Texte intégral
Q- F. Rebsamen, codirecteur de campagne, est-il toujours numéro deux du PS ?
R- Oui.
Q- Donc la majorité des quinze du commando de madame Royal appartient à la direction du PS ?
R- Oui, parce que cela répond à ce qu'elle avait pris comme engagement. Vous savez que madame Royal a toujours tenu à ce que la campagne qu'elle va faire, qu'elle va développer, soit aussi la campagne du PS. Il n'y a pas la candidate d'un côté et le parti de l'autre. Il fallait donc trouver les éléments qui permettaient de faire cette synthèse.
Q- Donc politiquement, née et grandie au PS, entourée de PS, comment peut-elle se présenter comme la candidate de l'insoumission ?
R- Elle n'est pas la candidate de l'insoumission, elle est une, d'abord et surtout, une candidate de la rénovation. On voit d'ailleurs dans l'équipe qu'elle a constitué les éléments qui sont à la fois la continuité historique avec des personnalités symboliques, je pense à Y. Roudy, notamment. Mais on voit aussi apparaître des figures nouvelles au travers de A. Filippetti, de O. Karaï, au travers de S. Otokore, c'est-à-dire la possibilité, pour une nouvelle génération de responsables politiques socialistes de s'investir dans cette campagne et l'ouverture aussi à des jeunes qui vont, je crois, pouvoir s'exprimer pleinement dans cette campagne.
Q- Elle a choisi des proches à son image ou à sa dévotion.
R- Je ne crois pas que l'on soit dans la dévotion, l'équipe qui est autour d'elle n'est pas une équipe de dévots.
Q- Mais c'est une prime à la fidélité ou une prime à l'infidélité à F. Hollande ?
R- C'est difficile de séparer F. Hollande de S. Royal. C'est un couple qui fonctionne comme deux responsables politiques, qui suivent leur trajectoire, qui discutent, qui dialoguent. F. Hollande est le premier secrétaire du PS, ceux qui ont travaillé avec lui sont aujourd'hui, et c'est normal, comme l'est le parti : au service de la candidate.
Q- Mais pourquoi tant d'ingratitude à son égard ?
R- Où voyez-vous de l'ingratitude ?
Q- Vous savez.
R- Non.
Q- Il est venu ici l'autre jour, dimanche, il était tout seul. Aucun responsable du PS ne l'a accompagné.
R- N'essayez pas - je vous le dis mais vous pouvez essayer, ce n'est pas grave - de mettre de la distance entre les uns et les autres. Moi, je travaille avec François depuis des années, c'est au-delà du premier secrétaire mon ami, il le restera. Il nous arrive de nous engueuler, comme tous les amis parce qu'on se dit les choses en face mais il sait la fidélité que j'ai à son égard.
Q- Mais pourquoi, vous qui êtes un familier du couple, avez-vous préférez S. Royal, et très tôt ?
R- Parce que je pense qu'à un moment donné, la situation dans laquelle se trouvait F. Hollande n'allait pas lui permettre d'être le candidat au regard de ce qui s'est passé au moment du référendum dans le Parti socialiste et surtout dans le pays, le résultat du référendum. Je crois que ce qui a hypothéqué la candidature de F. Hollande, malheureusement, c'est le résultat du référendum et l'investissement qu'il avait pris, à juste titre d'après moi, pour le oui. Et surtout - et c'est ce qui est important - il y avait une profonde aspiration à la rénovation, à la modernité, à une nouvelle manière de faire de la politique. S. Royal a dit "le monde a changé, la politique doit changer". Et la manière dont elle le fait, c'est-à-dire en essayant non pas de dire qu'elle a des réponses toutes faites mais qu'elle construit ses réponses dans un dialogue avec la société, qu'elle accepte ce dialogue, qu'elle accepte d'ajuster sa politique en fonction de ce dialogue. C'est aussi, d'après moi, la modernité.
Q- Comme dit le journaliste A. Duhamel : "on a l'image, il manque le son". Et c'est vous qui confirmez que l'on va chercher les citoyens pour remplir, compléter, nourrir ce qui peu à peu va devenir le projet ?
R- Pourquoi ? Vous pensez que l'on peut faire de la politique sans les citoyens ? J'ai appartenu à une génération qui a cru au messianisme politique, j'y ai cru aussi. Je pensais que nous étions détenteurs d'une sorte de vérité, que nous allions faire le bonheur des gens à la place des gens. Et donc...
