Texte intégral
Q - D'allié du RPR autrefois, vous êtes devenu, depuis 2002, un opposant déterminé aux gouvernements UMP : que s'est-il passé entre-temps ?
R - Quand le gouvernement propose quelque chose de bien, je le dis et je le vote. Quand il y a des choses qui ne vont pas, je le dis et je les combats. Je me comporte en élu libre de ses choix, et pas inféodé. Je n'aime pas que l'esprit partisan domine tout. En 2002, j'ai été choqué que Jacques Chirac, élu par 82 % des Français, ait choisi de former un gouvernement avec les seuls 19 % obtenus au premier tour. Il aurait dû se sentir l'élu des Français et pas seulement de ses partisans. Aujourd'hui, qui peut prétendre que les choses vont mieux qu'il y a cinq ans, pour ce qui concerne le chômage, la dette, l'exclusion ou même la sécurité ? C'est cet échec contre lequel je me bats et qui m'inspire une approche politique nouvelle.
Q - N'y a-t-il pas un décalage entre le positionnement tranché au niveau national et celui des élus UDF qui collaborent avec leur partenaire de la majorité sur le terrain ?
R - Le débat national est une chose et la vie locale une autre. Dans le débat national sur GDF-Suez, sur la privatisation des autoroutes, sur le CPE, nous avons dit notre désaccord, et nos choix n'étaient pas des choix d'opportunité, mais de lucidité. Si le clivage droite-gauche est déjà stupide au niveau national, le recopier dans tous les exécutifs locaux serait d'une totale absurdité. Le jour reviendra, j'en suis sûr, où l'on pourra avoir des majorités plus larges, plus rassembleuses, selon les villes ou les régions, comme dans les pays qui nous entourent.
Q - L'état de délabrement de la France, que vous décrivez, est-il dû surtout à un manque de volonté et de courage politique des gouvernants ?
R - Oui, les gouvernants tremblent devant l'opinion. Notre système du tout ou rien les rend terriblement fragiles. Une fois tous les cinq ans, un seul vote donne tout le pouvoir aux uns et plus rien aux autres. Et lorsque l'élection intervient, on se met à démolir ce qu'avaient fait les précédents et à ne plus nommer que des copains. Ce tout ou rien, qui n'est pas républicain, fait que les sondages deviennent obsédants. L'élection est tellement importante que tout le monde se met à trembler dès que l'opinion se dérobe quelque peu. Cela empêche les gouvernants d'imaginer le long terme et de prendre des risques.
Q - Dans votre discours de candidat, vous évoquez des « objectifs raisonnables et républicains » : lesquels ?
R - D'abord de nouvelles institutions, avec une vraie représentativité des élus et une séparation réelle entre le législatif et l'exécutif. Une réforme de l'État avec un rééquilibrage des finances publiques. Une politique active de soutien à l'entreprise, surtout à la petite entreprise. Une politique obstinée de lutte contre l'exclusion par le retour à l'activité. Une politique d'éducation qui retrouve l'excellence républicaine sur tout le territoire, etc. Si je devais résumer tout cela dans une formule, je dirais : « Un pays fort où tout le monde a sa place. »
Q - La personnalité du candidat, dans une telle élection, importe-t-elle plus que le programme ?
R - Bien sûr. C'est lui (ou elle) la charpente de l'édifice. Si le meilleur des programmes est porté par quelqu'un qui a peur, il ne tiendra pas plus que feuille morte à l'automne...
Q - Vous dites vouloir « prendre le meilleur et les meilleurs ». Qu'entendez-vous concrètement par là ?
R - La France a besoin de toutes ses forces et, en particulier, de rendre compatibles les valeurs justes des camps différents. On a coutume de dire que l'esprit d'entreprise et l'ordre sont des valeurs de droite, que l'égalité et la solidarité sont de gauche, que la fraternité et la tolérance sont du centre. On a besoin de toutes ces valeurs-là, ensemble. Je propose de prendre le meilleur là où il se trouve, sans s'occuper de quel camp il vient.
Q - Et les meilleurs, qui sont-ils ?
