Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Les femmes et les hommes des classes populaires n'ont pas besoin d'entendre Sarkozy, candidat de la droite en campagne, pour percevoir sa haine et son mépris à leur égard. Il le prouve depuis cinq ans par tout ce qu'il dit et par tous les actes de son gouvernement.
Pourtant, lorsque Sarkozy s'adresse à son propre électorat, il exprime encore plus brutalement son hostilité pour les travailleurs. Et pour cause : son électorat, ce sont les possédants grands et petits qui ont en commun de considérer que les chômeurs le sont parce qu'ils choisissent de l'être, qu'un ouvrier ne travaille jamais assez ni assez longtemps, qu'un employé des services publics est un fainéant.
C'est devant un parterre de patrons de l'hôtellerie que Sarkozy s'est expliqué récemment sur le nouveau contrat de travail qu'il propose.
Je le cite- « D'un côté, un contrat de travail unique permettra une simplification du droit du travail et offrira davantage de souplesse aux entreprises, en s'inspirant de ce qui fait aujourd'hui le succès du CNE. D'un autre côté, chaque salarié français bénéficiera d'une véritable assurance retour à l'emploi.... contre une obligation de recherche d'emploi ... ».
Derrière la balance égalitaire « d'un côté, d'un autre côté », il y a pour les patrons la promesse de Sarkozy d'étendre le CNE à l'ensemble des travailleurs, ce qui signifie en clair la liberté totale de licencier. Et, pour les travailleurs, « une véritable assurance retour à l'emploi » ? Mais comment ? Le gouvernement obligera les patrons à embaucher ? C'est l'État qui embauchera ? Ou qui d'autre ? Rien de concret si ce n'est cette obligation de recherche d'emploi : comme si les chômeurs n'en cherchaient pas ! Mais, dans le langage de ces gens-là, cela signifie qu'il faut que le chômeur accepte n'importe quel emploi à n'importe quel prix !
Sarkozy dit encore : « La fracture sociale, si elle existe, se situe désormais nettement entre la France qui travaille, se lève tôt et élève ses enfants sans bénéficier d'aucune aide spécifique, et ceux qui, par faiblesse, par accident ou par facilité, se sont laissés enfermer dans l'assistanat ».
Admirez l'expression « la fracture sociale, si elle existe ». On dirait que n'existent pas les 6 à 7 millions de travailleurs pauvres, que n'existent pas les 20 millions de repas servis par les Restos du coeur et la misère qui monte !
Et, comment ne pas sentir le mépris qui suinte de chaque mot de cet homme qui parle des travailleurs licenciés en disant qu'ils se sont « laissés enfermer dans l'assistanat » ? Mais quand on se fait licencier de Thomé-Génot, de Yoplait, d'Airbus ou de Citroën, est-ce « par faiblesse, par accident ou par facilité » ? Comme si on se retrouvait chômeur de son propre fait !
Et comment ne pas ressentir du dégoût en entendant cette démagogie opposant les uns aux autres, ceux qui ont été licenciés et ceux qui sont encore au travail ? Entre ceux qui sont jusqu'au cou dans la misère et ceux dont la tête dépasse un peu ?
Ecoutons-le encore affirmer que « Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire. Au nom de quoi interdit-on aujourd'hui à un jeune actif de travailler davantage que 35 heures, s'il veut accéder à la propriété ou si sa famille s'agrandit ? »
Et au nom de quoi on lui interdit de travailler tout court ? 15 % des jeunes sont au chômage, chiffre d'ailleurs complètement sous-estimé parce que la majorité de ceux qui ne figurent pas dans les statistiques du chômage n'ont qu'un emploi précaire et ils ne sont pas vraiment sortis du chômage.
« Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui ». Comme si les travailleurs d'une entreprise, d'une usine ou d'un supermarché, pouvaient décider « librement » de leurs horaires de travail et de quitter la chaîne de production ou la caisse du supermarché, une fois accompli leur horaire « librement choisi » !
Tout le programme social de Sarkozy se résume dans cette formule qu'il ne cesse de répéter : travailler plus pour gagner plus. Il ose affirmer cela dans un pays où il y a près de trois millions de chômeurs à temps complet, sans parler des trois millions de précaires, d'intérimaires et de temps partiel non choisi qui sont tous des chômeurs à temps partiel.
La dernière trouvaille de Sarkozy, c'est de partir en guerre, comme il l'a fait le week-end dernier, au forum organisé par son parti, l'UMP, contre « la dictature des minorités de grévistes ». Pour mettre fin à cela, il propose qu'au plus tard le huitième jour d'une grève, celle-ci soit soumise au vote secret de tout l'effectif de l'entreprise concernée (bien entendu non grévistes et cadres compris).
Que tous les salariés soient soumis à une dictature, bien réelle celle-là et pas pour trois ou huit jours mais tout le temps, celle du patron, qui a le pouvoir de supprimer des emplois, de fermer une usine ou de la délocaliser, aussi dramatiques que soient les conséquences, cela ne gêne pas Sarkozy. Mais que des travailleurs se défendent par la grève, il ne l'admet pas. Il est le porte-voix du grand patronat, porte-voix il reste.
Cela dit, il présume de sa force s'il croit que des subterfuges juridiques empêcheront les importants mouvements de la classe ouvrière. Il est des grèves qui emportent tout sur leur passage. L'ancêtre dont il se réclame, De Gaulle, en fit l'expérience. Lorsque les mineurs se mirent en grève, De Gaulle eut beau les réquisitionner, les grévistes n'en tinrent aucun compte. Quelques années plus tard, en mai 68, De Gaulle alla en Allemagne chercher du secours auprès du général Massu. Cela n'arrêta pas la grève. Et Sarkozy n'est pas De Gaulle !
Il ne peut y avoir aucun doute pour les travailleurs. Sarkozy et la droite, dont il se veut le chef de file, sont les ennemis ouverts, directs, du monde du travail. Toute leur action politique consiste à soutenir le grand patronat dans la guerre qu'il mène contre les salariés.
Le gouvernement de droite a tellement accumulé de mesures anti-ouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser.
Mais si l'électorat populaire a toutes les raisons de se réjouir de l'échec de la droite à la prochaine élection présidentielle, peut-il espérer pour autant que Ségolène Royal mènerait une politique qui corresponde aux besoins des classes populaires ? Est-ce que l'électorat populaire peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce qu'avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Les classes populaires peuvent-elles espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'Etat, il y aura des changements significatifs ?