Q- Là, vous changez de messie ?
R- Non, je ne crois pas justement. Quand on voit la manière dont elle a été critiquée, ce n'est pas un messie ça ! La violence que je vois d'un certain nombre de comportements politiques à son égard, c'est tout sauf un messie. Je crois qu'elle essaie d'apporter une bouffée d'air frais dans la vie politique. Et c'est cela que nos concitoyens attendent et surtout,ce qui m'importe, c'est qu'elle a mis au centre de sa démarche politique la volonté de faire revenir à la politique ceux qui ont le plus besoin, ceux que l'on appelle "les catégories populaires", ceux qui n'ont que l'insurrection dans les urnes pour expliquer leur colère, leur malaise, leur souffrance. Et cela, je crois que c'est important. C'est dans ce sens qu'elle a autour d'elle, aujourd'hui, un "pack" très fort de gens qui la soutiennent parce qu'ils ont le sentiment qu'elle est proche d'eux, parce que pour une fois, elle accepte de parler des problèmes quotidiens que vivent nos concitoyens, que ce soit la délinquance, que ce soit les problèmes scolaires, que ce soit les problèmes de la famille aujourd'hui ; ça, c'est la vie quotidienne. Ce n'est pas simplement la grande politique avec ses grandes références. La politique, c'est d'abord la vie quotidienne.
Q- Et ça ce n'est pas de la dévotion ?
R- Vous avez vu de la dévotion là-dedans ?
Q- Non, j'ai entendu.
R- C'est votre jugement, c'est votre droit. A ce moment-là, je suis peut-être devenu dévot...
Q- Il faut vous taquiner parce que vous êtes tellement proche d'elle qu'il faut envoyer de temps en temps quelques piques.
R- Il faut toujours accepter de se remettre en cause. Je vais réexaminer cela mais je n'ai pas le sentiment dans le travail que je fais avec elle depuis déjà plusieurs mois d'avoir un comportement de dévot. C'est moi qui lui ai donné un certain nombre d'informations nécessaires.
Q- Un dévot combattant ?
R- Ce qui est intéressant avec S. Royal dans le travail, c'est qu'elle écoute
et elle sait écouter.
Q- D'autant plus que vous êtes conseiller aussi... Tout à l'heure, N. Charbonnaud disait que vous coordonniez les porte-parole mais que vous êtes conseiller.
R- Oui, parce qu'il s'agit effectivement de travailler en équipe. D'ailleurs, quand elle a constitué l'équipe de campagne, la première chose qu'elle a demandé à tout le monde, c'est "est-ce que vous serez là, au quotidien, sept jour sur sept ?".
Q- Vous coordonnez les porte-parole : il y en aura combien d'autres ?
R- On va examiner la situation dans les heures qui viennent.
Q- Parce qu'il y a déjà des déçus... Qui sera porte-parole autour de vous ?
R- Il y a déjà ceux qui ont fait le travail avec qualité. Je pense notamment à A. Montebourg, à V. Peillon, à monsieur Savary. On va donc pouvoir avoir une équipe qui va s'étoffer un peu, qui va aussi se diversifier, parce que dans une campagne électorale, il faut parler à toute la société, il faut donc partager le travail.
Q- S. Royal ne regarde même plus D. Strauss-Kahn ou L. Fabius ; elle ne les consulte pas apparemment, elle ne leur offre aucun rôle à ses côtés ni à leurs partisans. Qu'est-ce que cela veut dire ?
R- Au contraire, puisqu'elle a estimé qu'il fallait un conseil politique d'orientation de sa campagne, elle a demandé à ce que ce soit le bureau national présidé par F. Hollande. Donc, désormais, le conseil politique de sa campagne, c'est le bureau national dans lequel D. Strauss-Kahn comme L. Fabius siège. Ils pourront chaque semaine participer à l'orientation de la campagne.
Q- S. Royal a l'intention de voyager. D'abord au Proche-Orient, en Israël dès dimanche et
au Liban ; le confirmez-vous ?
R- Oui, elle sera dans les jours qui viennent, au Liban, en Israël, en Palestine.
Q- Pourquoi ces pays, tout de suite ?
