Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, à Radio Classique le 7 décembre 2006, sur la pré-campagne de Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2007, l'évolution du pouvoir d'achat des Français et l'organisation de débats internes à l'UMP.

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Q- Voilà maintenant une semaine que N. Sarkozy a annoncé sa candidature. Ensuite, il y a eu l'émission de trois heures " A vous de juger " sur France 2 et puis les commentaires nombreux et variés. Après tout cela, vous qui voyez N. Sarkozy quasiment tous les jours, puisque vous êtes aussi bien son bras droit à l'UMP qu'au ministère de l'Intérieur, est-ce que vous pouvez nous dire dans quel état d'esprit il est ? Est-ce qu'il est fatigué ? Est-ce qu'il est requinqué ? Il va comment N. Sarkozy ?
R- D'abord, il a décidé de lancer sa campagne, plus exactement sa candidature à la candidature, avec des gestes symboliques et forts. Lui qui est un élu parisien, qui est un élu francilien, en choisissant de s'adresser par l'intermédiaire de la presse quotidienne régionale aux provinciaux, a donné ce signal simple et fort. L'Ile-de-France c'est important, c'est douze millions d'habitants mais ce n'est pas toute la France. Ensuite, il a participé à une émission de télévision qui a obtenu des records d'audience. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec N. Sarkozy, on sait que ce n'est pas de la langue de bois, on sait que ce n'est pas superficiel et on sait qu'il y a des propositions et du fond. La caractéristique de N. Sarkozy, c'est qu'il bouscule les clivages, c'est qu'il sait imaginer, qu'il sait proposer et cela explique d'ailleurs les résultats de cette émission. On nous avait prédit une vague Royal, vous avez observé qu'à la fois dans les enquêtes d'opinion comme dans les rencontres que l'on peut avoir les uns et les autres, les réunions publiques ou autres, cette vague se heurte à un récif.
Q- Vous observez une magie sarkozyste ?
R- Ecoutez ! Moi je l'observe déjà depuis 2002, et pour une raison assez simple : c'est que la popularité de N. Sarkozy, c'est quelque chose qui repose sur le fond et sur du solide. Ce n'est pas une question de posture. Et c'est du solide pourquoi ? Parce qu'à la fois il agit, ce qu'il a fait pour la sécurité mais ce qu'il a fait aussi pour protéger le consommateur, lorsqu'il était ministre de l'économie, ce qu'il a fait pour protéger les salariés et les entreprises. Ce sont des signaux qui sont adressés montrant qu'il sait agir. Et puis en même temps, il a une très grande liberté de ton, une très grande liberté d'imagination et il sait imposer à lui-même un devoir de proposition.
Q- Tout à fait. Alors, on a observé beaucoup, ça a été beaucoup dit dans les commentaires, qu'il était beaucoup plus calme. Certains ont même dit "moins agité". Alors est-ce que ça veut dire qu'il a laissé un peu tomber le ministère de l'intérieur ?
R- Non pas du tout. Au contraire, il est très présent, omniprésent au ministère de l'intérieur car il sait que la sécurité est une des préoccupations essentielles des Français. C'est selon les périodes, l'actualité, la première ou la deuxième préoccupation. Il sait qu'il est aussi jugé sur cet aspect-là. Ce n'est pas sa seule responsabilité au ministère de l'intérieur, ce n'est pas simplement quelqu'un qui est chargé de gérer l'ordre, parce qu'il a aussi la responsabilité de la politique de l'immigration et il y a des résultats qui sont extrêmement encourageants. Il aura l'occasion de le préciser la semaine
prochaine.
Q- Qu'est-ce qu'il va nous dire sur l'immigration ?
R- Ce sera certainement l'occasion...
Q- Qu'est-ce que vous appelez des "résultats encourageants" ?
R- Des résultats encourageants, c'est-à-dire les objectifs qui étaient fixés en matière de reconduite à la frontière...
Q- ...Ont augmenté.
R- Ils ont augmenté, ils sont atteints. Il y a donc que la panoplie de qu'il a fait voter, de ce qu'il a imaginé, de ce qu'il a proposé, de ce qu'il a fait voter depuis 2002, commence à porter des résultats. Et le signal est fort et il est utile à notre pays.
Q- Hier, vous vous êtes vus pour mettre au point le programme du candidat Sarkozy dans les prochains jours et peut-être plus. Alors il va faire quoi exactement ? Est-ce qu'il va nous surprendre ? Vous nous parlez du chapitre immigration, qu'est-ce qu'il va y avoir d'autre ?