Peut-il espérer que l'Etat donnera à l'Education nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ? Peut-il espérer que l'on construise en nombre suffisant des logements convenables à la portée d'un salaire ouvrier ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait qu'elle ne fera rien de tout cela.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire.
Mais a-t-on entendu Ségolène Royal prendre des engagements à l'égard des classes populaires ?
Lors de son discours au congrès d'investiture du Parti socialiste, elle a déclaré solennellement « Je lance aujourd'hui un appel à tous les Français (...) Aidons-nous les uns les autres à servir la France (...) Une France qui aura le courage d'affronter les mutations sans renoncer à son idéal de liberté, d'égalité, de fraternité et de justice ». Mais où sont donc, pour une grande partie de la population, ces « liberté, égalité, fraternité et justice » auxquelles il ne faut pas renoncer ?
Et qui sont ces « Français » auxquels elle s'adresse ? La famille Peugeot ou les victimes des 10 000 suppressions d'emplois annoncées par l'entreprise ? L'ancien propriétaire de Thomé-Génot ou les travailleurs de cette entreprise qui sont aujourd'hui licenciés ? Les Mulliez ou l'une des milliers de caissières mal payées de leurs nombreux super et hypermarchés ? Madame Bettencourt, milliardaire en euros, ou un de ceux qui ne survivraient pas sans les Restos du Coeur ?
Comment avec un tel langage, Ségolène Royal pourrait-elle prendre la moindre mesure de contrainte pour obliger les patrons à utiliser leurs profits en hausse de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois ? Et si elle ne le fait pas, comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
Le premier tour de l'élection présidentielle est dans quatre mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent. Mais elle ne prendra pas d'engagements concrets à l'égard des travailleurs.
Il faudra en tout cas qu'elle sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles ne font pas pour autant confiance ni à Ségolène Royal, ni à son parti. Et cela, les classes populaires auraient intérêt à l'exprimer. Au mieux, avant même les élections. Mais, au moins, au premier tour des élections. Car c'est seulement au premier tour que l'électorat populaire a la possibilité de voter contre Sarkozy tout en exprimant sa méfiance à l'égard de la candidate socialiste. Et c'est ce premier tour où l'électeur a le choix entre plusieurs politiques, le seul où il peut s'exprimer, c'est ce premier tour que les médias comme les dirigeants politiques sont en train de transformer en simple formalité sans importance.
A coups de sondages, de passages répétés à la télévision, à coups de millions déversés, de meetings spectacles, se déroule sous nos yeux la fabrication de deux candidats entre lesquels les électeurs devront choisir celle ou celui qui occupera l'Élysée pour les cinq à venir : un candidat qui se revendique de la droite et une candidate qui se dit de gauche.
Cela se passe comme cela depuis bien longtemps aux États-Unis où deux partis à peine différents l'un de l'autre, le Parti républicain et le Parti démocrate, se disputent l'exécutif comme le législatif, fermant pratiquement la possibilité pour d'autres courants non seulement de se faire élire mais même de s'exprimer.
Oui, bien sûr, cette bi-polarisation n'est pas, en France, poussée aussi loin qu'aux États-Unis.
Mais toute la machinerie électorale fonctionne pour raboter, uniformiser, les multiples opinions qui existent dans l'électorat pour qu'au bout du compte, elles entrent dans le moule de deux opinions préformatées. On pourrait se dire qu'il n'y a qu'une seule place de président et qu'il est dans la logique de cette fonction que les minorités disparaissent. Mais après, il y a les législatives, et des députés, il y en a 577. Il y a de quoi assurer la présence à l'Assemblée d'élus de tous les courants politiques, même minoritaires.
Eh oui, si les élections législatives étaient à la proportionnelle intégrale, un courant recueillant 1 % des suffrages devrait avoir cinq élus. Avec le mode de scrutin majoritaire par circonscription, un courant politique comme le nôtre, qui a recueilli lors de l'élection présidentielle de 2002 un peu plus d'un million six cent mille suffrages, est écarté de toute représentation.
De plus, les législatives elles-mêmes contribuent à pousser à la bi-polarisation. Les formations politiques minoritaires à gauche ou à droite n'ont pratiquement pas de chances d'avoir des élus aux législatives s'ils n'ont pas le soutien, direct ou indirect, des formations dominantes.
Du coup, faire miroiter devant les partis minoritaires une attitude bienveillante lors des législatives devient, pour l'UMP à droite et le Parti socialiste à gauche, un moyen de chantage convaincant pour les amener à retirer leur candidature à la présidentielle.
En dernier, c'est Chevènement qui se rallie au Parti socialiste, ralliement qui a fait dire à Ségolène Royal : « C'est un moment historique fort pour la gauche » ! Rien de moins !
Il y a quinze jours encore, Chevènement jurait ses grands dieux qu'il resterait candidat jusqu'au bout. Autant que je m'en souvienne, à l'époque le Parti socialiste lui offrait trois circonscriptions. Maintenant que le Parti socialiste lui en offre dix, Chevènement abandonne ses grandes résolutions. J'en conclus que l'importance qu'il accorde à ses propres idées se situe quelque part entre trois et dix circonscriptions.
Oh, la stricte égalité entre candidats sera observée pendant les quinze jours de campagne proprement dite. Les candidats défileront à la queue leu leu, quelques minutes pour chacun dans les émissions officielles qu' il faut avoir du courage pour regarder.
Mais la véritable campagne électorale se déroule déjà, et il n'y a même pas un semblant d'égalité. Ségolène Royal ou Sarkozy ne peuvent pas faire un pas sans qu'une meute de journalistes les accompagne, même en déplacement à l'étranger, et impose l'idée que le ou la futur(e) président(e) sera l'un ou l'autre et que tous les autres candidats ne sont que des figurants.
Et j'en profite pour le dire, la même presse et les mêmes chaînes de télévision qui assurent, jour après jour, une publicité coûteuse mais non facturée au duo Sarkozy-Royal, font mine de s'étonner de la campagne d'affiches commerciales que nous avons faite. Ils s'ingénient à trouver les moyens de nous calomnier à son propos.
En fait, nous avons fait la même campagne, avec presque le même slogan en 1995 et en 2002. Il a donc fallu aux médias douze ans et trois campagnes électorales pour s'en apercevoir et pour s'y intéresser. Il faut croire qu'ou bien nos campagnes précédentes n'étaient pas très visibles, ou bien la presse est lente à la détente. D'autant que le nombre d'affiches de cette année est inférieur aux années précédentes, pour garder un budget voisin.