R- Parce que l'on est au coeur des problèmes du monde. On sait aujourd'hui que la paix est menacée, qu'elle est fragile et que l'épicentre, malheureusement, de ces dangers, se trouve là, qu'il faut s'y attaquer. L'Amérique s'est désinvestie ces dernières années, l'Europe ne joue pas son rôle. Et elle, elle a décidé justement d'aller prendre les contacts nécessaires préalables, pour pouvoir, si elle est élue présidente, intervenir directement par, justement, ce qu'elle a toujours dit, "la politique par la preuve". La politique par la preuve, c'est la capacité de mettre en mouvement les choses. Et donc, il faut avoir les contacts personnels, il faut connaître les choses. Ce n'est donc pas un voyage de tourisme, c'est un voyage politique, de prise de contacts...
Q- On lui avait reproché de ne pas avoir une stature internationale ; elle comble peu à peu les critiques qui avaient été faites. Elle répond et elle commence par le Proche-Orient, la paix.
R- Elle commence par le plus difficile.
Q- Pas de visite à Damas ?
R- Ce n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui.
Q- Comme J. Chirac et N. Sarkozy, on ne parle pas avec Damas ?
R- Pour l'instant, la question qui est posée, c'est de quelle manière va se comporter la Syrie dans le concert des nations. Elle doit donner un certain nombre de gages qu'elle n'a pas donné dans la recherche de la paix. Et donc, elle va au Liban parce que la famille Gemayel lui avait demandé de venir, elle va au Liban parce qu'on sait aujourd'hui l'instabilité dans laquelle se trouve ce pays. Elle va ensuite en Palestine parce que c'est la volonté de dialoguer avec les Palestiniens, de trouver une solution à la situation actuelle et de dialoguer aussi avec les Israéliens dans une recherche de nouvelles sorties de crise. Je pense qu'il se passe des choses en ce moment, on l'a vu avec la prise de position du Premier ministre israélien. Et donc, ce voyage peut être utile.
Q- Que veut-elle démontrer ?
R- Elle veut démontrer qu'elle s'attaque aux problèmes, qu'elle n'est pas là simplement pour les apparences ou pour les apparats. Et que sa présidence sera une présidence efficace et utile. Utile pour nos concitoyens, utile pour la paix dans le monde.
Q- Vous l'accompagnez ?
R- Je ne sais pas encore, on verra...
Q- Vous aimeriez l'accompagner ?
R- On va voir. Tout est en mouvement, puisque vous voyez bien que nous avons, l'ensemble de ceux qui travaillent avec elle, la volonté de mettre la société en mouvement et de répondre rapidement à un certain nombre de choses qui ne marchent pas dans le pays comme au niveau de la planète.
Q- Est-ce qu'elle va assister mi-décembre au congrès des démocrates américains ? Il parait qu'on l'y a invitée. Elle en profitera sans doute pour rencontrer, si c'est possible, H. Clinton.
R- Depuis qu'elle a été désignée officiellement, je pense qu'on peut dire qu'une secousse tellurique s'est produite. Et donc, arrivent effectivement un certain nombre de choses, de demandes et donc, il va falloir sélectionner parce qu'il y a aussi - c'est ce qui est très important - la mise en route de ce que l'on appelle les forums participatifs, la volonté de lancer tout de suite une campagne de dialogues, de discussions, cette phase où nous allons confronter le projet socialiste à la réalité de la société. Nous allons essayer de l'amender et donc, on va essayer de trouver un équilibre qui est nécessaire parce que la principale préoccupation de notre candidate et des socialistes, c'est d'apporter des solutions concrètes à nos concitoyens.
Q- Vous savez que demain, N. Sarkozy à son tour, va être candidat à la candidature, avec des surprises en plus. Je ne sais pas si vous imaginez lesquelles ?
R- Je ne suis pas dans l'équipe de campagne de N. Sarkozy. En tout cas, sa candidature n'est pas une surprise puisque depuis le 23 novembre 2003 nous savons qu'il est candidat. Le 23 novembre 2003, c'était les "100 minutes de vérité", sur France 2, avec monsieur Mazerolles. Je crois que c'est la sixième fois qu'il nous annonce sa candidature, cela fait beaucoup.
Q- Donc vous confirmez qu'il a eu quatre, cinq ans de primaires ?
