Texte intégral
Monsieur le Président, (M. Jean-Paul DELORME)
Monsieur le Délégué général, (M. Gabriel PAILLEREAU)
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs des services de santé au travail,
Mesdames et Messieurs les médecins inspecteurs régionaux et médecins du travail,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais à être parmi vous aujourd'hui au moment où la médecine du travail célèbre ses 60 ans et alors que, je le sais, vous vous posez de nombreuses questions sur la nature de votre métier et son évolution.
D'abord, je veux remercier le CISME pour l'organisation de ce congrès et vous dire toute l'importance que j'attache à la médecine du travail qui assume des missions essentielles depuis sa création en 1946.
La loi du 11 octobre 1946 a posé les principes fondamentaux de la médecine du travail, en lui assignant avant tout un rôle préventif et une mission très claire : « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
Mais depuis 1946, cette mission s'est élargie pour répondre à des enjeux nouveaux : effets à long terme des produits chimiques, modification des conditions de travail et émergence de nouveaux risques (troubles musculo-squelettiques, risques psychiques), vieillissement de la population salariée, intégration et maintien des personnes handicapées dans l'emploi, stress au travail et harcèlement moral...
Des adaptations étaient nécessaires pour tenir compte de ces évolutions. C'est pourquoi, l'Etat a initié dès 1998 une réforme profonde dans une large concertation avec l'ensemble des acteurs. Après les étapes importantes que constituent l'accord interprofessionnel de 2000 et la loi de modernisation sociale de janvier 2002, la réforme, qui s'est achevée en 2004, a permis de passer de la « médecine du travail » à la « santé au travail » dans une approche plus globale et pluridisciplinaire de la santé des salariés.
La médecine du travail doit poursuivre sa modernisation (1) ; dans cet objectif, ses moyens ainsi que les outils mis à sa disposition doivent être consolidés (2).
1/ La médecine du travail doit poursuivre sa modernisation
La mise en oeuvre de la réforme de la médecine du travail doit être pleinement opérationnelle. Elle constitue une brique essentielle du Plan Santé au Travail 2005-2009 adopté par le gouvernement en février 2005.
1.1.Premier objectif, l'accent doit être mis sur l'action préventive en milieu de travail
C'est l'élément fondamental de la réforme de la médecine du travail. Il participe pleinement à la priorité 4 du Plan Santé au Travail : diffuser la culture de prévention en entreprise. Ainsi, le tiers-temps que vous consacrez à l'action de prévention en milieu de travail est important. Car au-delà de la visite médicale qui concerne l'état de santé physique et mental du salarié, ce temps passé dans l'entreprise doit permettre au médecin du travail d'avoir une vision d'ensemble de l'état de santé dans l'entreprise pour conseiller le chef d'entreprise, proposer des actions correctives des postes ou de l'organisation du travail ou décider un suivi médical approprié.
J'insiste sur la nécessaire effectivité du tiers-temps : j'ai demandé aux directions régionales du travail d'être vigilantes, notamment lors des renouvellements d'agrément, sur la question de la répartition du temps de travail des médecins et la réalisation effective des 150 demi-journées d'action en milieu de travail.
Je sais qu'il n'est pas toujours facile de dégager ce tiers-temps, soit par manque d'effectifs, soit par insuffisance d'intérêt de certains employeurs. Je rappelle que l'objectif du redéploiement de la périodicité des visites médicales entre visites annuelles et bisannuelles est précisément de dégager du temps utile pour l'action en milieu de travail.
1.2. Deuxième objectif, développer l'approche pluridisciplinaire.
Il s'agit d'associer des compétences médicales, techniques et organisationnelles : ergonomes, toxicologues, psychologues ..., même si le médecin du travail reste la clé de voûte du dispositif, et cela doit être ainsi. Cette approche collective et pluridisciplinaire garantit une prise en compte globale des conditions de travail et permet donc d'améliorer l'évaluation des risques et les mesures de prévention qui en découlent.
Je sais que les services de santé au travail s'organisent pour intégrer de nouvelles compétences et élargir leur offre de service à destination des entreprises. Près de 800 habilitations ont été délivrées et 500 nouveaux emplois ont été créés. Mais il faut encore progresser : les CHSCT et les médecins du travail doivent inciter les chefs d'entreprise à faire intervenir d'autres acteurs dans l'entreprise.