R - On les trouve dans la société civile et dans les nouvelles générations. C'est avec eux qu'il faut bâtir la nouvelle société politique dont la France a besoin. À la culture d'exclusion qui est la nôtre, je propose de substituer la culture de la coalition, comme dans nos pays voisins. La crise profonde dans laquelle se trouve la France ne se résoudra pas avec un gouvernement qui représente un tiers des électeurs, comme c'est le cas aujourd'hui en France.
Q - Comment parvient-on à cela, alors que vous n'avez jamais été jusqu'ici un rassembleur ?
R - Je suis rassembleur par nature, et je vais le démontrer. Je ne crois plus à la guerre gauche contre droite. Si l'une des deux gagne encore en 2007, quelle qu'elle soit, la déception sera terrible au bout de six mois. Leur base est trop étroite et leur attitude trop sectaire pour faire partager aux Français une vision constructive capable de rassembler le pays.
Q - La popularité actuelle de Jean-Marie Le Pen ne risque-t-elle pas d'inciter à un vote utile, à votre détriment ?
R - Les deux candidats, dits principaux, vont jouer avec cette menace, bien sûr. Mais le meilleur moyen de contrer Le Pen, c'est de proposer aux Français un autre choix que celui auquel on veut les réduire.
Q - Entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, quel serait votre meilleur adversaire ?
R - Je n'ai envie ni de la France de Nicolas Sarkozy ni de celle de Ségolène Royal. D'un côté, il y a beaucoup de tensions, on oppose beaucoup les Français entre eux, on désigne des « voyous », on distingue les « gagnants » et les « perdants » ou on stigmatise « ceux qui ne se lèvent pas le matin ». Et de l'autre côté, on suit l'opinion, on cible les élus avec des jurys citoyens ou les profs soupçonnés de ne pas faire leur travail. Mais surtout je suis certain qu'aucun des deux camps, enfermé dans sa logique partisane, n'a, seul, la moindre chance de résoudre les problèmes du pays. Il y a un immense effort à conduire pour sortir de nos drames. Pour cela il faut rassembler le pays beaucoup plus largement que ne peuvent le faire le PS ou l'UMP.
Propos recueillis par Jean-Yves Boulic et Roland Godefroy
source http://www.udf.org, le 11 décembre 2006
R - Quand le gouvernement propose quelque chose de bien, je le dis et je le vote. Quand il y a des choses qui ne vont pas, je le dis et je les combats. Je me comporte en élu libre de ses choix, et pas inféodé. Je n'aime pas que l'esprit partisan domine tout. En 2002, j'ai été choqué que Jacques Chirac, élu par 82 % des Français, ait choisi de former un gouvernement avec les seuls 19 % obtenus au premier tour. Il aurait dû se sentir l'élu des Français et pas seulement de ses partisans. Aujourd'hui, qui peut prétendre que les choses vont mieux qu'il y a cinq ans, pour ce qui concerne le chômage, la dette, l'exclusion ou même la sécurité ? C'est cet échec contre lequel je me bats et qui m'inspire une approche politique nouvelle.
Q - N'y a-t-il pas un décalage entre le positionnement tranché au niveau national et celui des élus UDF qui collaborent avec leur partenaire de la majorité sur le terrain ?
R - Le débat national est une chose et la vie locale une autre. Dans le débat national sur GDF-Suez, sur la privatisation des autoroutes, sur le CPE, nous avons dit notre désaccord, et nos choix n'étaient pas des choix d'opportunité, mais de lucidité. Si le clivage droite-gauche est déjà stupide au niveau national, le recopier dans tous les exécutifs locaux serait d'une totale absurdité. Le jour reviendra, j'en suis sûr, où l'on pourra avoir des majorités plus larges, plus rassembleuses, selon les villes ou les régions, comme dans les pays qui nous entourent.
Q - L'état de délabrement de la France, que vous décrivez, est-il dû surtout à un manque de volonté et de courage politique des gouvernants ?
R - Oui, les gouvernants tremblent devant l'opinion. Notre système du tout ou rien les rend terriblement fragiles. Une fois tous les cinq ans, un seul vote donne tout le pouvoir aux uns et plus rien aux autres. Et lorsque l'élection intervient, on se met à démolir ce qu'avaient fait les précédents et à ne plus nommer que des copains. Ce tout ou rien, qui n'est pas républicain, fait que les sondages deviennent obsédants. L'élection est tellement importante que tout le monde se met à trembler dès que l'opinion se dérobe quelque peu. Cela empêche les gouvernants d'imaginer le long terme et de prendre des risques.
