ? Peut-il espérer que Ségolène Royal pourrait mener une politique qui correspondrait à ses besoins ? Est-ce qu'il peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce qu'avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Est-ce que les classes populaires peuvent espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'Etat, il y aura des changements significatifs ? Par exemple assez de crédits pour la construction de logements convenables à la portée d'un salaire ouvrier pour résoudre le problème du logement ? S'attaquerait-elle aux promoteurs immobiliers pour enrayer les hausses des loyers qui sont catastrophiques pour bien des ménages des classes populaires ?
Est-ce qu'on peut espérer que l'Etat donnera à l'Education nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait qu'elle ne fera rien de tout cela.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire.
Mais a-t-on entendu Ségolène Royal, pendant la campagne précédant le vote du Parti socialiste, prendre des engagements à l'égard des classes populaires ?. Oh, elle a tenu quelques propos généraux du genre « revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités ». Mais sans se donner la peine de préciser de combien ?
Elle ne promet même pas d'annuler les mesures les plus anti-ouvrières du gouvernement de droite en place, ce qui serait un minimum. Et surtout elle se garde bien d'annoncer quelque mesure de contrainte que ce soit pour obliger les patrons à utiliser leurs profits en hausse de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois. Comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
Car, dans les problèmes essentiels qui concernent la vie dans le monde du travail, l'insécurité de l'emploi, le chômage, les salaires, les décisions dépendent du grand patronat.
Il y a un mois à peine, c'est le PDG du trust Peugeot-Citroën qui annonçait la suppression de 10 000 emplois. Puis, c'est Airbus qui a fait état de son intention de se débarrasser d'une grande partie de ses sous-traitants, faisant payer aux travailleurs de ces sous-traitants les erreurs de sa propre direction.
Et voilà que cette semaine c'est la direction de Volkswagen qui annonce que, sur les 4 900 salariés de son usine de Bruxelles, en Belgique, elle n'en gardera que 900 ! 4 000 personnes apprennent du jour au lendemain qu'elles vont se retrouver au chômage !
« Une catastrophe nationale », affirme le Premier ministre belge qui, déclaration faite, passe à l'ordre du jour, sans chercher à empêcher cette catastrophe. Tout comme un autre Premier ministre, français et socialiste celui-là, Jospin, avait accepté, sans rien faire contre, la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde, il y a très exactement dix ans. Pourtant, l'État était, à l'époque, encore actionnaire majoritaire de Renault.
Et ces grandes entreprises ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Pour ne parler que de l'automobile, combien de sous-traitants et équipementiers suppriment des emplois ou ferment carrément des usines, de Forecia à Thomé-Génot, en passant par Delphy, TRW ou Vistion? Et combien d'autres entreprises, moyennes ou petites ?
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Je ne préconise ni la charité ni l'invention d'emplois artificiels, mais la création d'emplois utiles, c'est-à-dire correspondant à des besoins réels qui sont mal satisfaits ou pas du tout, pour une partie plus ou moins importante des classes populaires. A commencer par les logements dont l'insuffisance, la mauvaise qualité ou le prix constituent de véritables drames pour des centaines de milliers de familles. Ces besoins sont innombrables.
Mais peu importe ce qui manque à la société pour ceux qui possèdent les entreprises ! Ils ne produisent pas ce qui est utile, voire indispensable. Ils produisent ce qui rapporte du profit !
Le décalage entre les intérêts primordiaux de la société et les intérêts de la minorité qui domine la vie économique est catastrophique pour toute la société.
Et c'est précisément le chômage, dont le patronat est responsable, qui le rend encore plus sûr de lui et impitoyable avec les travailleurs qui l'enrichissent.
Regardez comment, après Bosch et quelques autres, c'est l'entreprise de découpage Bourgeois qui vient de décider de passer des 35 heures hebdomadaires à 38 heures et demie, mais sans augmentation de salaire ! Et le patron se paie même le luxe de prétendre qu'il le fait avec l'accord de ses travailleurs, après une consultation bidon où on sommait les travailleurs de « choisir » entre des licenciements massifs ou travailler plus et être payés moins.
Et, pourtant, un des principaux actionnaires de cette entreprise est le trust de l'acier Arcelor. Quant à la famille Bourgeois, la bien nommée, c'est une des plus riches familles de capitalistes de ce pays, avec des usines en Suisse, au Danemark, et même jusqu'en Chine !
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et du déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ?
Les patrons prétendent que la précarité et la flexibilité sont nécessaires pour les entreprises en raison de la concurrence internationale. Mais pourquoi est-ce les conditions de travail et les salaires des travailleurs qui devraient être flexibles et adaptables aux aléas du marché ? Pourquoi pas les dividendes et les bénéfices ?