La procédure d'habilitation des IPRP est parfois jugée lourde : j'ai demandé à mes services d'en faire un bilan. Par ailleurs, un premier état d'avancement de la pluridisciplinarité est en cours.
1.3. Troisième objectif, contribuer à une meilleure connaissance des expositions et à la veille épidémiologique
La plupart des médecins du travail participent à des études ou enquêtes nationales et locales, comme l'enquête SUMER, qui nous donne une vision d'ensemble, quasi exhaustive, des expositions professionnelles.
Les médecins du travail doivent aussi contribuer à la veille sanitaire. Trois réseaux pilotes, menés en collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, sont très riches d'enseignements :
- le réseau expérimental de surveillance épidémiologique des troubles musculosquelettiques en Pays de Loire,
- la mise en place d'un réseau de surveillance des maladies à caractère professionnel ("médecins du travail sentinelles") dans plusieurs régions
- et l'observatoire de santé mentale au travail "SAMOTRA-CE" de l'Université de Tours.
Le bilan positif de ces expériences montre que le rôle de veille épidémiologique doit maintenant être élargi.
1.4. Quatrième objectif, la contractualisation avec l'Etat et la modernisation des structures
Le Plan Santé au Travail prévoit une démarche de contractualisation entre les services de santé au travail et l'Etat. L'objectif est d'inscrire l'action de ces services, par des contrats d'objectifs, dans les priorités de la politique nationale de santé au travail.
Suite aux expérimentations menées dans les régions Centre et Pays de Loire, je souhaite que cette contractualisation s'accélère et que les services interentreprises soient tous couverts à terme.
Cette contractualisation doit être l'occasion pour les services de santé au travail de moderniser leurs structures et d'adapter leurs moyens. C'est pourquoi la démarche de progrès promue par le CISME, qui a pris l'attache de la Haute autorité de santé, m'apparaît être une excellente initiative.
Ces différents axes de modernisation vont permettre à la médecine du travail d'inscrire son action dans une logique de santé publique. Mais je sais combien la mise en oeuvre des réformes et des modernisations peut être difficile sur le terrain, c'est pourquoi la priorité est aujourd'hui d'accompagner la médecine du travail dans ses nouvelles missions, en consolidant les outils mis à sa disposition et ses moyens.
2/ La médecine du travail doit être consolidée et accompagnée dans ses nouvelles missions
2.1. Améliorer le dispositif d'aptitude médicale au travail
Un des objectifs du Plan Santé au travail est d'améliorer le dispositif d'aptitude médicale. J'ai donc décidé de lancer une mission d'expertise sur l'aptitude médicale au travail et le maintien dans l'emploi. J'ai confié cette mission au mois de septembre à Monsieur Hervé GOSSELIN, Conseiller à la Chambre sociale de la Cour de Cassation.
Monsieur GOSSELIN prendra l'avis des experts reconnus dans ce domaine et des partenaires sociaux. Il dressera un état des lieux des pratiques actuelles et des difficultés rencontrées. Il me soumettra, d'ici la fin de l'année, des propositions d'évolution, afin :
- d'assurer au mieux la protection de la santé des salariés,
- d'encourager l'accès et le maintien dans l'emploi, en particulier pour les seniors et les personnes handicapées, en donnant la priorité à l'adaptation des postes de travail et au reclassement des salariés,
- d'améliorer la sécurité juridique du dispositif tant pour les entreprises que pour les salariés.
Sur la base de ces propositions, un travail de concertation sera engagé dès le début de l'année dans le cadre du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
2.2. Renforcer les moyens d'enseignement
Pour que les médecins du travail puissent assumer leurs missions, il est nécessaire de renforcer les moyens d'enseignement de la médecine du travail.
La formation de médecine du travail ne repose aujourd'hui que sur 28 professeurs des universités et 26 maîtres de conférences. Or la pyramide des âges des enseignants de cette discipline induit de nombreux départs en retraite dans les années à venir.
Plusieurs situations doivent être résolues en priorité, comme à Paris- Cochin, Grenoble, Strasbourg, Montpellier, Amiens. L'attribution effective des postes demandés par ces CHU est impérative pour assurer la pérennité de l'encadrement hospitalo-universitaire de cette spécialité. J'ai écrit en ce sens il y a quelques jours à mon collègue François Goulard pour attirer son attention sur ce point.
