Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, à Bucarest le 30 novembre 2006.

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Circonstance : Déplacement en Roumanie-conférence organisée par la Fondation Ithaka en coopération avec le ministère roumain de l'intégration européenne, à Bucarest le 30 novembre 2006

Texte intégral


Madame la Ministre,
Madame la Présidente de la Fondation Ithaka,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire la joie que j'éprouve à me trouver parmi vous, à Bucarest, un mois jour pour jour avant l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne.
Le 1er janvier prochain, la Roumanie retrouvera sa famille, l'Europe, dont elle avait été éloignée si longtemps par les déchirures de l'Histoire et la division en deux du continent.
C'est dans 31 jours. Mais je sais que vous ne comptez pas les jours mais les heures...
En adhérant à l'Union européenne, la Roumanie renouera avec son identité profonde, celle que célébrait le poète Eminescu, le ministre des Affaires étrangères Titulescu, le sculpteur Brancusi ou l'écrivain Panaït Istrati.
Pour sa part, en accueillant la Roumanie et la Bulgarie, l'Union européenne ne procédera pas à un nouvel élargissement mais achèvera la 5ème vague d'élargissement, décidée en 1993 à Copenhague. L'Union a, en effet, décidé dès 1997 qu'il s'agissait bien là d'une vague unique d'adhésions, qui ne s'achèverait que lorsque Bucarest et Sofia auraient pris leur place parmi les capitales de l'Europe unifiée, aux côtés de leurs soeurs d'Europe centrale.
Nous y voilà.
La France a oeuvré sans relâche pour que l'Europe soit unie dans la paix, la démocratie et la solidarité. C'est une année historique.
Et si la Roumanie, aujourd'hui, rejoint l'Union européenne, c'est aussi grâce au soutien constant de notre pays depuis 10 ans au moins, à chaque étape : octroi du statut de candidat en décembre 1997, ouverture des négociations d'adhésion en décembre 1999, clôture de ces négociations en décembre 2004, et jusqu'à la ratification du Traité d'adhésion à l'unanimité des deux chambres du Parlement français et je tiens à remercier devant vous Mme la Députée Colot, présidente du groupe d'amitié France-Roumanie, de ce succès. Ce soutien de la France à sa soeur latine s'est aussi concrétisé à travers la participation active de ses administrations aux jumelages institutionnels du programme PHARE, et une coopération technique franco-roumaine dynamique.
Mais je veux surtout souligner aujourd'hui que ce succès est avant tout et d'abord le fruit des nombreux efforts entrepris par la Roumanie elle-même pour se réformer et répondre aux critères d'adhésion politiques, économiques et institutionnels définis en juin 1993 par le Conseil européen de Copenhague. Ces efforts ont été couronnés de succès avec la décision prise par les états membres de l'Union européenne de confirmer la date du 1er janvier 2007 pour l'adhésion.
Toutefois il ne faudra pas les relâcher. Après le 1er janvier, il y a le 2 janvier et tous les jours suivants. Le dernier rapport de la Commission européenne ne cache pas que vos efforts devront être poursuivis longtemps après l'adhésion, notamment en matière de droits de l'homme, de protection de l'enfance, de droits sociaux, de pouvoir d'achat, de santé publique, d'hygiène et sécurité au travail, ou encore de protection des consommateurs. Rien là que de très naturel, étant donné la distance qui nous séparait depuis 50 ans. Les autorités françaises sont heureuses de continuer à offrir leur expertise tout au long de ce processus.
Car la Roumanie pourra continuer de compter sur l'aide et le soutien de la France dans sa démarche d'intégration européenne, qui est naturellement une oeuvre de longue haleine et la suite logique de l'adhésion. La France a ainsi décidé d'ouvrir son marché du travail aux travailleurs roumains au 1er janvier 2007, en commençant par une liste de 62 métiers. Un autre choix était possible, vous le savez, celui de laisser passer 2 ans avant d'engager la libéralisation du marché français comme nous l'avions fait pour les pays adhérant au 1er mai 2004. Mais la France, fidèle à sa vision d'une Roumanie faisant partie du 5ème élargissement, a décidé de la faire bénéficier dès le premier jour de son adhésion des avantages accordés, après deux ans d'attente, aux autres pays d'Europe centrale. C'est un choix, c'est un geste politique de confiance en faveur de votre pays.
