Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée natinale, à Europe 1, sur l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de 2007 et l'organisation de débats internes à l'UMP.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Un semaine s'achève mais quelle semaine ! A l'UMP vous avez joué le rôle difficile d'un général de Casques bleus et apparemment vous avez eu du mal avec les belligérants.
R- Il y a eu des débats, ils sont animés, c'est la vie politique, surtout quand on approche des grandes échéances.
Q- Oui, chez vous, derrière les mots et les sourires - remarquez, pas seulement chez vous - derrière les mots et les sourires, apparaît le masque de l'antipathie et de la discorde entre vous.
R- En politique, il ne faut pas que ce qui doit être le débat, l'enrichissement par les échanges d'idées glisse vers les affrontements. Vous avez parfaitement raison et je suis très attaché à cette mission.
Q- Oui mais ça s'est produit.
R- Cela peut se produire et je veille à ce que cela n'ait pas de conséquence et s'atténue rapidement.
Q- Et vous avez des difficultés à le faire ?
R- Pas particulièrement, c'est une mission que j'aime. J'aime parler, j'aime échanger, j'aime rapprocher les hommes et les points de vues.
Q- Au milieu des coups ?
R- Il peut y en avoir mais ils sont moins nombreux qu'on le dit.
Q- N. Sarkozy va annoncer jeudi prochain, peut-être sur France 2, sa décision d'entrer ou pas dans la compétition pour 2007. Est-ce qu'il pourrait ne pas être candidat ?
R- Je ne l'imagine pas. N. Sarkozy s'est déjà exprimé depuis longtemps et à de multiples reprises sur ses aspirations à jouer un rôle important pour notre pays, je ne l'imagine pas.
Q- Donc c'est un faux suspens pour un vrai engagement ?
R- Un vrai engagement oui, je le crois.
Q- Alors si N. Sarkozy entre dans la bataille présidentielle, alors le Parti socialiste savoure sa victoire et celle de S. Royal, comment réussirez-vous, à éviter les jalousies, les méchancetés, les pièges multiples inhérents à ce type de campagne dans chaque camp et dans le vôtre ?
R- Je suis très attaché à l'échange, au dialogue, au débat. Et je pense que la vie politique trouve le moyen de s'exprimer, d'exprimer toute son énergie, toute sa richesse et également la nécessité pour la démocratie d'exister dans le débat et dans le dialogue. C'est pourquoi je me réjouis que l'UMP - N. Sarkozy, son président - ait décidé de développer au cours des semaines qui s'annoncent des forums, des lieux de débats et de discussions sur les questions principales que se posent nos compatriotes.
Q- L'UMP ne voulait pas de ces débats, ironisait quand le Parti socialiste organisait ces trois débats. Maintenant vous le faites et vous feignez de vouloir les débats et vous allez les organiser. De quelle façon ?
R- Ne confondons pas tout. Il n'y a pas de véritables primaires à l'UMP parce que ce n'est pas ce qui a été choisi comme méthode, mais le débat, la discussion, c'est notre culture. Il y a eu les forums, il y a eu des échanges avec les parlementaires et nous avons la culture et la volonté de débattre. D'ailleurs c'est ma méthode, personnellement, de travail au groupe et je peux vous dire que c'est une méthode qui non seulement est la bonne mais qui marche.
Q- Ce ne sont pas des primaires internes à l'UMP ? Vous appelez ça comme vous voulez, peu importe mais ce sont des débats et des discussions à l'intérieur qui ne sont pas des primaires. Mais on choisira quand même le meilleur.
R- Quel est le rôle d'un Parti politique ? C'est de réfléchir ensemble, avec les Français, aux meilleures solutions pour résoudre les problèmes des Français : l'emploi, les régimes sociaux, la sécurité, le pouvoir d'achat. Seul le débat politique permet de confronter d'abord les idées et ensuite de choisir d'équilibrer les meilleures solutions. C'est le rôle de la vie politique. Alors qu'il y ait des personnalités qui portent davantage ces projets, qu'il y ait une dimension qui rallie davantage les suffrages des militants et ensuite, nous l'espérons des Français, c'est aussi le fonctionnement de notre République.
