Déclaration de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, sur le problème des parrainages par les élus pour les candidats à l'élection présidentielle 2007, Paris le 22 novembre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de Presse : Point sur les 500 parrainages d'élus à Paris le 22 novembre 2006

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre participation à cette conférence de presse, qui sera consacrée au problème des parrainages de maires pour les candidats à l'élection présidentielle, car hélas, comme en 2002, le dévoiement de cette institution met gravement en péril la sincérité du scrutin et la libre expression du peuple, c'est-à-dire les fondements de la République Française.
Je rappelle en effet que l'article 3 de notre Constitution dispose que « le suffrage peut être direct ou indirect, mais il est toujours universel, égal et secret ».
Je tiens à rappeler également que selon Alain Peyrefitte, le général De Gaulle, fondateur de la Ve République « répugnait à s'engager dans la voie des signatures, de peur de reconstituer la force des partis. Il aurait au contraire souhaité réduire à zéro le nombre de parrains imposés ».
Aujourd'hui, une véritable conspiration des oligarques lie en effet entre eux les partis installés et les grandes institutions de l'Etat pour empêcher le candidat de l'opposition nationale d'être présent lors de ce scrutin majeur.
Ainsi que vous le savez, les chefs des grands partis de l'établissement, messieurs Sarkozy et Hollande, ont appelé les maires de leurs bords à réserver leur signature au candidat de l'UMP et du PS.
Il s'en est suivi un ballet de déclarations contradictoires sur le problème des signatures de Le Pen.
Monsieur Accoyer, par exemple, Président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale, commençait par dire le 9 novembre dernier, que donner sa signature « c'est une liberté fondamentale de tout élu ». Observant à juste titre que « donner sa signature ne signifie en aucune façon soutenir les idées de tel ou tel candidat », il ajoutait qu'il ne jetterait pas la pierre à un élu UMP qui donnerait sa signature à Le Pen ou Besancenot.
Dès le 10 décembre, probablement après avoir été dûment chapitré par ses supérieurs, monsieur Accoyer revenait sur ses déclarations de la veille, en affirmant qu'il « n'avait jamais envisagé qu'un élu UMP apporte son parrainage à Jean-Marie Le Pen ».
Pourquoi ce revirement ?
Parce que la plupart des grands leaders politiques, paniqués par ma progression dans les intentions de vote, souhaitent officiellement que je n'ai pas mes signatures, au mépris de la démocratie, du pluralisme et de la liberté de choix des Français.
C'est le cas de Chevènement, qui m'a qualifié au passage de « fils bâtard de l'establishment ». Je lui réponds que je suis partisan de la suppression du linceul en milieu parlementaire.
D'autres, comme le Président de l'UDF Bayrou, pensent la même chose mais n'osent pas le dire eux-mêmes, préférant le faire dire par le porte-parole de leur parti, monsieur Sauvadet.
D'autres, tels Devedjian, atteignent des sommets de cynisme en affirmant que « ce qui n'est pas bon pour la démocratie n'est pas nécessairement mauvais pour Sarkozy », manière de dire que Sarkozy devrait être encore plus anti-démocrate qu'il n'est déjà.
Bref, les uns et les autres, craignant le jugement du peuple sur leur action au pouvoir depuis 30 ans, seraient ravis d'y échapper par des manoeuvres secrètes visant à m'empêcher d'être candidat.
Le Conseil Constitutionnel est un des rouages de ce projet.
Il n'a cessé, depuis l'origine, de rendre de plus en plus difficile la quête de signatures.
Contrairement à ce que l'on croit, le Conseil Constitutionnel n'est pas une institution neutre.
C'est une formation politique de neuf personnes, trois étant nommées par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée Nationale et trois par le Président du Sénat.
Fidèle exécutant de la majorité actuelle, le Conseil Constitutionnel propose, pour l'élection de 2007, que le délai de recueil des parrainages soit réduit de 36 à 16 jours. Je rappelle en effet qu'en 2002, les parrainages avaient été envoyés le 21 février pour un dépôt définitif le 4 avril.
