Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur "France 2" le 30 novembre 2006, sur l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy comme candidat UMP à l'élection présidentielle de 2007.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- N. Sarkozy annonce ce matin sa candidature à la présidentielle dans la presse régionale, ce soir, il sera sur France 2 pour s'expliquer, pour en dire davantage ; c'est une candidature que l'on attendait. Le fait qu'il n'y ait pas d'effet de surprise, finalement, n'est-ce pas un handicap ?
R- Non, je ne crois pas, non. D'abord, vous me permettrez de dire que j'ai une pensée amicale pour lui, parce que c'est un moment important dans une vie que celui qui consiste à s'engager dans un processus de candidature aussi importante que celle-là. Je crois que ce sera aussi l'occasion, j'imagine en tout cas, pour lui, ce soir, de rentrer un peu dans le détail, de parler du fond, de montrer que sur tous ces sujets, il y a une réflexion qui est conduite pour l'avenir de la France et également en tenant compte de tout ce que nous avons fait depuis 2002. Donc je trouve que c'est un moment important.
Q- Alors justement, vous parlez de ce qui a été fait depuis 2002 et lui, il revient sur une notion de "rupture" dans sa candidature : est-ce que ce n'est pas paradoxal de parler de rupture quand on est au Gouvernement depuis quatre ans ?
R- Cela dépend sur quoi. C'est d'ailleurs un sujet très intéressant que celui-là. Je crois que dans ces domaines-là, il y a des choses sur lesquelles il faut que l'on aille plus vite, d'autres sur lesquelles il faut qu'on capitalise sur tout ce qui a été réalisé, je pense par exemple à ce qui a été fait dans la lutte contre le chômage et qui a beaucoup baissé depuis dix-huit mois en particulier, de la baisse de la délinquance...
Q- ...Pas le mois dernier, il y a eu un coup d'arrêt à cette baisse.
R- Oui, on va peut-être en dire un mot. Comme d'ailleurs dans le redressement de nos finances publiques, on a un déficit budgétaire qui a baissé de 15 milliards en quatre ans, ce n'est quand même pas rien. Cette année, je présente un budget dans lequel on baisse les dépenses de l'Etat en luttant contre les gaspillages. Enfin, il y a quand même beaucoup de choses qui ont changé si on fait la comparaison avec les cinq années Jospin, par rapport à nos cinq années. Donc je crois qu'il y a des éléments sur lesquels on doit faire beaucoup mieux, ça c'est évident et je ne fais pas partie des gens qui pensent que les hommes politiques sont infaillibles, ne se trompent jamais, au contraire je crois qu'il faut assumer tout ça et l'expliquer. Et puis aussi, les présidentielles, c'est l'occasion des débats de fond et je crois que c'est très important qu'on ait avec les Français - tout autant qu'avec l'opposition mais surtout avec les Français - un débat pour savoir ce qu'ils veulent demain et qu'est-ce que nous leur proposons demain. Réfléchissons ensemble à toute une série de sujets. Je crois que là dessus, il va falloir qu'on soit, les uns et les autres, très actifs.
Q- Mais est-ce qu'il faut privilégier la rupture ou la continuité ?
R- Cela dépend des sujets. Je crois qu'en réalité, d'abord, par définition, il y a des domaines dans lesquels on n'a pas encore agi, il faut le faire, il faut aller sans doute plus vite, et puis d'autres sur lesquels il faut continuer. On ne rompt pas avec la politique de baisse du chômage, on doit l'amplifier. On ne rompt pas avec la baisse des déficits, il faut naturellement l'amplifier, enfin vous voyez, et ainsi de suite... Mais il y a d'autres domaines, en revanche, sur lesquels, par définition, chacun a sa personnalité, son style. C'est évidemment cela qui fait sans doute la différence.
Q- N. Sarkozy est donc candidat maintenant officiellement, est-ce que c'est une candidature que vous soutenez ?
R- Vous savez, j'ai dit assez clairement les choses il y a déjà longtemps - il y a six ou huit mois - j'ai dit que je soutiendrai le candidat qui sera celui de ma famille politique. Jusqu'à présent, ce qui apparaît et ce qui est apparu, c'est qu'il était plutôt en pôle position. Donc, là dessus, il n'y a pas de changement en ce qui me concerne. Mais je crois qu'il faut surtout réfléchir au fond dans cette affaire là.
Q- Mais simplement, est-ce que vous soutenez sa candidature à la candidature, à l'heure qu'il est, aujourd'hui ?
R- Là-dessus, encore une fois, je vais vous dire...
Q- Êtes-vous derrière Sarkozy ou pas ?
R- Là-dessus, j'ai dit les choses assez clairement. Vous savez, en même temps, je crois que chacun doit bien comprendre ce qui importe aujourd'hui, au-delà du soutien qu'on peut apporter, de l'engagement que l'on peut avoir. Encore une fois, je vous ai dit à l'instant que le mien était tout à fait clair. Mais je voudrais que vous voyiez ce que j'ai derrière ça...
Q- C'est-à-dire derrière N. Sarkozy ?