Q- Vous ferez partie de la commission chargée de préparer les forums, sans doute avec J. de Rohan, E. Woerth, P. Ollier. Elle sera présidée dit-on par J.-P. Raffarin. Ce seront des forums en région et sur les thèmes particuliers ?
R- Je crois que les choses ne sont pas arrêtées mais ce sont deux hypothèses qui me paraissent intéressantes. Oui, la décentralisation du débat parce que la France - et c'est aussi notre fierté et notre puissance - est un grand pays non seulement par son rayonnement mais aussi par son étendue et sa géographie. Et, deuxièmement, qu'il y ait des thématiques c'est également une très bonne chose parce qu'il y a des problèmes qui sont concrets et qui peuvent et doivent être identifiés pour être disséqués, pour être résolus dans les meilleures conditions.
Q- Il y aura trois, quatre forums ?
R- Je ne sais pas, je pense que cela serait un bon calibre, oui.
Q- Ils vont avoir lieu assez vite parce qu'ils doivent se terminer le 31 décembre ou en tout cas avant le 14 janvier.
R- Oui, le calendrier est désormais fixé puisque le vote des militants interviendra le 14 janvier. Cela a été confirmé à l'unanimité avant hier.
Q- Alors, l'UMP accepte des débats et veut des candidats en son sein. N. Sarkozy met d'une certaine façon son titre en jeu parce qu'il va lui aussi avoir en face de lui un certain nombre de candidats. Il les a d'ailleurs appelés à se présenter. Voyons M. Alliot-Marie, est-ce qu'on peut dire qu'elle a gagné des galons ? Parce qu'on l'avait sifflée l'autre jour, on lui trouve maintenant des qualités, de l'autorité, on dit même "la grande classe". Donc elle a eu raison sans doute de tonner, elle sera candidate ou pas à votre avis ?
R- Je ne peux pas vous le dire, il faut le lui demander. Par contre ce que je pense c'est que M. Alliot-Marie, c'est une femme politique, elle a des convictions, c'est tout à fait heureux qu'elle les exprime. Revenons à ce que vous évoquiez tout à l'heure, qui au cours de sa carrière politique n'a pas eu des grondements au fond de la salle, parfois des protestations ? Vous savez, une assemblée de militants, ça ne se pilote pas au décibel près.
Q- N. Sarkozy a cité trois personnes, D. de Villepin, M. Alliot-Marie, J.-L. Borloo... ?
R- Lui aussi c'est un homme de conviction qui en plus a une habileté pour déceler les solutions, pour dénouer les problèmes complexes. C'est également une personnalité tout à fait enrichissante pour le mouvement UMP.
Q- Donc vous aussi vous dites : "Jean-Louis vas-y !"
R- Je souhaite oui qu'il puisse lui aussi s'exprimer, oui, certainement.
Q- Et D. de Villepin ? "Dominique vas-y." Non ?
R- D. de Villepin, bien sûr qu'il a aussi beaucoup de choses à dire, il conduit la politique du Gouvernement, il s'est inscrit dans les procédures qui ont été unanimement approuvées et je l'ai encore entendu récemment dire qu'il fallait que nous nous retrouvions, nous soyons rassemblés derrière celui ou celle qui sera le mieux placé.
Q- Je décode : qu'est-ce que ça veut dire que "même s'il a envie" ou "s'il brûle d'envie d'y aller", d'après ce qu'il dit, il suivra le mieux place, ou il ira, à votre avis ?
R- Je pense que D. de Villepin est, comme il le dit, entièrement tourné et se consacre totalement à l'action, à l'action du Gouvernement et qu'il participe et participera à la dynamique qui, je l'espère, l'année prochaine, nous permettra de faire gagner nos idées.
Q- Mais, selon votre expérience et votre intuition, combien imaginez vous de candidats au sein de l'UMP ?
R- Des candidats à la candidature, je souhaite qu'il y en ait plusieurs. Mais des candidats UMP au premier tour de l'élection présidentielle, ma conviction est faite, il ne doit y en avoir qu'un seul parce que s'il y en avait deux, nous courrions le risque immense de ne pas être au second tour. Qui oserait prendre ce risque ?