Sur son coût, je dirai qu'en 1995, j'ai obtenu plus de 5 % des voix et que notre campagne a été remboursée. C'est avec ce remboursement que nous avons pu faire celle de 2002. Comme nous avons aussi été remboursés en 2002, nous avons pu, sans rien investir de plus, financer celle-ci.
Et nous n'avons pas coûte cher aux contribuables car nos dépenses totales de campagne de 2002, dont ces affiches commerciales ont fait partie, n'ont représenté qu'un sixième des dépenses autorisées, c'est-à-dire très loin de ce que dépensent, avec salles immenses, voyages avec tout le staff en avions privés, et j'en passe, les candidats dits principaux, sans même parler des services gratuits que les médias leur offrent.
Et j'ajouterai encore que l'actuelle campagne d'affiches se termine bientôt et que, pour la suite, comme d'habitude, nous ferons appel à tous nos amis pour l'affichage militant sur lequel repose l'essentiel de notre campagne.
Qu'elle est belle, leur démocratie ! On laisse les électeurs choisir mais uniquement parmi des candidats qui ont été présélectionnés par les appareils politiques des grands partis, mais plus encore par ceux qui tiennent les cordons de la bourse, ceux qui possèdent les grands quotidiens et les chaînes de télévision, de Dassault à Lagardère en passant par Bolloré et Bouygues. Et la télévision d'État s'aligne. L'élection présidentielle tourne au grand spectacle sponsorisé par les plus riches.
Mais, après tout, cela correspond à la réalité des faits. Ce qu'on demande aux dirigeants politiques élus, c'est d'occuper le devant de la scène. Mais le véritable pouvoir n'est pas soumis aux suffrages. Ceux qui l'exercent le font en vertu de la toute puissance que leur donnent leurs capitaux.
Oui, les dirigeants politiques ne sont là que pour assurer le spectacle. Pour le reste, ils sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
Dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Il y a un mois, c'est le PDG du trust Peugeot-Citroën qui annonçait la suppression de 10 000 emplois. Puis, c'est Airbus qui a fait état de son intention de se débarrasser d'une grande partie de ses sous-traitants, faisant payer aux travailleurs de ces sous-traitants les erreurs de sa propre direction.
Il y a quinze jours, c'est la direction de Volkswagen qui annonce des milliers de suppressions d'emploi dans son usine de Bruxelles, en Belgique !
Et ces grandes entreprises ne sont que la partie émergée de l'iceberg.
Ce que vient de dire ma camarade Renée Potchtovik sur la situation dans la région est éloquent. La quasi-totalité des entreprises parmi celles qui n'ont pas complètement fermé ont réduit leurs effectifs en les divisant par deux, par trois, voire par cinq !
Pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de retrouver autre chose qu'un emploi précaire et, qui plus est, mal payé ? Qui, parmi les travailleurs, ne voit pas la pauvreté qui monte ?
Les Restos du Coeur sont à peine ouverts que déjà ils sont assiégés. Leurs usagers ne sont plus, depuis longtemps, des marginaux. De plus en plus nombreux sont ceux qui, alors pourtant qu'ils ont un travail, ne peuvent plus se passer des Restos du Coeur.
La semaine dernière, un grand quotidien consacrait sa Une et une double page à ce qu'il appelle « les damnés du périph' ». C'est-à-dire à ces femmes et à ces hommes, qui vivent sous des tentes ou dans des cabanes le long des talus bordant le périphérique parisien. Le journaliste souligne « sur le périph', il y a aussi des familles avec des enfants, scolarisés ou non, des travailleurs pauvres ».
C'est que, dans cette société capitaliste, il y a, parmi eux, des travailleurs du bâtiment qui construisent des logements ou des bureaux pour les riches et qui, chaque soir, après le travail, rentrent sous une tente au bord du périphérique !
Voilà où on en est au XXIème siècle dans un des pays les plus riches de la planète ! Et je répète qu'il ne s'agit pas seulement de cas sociaux. Il y a parmi eux des hommes et des femmes qui ont beau travailler, leur salaire est insuffisant ou leur situation trop précaire pour qu'une société immobilière accepte de les prendre en tant que locataires. Il s'agit d'une fraction de la classe ouvrière elle-même.
Et le vice-président du Medef ose affirmer que le chômage, c'est la faute au Smic qui détruit des emplois ! Francis Mer, grand patron et ex-ministre de Raffarin, est encore plus cynique. Il a déclaré : « Il faut geler le Smic pendant une bonne dizaine d'années » pour créer des emplois.
La baisse du Smic ne créerait pas d'emplois, mais elle rendrait plus pauvres encore ceux qui travaillent.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions privés ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots.
Le contraste croissant entre le gaspillage de ceux qui vivent dans le luxe et ceux qui crèvent de pauvreté est révoltant. Mais ce n'est même pas ce qui coûte le plus cher à la société.
La part des profits -la plus importante- est utilisée par les entreprises à racheter d'autres entreprises, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est un immense gâchis du point de vue de la société car l'argent dépensé simplement pour qu'une entreprise change de propriétaire n'augmente pas la richesse sociale. Ce n'est pas un investissement productif. Et c'est, de plus, nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
Et c'est peut-être cela le pire. La concurrence, la spéculation, la course de chaque groupe capitaliste pour réaliser un maximum de profit, se transforment à l'échelle de l'ensemble de la société en une véritable course à l'abîme et un abominable gâchis de biens, de ressources et de travail humain. C'est une société à irresponsabilité illimitée...
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ils peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut au moins une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs et en quoi cela représente un danger grave pour l'avenir de l'humanité. Et qui dise que ce système n'est pas améliorable par petits bouts, qu'il faut le changer de fond en comble.
C'est pour cela que je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis et, surtout, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Je ne commenterai pas longuement l'agonie du rassemblement anti-libéral, ce regroupement hétérogène qui se veut à la gauche du Parti socialiste et qui, faute de pouvoir se mettre d'accord sur le nom du ou de la candidate pour l'élection présidentielle, est en train de se décomposer dans les tensions et les ressentiments.
J'ai toujours refusé de propager l'illusion que tous ceux qui, à gauche, avaient appelé à voter « non » au référendum sur la Constitution européenne, pouvaient se retrouver dans un même parti et, surtout, que ce parti pouvait représenter un espoir pour tous ceux qui étaient déçus par les cinq ans du gouvernement Jospin.
Voter ensemble « non » à un référendum ne crée pas un ciment politique. Il ne suffit pas d'affirmer que l'union fait la force lorsqu'il s'agit de forces tirant dans des sens différents, voire opposés.