2.3. La modernisation est en marche. Avant de chercher à bouleverser le système, conduisons un premier bilan.
Je tiens à vous répondre sur une question que je sais fondamentale pour vous. J'ai bien compris les préoccupations exprimées par le CISME dans sa résolution d'avril 2006 et par de nombreux services de santé au travail, dont des parlementaires se sont fait l'écho auprès de moi.
La mission d'information de l'Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante, qui a rendu son rapport en février 2006, a proposé un bouleversement de la médecine du travail. La mission préconisait en effet de transformer la médecine du travail en service public, considérant que l'indépendance des médecins du travail ne serait pas suffisamment garantie. Elle proposait parallèlement de transférer les visites médicales des salariés aux médecins généralistes.
Il importe d'examiner ces propositions au regard des apports des récentes réformes de structure de la médecine du travail ainsi que des chantiers engagés dans le cadre du Plan Santé au Travail, comme je viens de le rappeler. Il convient de ne pas enrayer la bonne mise en oeuvre de cette réforme alors que les médecins du travail se l'approprient et que des démarches de modernisation sont en cours.
D'une part, la réforme achevée récemment a permis de renforcer l'indépendance du médecin du travail. D'autre part, son action auprès des salariés, à travers les examens individuels, et son action en milieu de travail, à travers son tiers-temps en entreprise, s'enrichissent l'une l'autre. Le médecin du travail est donc à mon sens le mieux à même de prévenir les risques professionnels. En revanche, les relations entre médecin traitant et médecin du travail doivent certainement être approfondies. La formation des médecins de ville aux pathologies professionnelles doit aussi être renforcée comme nous le prévoyons d'ailleurs dans le Plan Santé au Travail.
Pour ces raisons, un tel bouleversement ne m'apparaît pas souhaitable. Il me semble plus urgent d'accompagner la médecine du travail dans la mise en oeuvre de ses nouvelles missions, en améliorant les outils, tels que l'aptitude médicale, en renforçant les moyens d'enseignement, c'est une urgente priorité, mais aussi en conduisant un bilan avant d'envisager toute autre étape ultérieure.
J'ai donc demandé que soit dressé un premier bilan d'étape de la réforme et que soit menée corrélativement une réflexion prospective et ouverte sur l'évolution des services de santé au travail compte tenu des réalités de la démographie médicale et de l'articulation des différentes missions actuelles et à venir du médecin du travail.
Je vous donne la primeur de l'information : je vais confier cette mission dans quelques jours au Professeur FRIMAT et au Professeur Françoise CONSO que vous connaissez bien.
Il m'apparaissait en effet primordial que ce soit des personnalités qualifiées de la médecine du travail et reconnus qui se penchent sur la discipline. Compte tenu de la transversalité du sujet, j'ai associé à cette démarche François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche et Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. La réflexion portera en effet aussi sur la formation, les moyens d'enseignement et la répartition des missions entre les professionnels de santé.
La mission permettra par exemple d'évaluer les effets des nouvelles règles de fonctionnement et de proposer les aménagements qui seraient nécessaires, de proposer des solutions pour décharger les médecins du travail de certaines tâches et pour renforcer les moyens d'enseignement.
La mission fera bien évidemment appel aux représentants de la profession - je pense bien sûr au CISME -, ainsi qu'aux partenaires sociaux et aux personnalités extérieures concernées.
Le rapport me sera remis pour la fin du premier trimestre 2007.
Conclusion
En conclusion, en cette semaine européenne de la santé et de la sécurité au travail, je crois qu'il est important de rappeler que la santé au travail fait partie des enjeux de l'Europe sociale.
Il est également important de souligner le rôle de la médecine du travail, pivot de la protection de la santé des travailleurs, bien au-delà d'une vision parfois très réductrice d'un médecin qui serait uniquement chargé de réaliser des visites médicales et de délivrer ou non des certificats d'aptitude.
Dans un monde du travail en perpétuel changement, du fait des pressions de la mondialisation sur l'organisation du travail et de la recrudescence de la souffrance au travail, le métier de médecin du travail est plus que jamais un métier d'engagement.
La mobilisation de votre profession, aux côtés de l'inspection du travail et des organismes de prévention tels que les ARACT et les CRAM, sera encore demain indispensable pour que la prévention organisée par le code du travail, le Plan santé au travail et les futurs plans régionaux, soit une réalité dans les entreprises.
Vous avez l'assurance de mon estime pour votre profession et de mon soutien plein et entier.
Je vous remercie.
