Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les priorités du PS pour la politique énergétique notamment la maîtrise de l'énergie, la diversification des sources d'énergie et la transparence, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999.

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Circonstance : Débat sur l'énergie, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999

Texte intégral

INTRODUCTION :
Reconnaissons-le tout net, la politique de l'énergie a longtemps souffert d'un déficit démocratique dans notre pays : rareté des débats, opacité des données, preéminence des experts, goût du secret provoquant lui-même la pire des désinformations. Des progrès récents ont été accomplis, et je m'en félicite. En même temps, il reste beaucoup à faire, tant ceux-ci sont insuffisants
Il est important, décisif même, que le Parlement s'empare d'un sujet éminemment politique, puisque l' énergie concerne l'indépendance nationale, l'état de notre économie, la protection de notre environnement, la vie quotidienne de nos concitoyens, met en oeuvre des sommes considérables, des fonds publics, et implique les générations futures.
Voilà pourquoi le débat d'aujourd'hui fait partie des progrès que l'on peut saluer dans la confrontation démocratique. Il doit en appeler d'autres. Certes, nous aurons l'occasion d'examiner à la mi-février le projet de loi sur le service de l'électricité ainsi que le projet de loi sur la transparence et le contrôle en matière nucléaire. Mais, pour confirmer ce changement de nos méthodes, que nous appelons tous de nos voeux, je souhaite que le Parlement accentue encore son rôle de contrôle et de proposition en matière de politique énergétique.
Qu'attendre de la discussion d'aujourd'hui ? Qu'elle fixe clairement les enjeux et définisse notre politique énergétique pour les années à venir. Permettez-moi, au nom du groupe socialiste, d'exprimer les priorités que nous avons retenues. Elles sont au nombre de trois : Maîtrise. Diversification. Transparence.
1. MAITRISE DE L'ENERGIE
a) L'offre
Le marché de l'énergie n'est pas et ne sera jamais un marché comme les autres. Les décisions énergétiques engagent le moyen terme et le long terme.
A lui seul, le marché est incapable d'intégrer des facteurs aussi importants que :
- les contraintes environnementales,
- la sécurité d'approvisionnement,
- la sûreté des installations
- les choix d'investissements de long terme,
- l'égal accès de tous à l'énergie.
Ce qui revient à dire que la régulation et l'intervention publique sont des nécessités, et que cela passe par le respect d'un certain nombre de principes :
- d'abord, la fixation par la puissance publique des orientations en matière d'offre énergétique,
- deuxièmement, la présence d'opérateurs publics, et en premier lieu d'EDF. Nous rappelons que nous sommes extrêmement attachés à son statut public, au fait qu'elle soit contrôlée à 100% par l'Etat.
- troisièmement, nous sommes aussi conscients qu'il faut une fiscalité écologique capable d'envoyer des signaux en ce qui concerne les énergies qui doivent être encouragées et celles qui doivent être découragées.
- Enfin, il faut maintenir une péréquation tarifaire si l'on veut l'égalité en tous points du territoire.
L'énergie est un domaine où le libéralisme n'a pas sa place.
b) La demande
Mais il faut aussi maîtriser la demande, ce qui suppose d'accorder la priorité aux économies d'énergie pour le chauffage domestique, mais aussi pour le transport en commun. Nous savons bien que les émissions de carbone dans les transports sont en forte progression. Cela suppose de multiplier les engagements financiers pour favoriser le rééquilibrage rail-route et les transports collectifs par rapport aux transports individuels dans les zones urbaines.
Nous devons, là encore, redéployer nos outils budgétaires et je me félicite que, pour le budget 1999, à la différence de ce qui se produisait il y a encore quelques années, 500 MF aient été consacrés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables.
2. DIVERSIFICATION DES SOURCES D'ÉNERGIE
Notre deuxième principe est la diversification des sources d'énergie. La France, depuis le premier choc pétrolier, a été amenée à développer fortement le nucléaire, qui représente aujourd'hui 80% de notre production d'électricité. Ce choix a eu des avantages indéniables et, reconnaissons le, les gouvernements de l'époque ont manifesté un certain courage, car il n'était pas si facile -en 1973/1974- de prendre cette option. Nous devons reconnaître que ce choix a été un facteur d'indépendance énergétique et de diminution de nos coûts; mais nous devons aussi admettre que, aujourd'hui, les conditions du marché ont changé et qu'il faut donc évaluer avec une grande sérénité les options de politique énergétique qui peuvent être retenues.