La dénomination même de ce courant est une étiquette trompeuse dans laquelle je ne me reconnais absolument pas. « Anti-libéralisme », c'est une expression vide de sens, inventée par ceux qui veulent dissimuler qu'ils ne combattent ni le capitalisme ni le grand patronat.
Le Parti communiste s'est particulièrement investi dans les collectifs unitaires anti-libéraux. Marie-George Buffet, qui a déjà été désignée candidate de son parti pour l'élection présidentielle, tient manifestement à se présenter au nom du rassemblement anti-libéral de gauche.
Mais ce n'est pas pour abandonner sa vieille stratégie d'alliance avec le Parti socialiste, c'est-à-dire d'alignement derrière lui, malgré les affirmations de ceux qui faisaient espérer le contraire.
Présenter sa candidate au nom du rassemblement n'est qu'un moyen pour le Parti communiste de renouveler son langage destiné à justifier, avec de nouveaux mots mais de vieilles idées, la politique d'alignement derrière le Parti socialiste, qui est la sienne depuis trente ans. Le « rassemblement anti-libéral » a permis au Parti communiste de prétendre qu'il y a une « dynamique unitaire », et même une dynamique telle qu'elle peut déboucher sur -et là je cite L'Humanité- « une majorité populaire pour constituer un gouvernement ». C'est une escroquerie de prétendre cela mais le Parti communiste pouvait d'autant plus se le permettre qu'il avait la caution de toutes les autres composantes de la dite « gauche anti-libérale » qui allaient répétant de meeting en meeting la même stupidité.
Le Parti communiste français sait parfaitement que, même si Marie-George Buffet est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne dépassera pas la candidate du Parti socialiste. Mais le calcul qu'elle affiche dans sa campagne est que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Mais, même en 1981, à l'époque où Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste.
Mais le résultat a été à chaque fois le même. Une fois à la tête du gouvernement, le Parti socialiste a mené la politique qu'il entendait mener, c'est-à-dire une politique acceptée par le patronat, en ne laissant au Parti communiste que le choix entre s'aligner ou quitter le gouvernement. Et Marie-George Buffet elle-même, en tant que ministre du gouvernement Jospin, a cautionné pendant cinq ans la politique du gouvernement socialiste, y compris dans ses mesures les plus anti-ouvrières.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a désarmé les travailleurs et les a détournés de la lutte de classe, le seul moyen pourtant pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est avec cette politique qu'il a déçu et démoralisé ses militants et son électorat. Ce n'est pas parce que cette politique est présentée dans un nouvel emballage, signé « anti-libéral de gauche », qu'elle est meilleure !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre à la dictature du grand patronat sur l'économie et sur la société. Le grand patronat ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui sera installée à l'Élysée, et il n'en aura rien à craindre. C'est-à-dire que, de leur côté, les classes populaires n'en auront rien à espérer.
J'ai l'air de me répéter en disant cela. Mais, si je me répète, c'est parce que la société ne change pas et que, si elle change, c'est en pire. On ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre sans réagir qu'on nous écrase, c'est impossible.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Il faut que la population puisse intervenir lorsqu'une entreprise se prépare à utiliser ses profits de façon nuisible à toute la société. C'est la seule façon d'arrêter la marche vers la misère.
Je sais que les classes populaires veulent avant tout empêcher que Sarkozy soit élu président de la République. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail quand on n'en a pas.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c'est la politique exigée par le grand patronat. Depuis trente ans que la gauche et la droite se relaient à la tête de l'État, seules changent les équipes qui dirigent, pas la politique qu'elles mènent. Une politique au service du grand patronat, destinée à réduire, toujours plus, la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que la classe ouvrière, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les techniciens, les chômeurs, les retraités, puisse dire qu'elle ne se laissera pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut qu'elle puisse dire qu'elle ne se fait aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'elle n'en attend rien. Car, derrière eux, c'est le grand patronat qui décide et qui tire les ficelles.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans les circonstances habituelles que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par un très puissant mouvement social.
Mais même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité.
Il faudrait que ce soit le mouvement social, la puissance de la classe ouvrière, qui impose aux juges de respecter les lois prises en faveur des travailleurs et des pauvres.
Il faudrait que ce soit le mouvement social qui interdise à la police d'intervenir contre les travailleurs lorsqu'ils imposeront le contrôle de la population sur les finances des entreprises, sur leurs projets et sur leurs choix.
Il faudrait surtout que le mouvement social soit assez puissant pour briser la résistance du patronat lui-même et pour lui enlever la possibilité de contrecarrer la mise en cause de son pouvoir exclusif sur les entreprises et sur l'économie.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais nous y serons un jour, j'en suis convaincue, car cette société est destinée à périr.
Mais il faut que le vote de l'électorat populaire soit ressenti comme l'annonce ou du moins la prémisse d'une menace. Plus il y aura de votes contestataires, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Les objectifs que j'avance dans cette campagne ne peuvent être imposés que par un mouvement social puissant, par une levée en masse exceptionnelle des classes populaires, décidées à ne plus se laisser gruger, voler, opprimer. Mais pour que les travailleurs s'emparent de ces objectifs le moment venu, il faut qu'ils soient popularisés auprès de tous.
Il est inutile d'espérer qu'un gouvernement s'oppose, par exemple, à des licenciements collectifs alors que l'entreprise fait du profit ou qu'il empêche une délocalisation. Mais les travailleurs, s'ils sont tous unis dans les mêmes revendications, ont les moyens de bloquer non seulement l'usine qu'un groupe capitaliste se prépare à délocaliser, mais toutes les autres usines du même group et les banques qui en détiennent des actions. Les employés de banque peuvent bloquer ses comptes et faire en sorte que si un patron agit contre l'intérêt de la collectivité, il ne puisse pas continuer paisiblement ses affaires ailleurs.
Contre le mur d'argent, comme on disait dans le temps, contre la dictature du capital, il n'y a pas d'autre moyen que la force des masses exploitées, leur colère qui fasse vraiment peur au grand patronat et à la bourgeoisie.
Voilà les idées que je défendrai dans cette campagne. Ce n'est pas le programme d'une personne ou d'une organisation, c'est un programme que seule l'action collective des travailleurs pourra imposer.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient dans les classes populaires ceux qui, en votant pour ma candidature, montreront qu'ils partagent ce programme. C'est la seule façon d'assurer que cette élection fasse plus que de chasser Sarkozy et le gouvernement de droite : que le score de l'extrême gauche contestataire montre à la nouvelle équipe au pouvoir comme au patronat qu'à force de continuer la politique qui est menée depuis tant de temps, ils mettront le feu à la plaine !