Et les pires mesures anti-ouvrières seraient prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE, qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comme ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les dirigeants politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
Dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Voilà la réalité des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Pour pouvoir prendre sur le budget de plus en plus d'argent à consacrer au patronat, on rogne sur tout ce qui concerne les classes populaires, des transports collectifs au service postal, jusques y compris sur la paie ou la retraite des pompiers qui viennent de protester, en manifestant avec détermination face aux CRS, qu'ils n'acceptent pas, en plus, d'être traités de privilégiés.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout, des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions privés ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe.
La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus. Les prix des tableaux de maître ou des lots de grands crus atteignent dans les enchères des niveaux invraisemblables. Et tout cela, au moment même où l'institut de statistique INSEE confirme ce que savent tous ceux qui vivent dans les quartiers populaires : la pauvreté s'accroît parmi les salariés. De plus en plus nombreux sont ceux qui, tout en travaillant, ne peuvent plus payer un loyer et survivent dans des logements de « fortune », des caravanes, et pour qui, même la nourriture quotidienne est un problème.
Le contraste croissant entre le gaspillage de ceux qui vivent dans le luxe et ceux qui crèvent de pauvreté est révoltant. Mais ce n'est même pas ce qui coûte le plus cher à la société.
La part des profits -la plus importante- est utilisée par les entreprises à racheter d'autres entreprises, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est un immense gâchis du point de vue de la société car l'argent dépensé simplement pour qu'une entreprise change de propriétaire n'augmente pas la richesse sociale. Et c'est nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
Et c'est peut-être cela le pire. La concurrence, la spéculation, la course de chaque groupe capitaliste pour réaliser un maximum de profit, se transforment à l'échelle de l'ensemble de la société en une véritable course à l'abyme. C'est une société à irresponsabilité illimitée...
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie, sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs et en quoi cela représente un danger grave pour l'avenir de l'humanité.
C'est pour cela que je présente ma candidature dans le cadre de l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres, pour qu'ils aient le sentiment d'avoir un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
Les hommes politiques de la droite peuvent être d'autant plus ouvertement aux ordres des riches, d'autant plus cyniques et arrogants à l'égard des classes populaires, que cette attitude est bien vue par le gros de leur électorat. L'électorat de droite, dans son immense majorité, est composé de possédants petits et grands ou de celles et ceux qui aspirent à l'être et qui sont d'autant plus méprisants vis-à-vis des classes populaires qu'ils voudraient bien s'élever au-dessus d'eux.
Sarkozy a fait toute sa carrière politique en essayant d'incarner au plus près la mentalité, les préjugés, de cet électorat de droite, dans tout son mépris des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, et de tous les travailleurs.
Il est d'autant plus porté à accentuer d'une manière démagogique tous les traits qui pouvaient plaire à cet électorat qu'il a l'ambition de reconquérir à son profit une partie de l'électorat lepéniste.
L'avenir dira si l'électorat d'extrême droite sera conquis ou pas par ce clone de Le Pen qui a un argument de poids par rapport à lui, celui d'être en situation de devenir président de la République et, par conséquent, d'appliquer la politique que Le Pen, faute d'accéder à la présidence, ne sera jamais en position d'appliquer.
Le projet de loi sur la « prévention de la délinquance » qui est en train de passer à l'Assemblée reflète cette préoccupation. Sarkozy sait que cette nouvelle loi, plus répressive notamment à l'égard des mineurs, ne changera rien à rien, pas même à l'insécurité dans certains quartiers populaires. Mais il s'en moque, ce n'est pas la vie dans ces quartiers qui le préoccupe, mais le nombre de voix qu'il espère de cette démagogie sécuritaire.
Il faut dire cependant que, pour le moment, Sarkozy a plus à craindre ses amis de l'UMP que son concurrent Le Pen ou sa future adversaire Ségolène Royal.
Plus l'élection approche, plus sa position de « candidat naturel » de la droite lui est contestée par Chirac et son clan. Pas un jour ne se passe sans que les médias rapportent la dernière en date des petites phrases assassines ou des petites vacheries entre amis.
Michèle Alliot-Marie a déjà plus ou moins annoncé sa candidature. Villepin, lui, attend en embuscade la faute de Sarkozy qui lui permettrait de se relancer dans la course à l'Élysée. Et, derrière eux, Chirac lui-même qui laisse courir les bruits de son éventuelle candidature... Il ne le fera sans doute pas, mais tout ce qui peut faire douter Sarkozy, le désarçonner, a l'air d'amuser beaucoup le chef de l'État en place.
