Interview de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, dans "Le Monde" du 23 novembre 2006, sur le maintien de sa candidature face à une tentative de rassemblement des partis d'extrême gauche pour une candidature unitaire antilibérale.

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Je ne veux pas servir de caution à une unité de façade
Q - Où en êtes-vous avec vos parrainages ?
R - Selon notre dernier décompte, on en a 300. Je pense que nous parviendrons à avoir le nombre requis. Ce sera compliqué mais jouable.
Q - Le PS a désigné Ségolène Royal comme candidate. Cela change-t-il le paysage pour 2007 ?
R - Cela donne un visage nouveau au PS par rapport à celui des éléphants, mais ce n'est pas un changement politique. Mme Royal défend des idées et un programme fait par et pour ces mêmes éléphants. Même avec sa musique particulière, elle reste dans la continuité de l'orientation socialiste et l'alternance qui dure depuis trente ans. Les militants socialistes risquent de se réveiller avec la gueule de bois.
Q - Le réflexe du vote utile ne va-t-il pas peser sur la campagne ? Comment allez-vous justifier votre candidature ?
R - La rengaine du vote utile sera le seul vrai programme du PS. Il n'aura pas besoin de s'étendre sur ses propositions, il va s'amuser à culpabiliser l'ensemble des électeurs de gauche. Je le dis depuis le début, entre huit ou neuf candidats à gauche, comme en 2002, et un seul, il doit y avoir un juste milieu. Je n'empêche pas la gauche plurielle, qui semble se reconstituer, de présenter une seule candidature si elle en a envie. Mais, moi, je n'étais pas dans la gauche plurielle numéro un (2002), je ne serai pas dans la gauche plurielle numéro deux (2007). Je milite pour rassembler les candidatures, pas à la gauche du PS, mais à la gauche de l'ex-gauche plurielle.
Q - Il y a justement une tentative de rassemblement pour une candidature unitaire. Pourquoi ne voulez-vous pas, avec votre popularité, être le candidat de cette gauche du non ?
R - Personnellement, cela ne me déplairait pas. Mais, étant le porte-parole d'un petit parti politique, je pense que je ne suis pas le mieux placé pour fédérer tout le monde. Je n'ai d'ailleurs jamais postulé. Je ne suis pas le candidat unique de la gauche radicale mais uniquement celui de la LCR. Mais, je ne me sens pas isolé.
Q - Pourquoi la LCR s'est-elle retirée de ce rassemblement ?
R - Les discussions continuent, mais je ne me vois plus participer à des tribunes où on ne tire pas clairement les conséquences de ce que nous avons revendiqué ensemble le 29 mai (2005) : ne pas refaire la gauche plurielle numéro deux ; refuser de participer ou de soutenir un gouvernement socialiste. On connaît le programme du PS et sa candidate. La question est simple : fait-on croire, comme le fait le PCF, qu'on peut convertir Mme Royal à l'antilibéralisme ? Ma réponse est non.
Q - Pour le moment, vous considérez donc que cette candidature unitaire n'offre pas assez de garanties malgré ses proclamations d'indépendance ?
R - Il y a deux lectures différentes de la stratégie de la candidature unitaire. La lecture du PCF n'est pas la même que celle des militants des collectifs. Quand la direction communiste a refusé un accord unitaire, lors de la municipale partielle, à Bordeaux, et s'est présentée, dès le premier tour, avec le PS, ce n'était pas une bavure locale. Elle a répondu à sa manière à nos exigences. De même lorsque Marie-George Buffet dit, lundi, que la candidature unitaire ne sera pas celle de la gauche de la gauche. Je ne veux plus servir de caution à une unité de façade où on fait comme si on était tous d'accord et où on s'engueule dans les coulisses sur le nom de celui ou celle qui pourra incarner la candidature.
Q - Vous ne croyez donc pas aux engagements de Mme Buffet de ne pas rééditer l'expérience de la gauche plurielle ?
R - Je ne fais de procès d'intention à personne. Mais tirons-en alors les conséquences en excluant qu'on puisse convertir le PS à l'antilibéralisme et former avec lui un vaste gouvernement.
Q - Vous pensez appeler à voter Mme Royal au second tour ?
R - Je ne donnerai de consigne de vote qu'après le premier tour. Sachant que la LCR n'a jamais fait la politique du pire et que notre adversaire dans cette campagne c'est la droite. Personnellement, il y a eu des moments où j'ai voté à gauche au second tour ; d'autres fois, je ne l'ai pas fait : cela dépend aussi de ce qui peut être dit lors de la campagne. Vouloir battre Sarkozy, c'est une chose absolument légitime, mais donner un chèque en blanc au PS, c'en est une autre.
Q - N'allez-vous pas pâtir d'une concurrence entre Arlette Laguiller et une possible candidature unique ?
R - L'espoir né pendant la campagne du non au référendum ne doit pas se terminer dans une "concurrence libre et non faussée", où les électeurs auraient le choix entre des bulletins de vote Laguiller, Bové, Buffet, Besancenot, etc. L'unité n'est pas contradictoire avec l'indépendance à l'égard du PS et du pouvoir tel qu'il existe actuellement. On ne me fera pas taire avec une circonscription ou un strapontin ministériel.
Q - Si vous n'avez pas vos signatures, êtes-vous prêt à appeler à voter pour Mme Laguiller ou Mme
R - Buffet ? Je ne l'envisage même pas ! On fera tout pour avoir nos parrainages.
Propos recueillis par Sylvia Zappi
source http://besancenot2007.org, le 27 novembre 2006