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 15 décembre 2006
Les femmes et les hommes des classes populaires n'ont pas besoin d'entendre Sarkozy, candidat de la droite en campagne, pour percevoir sa haine et son mépris à leur égard. Il le prouve depuis cinq ans par tout ce qu'il dit et par tous les actes de son gouvernement.
Pourtant, lorsque Sarkozy s'adresse à son propre électorat, il exprime encore plus brutalement son hostilité pour les travailleurs. Et pour cause : son électorat, ce sont les possédants grands et petits qui ont en commun de considérer que les chômeurs le sont parce qu'ils choisissent de l'être, qu'un ouvrier ne travaille jamais assez ni assez longtemps, qu'un employé des services publics est un fainéant.
C'est devant un parterre de patrons de l'hôtellerie que Sarkozy s'est expliqué récemment sur le nouveau contrat de travail qu'il propose.
Je le cite- « D'un côté, un contrat de travail unique permettra une simplification du droit du travail et offrira davantage de souplesse aux entreprises, en s'inspirant de ce qui fait aujourd'hui le succès du CNE. D'un autre côté, chaque salarié français bénéficiera d'une véritable assurance retour à l'emploi.... contre une obligation de recherche d'emploi ... ».
Derrière la balance égalitaire « d'un côté, d'un autre côté », il y a pour les patrons la promesse de Sarkozy d'étendre le CNE à l'ensemble des travailleurs, ce qui signifie en clair la liberté totale de licencier. Et, pour les travailleurs, « une véritable assurance retour à l'emploi » ? Mais comment ? Le gouvernement obligera les patrons à embaucher ? C'est l'État qui embauchera ? Ou qui d'autre ? Rien de concret si ce n'est cette obligation de recherche d'emploi : comme si les chômeurs n'en cherchaient pas ! Mais, dans le langage de ces gens-là, cela signifie qu'il faut que le chômeur accepte n'importe quel emploi à n'importe quel prix !
Sarkozy dit encore : « La fracture sociale, si elle existe, se situe désormais nettement entre la France qui travaille, se lève tôt et élève ses enfants sans bénéficier d'aucune aide spécifique, et ceux qui, par faiblesse, par accident ou par facilité, se sont laissés enfermer dans l'assistanat ».
Admirez l'expression « la fracture sociale, si elle existe ». On dirait que n'existent pas les 6 à 7 millions de travailleurs pauvres, que n'existent pas les 20 millions de repas servis par les Restos du coeur et la misère qui monte !
Et, comment ne pas sentir le mépris qui suinte de chaque mot de cet homme qui parle des travailleurs licenciés en disant qu'ils se sont « laissés enfermer dans l'assistanat » ? Mais quand on se fait licencier de Thomé-Génot, de Yoplait, d'Airbus ou de Citroën, est-ce « par faiblesse, par accident ou par facilité » ? Comme si on se retrouvait chômeur de son propre fait !
Et comment ne pas ressentir du dégoût en entendant cette démagogie opposant les uns aux autres, ceux qui ont été licenciés et ceux qui sont encore au travail ? Entre ceux qui sont jusqu'au cou dans la misère et ceux dont la tête dépasse un peu ?
Ecoutons-le encore affirmer que « Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire. Au nom de quoi interdit-on aujourd'hui à un jeune actif de travailler davantage que 35 heures, s'il veut accéder à la propriété ou si sa famille s'agrandit ? »
Et au nom de quoi on lui interdit de travailler tout court ? 15 % des jeunes sont au chômage, chiffre d'ailleurs complètement sous-estimé parce que la majorité de ceux qui ne figurent pas dans les statistiques du chômage n'ont qu'un emploi précaire et ils ne sont pas vraiment sortis du chômage.
« Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui ». Comme si les travailleurs d'une entreprise, d'une usine ou d'un supermarché, pouvaient décider « librement » de leurs horaires de travail et de quitter la chaîne de production ou la caisse du supermarché, une fois accompli leur horaire « librement choisi » !
Tout le programme social de Sarkozy se résume dans cette formule qu'il ne cesse de répéter : travailler plus pour gagner plus. Il ose affirmer cela dans un pays où il y a près de trois millions de chômeurs à temps complet, sans parler des trois millions de précaires, d'intérimaires et de temps partiel non choisi qui sont tous des chômeurs à temps partiel.
La dernière trouvaille de Sarkozy, c'est de partir en guerre, comme il l'a fait le week-end dernier, au forum organisé par son parti, l'UMP, contre « la dictature des minorités de grévistes ». Pour mettre fin à cela, il propose qu'au plus tard le huitième jour d'une grève, celle-ci soit soumise au vote secret de tout l'effectif de l'entreprise concernée (bien entendu non grévistes et cadres compris).
Que tous les salariés soient soumis à une dictature, bien réelle celle-là et pas pour trois ou huit jours mais tout le temps, celle du patron, qui a le pouvoir de supprimer des emplois, de fermer une usine ou de la délocaliser, aussi dramatiques que soient les conséquences, cela ne gêne pas Sarkozy. Mais que des travailleurs se défendent par la grève, il ne l'admet pas. Il est le porte-voix du grand patronat, porte-voix il reste.
Cela dit, il présume de sa force s'il croit que des subterfuges juridiques empêcheront les importants mouvements de la classe ouvrière. Il est des grèves qui emportent tout sur leur passage. L'ancêtre dont il se réclame, De Gaulle, en fit l'expérience. Lorsque les mineurs se mirent en grève, De Gaulle eut beau les réquisitionner, les grévistes n'en tinrent aucun compte. Quelques années plus tard, en mai 68, De Gaulle alla en Allemagne chercher du secours auprès du général Massu. Cela n'arrêta pas la grève. Et Sarkozy n'est pas De Gaulle !
Il ne peut y avoir aucun doute pour les travailleurs. Sarkozy et la droite, dont il se veut le chef de file, sont les ennemis ouverts, directs, du monde du travail. Toute leur action politique consiste à soutenir le grand patronat dans la guerre qu'il mène contre les salariés.
Le gouvernement de droite a tellement accumulé de mesures anti-ouvrières, il a tellement aidé le grand patronat à aggraver le sort des travailleurs, que l'électorat populaire a de bonnes raisons de vouloir s'en débarrasser.