Source www.cisme.org, le 16 novembre 2006
Monsieur le Délégué général, (M. Gabriel PAILLEREAU)
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs des services de santé au travail,
Mesdames et Messieurs les médecins inspecteurs régionaux et médecins du travail,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais à être parmi vous aujourd'hui au moment où la médecine du travail célèbre ses 60 ans et alors que, je le sais, vous vous posez de nombreuses questions sur la nature de votre métier et son évolution.
D'abord, je veux remercier le CISME pour l'organisation de ce congrès et vous dire toute l'importance que j'attache à la médecine du travail qui assume des missions essentielles depuis sa création en 1946.
La loi du 11 octobre 1946 a posé les principes fondamentaux de la médecine du travail, en lui assignant avant tout un rôle préventif et une mission très claire : « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
Mais depuis 1946, cette mission s'est élargie pour répondre à des enjeux nouveaux : effets à long terme des produits chimiques, modification des conditions de travail et émergence de nouveaux risques (troubles musculo-squelettiques, risques psychiques), vieillissement de la population salariée, intégration et maintien des personnes handicapées dans l'emploi, stress au travail et harcèlement moral...
Des adaptations étaient nécessaires pour tenir compte de ces évolutions. C'est pourquoi, l'Etat a initié dès 1998 une réforme profonde dans une large concertation avec l'ensemble des acteurs. Après les étapes importantes que constituent l'accord interprofessionnel de 2000 et la loi de modernisation sociale de janvier 2002, la réforme, qui s'est achevée en 2004, a permis de passer de la « médecine du travail » à la « santé au travail » dans une approche plus globale et pluridisciplinaire de la santé des salariés.
La médecine du travail doit poursuivre sa modernisation (1) ; dans cet objectif, ses moyens ainsi que les outils mis à sa disposition doivent être consolidés (2).
1/ La médecine du travail doit poursuivre sa modernisation
La mise en oeuvre de la réforme de la médecine du travail doit être pleinement opérationnelle. Elle constitue une brique essentielle du Plan Santé au Travail 2005-2009 adopté par le gouvernement en février 2005.
1.1.Premier objectif, l'accent doit être mis sur l'action préventive en milieu de travail
C'est l'élément fondamental de la réforme de la médecine du travail. Il participe pleinement à la priorité 4 du Plan Santé au Travail : diffuser la culture de prévention en entreprise. Ainsi, le tiers-temps que vous consacrez à l'action de prévention en milieu de travail est important. Car au-delà de la visite médicale qui concerne l'état de santé physique et mental du salarié, ce temps passé dans l'entreprise doit permettre au médecin du travail d'avoir une vision d'ensemble de l'état de santé dans l'entreprise pour conseiller le chef d'entreprise, proposer des actions correctives des postes ou de l'organisation du travail ou décider un suivi médical approprié.
J'insiste sur la nécessaire effectivité du tiers-temps : j'ai demandé aux directions régionales du travail d'être vigilantes, notamment lors des renouvellements d'agrément, sur la question de la répartition du temps de travail des médecins et la réalisation effective des 150 demi-journées d'action en milieu de travail.
Je sais qu'il n'est pas toujours facile de dégager ce tiers-temps, soit par manque d'effectifs, soit par insuffisance d'intérêt de certains employeurs. Je rappelle que l'objectif du redéploiement de la périodicité des visites médicales entre visites annuelles et bisannuelles est précisément de dégager du temps utile pour l'action en milieu de travail.
1.2. Deuxième objectif, développer l'approche pluridisciplinaire.
Il s'agit d'associer des compétences médicales, techniques et organisationnelles : ergonomes, toxicologues, psychologues ..., même si le médecin du travail reste la clé de voûte du dispositif, et cela doit être ainsi. Cette approche collective et pluridisciplinaire garantit une prise en compte globale des conditions de travail et permet donc d'améliorer l'évaluation des risques et les mesures de prévention qui en découlent.
Je sais que les services de santé au travail s'organisent pour intégrer de nouvelles compétences et élargir leur offre de service à destination des entreprises. Près de 800 habilitations ont été délivrées et 500 nouveaux emplois ont été créés. Mais il faut encore progresser : les CHSCT et les médecins du travail doivent inciter les chefs d'entreprise à faire intervenir d'autres acteurs dans l'entreprise.