Face à la tension croissante dans le principal parti de droite, le Parti socialiste, une fois sa candidate désignée, apparaît comme un modèle d'harmonie.
Rien de tel, pour pousser au ralliement, que l'écrasante majorité avec laquelle Ségolène Royal a été désignée par les adhérents. Les notables du Parti socialiste s'alignent les uns après les autres, sans même que Ségolène Royal ait à lancer des offres publiques de ralliement ! Même Jospin, après avoir boudé pendant plusieurs semaines, lui accorde désormais son onction !
Pourquoi ? Mais si Ségolène Royal est élue, il faut être dans ses petits papiers et parmi ses amis.
Dans la peau de la candidate largement élue, Ségolène Royal tient surtout à manifester qu'elle est au-dessus du lot, qu'elle ne veut pas être entravée par le Parti socialiste.
Il n'y a déjà pas grand-chose dans le programme socialiste qui pourrait concerner les classes populaires, mais Ségolène Royal annonce ainsi par avance qu'elle ne se sent pas liée même par ce peu. Son programme ? Eh bien, elle est à l'écoute ! Elle, qui avait proclamé il y a quelque temps qu'elle était partisane d'un « ordre juste », petite phrase qui a déclenché des réactions inquiètes dans le Landerneau socialiste, vient de donner cette précision « aux Français de me dire ce qu'ils entendent par "ordre juste" » !
Que, parmi les Français, il y ait tout à la fois la famille Peugeot, les Bettencourt ou Michelin, aussi bien que leurs ouvriers, et que les uns et les autres n'aient vraiment pas les mêmes choses à exprimer, ne la préoccupe manifestement pas : il faut lui faire confiance pour le choix de ceux des « Français » qu'elle écoutera et, surtout, qu'elle entendra !
L'élection présidentielle est dans cinq mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent, mais elle ne le fera pas. Il faudra en tout cas qu'elle sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles se méfient aussi des bonimenteurs qui ne prennent aucun engagement. Et cela, les classes populaires auraient intérêt à le lui faire entendre. Au mieux, avant même les élections. Mais, au moins, au premier tour des élections.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase.
Mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien exiger de lui.
Le Parti communiste et sa candidate Marie-George Buffet, qui a été investie par l'écrasante majorité des militants de son parti, se présentent comme une sorte d'antidote à ce qu'ils appellent souvent la dérive sociale-libérale du Parti socialiste.
Dans une déclaration faite après l'investiture de Ségolène Royal par le Parti socialiste et approuvée à la quasi-unanimité par le Conseil national du Parti communiste, Marie-George Buffet vient de rendre publique « une adresse aux femmes et aux hommes de gauche ». Elle y affirme son inquiétude et ses préoccupations par rapport aux « propositions de Ségolène Royal » car « une politique de gauche, ce doit être la justice sociale, l'augmentation du Smic, des salaires, des retraites, du pouvoir d'achat, le droit au logement de tous. Ce doit être la lutte contre la précarité, les suppressions d'emplois, les délocalisations (...) Ce doit être l'abrogation des lois Fillon et Douste-Blazy et le développement de la protection sociale (...) ».
Lorsque, en 1997, Jospin a pris dans son gouvernement trois ministres communistes, dont Marie-George Buffet, le Parti communiste avait des revendications concrètes. Que sont-elles devenues pendant les cinq ans du gouvernement Jospin ? On n'a pas entendu Marie-George Buffet les rappeler et, à plus forte raison, exiger que le gouvernement en tienne compte. Non, Marie-George Buffet s'est tue car, comme le disait si bien Chevènement dans le temps, « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Comme l'a dit plus tard Jospin, parlant des ministres du Parti communiste, « c'étaient de bons ministres » -ce qui, dans sa bouche, signifie qu'ils étaient bien obéissants !
Pour la prochaine présidentielle, Marie-George Buffet ambitionne d'être présentée, non pas par le seul Parti communiste, mais par le « rassemblement anti-libéral de gauche », lequel rassemblement ne se prononcera que début décembre. Il n'est pas dit encore que Marie-George Buffet soit investie par « les collectifs anti-libéraux ». Mais cela lui permet de prétendre, dans un tract électoral, que « cette gauche citoyenne, populaire et anti-libérale peut à nouveau bousculer le paysage politique ». Et c'est cette fiction de « dynamique unitaire » qui sert à Marie-George Buffet de prétexte pour affirmer, comme elle vient de le faire dans un entretien publié dans L'Humanité de ce jeudi : « Notre rassemblement doit clairement viser une majorité populaire pour constituer un gouvernement ».