R- Oui, il a eu le temps, visiblement, de s'exercer. Mais j'ai le sentiment, en même temps, qu'il a une difficulté aujourd'hui, c'est de comprendre ce qui s'est passé au PS, c'est-à-dire cette procédure de désignation, de débats démocratiques et cette volonté de se confronter au réel. Visiblement, cela sort pour l'instant de ses catégories politiques.
Q- Mais vous savez qu'il y a trois forums régionaux, à Paris, Lille, probablement à Bordeaux qui vont être organisés avec une certaine originalité, dit celui qui les organise, J.-P. Raffarin.
R- Quand il était Premier ministre, il n'a pas été très original. Donc les jeunes changent, il faut leur permettre cela. Pour l'instant, j'ai plutôt l'impression que c'est l'UMP dans son bocal.
Q- Hier soir, N. Sarkozy s'est déclaré - je cite - "tranquille comme il ne l'a jamais été".
R- En général, les gens qui ont besoin de formuler ce genre de situation, c'est qu'ils ne sont pas tranquilles.
Q- Mais ne pensez-vous pas qu'il y a une métamorphose qui a commencé ? Méfiez-vous, Sarkozy mue !
R- Je n'ai jamais pensé que N. Sarkozy était un adversaire facile. D'abord, la manière dont on conçoit une campagne présidentielle, ce n'est pas contre les autres. Ce n'est pas pour éliminer. Et justement, on l'a vu nous, dans la procédure de désignation : il ne faut pas chercher à être obsédé par l'adversaire. La seule obsession que l'on doit avoir, c'est de répondre aux problèmes qui sont posés. Et donc, la campagne que nous allons développer, ce n'est pas une campagne contre N. Sarkozy. Je ne crois pas que l'on gagnera contre un homme, mais c'est une campagne pour permettre à la France de sortir du traumatisme dans lequel elle se trouve aujourd'hui.
Q- La campagne a commencé ?Oui, elle a commencé, il était temps. Elle sera dure ?
R- On nous a, quelque part, privés d'un vrai débat démocratique en 2002, donc il y aura une campagne électorale. Elle ne sera pas dure, elle sera comme toutes les campagnes électorales, en tout cas, je l'espère, une campagne utile pour nos concitoyens qui doivent se faire une opinion et qui devront choisir.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 novembre 2006
R- Oui.
Q- Donc la majorité des quinze du commando de madame Royal appartient à la direction du PS ?
R- Oui, parce que cela répond à ce qu'elle avait pris comme engagement. Vous savez que madame Royal a toujours tenu à ce que la campagne qu'elle va faire, qu'elle va développer, soit aussi la campagne du PS. Il n'y a pas la candidate d'un côté et le parti de l'autre. Il fallait donc trouver les éléments qui permettaient de faire cette synthèse.
Q- Donc politiquement, née et grandie au PS, entourée de PS, comment peut-elle se présenter comme la candidate de l'insoumission ?
R- Elle n'est pas la candidate de l'insoumission, elle est une, d'abord et surtout, une candidate de la rénovation. On voit d'ailleurs dans l'équipe qu'elle a constitué les éléments qui sont à la fois la continuité historique avec des personnalités symboliques, je pense à Y. Roudy, notamment. Mais on voit aussi apparaître des figures nouvelles au travers de A. Filippetti, de O. Karaï, au travers de S. Otokore, c'est-à-dire la possibilité, pour une nouvelle génération de responsables politiques socialistes de s'investir dans cette campagne et l'ouverture aussi à des jeunes qui vont, je crois, pouvoir s'exprimer pleinement dans cette campagne.
Q- Elle a choisi des proches à son image ou à sa dévotion.
R- Je ne crois pas que l'on soit dans la dévotion, l'équipe qui est autour d'elle n'est pas une équipe de dévots.
Q- Mais c'est une prime à la fidélité ou une prime à l'infidélité à F. Hollande ?
R- C'est difficile de séparer F. Hollande de S. Royal. C'est un couple qui fonctionne comme deux responsables politiques, qui suivent leur trajectoire, qui discutent, qui dialoguent. F. Hollande est le premier secrétaire du PS, ceux qui ont travaillé avec lui sont aujourd'hui, et c'est normal, comme l'est le parti : au service de la candidate.
Q- Mais pourquoi tant d'ingratitude à son égard ?
R- Où voyez-vous de l'ingratitude ?
Q- Vous savez.