Q- C'est-à-dire que le soir du 14 janvier, ce sera terminé pour votre famille, je veux dire ?
R- Je le souhaite et c'est ma conviction que cela doit être ainsi.
Q- Et si N. Sarkozy est candidat, est-ce que vous souhaitez qu'il garde comme tant d'autres avant lui à la présidence du parti UMP ?
R- Chaque chose en son temps. Nous sommes actuellement dans les premiers instants de la préparation de la campagne interne, du débat interne qui aboutira au vote des militants. Les choix des uns et des autres quant à leur responsabilité publique ou de direction de parti viendront le moment venu.
Q- Ces dernières semaines ont été dures ? Parce qu'on a l'impression que dès que le Parti socialiste a choisi sa candidate, vous, enfin l'UMP, vous avez surtout montré vos divisions, vos dissensions.
R- Dès qu'il y a à droite du débat, dès qu'il y a des personnalités diverses qui peuvent légitimement...
Q- C'était plus que du débat.
R- ... lorsqu'il y a des personnalités diverses qui peuvent légitimement prétendre à accéder à des responsabilités, on dit qu'à droite c'est la querelle. N'exagérons rien. Mais permettez de dire un mot du choix des socialistes. Les socialistes en réalité ont choisi une image, ils n'ont pas choisi un projet ou des idées, ou des convictions. C'est leur décision, je pense que c'est une faiblesse pour eux parce que nous, ce que nous choisirons, ce sont des projets portés par un ou une candidate et ces projets, celui ou celle qui les portera sont pour nous un gage d'avenir et surtout la volonté de répondre aux problèmes des Français.
Q- Oui, je sais bien que sur Tf1, hier soir, N. Sarkozy a commencé à s'interroger sur le contenu du message S. Royal, qui "en panne d'idée, a-t-il dit, demanderait aux Français de lui en souffler une". Même vos attaques, vous dites : "c'est une image", Est-ce que ce n'est pas trop simplifié ? Parce que depuis janvier on dit : "c'est une image", regardez où elle est. Il va falloir changer d'argumentaire.
R- J'ai écouté attentivement les échanges qui ont eu lieu au sien du PS et je n'ai pas entendu, je ne sais pas en rien ce que propose Mme Royal. En réalité, on le voit également dans les émissions de télévision et de radio, c'est une méthode, c'est une sorte de marketing politique, de moment de grande publicité politique, il n'y a rien derrière.
Q- Le président Chirac a confié ce matin au Corriere de la serra, "ne pas voir ce qui pourrait s'opposer à ce qu'une femme soit présidente". Aurait-il déjà choisi S. Royal, lui ?
R- Mais il y a aussi des femmes à l'UMP.
Q- Oui, M. Alliot-Marie, c'est ce que vous dites. Non, en réalité il dit, "être président ou présidente, aujourd'hui, ce n'est pas un problème de sexe". Et là, on ne peut pas dire le contraire.
R- Je dirais d'état civil.
Q- Dernière question, quelle semaine ! Ai-je dit. Suez et Gaz de France sont incapables d'avoir tous leurs papiers en règle. La cour d'appel de Paris a mis le doigt sur des incompétences. Vous qui avez pendant si longtemps jour et nuit participé à des débats à l'Assemblée, vous ne vous dites quel "gâchis ou alors quelle incompétence !?"
R- Nous sommes dans le temps de l'entreprise. Le temps politique n'a effectivement pas été facile...
Q- Répondez la vérité, que pensez-vous ?
R- Ce que je pense c'est que c'est dommage qu'il y ait ce contretemps juridique et que j'espère que le projet aboutira quand même. Mais encore une fois, il est maintenant dans les mains des entreprises.
Q- Oui, et les entreprises ont fait preuve de bonnes initiatives de compétence ?
R- Vous savez, les décisions de justice ne doivent jamais être commentées, je me garderais bien de le faire.
Q- Et à ceux qui vous disent que comme la guerre de Troie, la fusion n'aura pas lieu ?
R- J'espère qu'elle aura lieu parce que c'est l'intérêt des consommateurs français.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 novembre 2006