Marie-George Buffet sait parfaitement que, même si elle est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne dépassera pas la candidate du Parti socialiste. Mais le calcul qu'elle affiche dans sa campagne est que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Mais, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste.
Avec des formulations mises au goût du jour, en parlant au nom, non pas du Parti communiste, mais du courant anti-libéral de gauche, Marie-George Buffet recommence la jonglerie politique que le Parti communiste pratique depuis « L'Union de la gauche ».
Mais le résultat a été à chaque fois le même. Une fois à la tête du gouvernement, le Parti socialiste a mené la politique qu'il entendait mener, c'est-à-dire une politique acceptée par le patronat, en ne laissant au Parti communiste que le choix entre s'aligner ou quitter le gouvernement.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a désarmé les travailleurs et les a détournés de la lutte de classe, le seul moyen pourtant pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est avec cette politique qu'il a déçu et démoralisé ses militants et son électorat. Ce n'est pas parce que cette politique est présentée dans un nouvel emballage, signé « anti-libéral de gauche », qu'elle est meilleure !
Plus on s'approche de la date où doit surgir, par consensus paraît-il, le ou la candidate représentant ce courant, plus les tensions s'accroissent au sein de ces collectifs.
C'est dans l'ordre des choses puisque ce courant se veut la continuation du « non de gauche » au référendum sur la Constitution européenne. Autant dire une coalition hétéroclite. Ceux qui venaient du Parti socialiste parmi ces « non de gauche », Fabius en tête, ont depuis longtemps rejoint le bercail socialiste. Seul Mélenchon continue la navette entre les deux.
Nous ne savons pas si le poids des militants du Parti communiste au sein des collectifs anti-libéraux est telle que Marie-George Buffet sera choisie, ou si l'unité de façade entre les différentes composantes éclatera sans qu'elles puissent se mettre d'accord sur un ou une candidate.
Aux dernières nouvelles, José Bové tire sa révérence. Il n'est plus candidat à la candidature pour représenter le courant « anti-libéral ». Il conteste notamment la candidature de Marie-George Buffet. Je relève cependant que ce qu'il reproche à Marie-George Buffet, c'est d'être la porte-parole d'un parti, mais pas du tout d'avoir été ministre dans le gouvernement Jospin. Cela éclaire la différence entre la politique que les collectifs incarnent et celle que j'entends défendre.
Ils prétendent combattre les politiques libérales ; moi, je combats le grand patronat et le capitalisme.
Ils parlent de « politique citoyenne » Mais parmi les citoyens, il y a des exploiteurs et des exploités, des actionnaires et les ouvriers sur le travail de qui ils prélèvent leur prébende, des riches et des pauvres. Eh bien, pour ma part, je ne cherche pas à mélanger des classes sociales aux intérêts opposés, j'affirme que mon camp est celui des travailleurs !
Eux, ils prétendent tirer la gauche réformiste vers la gauche tout en se préparant, pour beaucoup d'entre eux, à la rejoindre ; moi, je dénonce le fait que, lorsque la gauche réformiste est au gouvernement, elle mène la politique exigée par le grand patronat.
Je combats le capitalisme, je combats la mainmise d'une petite minorité de gros possédant sur l'économie, je combats la course au profit, je combats l'exploitation de l'homme par l'homme !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre au grand patronat et à sa dictature sur l'économie et sur la société.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément.
Ne pas s'en prendre à la domination du grand patronat, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, c'est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Il ne s'agit pas de tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs véritables intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs ! Et si j'étais vraiment la porte-parole de tous les travailleurs, je vous jure que les choses changeraient et pour le patronat, et pour les travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de le dire. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Les idées que je défendrai dans cette campagne, nous les défendons tout au long de l'année. Mais nous ne sommes pas présents partout. Et, en temps ordinaire, nous ne pouvons guère compter sur les grands médias.
La campagne pour l'élection présidentielle a ceci de particulier que nous avons un peu plus accès aux grands médias et à la télévision. Mais, même là, bien moins que les vedettes de la politique ou, en tout cas, celles et ceux que les médias présentent comme telles.
Nous comptons surtout sur le dévouement de nos militants mais aussi, bien au-delà, sur tous ceux qui se retrouvent dans les idées et dans les objectifs que je compte défendre dans la campagne électorale.
Alors, aidez-nous pour propager ces idées. Parlez-en dans votre entreprise, à votre famille, à vos voisins, partout.
Il faut que se fasse entendre la voix de ceux qui sont convaincus qu'on ne peut arrêter la dégradation de la condition ouvrière qu'en arrachant au grand patronat le pouvoir absolu qu'il exerce sur la société !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 27 novembre 2006