La conclusion qui se dégage, c'est qu'il faut conserver une grande diversité et laisser toutes les options ouvertes. Evitons, en cette matière comme dans d'autres, l'approche manichéenne qui somme de choisir entre le " tout nucléaire " et le " tout gazier ".
Il faut refuser les idéologies primaires, car elles sont alimentées le plus souvent par des lobbies fortement impliqués dans les choix énergétiques.
Pour nous socialistes, il n'est pas souhaitable de s'en remettre au " tout nucléaire " mais il n'est pas non plus possible de se passer avant longtemps du " tout nucléaire ". C'est pourquoi le maintien de la filière nucléaire doit s'accompagner d'une politique de diversification fondée sur :
- des critères de coût comparé entre les sources d'énergie
- des critères relatifs à l'indépendance nationale
- des critères liés à l'environnement
CHAQUE ENERGIE, EN TROUVANT SON MEILLEUR USAGE, DOIT EGALEMENT TROUVER SON MEILLEUR RENDEMENT.
On connait les avantages du gaz en matière de compétitivité. On en connait aussi les limites en ce qui concerne l'effet de serre et l'on sait qu'il y a un danger quant aux sources d 'approvisionnement; mais il faut donner à cette énergie la place qui doit lui revenir.
Il faut en revanche faire un effort tout particulier en ce qui concerne les énergies renouvelables.
Il faut préparer l'avenir et poursuivre activement les recherches et les politiques volontaristes de développement, en utilisant toutes les occasions.
Si je veux résumer notre politique énergétique concernant la diversification, je dirai oui au maintien de l'option nucléaire, qui restera la source principale, mais pas la source exclusive, de production d'électricité dans les dix ou quinze ans qui viennent.
Ensuite, il faut utiliser, beaucoup mieux qu'on ne le fait actuellement, toutes les sources de la compétitivité énergétique.
Après l'exigence de maîtrise, après le souci de diversification, le troisième principe de notre politique est la transparence.
3. TRANSPARENCE
Cela signifie : vérité quant aux conditions de production, aux déchets, aux coûts comparatifs entre les différentes sources d'énergie. Seuls la transparence, le contrôle et l'expertise pluraliste peuvent fonder des choix véritablement démocratiques. Ce qui suppose de donner à chacun son rôle.
Oui, il faut démocratiser les institutions qui ont partie liée au nucléaire, mais il faut surtout que le Parlement soit confirmé dans sa mission de contrôle et de fixation des orientations énergétiques.
Il faut aussi une autorité indépendante pluraliste, dotée de vrais pouvoirs de décision et de sanction. Puisque les grandes orientations énergétiques relèvent de la décision politique, nous sommes en droit, nous sommes même en devoir, d'exiger des opérateurs un maximum de transparence.
Je dirai un mot sur la question, plusieurs fois débattue, de l'aval du cycle nucléaire, et notamment sur le problème des déchets. Cela relève de notre responsabilité et tout doit être mis en oeuvre pour que les solutions adoptées soient les plus conformes aux principes que nous avons définis. Pour nous, l'application de la loi Bataille reste notre philosophie. Cela suppose le redémarrage de Phénix, la constitution de deux laboratoires de recherche et la volonté de privilégier, ce qui est décisif, la réversibilité avec des moyens de stockage en sub-surface.
La France a, en matière de retraitement, une spécialisation industrielle forte. Elle n'a aucune raison de l'abandonner, sous réserve naturellement des conditions de compétitivité de cette filière sur le plan économique, et bien évidemment de sa sûreté sur le plan de l'environnement.
CONCLUSION
En conclusion, je ferai deux remarques :
Une stratégie européenne coordonnée doit être mise en place, aussi bien en ce qui concerne la fiscalité que la gestion des ressources rares et la lutte contre l'effet de serre. Mais il n'est pas question d'imposer nos choix aux autres, pas plus que les autres ne peuvent nous imposer les leurs.
A cet égard, je respecte profondément le choix souverain opéré par nos amis allemands relatif à l'abandon du retraitement des déchets nucléaires. Ils ont pris ces engagements devant leurs électeurs et les respectent; à eux de trouver la meilleure façon de faire. Mais il faut que les contrats passés soient respectés; c'est un principe de droit international et de droit européen.
Je le répète, la responsabilité de la politique énergétique est une responsabilité fondamentale qui relève, en premier lieu, de la représentation nationale. A elle de s'en persuader, et au Gouvernement de la respecter.
(source http:// www.parti-socialiste.fr, le 9 février 2001)