Mais si l'électorat populaire a toutes les raisons de se réjouir de l'échec de la droite à la prochaine élection présidentielle, peut-il espérer pour autant que Ségolène Royal mènerait une politique qui corresponde aux besoins des classes populaires ? Est-ce que l'électorat populaire peut espérer qu'elle mettrait fin au chômage, ou même seulement qu'elle le ferait reculer de façon significative ? Est-ce qu'avec elle à la présidence, les travailleurs ne vivraient plus sous la menace permanente d'un plan de licenciements ou d'une délocalisation qui les transforme en chômeurs puis en pauvres ?
Est-ce que les jeunes auront l'espoir de commencer autrement leur vie active qu'en galérant de période de chômage en emploi mal payé ou en stages pas payés du tout ?
Les classes populaires peuvent-elles espérer qu'au moins dans ce qui est du domaine de l'Etat, il y aura des changements significatifs ?
Peut-il espérer que l'Etat donnera à l'Education nationale les moyens d'embaucher suffisamment d'instituteurs d'écoles maternelles et d'écoles primaires, permettant aux écoles des quartiers populaires d'assurer une éducation adaptée à tous ? Peut-il espérer que l'on construise en nombre suffisant des logements convenables à la portée d'un salaire ouvrier ?
Malheureusement, on connaît par avance la réponse, et on sait qu'elle ne fera rien de tout cela.
Ségolène Royal prétend incarner une rupture avec le passé. Elle a cependant été ministre, aussi bien sous Jospin que déjà à l'époque de Mitterrand. On ne peut vraiment pas dire, ni de l'un ni de l'autre, qu'ils ont gouverné en faveur des classes populaires ni qu'ils ont protégé les travailleurs un tant soit peu contre les coups du grand patronat.
Le passé est le passé, pourrait-on se dire.
Mais a-t-on entendu Ségolène Royal prendre des engagements à l'égard des classes populaires ?
Lors de son discours au congrès d'investiture du Parti socialiste, elle a déclaré solennellement « Je lance aujourd'hui un appel à tous les Français (...) Aidons-nous les uns les autres à servir la France (...) Une France qui aura le courage d'affronter les mutations sans renoncer à son idéal de liberté, d'égalité, de fraternité et de justice ». Mais où sont donc, pour une grande partie de la population, ces « liberté, égalité, fraternité et justice » auxquelles il ne faut pas renoncer ?
Et qui sont ces « Français » auxquels elle s'adresse ? La famille Peugeot ou les victimes des 10 000 suppressions d'emplois annoncées par l'entreprise ? L'ancien propriétaire de Thomé-Génot ou les travailleurs de cette entreprise qui sont aujourd'hui licenciés ? Les Mulliez ou l'une des milliers de caissières mal payées de leurs nombreux super et hypermarchés ? Madame Bettencourt, milliardaire en euros, ou un de ceux qui ne survivraient pas sans les Restos du Coeur ?
Comment avec un tel langage, Ségolène Royal pourrait-elle prendre la moindre mesure de contrainte pour obliger les patrons à utiliser leurs profits en hausse de façon utile pour la société, en premier lieu en sauvegardant les emplois ? Et si elle ne le fait pas, comment pourrait-elle alors répondre aux problèmes criants qu'affrontent les classes populaires ?
Le premier tour de l'élection présidentielle est dans quatre mois. Ségolène Royal aurait le temps de prendre les engagements qu'elle n'a pas pris jusqu'à présent. Mais elle ne prendra pas d'engagements concrets à l'égard des travailleurs.
Il faudra en tout cas qu'elle sache que, si les classes populaires haïssent Sarkozy, elles ne font pas pour autant confiance ni à Ségolène Royal, ni à son parti. Et cela, les classes populaires auraient intérêt à l'exprimer. Au mieux, avant même les élections. Mais, au moins, au premier tour des élections. Car c'est seulement au premier tour que l'électorat populaire a la possibilité de voter contre Sarkozy tout en exprimant sa méfiance à l'égard de la candidate socialiste. Et c'est ce premier tour où l'électeur a le choix entre plusieurs politiques, le seul où il peut s'exprimer, c'est ce premier tour que les médias comme les dirigeants politiques sont en train de transformer en simple formalité sans importance.
A coups de sondages, de passages répétés à la télévision, à coups de millions déversés, de meetings spectacles, se déroule sous nos yeux la fabrication de deux candidats entre lesquels les électeurs devront choisir celle ou celui qui occupera l'Élysée pour les cinq à venir : un candidat qui se revendique de la droite et une candidate qui se dit de gauche.
Cela se passe comme cela depuis bien longtemps aux États-Unis où deux partis à peine différents l'un de l'autre, le Parti républicain et le Parti démocrate, se disputent l'exécutif comme le législatif, fermant pratiquement la possibilité pour d'autres courants non seulement de se faire élire mais même de s'exprimer.
Oui, bien sûr, cette bi-polarisation n'est pas, en France, poussée aussi loin qu'aux États-Unis.
Mais toute la machinerie électorale fonctionne pour raboter, uniformiser, les multiples opinions qui existent dans l'électorat pour qu'au bout du compte, elles entrent dans le moule de deux opinions préformatées. On pourrait se dire qu'il n'y a qu'une seule place de président et qu'il est dans la logique de cette fonction que les minorités disparaissent. Mais après, il y a les législatives, et des députés, il y en a 577. Il y a de quoi assurer la présence à l'Assemblée d'élus de tous les courants politiques, même minoritaires.
Eh oui, si les élections législatives étaient à la proportionnelle intégrale, un courant recueillant 1 % des suffrages devrait avoir cinq élus. Avec le mode de scrutin majoritaire par circonscription, un courant politique comme le nôtre, qui a recueilli lors de l'élection présidentielle de 2002 un peu plus d'un million six cent mille suffrages, est écarté de toute représentation.
De plus, les législatives elles-mêmes contribuent à pousser à la bi-polarisation. Les formations politiques minoritaires à gauche ou à droite n'ont pratiquement pas de chances d'avoir des élus aux législatives s'ils n'ont pas le soutien, direct ou indirect, des formations dominantes.
Du coup, faire miroiter devant les partis minoritaires une attitude bienveillante lors des législatives devient, pour l'UMP à droite et le Parti socialiste à gauche, un moyen de chantage convaincant pour les amener à retirer leur candidature à la présidentielle.
En dernier, c'est Chevènement qui se rallie au Parti socialiste, ralliement qui a fait dire à Ségolène Royal : « C'est un moment historique fort pour la gauche » ! Rien de moins !
Il y a quinze jours encore, Chevènement jurait ses grands dieux qu'il resterait candidat jusqu'au bout. Autant que je m'en souvienne, à l'époque le Parti socialiste lui offrait trois circonscriptions. Maintenant que le Parti socialiste lui en offre dix, Chevènement abandonne ses grandes résolutions. J'en conclus que l'importance qu'il accorde à ses propres idées se situe quelque part entre trois et dix circonscriptions.