Comme vous le savez aussi, l'Union européenne contribuera, pour des montants très significatifs, au développement de la Roumanie, avec près de 30 milliards d'euros pour les 7 années de la période budgétaire 2007-2013. La France apportera une part non négligeable de cet effort de solidarité - près de 5 milliards d'euros.
Cette aide financière contribuera à réussir la modernisation de votre pays. Elle l'aidera à se doter des infrastructures de transport indispensables à la poursuite de sa croissance économique, ainsi que des infrastructures de protection de l'environnement pour favoriser un développement durable. Elle accompagnera la restructuration nécessaire de l'agriculture roumaine, et sa rationalisation par la mise en place d'exploitations compétitives. Elle facilitera la diffusion des technologies, le développement de la recherche, la formation ou la reconversion des travailleurs. Elle sera un outil puissant pour aider la Roumanie à assurer un avenir meilleur, européen, à ses enfants.
Mais l'Union européenne ne se limite pas à une contribution matérielle, loin de là. Elle apporte aux Roumains avant tout l'opportunité de se réapproprier plus profondément leur identité naturellement européenne. Elle leur garantit aussi l'enracinement de l'Etat de droit, à partir du socle des valeurs communes à notre Union, qui ont guidé les réformes menées en Roumanie depuis 1990.
De son côté, la Roumanie apportera aussi beaucoup à l'Union européenne. Son marché intérieur, d'abord celui du 7ème plus grand Etat membre et qui connaît, de surcroît, une forte croissance économique. Elle lui apportera aussi une main d'oeuvre, nombreuse et bien formée. D'ores et déjà, les entreprises françaises ont compris l'importance de ces atouts roumains, c'est pourquoi leurs investissements cumulés approchent les 4 milliards d'euros plaçant notre pays au 4ème rang des investisseurs étrangers en Roumanie. Et ce n'est qu'un début, car les perspectives de développement de votre pays sont prometteuses.
La Roumanie contribuera aussi sous d'autres formes à l'Union des Vingt-sept. Ainsi, dans le domaine de la Politique étrangère et de sécurité commune, le point de vue roumain sera utile à notre réflexion européenne sur les questions géopolitiques d'intérêt commun, par exemple sur les questions d'environnement régional de l'Union européenne, dans les Balkans occidentaux, mais aussi en Mer Noire, nouvelle dimension de la politique de voisinage européenne. Dans le domaine de la PESD, des soldats roumains participent déjà, aux côtés de leurs camarades d'armes européens, à l'opération ALTHEA en Bosnie-Herzégovine. La Roumanie a annoncé son intention de contribuer à deux Groupements tactiques européens, respectivement en 2007 et 2010. Son passage récent à une armée de métier lui permet d'ailleurs de se doter d'un instrument militaire moderne, adapté au renforcement de sa participation aux futures opérations extérieures européennes.
Enfin, je ne doute pas que la Roumanie, qui vient d'accueillir le 11ème Sommet mondial de la Francophonie et qui a ratifié la Convention de l'UNESCO d'octobre 2005, fait partie des Etats membres qui, comme la France, agissent concrètement pour que l'Union européenne prenne sa part au combat en faveur de la diversité culturelle et linguistique, et d'une mondialisation humanisée.
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs,
La conférence à laquelle nous prenons part ce matin a pour thème "Communiquer l'Europe".
Dès lors, je voudrais simplement souligner que, à mes yeux, "Communiquer l'Europe", cela veut dire, d'abord, communiquer notre désir et notre fierté de faire l'Europe ensemble, pour assurer l'avenir, et cela veut dire aussi montrer à nos peuples l'apport unique de l'Europe concrète, de "l'Europe des projets" d'infrastructures et des projets de formation, des aides aux agriculteurs et des projets industriels communs, comme les fusées d'Arianespace ou les avions Airbus. Cela signifie enfin rappeler à nos peuples, toujours, que l'Union européenne est une responsabilité collective, fondée sur une vision de paix et de prospérité, sur des valeurs universelles, sur la richesse de notre diversité culturelle, sur la solidarité entre les Etats membres, et enfin, évidemment, sur le respect du droit et de la démocratie.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2006