Q - Dans votre discours de candidat, vous évoquez des « objectifs raisonnables et républicains » : lesquels ?
R - D'abord de nouvelles institutions, avec une vraie représentativité des élus et une séparation réelle entre le législatif et l'exécutif. Une réforme de l'État avec un rééquilibrage des finances publiques. Une politique active de soutien à l'entreprise, surtout à la petite entreprise. Une politique obstinée de lutte contre l'exclusion par le retour à l'activité. Une politique d'éducation qui retrouve l'excellence républicaine sur tout le territoire, etc. Si je devais résumer tout cela dans une formule, je dirais : « Un pays fort où tout le monde a sa place. »
Q - La personnalité du candidat, dans une telle élection, importe-t-elle plus que le programme ?
R - Bien sûr. C'est lui (ou elle) la charpente de l'édifice. Si le meilleur des programmes est porté par quelqu'un qui a peur, il ne tiendra pas plus que feuille morte à l'automne...
Q - Vous dites vouloir « prendre le meilleur et les meilleurs ». Qu'entendez-vous concrètement par là ?
R - La France a besoin de toutes ses forces et, en particulier, de rendre compatibles les valeurs justes des camps différents. On a coutume de dire que l'esprit d'entreprise et l'ordre sont des valeurs de droite, que l'égalité et la solidarité sont de gauche, que la fraternité et la tolérance sont du centre. On a besoin de toutes ces valeurs-là, ensemble. Je propose de prendre le meilleur là où il se trouve, sans s'occuper de quel camp il vient.
Q - Et les meilleurs, qui sont-ils ?
R - On les trouve dans la société civile et dans les nouvelles générations. C'est avec eux qu'il faut bâtir la nouvelle société politique dont la France a besoin. À la culture d'exclusion qui est la nôtre, je propose de substituer la culture de la coalition, comme dans nos pays voisins. La crise profonde dans laquelle se trouve la France ne se résoudra pas avec un gouvernement qui représente un tiers des électeurs, comme c'est le cas aujourd'hui en France.
Q - Comment parvient-on à cela, alors que vous n'avez jamais été jusqu'ici un rassembleur ?
R - Je suis rassembleur par nature, et je vais le démontrer. Je ne crois plus à la guerre gauche contre droite. Si l'une des deux gagne encore en 2007, quelle qu'elle soit, la déception sera terrible au bout de six mois. Leur base est trop étroite et leur attitude trop sectaire pour faire partager aux Français une vision constructive capable de rassembler le pays.
Q - La popularité actuelle de Jean-Marie Le Pen ne risque-t-elle pas d'inciter à un vote utile, à votre détriment ?
R - Les deux candidats, dits principaux, vont jouer avec cette menace, bien sûr. Mais le meilleur moyen de contrer Le Pen, c'est de proposer aux Français un autre choix que celui auquel on veut les réduire.
Q - Entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, quel serait votre meilleur adversaire ?
R - Je n'ai envie ni de la France de Nicolas Sarkozy ni de celle de Ségolène Royal. D'un côté, il y a beaucoup de tensions, on oppose beaucoup les Français entre eux, on désigne des « voyous », on distingue les « gagnants » et les « perdants » ou on stigmatise « ceux qui ne se lèvent pas le matin ». Et de l'autre côté, on suit l'opinion, on cible les élus avec des jurys citoyens ou les profs soupçonnés de ne pas faire leur travail. Mais surtout je suis certain qu'aucun des deux camps, enfermé dans sa logique partisane, n'a, seul, la moindre chance de résoudre les problèmes du pays. Il y a un immense effort à conduire pour sortir de nos drames. Pour cela il faut rassembler le pays beaucoup plus largement que ne peuvent le faire le PS ou l'UMP.
Propos recueillis par Jean-Yves Boulic et Roland Godefroy
source http://www.udf.org, le 11 décembre 2006