Texte intégral
Q- On va parler ce matin d'un sujet qui préoccupe beaucoup les Français, c'est-à-dire, l'emploi et les revenus, à quelques jours d'une conférence que le Gouvernement organise sur ce sujet. Mais je voudrais d'abord que l'on revienne que le prix du gaz et de l'électricité. Le Conseil constitutionnel a rejeté une série de mesures qui devaient protéger les consommateurs, dans le cadre de la libéralisation du marché. Dans ces conditions, faut-il craindre une grosse augmentation du gaz et de l'électricité ?
R- Oui, bien entendu, puisque les tarifs réglementés ne sont en fait pas conformes - ce que nous disions d'ailleurs - aux directives européennes de libéralisation. Cela veut dire que dans la loi, où on disait "il va y avoir des tarifs réglementés, protégeons les tarifs pour les usagers", eh bien cela est interdit par les directives européennes.
Q- Mais cela, on ne pouvait pas y échapper au fond ?
R- Mais le Gouvernement nous laissait entendre, laissait entendre à tout le monde : "ne vous inquiétez pas avec la privatisation, on va maintenir un tarif réglementé". Sauf que le Conseil constitutionnel vient de dire que ce n'est pas possible. Donc s'il n'y a pas de tarifs réglementés, le risque pour les usagers c'est effectivement une augmentation importante des tarifs du gaz et de l'électricité d'ailleurs. Cela concerne tous les ménages qui emménagement ou déménagent ; dans une année, cela fait trois millions de foyers par an, c'est quand même beaucoup !
Q- Du coup, demandez-vous au Gouvernement de renoncer à la privatisation de GDF ?
R- Oui, c'est une raison de plus pour demander au Gouvernement de renoncer à la privatisation de GDF, voire de refaire une deuxième lecture de la loi. Nous disons depuis le début que c'est une erreur politique, économique et sociale cette privatisation de GDF. Il y a un problème à Suez, on peut le régler autrement. Mais il faut conserver un service public. Et encore une fois, cela montre qu'entre les directives de libéralisation et la volonté de maintenir un service public, il y a une vraie contradiction.
Q- Et aujourd'hui, dites-vous qu'il y a augmentation des prix de l'énergie ? Qu'on va vers une augmentation ? Cela vous paraît indiscutable ?
R- Bien sûr. Regardez, les tarifs réglementés dans le domaine de l'électricité pour les entreprises, cela a conduit à une augmentation du tarif pour les entreprises, à tel point que beaucoup veulent revenir dans les tarifs réglementés. Donc je ne connais pas de libéralisation qui se soit, dans le domaine de l'énergie en particulier, traduite par une diminution des tarifs. En général, c'est une augmentation des tarifs.
Q- L'autre sujet, c'est donc la conférence sur l'emploi et les revenus de la semaine prochaine. Le Gouvernement consulte tous les syndicats sur le sujet. Qu'attendez-vous de cette conférence ? Attendez-vous, par exemple, une augmentation des salaires ?
R- Non, on ne discute pas d'une augmentation générale des salaires dans ce type de réunion. Il ne faut pas non plus s'attendre à des miracles dans la limite où le budget 2007 est en passe d'être voté, par exemple. Mais le Gouvernement peut répondre à des revendications précises ; nous en avons toute une série. Exemple : d'abord, en tant qu'Etat employeur vis-à-vis des fonctionnaires, il a été un peu chiche cette année sur les augmentations de salaires, 0,7% en moyenne, pas le maintien du pouvoir d'achat. Dans le secteur privé...
Q- ...C'est le contribuable qui paye quand même.
R- Bien sûr, oui mais comme tout. Mais si il n'y a plus de services publics que les contribuables ne paieront pas, ils n'auront plus accès non plus à l'école ou à l'hôpital. Donc, de tout cela, il faut discuter. Sur le privé, nous, nous ne voulons pas seulement discuter des minima conventionnels qui sont inférieurs au Smic mais aussi de la grille des salaires. Le Gouvernement peut pousser à ce qu'il y ait des négociations pour respecter les hiérarchies de salaire.
Q- C'est-à-dire que vous dites qu'il faut regarder tous les salaires, quel que soit leur niveau ?
R- Bien sûr. Parce que quand le Smic augmente, on négocie ensuite - y compris
on pousse les patrons à négocier -, le Gouvernement aide dans cette affaire à
ce que les premiers niveaux de salaires ne soient pas inférieurs au Smic.
Mais en même temps, si on ne négocie pas la grille complète, cela veut dire
qu'il y a un tassement, et cela veut dire qu'il y a un sentiment de
déclassement des salariés. Donc le Gouvernement peut aider à ce qu'il y ait
des négociations sur l'ensemble des grilles. On demande aussi à ce qu'il y
ait un indice du coût de la vie, à côté de l'indice Insee, qui ne reflète pas la
réalité du pouvoir d'achat.
Q- Qu'est-ce que cela veut dire précisément ? Parce que, effectivement, quand on regarde les chiffres, on voit que le pouvoir d'achat augmente, et quand les Français arrivent en fin de mois, ils voient en fait que c'est difficile de joindre les deux bouts. Vous dites que l'indice des prix n'est pas fiable, qu'il faut un autre indice ?