On est donc passé de 5 semaines à 2 semaines, délai qui impose une véritable course contre la montre aux petits candidats, c'est-à-dire à ceux qui ne disposent pas des grands réseaux d'élus grâce auxquels le parrainage est une simple formalité.
En effet, selon monsieur CUQ, Ministre des Relations avec le Parlement, cité par le journal Le Monde du 16 novembre : « il suffit d'une nuit pour recueillir les 500 signatures ».
Cela est certainement vrai pour les candidatures de messieurs et mesdames Buffet, Sarkozy, Villepin, Chirac ou Royal, mais sûrement pas pour le candidat de la famille nationale, pourtant arrivé au second tour de l'élection en 2002 !
Je rappelle qu'en 2002, la recherche de mes parrainages a mobilisé l'ensemble des élus et des cadres FN pendant 8 mois, pour un coût exorbitant.
En effet, la publication des parrains des maires par le Conseil Constitutionnel, mesure qui a les apparences de la transparence et de la démocratie, aboutit en fait à des pressions politiques ou physiques qui dissuadent les maires de signer, particulièrement pour Le Pen, candidat diabolisé par l'oligarchie en place.
Dans un sondage IPSOS publié par le Courrier des Maires le 20 novembre dernier, 61% des édiles affirment d'ailleurs ne pas avoir l'intention de parrainer un candidat.
A ceux-là, il convient d'abord de rappeler que le parrainage est plus un devoir qu'une simple faculté.
Mais surtout, il faut comprendre la raison de leur prudence.
A la vérité en effet, ils sont gênés par la publication des parrainages, laquelle contrevient donc gravement aux principes fondateurs de notre ordre politique, qu'il s'agisse de la liberté d'expression des citoyens ou du pluralisme des courants d'opinion.
A quelques exceptions près, que j'ai cité tout à l'heure, l'ensemble de la classe politique en convient.
Selon ce sondage, 42% des maires considèrent que mon absence lors de ce scrutin en raison d'un problème de parrainage ne serait pas une bonne chose.
Le Premier Ministre lui-même a répété il y a peu que tous le monde devait pouvoir s'exprimer et voter pour le candidat de son choix à l'occasion de l'élection présidentielle.
J'ai donc fait appel à lui dans une lettre qui lui a été remise la semaine dernière, afin de lui demander de supprimer la publicité des parrains. Je tiens aujourd'hui à rendre public ce courrier, afin que chacun prenne ses responsabilités.
« Monsieur le Premier Ministre,
« A l'approche de l'élection présidentielle d'avril 2007, je me permets d'attirer à nouveau votre attention sur les graves dérives anti-démocratiques qu'occasionne la publication par le Conseil Constitutionnel du nom des élus qui parrainent les différents candidats.
« Si l'institution du parrainage, mise en oeuvre pour permettre l'expression des candidatures représentatives des grands courants d'opinion et écarter les candidatures « fantaisistes », est bonne, la publication des parrains contrevient en revanche absolument aux objectifs initiaux du législateur.
« Celle-ci entraine en effet des pressions, un véritable chantage politique, voire, parfois, des menaces physiques, sur les petits élus signataires.
« Le Conseil Constitutionnel lui-même a initié certaines manipulations en 1988, en affichant, en toute illégalité, la liste intégrale des parrains de chaque candidat pendant deux jours, sur la façade de son bâtiment.
« Gardien de la constitutionnalité des lois, il vient de décider de revenir à la légalité, en ne publiant, comme la loi le prescrit, que cinq cent parrains tirés au sort par candidat.
« Toutefois, le principe même de la publication des parrains est contraire à la règle fondamentale du secret qui préside à l'organisation des scrutins, telle qu'elle apparait à l'article 3, alinéa 3, de notre Constitution.
« De plus, la publication établit une inégalité anti-républicaine entre grands et petits candidats.
