Point de presse de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les négociations entre l'Union européenne et la Turquie, la situation au Proche-Orient, le dossier du nucléaire iranien et sur les relations sino-européennes, à Bruxelles le 11 décembre 2006.

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Circonstance : Conseil affaires générales, à Bruxelles (Belgique) le 11 décembre 2006

Texte intégral

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le Conseil Affaires générales et Relations extérieures a été assez largement dominé par les conséquences à tirer de l'absence de mise en oeuvre par la Turquie de ses engagements.
Sachez qu'après de longs débats, le Conseil a accueilli favorablement les recommandations de la Commission. Nous avons donc un accord et une décision.
Huit chapitres liés à l'union douanière ne seront pas ouverts à la négociation tant que la Turquie n'aura pas rempli ses obligations au titre du protocole additionnel. De plus, et ce dans les mêmes conditions, aucun chapitre ne sera fermé à la négociation tant que la Turquie n'aura pas respecté ses engagements. Pour le reste, le processus continue et le screening se poursuit. Les chapitres peuvent être ouverts s'il y a un accord pour le faire, conformément au cadre de négociation agréé. Voilà le résultat de ces débats.
Comme vous l'a dit le ministre en anticipant sur ce résultat favorable, c'est un bon équilibre. La Commission fera son rapport annuel en 2007, 2008 et 2009 si nécessaire, et le Conseil en tirera des conclusions. Il a d'ores et déjà espéré que des progrès puissent être faits. Cela signifie des gestes et des actes concrets dans la mise en oeuvre du protocole additionnel. Cette mise en ouvre reste, bien sûr, notre objectif. Je veux le redire après que nos hautes autorités l'aient dit cette semaine en d'autres circonstances.
Ce conseil a aussi traité de plusieurs questions internationales importantes trois jours avant le Conseil européen : Moyen-Orient, Liban, Iran, Chine.
Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, nous avons d'abord évoqué la situation dans les territoires palestiniens sur la base du rapport du Secrétaire général, Haut-représentant. Cette situation continue de nous inquiéter au plus haut point et appelle une réponse urgente. Le Conseil a décidé la prolongation du mécanisme temporaire d'acheminement de l'aide pour trois mois supplémentaires. Je voudrais souligner, devant vous, que ce dispositif, mis en place par l'Union européenne sur mandat du Quartet, est l'un des rares canaux qui permette aujourd'hui d'apporter une aide financière aux populations palestiniennes et je veux saluer le travail de la commission qui a mené à bien cette tâche. Nous avons aussi évoqué la nécessité de soutenir M. Mahmoud Abbas, afin qu'il parvienne à former un gouvernement d'union nationale reflétant les trois principes du Quartet. C'est la seule option susceptible d'enclencher une dynamique favorable vers une perspective politique de règlement du conflit, perspective qui manque aujourd'hui cruellement. La conclusion du cessez-le-feu et l'appel lancé par le Premier ministre israélien à une perspective politique avec les Palestiniens crée un contexte favorable que la communauté internationale doit savoir mettre à profit. L'Europe est membre du Quartet et elle connaît bien cette région. Elle jouit de l'estime des uns et des autres et elle est la mieux placée pour agir. Nous reviendrons sur cette question au Conseil européen dans la semaine. Vous vous souvenez que l'Espagne, la France et l'Italie avaient souhaité l'évoquer à nouveau, pour retracer une perspective politique à l'occasion de ce Conseil.
Nous avons parlé du Liban, et à ce propos, nous avons redit tout notre soutien au gouvernement de M. Fouad Siniora. Nous avons redit aussi, bien sûr, notre volonté de voir le tribunal international se mettre en place dans les meilleurs délais. Je veux le dire en ces jours difficiles pour le Liban, je tiens à le souligner, l'Union apporte son soutien au gouvernement de M. Siniora.
Nous avons évoqué la résolution 1701, dont la mise en oeuvre doit se poursuivre avec les trois objectifs qui sont la cessation des survols israéliens, le contrôle effectif de l'embargo sur les armes, et des progrès rapides sur le volet politique. Je rappelle enfin, à propos du Liban, que nous devons rester mobilisés dans la perspective de la conférence internationale des Amis du Liban, qui se tiendra à la demande des autorités libanaises le 25 janvier prochain, à Paris.
Le Conseil a fait le point également sur le dossier de l'Iran. Nous avons, en particulier, évoqué les discussions en cours à New York relatives à l'adoption d'une résolution au Conseil de sécurité. Ces discussions se poursuivent. Vous avez vu les dernières déclarations d'un certain nombre de nos partenaires. Nous avons donc bon espoir que ces discussions puissent aboutir prochainement.