La procédure d'habilitation des IPRP est parfois jugée lourde : j'ai demandé à mes services d'en faire un bilan. Par ailleurs, un premier état d'avancement de la pluridisciplinarité est en cours.
1.3. Troisième objectif, contribuer à une meilleure connaissance des expositions et à la veille épidémiologique
La plupart des médecins du travail participent à des études ou enquêtes nationales et locales, comme l'enquête SUMER, qui nous donne une vision d'ensemble, quasi exhaustive, des expositions professionnelles.
Les médecins du travail doivent aussi contribuer à la veille sanitaire. Trois réseaux pilotes, menés en collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, sont très riches d'enseignements :
- le réseau expérimental de surveillance épidémiologique des troubles musculosquelettiques en Pays de Loire,
- la mise en place d'un réseau de surveillance des maladies à caractère professionnel ("médecins du travail sentinelles") dans plusieurs régions
- et l'observatoire de santé mentale au travail "SAMOTRA-CE" de l'Université de Tours.
Le bilan positif de ces expériences montre que le rôle de veille épidémiologique doit maintenant être élargi.
1.4. Quatrième objectif, la contractualisation avec l'Etat et la modernisation des structures
Le Plan Santé au Travail prévoit une démarche de contractualisation entre les services de santé au travail et l'Etat. L'objectif est d'inscrire l'action de ces services, par des contrats d'objectifs, dans les priorités de la politique nationale de santé au travail.
Suite aux expérimentations menées dans les régions Centre et Pays de Loire, je souhaite que cette contractualisation s'accélère et que les services interentreprises soient tous couverts à terme.
Cette contractualisation doit être l'occasion pour les services de santé au travail de moderniser leurs structures et d'adapter leurs moyens. C'est pourquoi la démarche de progrès promue par le CISME, qui a pris l'attache de la Haute autorité de santé, m'apparaît être une excellente initiative.
Ces différents axes de modernisation vont permettre à la médecine du travail d'inscrire son action dans une logique de santé publique. Mais je sais combien la mise en oeuvre des réformes et des modernisations peut être difficile sur le terrain, c'est pourquoi la priorité est aujourd'hui d'accompagner la médecine du travail dans ses nouvelles missions, en consolidant les outils mis à sa disposition et ses moyens.
2/ La médecine du travail doit être consolidée et accompagnée dans ses nouvelles missions
2.1. Améliorer le dispositif d'aptitude médicale au travail
Un des objectifs du Plan Santé au travail est d'améliorer le dispositif d'aptitude médicale. J'ai donc décidé de lancer une mission d'expertise sur l'aptitude médicale au travail et le maintien dans l'emploi. J'ai confié cette mission au mois de septembre à Monsieur Hervé GOSSELIN, Conseiller à la Chambre sociale de la Cour de Cassation.
Monsieur GOSSELIN prendra l'avis des experts reconnus dans ce domaine et des partenaires sociaux. Il dressera un état des lieux des pratiques actuelles et des difficultés rencontrées. Il me soumettra, d'ici la fin de l'année, des propositions d'évolution, afin :
- d'assurer au mieux la protection de la santé des salariés,
- d'encourager l'accès et le maintien dans l'emploi, en particulier pour les seniors et les personnes handicapées, en donnant la priorité à l'adaptation des postes de travail et au reclassement des salariés,
- d'améliorer la sécurité juridique du dispositif tant pour les entreprises que pour les salariés.
Sur la base de ces propositions, un travail de concertation sera engagé dès le début de l'année dans le cadre du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
2.2. Renforcer les moyens d'enseignement
Pour que les médecins du travail puissent assumer leurs missions, il est nécessaire de renforcer les moyens d'enseignement de la médecine du travail.
La formation de médecine du travail ne repose aujourd'hui que sur 28 professeurs des universités et 26 maîtres de conférences. Or la pyramide des âges des enseignants de cette discipline induit de nombreux départs en retraite dans les années à venir.
Plusieurs situations doivent être résolues en priorité, comme à Paris- Cochin, Grenoble, Strasbourg, Montpellier, Amiens. L'attribution effective des postes demandés par ces CHU est impérative pour assurer la pérennité de l'encadrement hospitalo-universitaire de cette spécialité. J'ai écrit en ce sens il y a quelques jours à mon collègue François Goulard pour attirer son attention sur ce point.