R- Sur le fond, il y a un certain nombre de propositions. Nous sommes pour la première fois en ordre de marche dès maintenant. D'habitude, l'organisation des campagnes législatives et autres, c'est toujours au dernier moment. Nous, nous progressons par méthode. Nous progressons pas à pas et c'est d'ailleurs le tempérament de N. Sarkozy. Nous sommes la seule formation politique, aujourd'hui, qui est prête avec les candidats aux législatives, nous sommes aujourd'hui la seule formation politique à l'UMP qui est prête avec un programme, qui est un socle. Ensuite, il y aura un deuxième temps, c'est la part de liberté d'un candidat à l'élection présidentielle. Donc il y a le socle législatif et il y aura au début de l'année prochaine, la part de liberté de N. Sarkozy pour son programme présidentiel.
Q- Revenons quand même à l'actualité chaude et au programme. Vous avez vu un sondage ce matin qui dit qu'un Français sur deux a peur de devenir SDF. Ce qui est quand même assez triste, assez stupéfiant. S'y ajoute le fait que, là ce n'est pas un sondage, c'est un rapport qui dit que sept millions de Français vivent avec moins de 700 euros par mois. Alors on s'interroge là dessus. Est-ce que N. Sarkozy s'interroge ? Cela fait dix ans que le président de la République, J. Chirac, a lancé l'idée de fracture sociale. Est-ce que ça veut dire que le président de la République n'a plus aucun pouvoir ou qu'il s'est trompé de moyens ?
R- Ça veut dire une chose simple, c'est que N. Sarkozy a décidé de placer la question du pouvoir d'achat au coeur de sa réflexion et de son engagement présidentiel. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a une frange de plus en plus importante de la population qui gagne le Smic. On est à 16,8% des salariés en 2005 contre 14% en 2002, 2005 étant le plus haut taux depuis une vingtaine d'années. Ça signifie concrètement qu'il y a un tassement des revenus vers le bas et ce tassement a, à l'évidence, des conséquences sur le pouvoir d'achat. Je vous donne simplement cet exemple : si dans les années 70, le pouvoir d'achat du salaire moyen annuel augmentait de 2,6% par an, cette augmentation n'est que de 0,3% aujourd'hui. Donc il faut placer résolument le pouvoir d'achat au coeur des engagements présidentiels de ces prochains mois.
Q- Ça veut dire qu'il faut faire ce que disait L. Fabius, mettre le Smic à 1500 euros par mois ?
R- Non, ça veut dire que la vérité tient en un chiffre simple : c'est que quatre heures de travail supplémentaires rémunérées 10% de plus et exonérées de charges sociales et fiscales, c'est tout simplement 15% de salaire net en plus immédiatement. Et ce qu'il propose c'est que tous ceux qui veulent travailler plus puissent gagner plus.
Q- C'est ça. Donc c'est gagner plus et des heures supplémentaires exonérées de charges sociales, ce sera une des premières mesures ?
R- C'est un des exemples que je crois qu'on peut prendre et qui est suffisamment parlant et qui témoigne de la préoccupation qui est la sienne de placer cette question du pouvoir d'achat au coeur de notre réflexion, parce qu'on considère que c'est un élément essentiel à l'évolution de notre société.
Q- Très bien. Alors pour ceux qui, eux, gagnent un petit peu davantage et qui paient des impôts, dans le programme qui a été donné, le programme budgétaire cette semaine, on n'a pas vraiment vu quelque chose là dessus. Est-ce qu'il veut continuer à baisser les impôts comme l'a dit J. Chirac ? Est-ce qu'il veut remonter certains, baisser d'autres ?
R- Ecoutez, ça c'est sa part de liberté, j'observe simplement une chose simple...
Q- Il parle de liberté, mais les Français...
R- Bien sûr ça sera dans ses propositions dans le cadre de sa campagne présidentielle. Simplement, croyez bien qu'on a bien en tête la réalité de la situation. Aujourd'hui, la part des prélèvements obligatoires c'est de 44% dans notre pays, c'est-à-dire quatre points de plus que les normes européennes, que la moyenne européenne. A l'évidence, c'est un signal que l'on doit prendre en compte.
Q- Oui, mais B. Hortefeux, le problème c'est que tous les ministres, tous les présidents nous disent ça depuis plusieurs années, et ça monte, ça monte ça monte. Donc le problème c'est que là, on voit encore quelqu'un qui a sans doute beaucoup de bonne volonté, qui dit qu'il va faire quelque chose, mais qui ne propose vraiment rien.