R- On ne va pas tourner autour du pot, je vous l'ai dit : je vais soutenir le candidat qui sera celui de ma famille politique. Chacun a bien compris que le rôle qui est le mien, il est à la fois d'être porte-parole du Gouvernement, d'être dans l'action en tant que ministre et puis, en même temps, le moment venu, de prendre position dans le débat de fond. Je crois que chacun doit bien comprendre ça, parce qu'on est chacun dans notre rôle, c'est important dans cette période. On n'est pas complètement rentré encore dans la campagne présidentielle et en même temps, ce qu'il faut bien avoir à l'esprit, c'est que ce que les Français vont attendre, au-delà de l'engagement vis à vis des candidats, c'est que sur le fond, on va mettre les pieds dans le plat sur un certain nombre de sujet. C'est pour cela que, par exemple, j'ai créé un club qui s'appelle generationfrance.fr dans lequel je voudrais contribuer aussi au débat politique, apporter un certain nombre d'idées qui correspondent à celle de ma génération, des questions qu'on ne se pose pas toujours : qu'est-ce que c'est être français aujourd'hui ? Qu'elle doit être la relation, par exemple, des Français avec l'argent ? On parle pouvoir d'achat, niveau de vie... En fait, c'est un sujet dans lequel il faut mettre les pieds dans le plat aussi, comment on fait pour gagner plus en travaillant plus, etc. ? Tout autant de sujets sur lesquels, vous l'avez bien compris, on se retrouve les uns et les autres et dans le projet de l'UMP qu'a présenté N. Sarkozy, on s'est largement retrouvés les uns et les autres.
Q- N. Sarkozy ne sera peut-être pas le seul candidat ce matin. Le Figaro annonce que M. Alliot-Marie pourrait se déclarer d'ici quinze jours. Est-ce une bonne chose ?
R- De toute façon, je crois que c'est une très bonne chose qu'on ait ce processus de débat. S'il doit y avoir des candidats à la candidature qui veulent, à cette occasion, dire leur part de vérité et concourir, je trouve que c'est très sain, c'est très sain et c'est très important. Maintenant, il faut que chacun aille jusqu'au bout de sa démarche, je crois que c'est ça qui est important aussi.
Q- Mais il faudra voter ; vous, vous voterez pour qui ?
R- Attendez, je vois bien votre question, on va y revenir. Je vous ai dit tout à l'heure quel était mon engagement, pour le reste, ce que je souhaite, c'est que durant toute cette période de débats jusqu'au 14 janvier - c'est pour cela que je me permets de vous dire que c'est important les calendriers -, on va laisser chacun s'exprimer, et d'abord...
Q- ...Vous choisirez à ce moment là ?
R- Encore une fois, vous le savez, pour ce qui me concerne, moi j'ai bien en tête ce que je veux faire, mais je reviendrais sur tout cela, je vous le promets. Mais il faut comprendre les choses : il y a un temps pour chaque chose. Il y a un calendrier, il y a le temps de l'expression pour les candidats, ceux qui souhaitent se présenter, tout cela va se faire, une étape après l'autre.
Q- N. Sarkozy, dans l'interview, ne dit pas s'il va se retirer du Gouvernement, en tout cas il ne dit pas quand il sortira du Gouvernement. Peut-on être à la fois ministre de l'intérieur, candidat à l'élection présidentielle, président de l'UMP ?
R- D'abord, je dois dire que c'est un choix personnel, c'est à lui de l'apprécier. Il y a eu d'autres précédents, je voudrais quand même le rappeler, par exemple D. de Villepin évoquait le cas de V. Giscard d'Estaing, etc. Encore une fois, je crois que ce qui est important, c'est que l'on fasse aussi la démonstration par l'action aux Français de ce quel'on est capable de poursuivre, de réformer. Et les Français - d'ailleurs D. de Villepin l'a rappelé hier - n'imaginent pas que l'on s'arrête de gouverner, alors même qu'on n'est pas dans le temps de la campagne présidentielle.
Q- Donc il peut rester jusqu'au bout au Gouvernement, selon vous ?
R- Je crois que c'est un choix personnel, que c'est vraiment à lui de l'apprécier. Je crois d'ailleurs comprendre qu'il a un peu évoqué cette question dans son interview ce matin, en indiquant qu'il ne serait plus ministre au moment de l'élection présidentielle. Donc j'en ai déduit que lui-même avait déjà réfléchi par rapport à cela, mais c'est plutôt à lui qu'il faut poser la question, plutôt qu'à moi.
Q- Sur le chômage, la baisse s'est arrêtée le mois dernier, c'est une mauvaise nouvelle ?
R- C'est une pause, et je rappelle que c'est une pause après dix-huit mois quasi ininterrompus de baisse du chômage dans des proportions jamais connues, plus de 300 000 chômeurs de moins, dans un contexte avec deux points de moins de chômage quasiment - pas tout à fait mais presque -, dans un contexte de croissance économique importante. Tout cela montre quand même que...
Q- ...La croissance aussi s'est arrêtée, est-ce qu'elle peut repartir ?
R- On va voir. Pour l'instant...
Q- Quel est l'objectif en 2007 ?
R- Pour l'instant, mon analyse, c'est que c'est plutôt une pause et que nous atteindrons les objectifs de croissance que nous avons fixés, entre 2 et 2,5 % pour 2006, et la même chose pour 2007. D'ailleurs, on a des indications qui le montrent, parce qu'encore une fois, une baisse ininterrompue de chômage depuis dix-huit mois, un niveau de consommation qui reste tout à fait robuste, comme d'ailleurs de nos exportations, ce sont là des moteurs importants de la croissance. Et puis, dans le même temps, on a baissé les impôts, on baisse la dépense de l'Etat. Tout cela montre quand même que les choses vont plutôt stimuler la croissance. Et si je peux me permettre sur le chômage, c'est particulièrement dans le secteur marchand qu'on crée des emplois en France. D'autre part, les chômeurs de longue durée ont continué de baisser ; ça aussi, c'est un signe encourageant.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er décembre 2006