« En effet, les candidats des formations qui, en raison de modes de scrutin arbitraires, ne disposent pas d'élus, doivent se lancer dans une recherche épuisante et coûteuse, tandis que leurs efforts peuvent être réduits à néant par les pressions des grands partis, particulièrement sur les maires, pour les empêcher de parrainer tel ou tel candidat.
« Vous n'êtes pas sans ignorer que ces manoeuvres se multiplient d'une élection à l'autre, dérive que de nombreux ouvrages récents ont parfaitement pointé.
« C'est d'ailleurs parce que les systèmes de parrainages publics donnent naissance à des pressions intolérables que l'UMP, parti du président de la République, parti majoritaire et parti du Premier Ministre, a organisé une présélection de son candidat à la mairie de Paris basée sur la confidentialité.
L'article 8 alinéa 1 et 4 du règlement intérieur applicable pour l'organisation des primaires de l'UMP à Paris dispose en effet que « Chaque candidat doit cumulativement recueillir le parrainage de 10 élus (...) et de 100 militants répartis dans 10 circonscriptions.
« En qualité de dépositaire, le Comité de Contrôle et de Régulation (que l'on peut assimiler au conseil constitutionnel en la matière) est chargé du recueil des candidatures et des parrainages et en assure la confidentialité. Il vérifie leur validité ».
« Parfaitement conscients du dévoiement de l'institution des parrainages, certains parlementaires ont tenté, de longue date, d'abroger la publication des parrains des candidats à l'élection présidentielle.
« Une proposition de loi a été déposée en mai 1995 à l'Assemblée Nationale par 12 députés, dont le parlementaire Jean-Louis MASSON, qui en 2002, a déposé à nouveau une proposition de Loi organique en ce sens, en date du 26 juin 2002. Le 13 novembre dernier, il vous écrivait encore à ce propos.
« Aucun leader politique français n'a d'ailleurs défendu la publication des parrains, et d'après l'enquête réalisée par « Le courrier des maires » de novembre 2001, les maires (des petites communes) refusent majoritairement de donner leur signature à un candidat car, en raison de la publication, ils considèrent ce parrainage comme un engagement politique qui rompt le consensus au sein de leur conseil municipal. Or s'il n'y a plus de parrain, l'institution du parrainage disparaît, et la démocratie se réduit.
« Lors d'un déplacement à Breuches les Luxeuil, le 10 novembre dernier, vous avez-vous-même déclaré : « Je suis attaché à ce que la diversité de l'élection présidentielle soit préservée et que ceux qui sont soutenus par une partie du peuple français puissent trouver les moyens de s'exprimer ».
« Il ne tient qu'à vous de mettre en application ces principes de bon sens, en mettant fin à une dérive contraire tant aux intentions initiales du Général de Gaulle qu'au pluralisme démocratique.
« Le Gouvernement dispose en effet de la maîtrise de l'ordre du jour des Assemblées, et il est tout-à-fait à temps pour modifier la loi, en supprimant la publication et en confiant à un groupe indépendant de hauts magistrats le contrôle de la sincérité des parrainages.
« Comptant sur votre diligence et la fermeté de vos principes démocratiques, je vous prie d'agréer, monsieur le Premier Ministre, l'expression de mes salutations distinguées ».
J'attends, l'opinion attend que tout soit mis en oeuvre pour rétablir le fonctionnement des institutions. Nul ne comprendrait en effet, en France et à l'étranger, que le candidat de l'opposition nationale, présent au deuxième tour en 2002, ne puisse pas se présenter au suffrage des électeurs en 2007 en raison des basses manoeuvres des uns ou des autres.
Ce serait un recul de civilisation, car rien ne différencierait alors la République Française d'une République sud-américaine des années 50.
J'attends, avec confiance, la réponse de Monsieur Villepin, qui peut simplement intervenir sous la forme de l'inscription immédiate d'un projet de loi organique à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale.
Je vous remercie.
Source http://www.frontnational.com, le 23 novembre 2006