R- Non.
Q- Il est venu ici l'autre jour, dimanche, il était tout seul. Aucun responsable du PS ne l'a accompagné.
R- N'essayez pas - je vous le dis mais vous pouvez essayer, ce n'est pas grave - de mettre de la distance entre les uns et les autres. Moi, je travaille avec François depuis des années, c'est au-delà du premier secrétaire mon ami, il le restera. Il nous arrive de nous engueuler, comme tous les amis parce qu'on se dit les choses en face mais il sait la fidélité que j'ai à son égard.
Q- Mais pourquoi, vous qui êtes un familier du couple, avez-vous préférez S. Royal, et très tôt ?
R- Parce que je pense qu'à un moment donné, la situation dans laquelle se trouvait F. Hollande n'allait pas lui permettre d'être le candidat au regard de ce qui s'est passé au moment du référendum dans le Parti socialiste et surtout dans le pays, le résultat du référendum. Je crois que ce qui a hypothéqué la candidature de F. Hollande, malheureusement, c'est le résultat du référendum et l'investissement qu'il avait pris, à juste titre d'après moi, pour le oui. Et surtout - et c'est ce qui est important - il y avait une profonde aspiration à la rénovation, à la modernité, à une nouvelle manière de faire de la politique. S. Royal a dit "le monde a changé, la politique doit changer". Et la manière dont elle le fait, c'est-à-dire en essayant non pas de dire qu'elle a des réponses toutes faites mais qu'elle construit ses réponses dans un dialogue avec la société, qu'elle accepte ce dialogue, qu'elle accepte d'ajuster sa politique en fonction de ce dialogue. C'est aussi, d'après moi, la modernité.
Q- Comme dit le journaliste A. Duhamel : "on a l'image, il manque le son". Et c'est vous qui confirmez que l'on va chercher les citoyens pour remplir, compléter, nourrir ce qui peu à peu va devenir le projet ?
R- Pourquoi ? Vous pensez que l'on peut faire de la politique sans les citoyens ? J'ai appartenu à une génération qui a cru au messianisme politique, j'y ai cru aussi. Je pensais que nous étions détenteurs d'une sorte de vérité, que nous allions faire le bonheur des gens à la place des gens. Et donc...
Q- Là, vous changez de messie ?
R- Non, je ne crois pas justement. Quand on voit la manière dont elle a été critiquée, ce n'est pas un messie ça ! La violence que je vois d'un certain nombre de comportements politiques à son égard, c'est tout sauf un messie. Je crois qu'elle essaie d'apporter une bouffée d'air frais dans la vie politique. Et c'est cela que nos concitoyens attendent et surtout,ce qui m'importe, c'est qu'elle a mis au centre de sa démarche politique la volonté de faire revenir à la politique ceux qui ont le plus besoin, ceux que l'on appelle "les catégories populaires", ceux qui n'ont que l'insurrection dans les urnes pour expliquer leur colère, leur malaise, leur souffrance. Et cela, je crois que c'est important. C'est dans ce sens qu'elle a autour d'elle, aujourd'hui, un "pack" très fort de gens qui la soutiennent parce qu'ils ont le sentiment qu'elle est proche d'eux, parce que pour une fois, elle accepte de parler des problèmes quotidiens que vivent nos concitoyens, que ce soit la délinquance, que ce soit les problèmes scolaires, que ce soit les problèmes de la famille aujourd'hui ; ça, c'est la vie quotidienne. Ce n'est pas simplement la grande politique avec ses grandes références. La politique, c'est d'abord la vie quotidienne.
Q- Et ça ce n'est pas de la dévotion ?
R- Vous avez vu de la dévotion là-dedans ?
Q- Non, j'ai entendu.
R- C'est votre jugement, c'est votre droit. A ce moment-là, je suis peut-être devenu dévot...
Q- Il faut vous taquiner parce que vous êtes tellement proche d'elle qu'il faut envoyer de temps en temps quelques piques.
R- Il faut toujours accepter de se remettre en cause. Je vais réexaminer cela mais je n'ai pas le sentiment dans le travail que je fais avec elle depuis déjà plusieurs mois d'avoir un comportement de dévot. C'est moi qui lui ai donné un certain nombre d'informations nécessaires.
Q- Un dévot combattant ?
R- Ce qui est intéressant avec S. Royal dans le travail, c'est qu'elle écoute
et elle sait écouter.
