Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans "La Provence", du 23 novembre 2006, sur la stratégie de l'UDF pour les élections présidentielles et législatives 2007.

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Question - Quand allez-vous déclarer votre candidature ?
François Bayrou - Dans quelques jours, en tout cas avant le 5 décembre. J'ai refusé de le faire trop tôt car je sais combien une campagne électorale est longue. Maintenant, le temps est venu puisque les Français eux-mêmes entrent en campagne.
Question - Qu'est-ce qui vous distingue véritablement de vos futurs concurrents ?
François Bayrou - Une nouvelle génération politique arrive aux responsabilités. Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, moi-même appartenons à cette génération. Ma différence avec tous deux est claire : Nicolas Sarkozy veut que l'UMP conserve tous les pouvoirs, et derrière le sourire de Ségolène Royal on retrouve le Parti socialiste qui n'a qu'une idée en tête, reconquérir ce pouvoir. Pour ma part, je considère que devant la gravité des problèmes, le combat droite-gauche est largement dépassé. La situation de la France est telle qu'on ne s'en sortira pas avec la seule UMP ou le seul PS ! Cette situation exige que les responsables du pays se réunissent pour sortir le pays du drame où il est aujourd'hui. On enjambe les SDF dans les rues, on a quatre millions de chômeurs, on a une croissance zéro ce trimestre, une dette qui nous écrase... Qu'est-ce que c'est ce pays ?! Le moment est donc venu, pour quelques années au moins, de rassembler les forces vives de la France et que personne ne puisse se défiler en disant que c'est la faute des autres.
Question - Ne craignez-vous pas, après le traumatisme du 21 avril 2002, être victime d'un réflexe de vote "utile" et de la bipolarisation de la vie politique ?
François Bayrou - Mais ce choix que je propose, c'est le vote utile ! Cela fait vingt-cinq ans que ces deux partis, le PS et l'UMP, se partagent le pouvoir : "un coup, c'est toi, un coup, c'est moi" ! Cette alternance est tellement confortable ! Le seul moyen de s'en sortir, c'est d'inviter chacun à prendre ses responsabilités, à droite comme à gauche. Et si on laisse le PS et l'UMP seuls face à face, c'est une voie royale pour Le Pen.
Question - Malgré un score honorable, vous n'êtes arrivé que quatrième à l'élection présidentielle de 2002. Les conditions vous sont-elles plus favorables aujourd'hui ?
François Bayrou - Les choses ont mûri, et moi aussi. Il n'y a pas un Français qui puisse dire que ça va mieux depuis ! Vous connaissez une seule personne affirmant que les choses se sont améliorées en matière de sécurité ? Ou en matière de chômage ? Il y a donc une conscience nouvelle des Français qui haussent les épaules devant le spectacle de cette guerre dérisoire. Voyez la gravité des problèmes de banlieue. Qui peut prétendre qu'on en sortira avec un camp qui s'oppose systématiquement à l'autre, avec ces deux camps qui se renvoient mutuellement la responsabilité des échecs ?
Question - Vous vous dites prêts à gouverner avec des démocrates de tous bords... Vous avez des noms en tête ?
François Bayrou - Je vais donner des noms de la génération précédente ou de gens qui ont répondu à l'invitation de l'UDF. Michel Rocard, Michel Barnier, Nicolas Hulot, voilà trois personnalités de bords différents dont les valeurs sont proches. Qu'est-ce qui me sépare de Jacques Delors ? Rien. De Bernard Kouchner ? Rien. De Dominique Strauss-Kahn ou de François Baroin ? Rien sur le fond. Il y a des républicains à droite et à gauche qui partagent la gravité du diagnostic et le souci de l'avenir. Je veux pouvoir faire travailler ensemble tous ces gens qui partagent des valeurs identiques pour que plus personne ne puisse dire que c'est la faute des autres. Quand les Français vont réaliser qu'un candidat crédible leur propose un autre chemin, ils choisiront ce chemin. C'est la seule voie de salut pour un pays profondément blessé.
Question - Ne craignez-vous pas que l'UMP vous fasse payer très cher votre ténacité aux élections législatives ?
François Bayrou - Aux législatives, les Français choisiront cette voie nouvelle ! Premier acte, un nouveau président. Deuxième acte, formation d'un gouvernement avec de nouveaux visages, ceux des hommes et des femmes qui incarneront ce rassemblement. Troisième acte, les législatives : dans chaque circonscription, les électeurs auront le ou la candidate qui leur permettra de mettre en place cette majorité nouvelle. Et quatrième acte, les élections municipales... En quelques mois, ils auront complètement modifié le paysage politique français.Source http://www.udf.org, le 27 novembre 2006