Oh, la stricte égalité entre candidats sera observée pendant les quinze jours de campagne proprement dite. Les candidats défileront à la queue leu leu, quelques minutes pour chacun dans les émissions officielles qu' il faut avoir du courage pour regarder.
Mais la véritable campagne électorale se déroule déjà, et il n'y a même pas un semblant d'égalité. Ségolène Royal ou Sarkozy ne peuvent pas faire un pas sans qu'une meute de journalistes les accompagne, même en déplacement à l'étranger, et impose l'idée que le ou la futur(e) président(e) sera l'un ou l'autre et que tous les autres candidats ne sont que des figurants.
Et j'en profite pour le dire, la même presse et les mêmes chaînes de télévision qui assurent, jour après jour, une publicité coûteuse mais non facturée au duo Sarkozy-Royal, font mine de s'étonner de la campagne d'affiches commerciales que nous avons faite. Ils s'ingénient à trouver les moyens de nous calomnier à son propos.
En fait, nous avons fait la même campagne, avec presque le même slogan en 1995 et en 2002. Il a donc fallu aux médias douze ans et trois campagnes électorales pour s'en apercevoir et pour s'y intéresser. Il faut croire qu'ou bien nos campagnes précédentes n'étaient pas très visibles, ou bien la presse est lente à la détente. D'autant que le nombre d'affiches de cette année est inférieur aux années précédentes, pour garder un budget voisin.
Sur son coût, je dirai qu'en 1995, j'ai obtenu plus de 5 % des voix et que notre campagne a été remboursée. C'est avec ce remboursement que nous avons pu faire celle de 2002. Comme nous avons aussi été remboursés en 2002, nous avons pu, sans rien investir de plus, financer celle-ci.
Et nous n'avons pas coûte cher aux contribuables car nos dépenses totales de campagne de 2002, dont ces affiches commerciales ont fait partie, n'ont représenté qu'un sixième des dépenses autorisées, c'est-à-dire très loin de ce que dépensent, avec salles immenses, voyages avec tout le staff en avions privés, et j'en passe, les candidats dits principaux, sans même parler des services gratuits que les médias leur offrent.
Et j'ajouterai encore que l'actuelle campagne d'affiches se termine bientôt et que, pour la suite, comme d'habitude, nous ferons appel à tous nos amis pour l'affichage militant sur lequel repose l'essentiel de notre campagne.
Qu'elle est belle, leur démocratie ! On laisse les électeurs choisir mais uniquement parmi des candidats qui ont été présélectionnés par les appareils politiques des grands partis, mais plus encore par ceux qui tiennent les cordons de la bourse, ceux qui possèdent les grands quotidiens et les chaînes de télévision, de Dassault à Lagardère en passant par Bolloré et Bouygues. Et la télévision d'État s'aligne. L'élection présidentielle tourne au grand spectacle sponsorisé par les plus riches.
Mais, après tout, cela correspond à la réalité des faits. Ce qu'on demande aux dirigeants politiques élus, c'est d'occuper le devant de la scène. Mais le véritable pouvoir n'est pas soumis aux suffrages. Ceux qui l'exercent le font en vertu de la toute puissance que leur donnent leurs capitaux.
Oui, les dirigeants politiques ne sont là que pour assurer le spectacle. Pour le reste, ils sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
Dans le domaine économique, il y a une véritable dictature, où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Il y a un mois, c'est le PDG du trust Peugeot-Citroën qui annonçait la suppression de 10 000 emplois. Puis, c'est Airbus qui a fait état de son intention de se débarrasser d'une grande partie de ses sous-traitants, faisant payer aux travailleurs de ces sous-traitants les erreurs de sa propre direction.
Il y a quinze jours, c'est la direction de Volkswagen qui annonce des milliers de suppressions d'emploi dans son usine de Bruxelles, en Belgique !
Et ces grandes entreprises ne sont que la partie émergée de l'iceberg.
Ce que vient de dire ma camarade Renée Potchtovik sur la situation dans la région est éloquent. La quasi-totalité des entreprises parmi celles qui n'ont pas complètement fermé ont réduit leurs effectifs en les divisant par deux, par trois, voire par cinq !
Pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, des manipulations statistiques. Mais les ministres mentent sans honte, ils sont payés pour cela.
Assurer à chacun de ses membres un travail et un revenu permettant de vivre devrait être le devoir élémentaire de toute société.
Le fait que l'organisation actuelle de l'économie n'en soit pas capable, qu'elle laisse sur le bord du chemin trois millions, voire six millions de travailleurs potentiels, suivant que l'on compte les chômeurs complets ou ces chômeurs partiels que sont les précaires, est une des preuves les plus démonstratives de la faillite de l'organisation sociale actuelle.
Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de retrouver autre chose qu'un emploi précaire et, qui plus est, mal payé ? Qui, parmi les travailleurs, ne voit pas la pauvreté qui monte ?
Les Restos du Coeur sont à peine ouverts que déjà ils sont assiégés. Leurs usagers ne sont plus, depuis longtemps, des marginaux. De plus en plus nombreux sont ceux qui, alors pourtant qu'ils ont un travail, ne peuvent plus se passer des Restos du Coeur.
La semaine dernière, un grand quotidien consacrait sa Une et une double page à ce qu'il appelle « les damnés du périph' ». C'est-à-dire à ces femmes et à ces hommes, qui vivent sous des tentes ou dans des cabanes le long des talus bordant le périphérique parisien. Le journaliste souligne « sur le périph', il y a aussi des familles avec des enfants, scolarisés ou non, des travailleurs pauvres ».
C'est que, dans cette société capitaliste, il y a, parmi eux, des travailleurs du bâtiment qui construisent des logements ou des bureaux pour les riches et qui, chaque soir, après le travail, rentrent sous une tente au bord du périphérique !
Voilà où on en est au XXIème siècle dans un des pays les plus riches de la planète ! Et je répète qu'il ne s'agit pas seulement de cas sociaux. Il y a parmi eux des hommes et des femmes qui ont beau travailler, leur salaire est insuffisant ou leur situation trop précaire pour qu'une société immobilière accepte de les prendre en tant que locataires. Il s'agit d'une fraction de la classe ouvrière elle-même.
Et le vice-président du Medef ose affirmer que le chômage, c'est la faute au Smic qui détruit des emplois ! Francis Mer, grand patron et ex-ministre de Raffarin, est encore plus cynique. Il a déclaré : « Il faut geler le Smic pendant une bonne dizaine d'années » pour créer des emplois.