2.3. La modernisation est en marche. Avant de chercher à bouleverser le système, conduisons un premier bilan.
Je tiens à vous répondre sur une question que je sais fondamentale pour vous. J'ai bien compris les préoccupations exprimées par le CISME dans sa résolution d'avril 2006 et par de nombreux services de santé au travail, dont des parlementaires se sont fait l'écho auprès de moi.
La mission d'information de l'Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante, qui a rendu son rapport en février 2006, a proposé un bouleversement de la médecine du travail. La mission préconisait en effet de transformer la médecine du travail en service public, considérant que l'indépendance des médecins du travail ne serait pas suffisamment garantie. Elle proposait parallèlement de transférer les visites médicales des salariés aux médecins généralistes.
Il importe d'examiner ces propositions au regard des apports des récentes réformes de structure de la médecine du travail ainsi que des chantiers engagés dans le cadre du Plan Santé au Travail, comme je viens de le rappeler. Il convient de ne pas enrayer la bonne mise en oeuvre de cette réforme alors que les médecins du travail se l'approprient et que des démarches de modernisation sont en cours.
D'une part, la réforme achevée récemment a permis de renforcer l'indépendance du médecin du travail. D'autre part, son action auprès des salariés, à travers les examens individuels, et son action en milieu de travail, à travers son tiers-temps en entreprise, s'enrichissent l'une l'autre. Le médecin du travail est donc à mon sens le mieux à même de prévenir les risques professionnels. En revanche, les relations entre médecin traitant et médecin du travail doivent certainement être approfondies. La formation des médecins de ville aux pathologies professionnelles doit aussi être renforcée comme nous le prévoyons d'ailleurs dans le Plan Santé au Travail.
Pour ces raisons, un tel bouleversement ne m'apparaît pas souhaitable. Il me semble plus urgent d'accompagner la médecine du travail dans la mise en oeuvre de ses nouvelles missions, en améliorant les outils, tels que l'aptitude médicale, en renforçant les moyens d'enseignement, c'est une urgente priorité, mais aussi en conduisant un bilan avant d'envisager toute autre étape ultérieure.
J'ai donc demandé que soit dressé un premier bilan d'étape de la réforme et que soit menée corrélativement une réflexion prospective et ouverte sur l'évolution des services de santé au travail compte tenu des réalités de la démographie médicale et de l'articulation des différentes missions actuelles et à venir du médecin du travail.
Je vous donne la primeur de l'information : je vais confier cette mission dans quelques jours au Professeur FRIMAT et au Professeur Françoise CONSO que vous connaissez bien.
Il m'apparaissait en effet primordial que ce soit des personnalités qualifiées de la médecine du travail et reconnus qui se penchent sur la discipline. Compte tenu de la transversalité du sujet, j'ai associé à cette démarche François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche et Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. La réflexion portera en effet aussi sur la formation, les moyens d'enseignement et la répartition des missions entre les professionnels de santé.
La mission permettra par exemple d'évaluer les effets des nouvelles règles de fonctionnement et de proposer les aménagements qui seraient nécessaires, de proposer des solutions pour décharger les médecins du travail de certaines tâches et pour renforcer les moyens d'enseignement.
La mission fera bien évidemment appel aux représentants de la profession - je pense bien sûr au CISME -, ainsi qu'aux partenaires sociaux et aux personnalités extérieures concernées.
Le rapport me sera remis pour la fin du premier trimestre 2007.
Conclusion
En conclusion, en cette semaine européenne de la santé et de la sécurité au travail, je crois qu'il est important de rappeler que la santé au travail fait partie des enjeux de l'Europe sociale.
Il est également important de souligner le rôle de la médecine du travail, pivot de la protection de la santé des travailleurs, bien au-delà d'une vision parfois très réductrice d'un médecin qui serait uniquement chargé de réaliser des visites médicales et de délivrer ou non des certificats d'aptitude.
Dans un monde du travail en perpétuel changement, du fait des pressions de la mondialisation sur l'organisation du travail et de la recrudescence de la souffrance au travail, le métier de médecin du travail est plus que jamais un métier d'engagement.
La mobilisation de votre profession, aux côtés de l'inspection du travail et des organismes de prévention tels que les ARACT et les CRAM, sera encore demain indispensable pour que la prévention organisée par le code du travail, le Plan santé au travail et les futurs plans régionaux, soit une réalité dans les entreprises.
Vous avez l'assurance de mon estime pour votre profession et de mon soutien plein et entier.
Je vous remercie.
Source www.cisme.org, le 16 novembre 2006