Q- D'autant plus que vous êtes conseiller aussi... Tout à l'heure, N. Charbonnaud disait que vous coordonniez les porte-parole mais que vous êtes conseiller.
R- Oui, parce qu'il s'agit effectivement de travailler en équipe. D'ailleurs, quand elle a constitué l'équipe de campagne, la première chose qu'elle a demandé à tout le monde, c'est "est-ce que vous serez là, au quotidien, sept jour sur sept ?".
Q- Vous coordonnez les porte-parole : il y en aura combien d'autres ?
R- On va examiner la situation dans les heures qui viennent.
Q- Parce qu'il y a déjà des déçus... Qui sera porte-parole autour de vous ?
R- Il y a déjà ceux qui ont fait le travail avec qualité. Je pense notamment à A. Montebourg, à V. Peillon, à monsieur Savary. On va donc pouvoir avoir une équipe qui va s'étoffer un peu, qui va aussi se diversifier, parce que dans une campagne électorale, il faut parler à toute la société, il faut donc partager le travail.
Q- S. Royal ne regarde même plus D. Strauss-Kahn ou L. Fabius ; elle ne les consulte pas apparemment, elle ne leur offre aucun rôle à ses côtés ni à leurs partisans. Qu'est-ce que cela veut dire ?
R- Au contraire, puisqu'elle a estimé qu'il fallait un conseil politique d'orientation de sa campagne, elle a demandé à ce que ce soit le bureau national présidé par F. Hollande. Donc, désormais, le conseil politique de sa campagne, c'est le bureau national dans lequel D. Strauss-Kahn comme L. Fabius siège. Ils pourront chaque semaine participer à l'orientation de la campagne.
Q- S. Royal a l'intention de voyager. D'abord au Proche-Orient, en Israël dès dimanche et
au Liban ; le confirmez-vous ?
R- Oui, elle sera dans les jours qui viennent, au Liban, en Israël, en Palestine.
Q- Pourquoi ces pays, tout de suite ?
R- Parce que l'on est au coeur des problèmes du monde. On sait aujourd'hui que la paix est menacée, qu'elle est fragile et que l'épicentre, malheureusement, de ces dangers, se trouve là, qu'il faut s'y attaquer. L'Amérique s'est désinvestie ces dernières années, l'Europe ne joue pas son rôle. Et elle, elle a décidé justement d'aller prendre les contacts nécessaires préalables, pour pouvoir, si elle est élue présidente, intervenir directement par, justement, ce qu'elle a toujours dit, "la politique par la preuve". La politique par la preuve, c'est la capacité de mettre en mouvement les choses. Et donc, il faut avoir les contacts personnels, il faut connaître les choses. Ce n'est donc pas un voyage de tourisme, c'est un voyage politique, de prise de contacts...
Q- On lui avait reproché de ne pas avoir une stature internationale ; elle comble peu à peu les critiques qui avaient été faites. Elle répond et elle commence par le Proche-Orient, la paix.
R- Elle commence par le plus difficile.
Q- Pas de visite à Damas ?
R- Ce n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui.
Q- Comme J. Chirac et N. Sarkozy, on ne parle pas avec Damas ?
R- Pour l'instant, la question qui est posée, c'est de quelle manière va se comporter la Syrie dans le concert des nations. Elle doit donner un certain nombre de gages qu'elle n'a pas donné dans la recherche de la paix. Et donc, elle va au Liban parce que la famille Gemayel lui avait demandé de venir, elle va au Liban parce qu'on sait aujourd'hui l'instabilité dans laquelle se trouve ce pays. Elle va ensuite en Palestine parce que c'est la volonté de dialoguer avec les Palestiniens, de trouver une solution à la situation actuelle et de dialoguer aussi avec les Israéliens dans une recherche de nouvelles sorties de crise. Je pense qu'il se passe des choses en ce moment, on l'a vu avec la prise de position du Premier ministre israélien. Et donc, ce voyage peut être utile.
Q- Que veut-elle démontrer ?
R- Elle veut démontrer qu'elle s'attaque aux problèmes, qu'elle n'est pas là simplement pour les apparences ou pour les apparats. Et que sa présidence sera une présidence efficace et utile. Utile pour nos concitoyens, utile pour la paix dans le monde.