Nous avons également aujourd'hui condamné les propos inacceptables du président iranien. Propos dans lesquels il voue certains de nos pays à la destruction. Un tel discours n'est pas de nature à améliorer le climat de nos relations, cela va sans dire. J'ajoute qu'aujourd'hui se tient à Téhéran une conférence sur l'Holocauste. Nous avons été nombreux à souligner que la tenue d'une telle conférence est consternante. L'Iran ne se grandit pas en faisant cela. Nous avons donc demandé à la Présidence d'exprimer notre condamnation.
J'en viens enfin aux relations entre l'Union européenne et la Chine. Nous avons pour ambition d'avoir un partenariat stratégique entre l'Union et la Chine. La question était à l'ordre du jour sur la base d'une communication de la Commission. Nous avons réaffirmé l'importance de ce partenariat et nous avons souhaité qu'il se renforce et que l'Union prenne en compte le rôle croissant de ce grand acteur de la scène internationale qu'est la Chine. Ce sont les conclusions auxquelles nous avons abouti. Sachez que, dans ce contexte, la Présidence a souhaité faire un point sur l'embargo sur les armes dont ce pays fait l'objet de la part de l'Union européenne depuis 1989. L'Union s'était fixé l'objectif de le lever, en décembre 2004. C'est une question qui est liée à un autre sujet et, je le répète, la levée de l'embargo sur les armes est un geste de nature essentiellement politique. Le code de conduite en matière de contrôle des exportations d'armement, qui est techniquement prêt, garantirait qu'il n'y aurait pas d'augmentation des exportations d'armes des Etats membres vers ce pays. La levée de cet embargo s'inscrirait donc dans la logique de partenariat stratégique que nous ambitionnons qui devrait permettre d'aborder tous les sujets, y compris évidemment, dois-je le préciser, les questions des Droits de l'Homme. Cela étant dit, une nouvelle fois, nous n'avons pas pu réunir de consensus sur ces deux sujets qui sont liés. Liés, je vous l'ai dit, non pas par le point de vue de la France mais par une décision prise par le Conseil européen en 2004. Je vous remercie.
Q - Vous voulez dire que la France a mis son veto à l'adoption du code de conduite ?
R - Comme je l'ai dit, et je suis prête à le répéter, ces deux questions sont liées indissociablement par une décision unanime du Conseil européen, prise en décembre 2004 et, faute d'accord sur l'ensemble de ces questions, la question n'a pas connu d'évolution.
Q - (inaudible)
R - Oui et il ne m'appartient pas de dire par combien. C'est un débat que nous avons régulièrement et dont les tenants et les aboutissants sont bien connus : la situation d'aujourd'hui n'est pas celle de 1989.
Q - Sur la Turquie, pourquoi ne pas avoir pris en compte le fait que les chypriotes grecs ont rejeté le plan Annan ?
R - Nous veillons à ne pas établir de lien entre la question chypriote ''classique'' au sens des Nations unies, qui relève d'un traitement dans ce cadre, et la question des relations entre l'Union européenne et la Turquie, qui viennent aujourd'hui de connaître un autre développement.
Q - Quelle a été l'appréciation portée sur la proposition turque d'ouvrir un port ?
R - Je crois que Philippe Douste-Blazy vous en a parlé tout à l'heure. La Présidence l'a fait en séance et le refera, sans doute, devant vous. Elle a considéré que cette proposition ou tout du moins les informations qu'elle avait en sa possession sur cette proposition, étaient trop vagues, trop floues pour permettre d'avancer et de construire quoi que ce soit de nouveau. La Présidence attend des gestes concrets. L'ensemble de ses partenaires aussi. Nous souhaitons des progrès et cela signifie des actions concrètes dans la mise en oeuvre du protocole additionnel.
Q - (Sur le mécanisme de suivi)
R - Je voudrais vous rappeler qu'il n'y a pas de suspension générale. Il y a un certain nombre de mesures que j'ai détaillées devant vous et un processus qui se poursuit. Il y a aura en particulier en 2007, en 2008, en 2009, si nécessaire, un rapport de la Commission. Bien sûr, à tout moment - et nous le souhaitons - des avancées concrètes de la part de la Turquie démontrant qu'elle met en oeuvre le protocole d'Ankara ne manqueraient pas d'être prises en compte par le Conseil, si la Commission le lui signalait, ce dont je ne doute pas.
Q - Les choses ont-elles avancé sur le règlement commerce direct, où l'Union européenne doit tenir ses engagements ?
R - Il y a une décision de l'Union en 2004 qui reste à mettre en oeuvre, et on peut estimer que, si la bonne volonté des uns et des autres était au rendez-vous, nous pourrions progresser dans les mois qui viennent sur ces questions-là.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2006