R- Mais attendez, je vous ai dit quel était le coeur de notre préoccupation, c'est l'évolution du pouvoir d'achat. C'est un élément que nous, nous considérons comme essentiel et au coeur de notre société. Le reste, la politique fiscale, il n'y a pas que cela, parce qu'il a d'autres conséquences, il y a d'autres thèmes, il y a naturellement le chômage, il y a naturellement l'environnement, il y a naturellement la situation internationale et les risques de terrorisme. Tout ceci est un ensemble. Aujourd'hui, ce que je vous dis c'est que la réflexion que nous avons engagée repose sur un signal adressé à nos concitoyens sur la question du pouvoir d'achat qu'on met au coeur de notre préoccupation.
Q- Bon, eh bien on va suivre les propositions. Alors samedi, commence le forum régional et ça se présente comment et en particulier quelle place vous allez réserver à M. Alliot-Marie qui a l'air de s'inquiéter de la place qui va être donnée à ses propres conceptions.
R- Oui, nous, nous proposons quelque chose qui est totalement différent de ce qui a été fait par ailleurs. N. Sarkozy non seulement ne craint pas le débat, mais le souhaite et il a donc proposé que nous organisions trois forums régionaux, trois forums qui seraient ouverts à la presse - c'est une grande différence avec ce qu'a fait le Parti socialiste - trois forums dans lesquels il y aurait des questions venant de la salle, ce qui est une deuxième différence avec le Parti socialiste. Et une troisième différence avec ce qu'a fait le Parti socialiste : c'est que, pas besoin d'être formellement candidat pour pouvoir y prendre la parole. Ce n'est donc pas cadenassé, ce n'est pas verrouillé, c'est transparent et c'est libre. Donc, à l'occasion de ces forums, chacun de ceux qui ont engagé des réflexions, qui ont eu des pierres à apporter à la construction de l'édifice, eh bien pourront le faire. M. Alliot-Marie est une personnalité importante, essentielle de notre famille politique, et naturellement, elle aura à la fois le droit et la liberté de parole dans ces forums. Et elle a donc très clairement indiqué, laissé entendre qu'elle y participerait, ce qui est une bonne chose.
Q- Et vous souhaitez qu'elle se présente ?
R- Moi, je suis engagé aux côtés de N. Sarkozy.
Q- Oui, mais pour la démocratie interne du Parti ?
R- Je souhaite que N. Sarkozy... Ne me demandez pas les souhaits pour chacune des autorités. Mais sur le plan de la démocratie, chacun fait ce qu'il veut, les statuts de notre famille politique sont précis : on peut être candidat des choses comme ça. Je vous le dis très clairement, pour moi, il n'y a pas d'ambiguïté, celui qui peut répondre aux aspirations de notre société avec calme, avec sérénité, avec générosité, c'est N. Sarkozy.
Q- Reparlons une seconde de N. Sarkozy. Il y a quand même un suspens, jusqu'à quand va-t-il rester au ministère de l'intérieur ? Certains ont dit au moins jusqu'au 14 janvier, d'autres plus tard, après la publication de la loi sur la délinquance et puis après tout, certains se disent, eh bien dans l'histoire de la 5ème République, il n'y a pas eu un seul postulant à la présidence de la République qui n'est pas resté à son poste jusqu'au dernier jour.
R- Oui, c'est-à-dire que c'est un traitement qui est un peu particulier pour N. Sarkozy, mais il est vrai que c'est un homme public différent des autres, vous voulez à tout prix - que ça soit ses amis ou même d'ailleurs, mais surtout ses concurrents d'ailleurs - lui infliger un traitement différent des autres. Vous avez raison, quand L. Jospin ou J. Chirac étaient Premier ministre, ça ne les a pas empêchés de rester en fonction pour être candidat. Et si on remonte à un petit peu plus loin, en 1974, V. Giscard d'Estaing était ministre des Finances, il n'a pas, à ma connaissance, démissionné pour être candidat à l'élection présidentielle. Je crois que c'est une question d'appréciation personnelle. N. Sarkozy a indiqué qu'il ne resterait pas en fonction en réalité jusqu'au bout et que sa démission arriverait bientôt, c'est une question de choix personnel et d'ailleurs je ne connais pas la réponse à la question que vous m'avez posée.
Q- Non, mais on dit que ça pourrait être l'ouverture officielle de la campagne début mars ?
R- Oh, il y a beaucoup de pistes, comme vous pouvez l'imaginer, il y a des tempos dans cette campagne, il peut y avoir l'investiture, il peut y avoir la fin de la session parlementaire, il peut y avoir l'ouverture de la campagne officielle. Vous voyez, il existe de multiples possibilités. Et moi, je considère que c'est une chance que d'avoir N. Sarkozy au Gouvernement, parce qu'il est dans l'action et qu'il doit répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Et puis en même temps, la liberté d'imagination et de propositions qui est le propre de tout candidat à l'élection présidentielle.
Eh bien merci beaucoup B. Hortefeux.
Merci, à bientôt.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 décembre 2006