Q- Vous l'accompagnez ?
R- Je ne sais pas encore, on verra...
Q- Vous aimeriez l'accompagner ?
R- On va voir. Tout est en mouvement, puisque vous voyez bien que nous avons, l'ensemble de ceux qui travaillent avec elle, la volonté de mettre la société en mouvement et de répondre rapidement à un certain nombre de choses qui ne marchent pas dans le pays comme au niveau de la planète.
Q- Est-ce qu'elle va assister mi-décembre au congrès des démocrates américains ? Il parait qu'on l'y a invitée. Elle en profitera sans doute pour rencontrer, si c'est possible, H. Clinton.
R- Depuis qu'elle a été désignée officiellement, je pense qu'on peut dire qu'une secousse tellurique s'est produite. Et donc, arrivent effectivement un certain nombre de choses, de demandes et donc, il va falloir sélectionner parce qu'il y a aussi - c'est ce qui est très important - la mise en route de ce que l'on appelle les forums participatifs, la volonté de lancer tout de suite une campagne de dialogues, de discussions, cette phase où nous allons confronter le projet socialiste à la réalité de la société. Nous allons essayer de l'amender et donc, on va essayer de trouver un équilibre qui est nécessaire parce que la principale préoccupation de notre candidate et des socialistes, c'est d'apporter des solutions concrètes à nos concitoyens.
Q- Vous savez que demain, N. Sarkozy à son tour, va être candidat à la candidature, avec des surprises en plus. Je ne sais pas si vous imaginez lesquelles ?
R- Je ne suis pas dans l'équipe de campagne de N. Sarkozy. En tout cas, sa candidature n'est pas une surprise puisque depuis le 23 novembre 2003 nous savons qu'il est candidat. Le 23 novembre 2003, c'était les "100 minutes de vérité", sur France 2, avec monsieur Mazerolles. Je crois que c'est la sixième fois qu'il nous annonce sa candidature, cela fait beaucoup.
Q- Donc vous confirmez qu'il a eu quatre, cinq ans de primaires ?
R- Oui, il a eu le temps, visiblement, de s'exercer. Mais j'ai le sentiment, en même temps, qu'il a une difficulté aujourd'hui, c'est de comprendre ce qui s'est passé au PS, c'est-à-dire cette procédure de désignation, de débats démocratiques et cette volonté de se confronter au réel. Visiblement, cela sort pour l'instant de ses catégories politiques.
Q- Mais vous savez qu'il y a trois forums régionaux, à Paris, Lille, probablement à Bordeaux qui vont être organisés avec une certaine originalité, dit celui qui les organise, J.-P. Raffarin.
R- Quand il était Premier ministre, il n'a pas été très original. Donc les jeunes changent, il faut leur permettre cela. Pour l'instant, j'ai plutôt l'impression que c'est l'UMP dans son bocal.
Q- Hier soir, N. Sarkozy s'est déclaré - je cite - "tranquille comme il ne l'a jamais été".
R- En général, les gens qui ont besoin de formuler ce genre de situation, c'est qu'ils ne sont pas tranquilles.
Q- Mais ne pensez-vous pas qu'il y a une métamorphose qui a commencé ? Méfiez-vous, Sarkozy mue !
R- Je n'ai jamais pensé que N. Sarkozy était un adversaire facile. D'abord, la manière dont on conçoit une campagne présidentielle, ce n'est pas contre les autres. Ce n'est pas pour éliminer. Et justement, on l'a vu nous, dans la procédure de désignation : il ne faut pas chercher à être obsédé par l'adversaire. La seule obsession que l'on doit avoir, c'est de répondre aux problèmes qui sont posés. Et donc, la campagne que nous allons développer, ce n'est pas une campagne contre N. Sarkozy. Je ne crois pas que l'on gagnera contre un homme, mais c'est une campagne pour permettre à la France de sortir du traumatisme dans lequel elle se trouve aujourd'hui.
Q- La campagne a commencé ?Oui, elle a commencé, il était temps. Elle sera dure ?
R- On nous a, quelque part, privés d'un vrai débat démocratique en 2002, donc il y aura une campagne électorale. Elle ne sera pas dure, elle sera comme toutes les campagnes électorales, en tout cas, je l'espère, une campagne utile pour nos concitoyens qui doivent se faire une opinion et qui devront choisir.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 novembre 2006