R- Ce n'est pas fiable, ce n'est pas fait pour mesurer le pouvoir d'achat, l'indice des prix. L'indice des prix, c'est un indice des prix. Ce n'est pas ressenti, ce n'est pas dans la tête des Français le problème du pouvoir d'achat, c'est la réalité. Mais le poids du loyer... Il y avait un système qui existait il y a dix ans, cela a été supprimé en 1995. Le CERC, Centre d'études des revenus et des coûts, faisait un rapport tous les ans -.ça a été supprimé en 1995 par M. Balladur, à la limite tellement c'était intéressant en termes statistiques - expliquant "voilà quelques cas types de ménages salariés, commerçants, professions libérales ; voilà comment leur pouvoir d'achat a évolué, concrètement". Ce sont des indices de ce type qu'on réclame.
Q- Que faudrait-il inclure dans cet indice ? Les loyers, des choses comme cela ?
R- Oui, parce que le loyer pèse. Si vous êtes propriétaire, cela ne rentre pas dans l'indice des prix parce qu'on considère cela comme un investissement. Quand vous êtes locataire, l'augmentation du prix des loyers pèse de manière plus importante selon les revenus que vous avez. D'ailleurs, ça va nous conduire aussi à faire des propositions dans le domaine du logement, en ce qui nous concerne. Exemple : l'indice de relèvement du prix des loyers autorisé par le Gouvernement. L'année dernière était de 3,5%, et les aides au logement décidées par le même Gouvernement sont de 1,8 %.
Q- Vous réclamez une augmentation de l'aide au logement ?
R- Bien sûr, au moins du même niveau que le loyer sinon il y a un décrochage systématique. On veut venir également sur les stages, il y a encore un gros problème...
Q- Alors, les stagiaires : hier, D. de Villepin disait qu'il faut augmenter le nombre de stages, parce que c'est le moyen pour les jeunes d'accéder au marché du travail. Vous êtes d'accord ?
R- Non, non. Le Gouvernement a essayé de régler un peu le problème dans la loi sur l'égalité des chances, l'année dernière, mais il n'a pas réglé le problème. Nous, on veut faire une distinction : quand le stage se situe dans le cursus universitaire ou d'une grande école, c'est-à-dire que l'Etat dit, dans le cadre de telle formation, il faut faire tel type de stage, à partir de là, nous on considère que le stage est utile bien entendu, mais cela doit relever d'une manière ou d'une autre du contrat de travail, y compris si l'Etat doit aider l'entreprise, parce que c'est lui qui demande d'une certaine manière à ce qu'il y ait effectivement un stage dans le cadre de ce cursus, pour une formation diplômante. Mais quand le stage n'est pas lié à un cursus universitaire ou un cursus de grande école, là, on doit d'une certaine manière les interdire, parce que c'est de la substitution, quand ce n'est plus pour acquérir un diplôme. Combien de fois des employeurs disent à un étudiant...
Q- Mais n'est-ce pas quand même le bon moyen pour mettre le pied à l'étrier pour les jeunes ?
R- Attendez ! Le stade, dans le cadre d'un cursus, oui mais combien de fois des jeunes étudiants qui ont fini leur diplôme, on leur dit : allez vous réinscrire en fac ! Allez, allez, qu'on puisse signer une convention de stage... Et après ils bossent quatre, cinq mois. Un vrai travail normal, mais sans être payé, cela ce n'est pas normal ! Cela ne devrait pas exister ce genre de chose. Le stage, c'est fait pour acquérir une formation ou un diplôme. Si ce n'est pas fait pour cela, cela doit être un contrat de travail.
Q- Il y a un débat en ce moment sur la représentativité des syndicats. Aujourd'hui, il y a cinq syndicats qui sont dits "représentatifs", c'est-à-dire qui participent aux grandes négociations. La CGT et la CFDT disent que ce n'est plus possible de continuer comme cela, que c'est trop figé. Vous, vous n'êtes pas vraiment d'accord ?
R- Non, on n'est pas d'accord parce que d'abord le dossier n'est pas complètement débattu. Il y a eu un travail fait par le Conseil économique et social qui a été bâclé, par exemple. Le sujet n'est pas aussi simple que ça ; il faut discuter au fond du dossier, avec toutes ses conséquences, toutes ses ramifications, y compris par exemple la manière dont on négocie dans notre pays. Nous on veut mettre tout sur la table, y compris ce que j'appelle "le bal des hypocrites", à savoir que derrière la tête de tout le monde, il y a combien d'organisations syndicales demain dans le paysage ? Donc tout ça doit être dit.
Q- Mais le problème c'est quand même qu'il y a en France 8% de syndiqués seulement !
R- Oui, il y a moins de syndiqués, mais ce n'est pas forcément parce que les salariés iront voter qu'il y aura plus de syndiqués, ça répond à d'autres considérations, la syndicalisation.
Q- Peut-on vraiment dialoguer socialement, quand les syndicats pèsent 8% seulement de la population ?
R- Mais oui. Il faut plus de syndiqués, on fait tous des efforts pour qu'il y en ait plus. Mais ceci étant, il y a des accords qui sont signés, la France est le pays où la proportion de salariés au monde est la plus couverte par une convention collective. Ce que nous disons nous FO, on n'est pas pour le
statu quo, on n'est pas pour dire il faut rien changer. Mais si on veut effectivement mesurer l'audience des syndicats, il faut une élection où tout le monde puisse s'exprimer : les salariés du privé, les salariés du public, les chômeurs et les retraités. Parce que quand on négocie les retraites complémentaires, par exemple, c'est aux retraités qu'on s'adresse. Nous, on n'a peur du vote de personne. Donc, tous ces salariés, actifs, chômeurs ou retraités, doivent voter. Et ça, moi je ne connais qu'un scrutin : c'est le rétablissement des élections à la Sécurité sociale.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 décembre 2006