La baisse du Smic ne créerait pas d'emplois, mais elle rendrait plus pauvres encore ceux qui travaillent.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions privés ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots.
Le contraste croissant entre le gaspillage de ceux qui vivent dans le luxe et ceux qui crèvent de pauvreté est révoltant. Mais ce n'est même pas ce qui coûte le plus cher à la société.
La part des profits -la plus importante- est utilisée par les entreprises à racheter d'autres entreprises, à mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
C'est un immense gâchis du point de vue de la société car l'argent dépensé simplement pour qu'une entreprise change de propriétaire n'augmente pas la richesse sociale. Ce n'est pas un investissement productif. Et c'est, de plus, nuisible : car les bagarres financières qui opposent les entreprises les unes aux autres alimentent la spéculation qui menace l'économie d'une crise financière grave.
Et c'est peut-être cela le pire. La concurrence, la spéculation, la course de chaque groupe capitaliste pour réaliser un maximum de profit, se transforment à l'échelle de l'ensemble de la société en une véritable course à l'abîme et un abominable gâchis de biens, de ressources et de travail humain. C'est une société à irresponsabilité illimitée...
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ils peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère un nombre croissant de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que ce système-là est catastrophique pour la société et que c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment !
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut au moins une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs et en quoi cela représente un danger grave pour l'avenir de l'humanité. Et qui dise que ce système n'est pas améliorable par petits bouts, qu'il faut le changer de fond en comble.
C'est pour cela que je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007. Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis et, surtout, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Je ne commenterai pas longuement l'agonie du rassemblement anti-libéral, ce regroupement hétérogène qui se veut à la gauche du Parti socialiste et qui, faute de pouvoir se mettre d'accord sur le nom du ou de la candidate pour l'élection présidentielle, est en train de se décomposer dans les tensions et les ressentiments.
J'ai toujours refusé de propager l'illusion que tous ceux qui, à gauche, avaient appelé à voter « non » au référendum sur la Constitution européenne, pouvaient se retrouver dans un même parti et, surtout, que ce parti pouvait représenter un espoir pour tous ceux qui étaient déçus par les cinq ans du gouvernement Jospin.
Voter ensemble « non » à un référendum ne crée pas un ciment politique. Il ne suffit pas d'affirmer que l'union fait la force lorsqu'il s'agit de forces tirant dans des sens différents, voire opposés.
La dénomination même de ce courant est une étiquette trompeuse dans laquelle je ne me reconnais absolument pas. « Anti-libéralisme », c'est une expression vide de sens, inventée par ceux qui veulent dissimuler qu'ils ne combattent ni le capitalisme ni le grand patronat.
Le Parti communiste s'est particulièrement investi dans les collectifs unitaires anti-libéraux. Marie-George Buffet, qui a déjà été désignée candidate de son parti pour l'élection présidentielle, tient manifestement à se présenter au nom du rassemblement anti-libéral de gauche.
Mais ce n'est pas pour abandonner sa vieille stratégie d'alliance avec le Parti socialiste, c'est-à-dire d'alignement derrière lui, malgré les affirmations de ceux qui faisaient espérer le contraire.
Présenter sa candidate au nom du rassemblement n'est qu'un moyen pour le Parti communiste de renouveler son langage destiné à justifier, avec de nouveaux mots mais de vieilles idées, la politique d'alignement derrière le Parti socialiste, qui est la sienne depuis trente ans. Le « rassemblement anti-libéral » a permis au Parti communiste de prétendre qu'il y a une « dynamique unitaire », et même une dynamique telle qu'elle peut déboucher sur -et là je cite L'Humanité- « une majorité populaire pour constituer un gouvernement ». C'est une escroquerie de prétendre cela mais le Parti communiste pouvait d'autant plus se le permettre qu'il avait la caution de toutes les autres composantes de la dite « gauche anti-libérale » qui allaient répétant de meeting en meeting la même stupidité.
Le Parti communiste français sait parfaitement que, même si Marie-George Buffet est candidate au nom de la gauche anti-libérale, elle ne dépassera pas la candidate du Parti socialiste. Mais le calcul qu'elle affiche dans sa campagne est que, si « la gauche anti-libérale » se rassemble autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Mais, même en 1981, à l'époque où Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste.
Mais le résultat a été à chaque fois le même. Une fois à la tête du gouvernement, le Parti socialiste a mené la politique qu'il entendait mener, c'est-à-dire une politique acceptée par le patronat, en ne laissant au Parti communiste que le choix entre s'aligner ou quitter le gouvernement. Et Marie-George Buffet elle-même, en tant que ministre du gouvernement Jospin, a cautionné pendant cinq ans la politique du gouvernement socialiste, y compris dans ses mesures les plus anti-ouvrières.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a désarmé les travailleurs et les a détournés de la lutte de classe, le seul moyen pourtant pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est avec cette politique qu'il a déçu et démoralisé ses militants et son électorat. Ce n'est pas parce que cette politique est présentée dans un nouvel emballage, signé « anti-libéral de gauche », qu'elle est meilleure !
Je tiens à affirmer, le plus clairement possible, qu'on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s'en prendre à la dictature du grand patronat sur l'économie et sur la société. Le grand patronat ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui sera installée à l'Élysée, et il n'en aura rien à craindre. C'est-à-dire que, de leur côté, les classes populaires n'en auront rien à espérer.
J'ai l'air de me répéter en disant cela. Mais, si je me répète, c'est parce que la société ne change pas et que, si elle change, c'est en pire. On ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre sans réagir qu'on nous écrase, c'est impossible.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Il faut que la population puisse intervenir lorsqu'une entreprise se prépare à utiliser ses profits de façon nuisible à toute la société. C'est la seule façon d'arrêter la marche vers la misère.
Je sais que les classes populaires veulent avant tout empêcher que Sarkozy soit élu président de la République. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail quand on n'en a pas.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c'est la politique exigée par le grand patronat. Depuis trente ans que la gauche et la droite se relaient à la tête de l'État, seules changent les équipes qui dirigent, pas la politique qu'elles mènent. Une politique au service du grand patronat, destinée à réduire, toujours plus, la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que la classe ouvrière, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les techniciens, les chômeurs, les retraités, puisse dire qu'elle ne se laissera pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut qu'elle puisse dire qu'elle ne se fait aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'elle n'en attend rien. Car, derrière eux, c'est le grand patronat qui décide et qui tire les ficelles.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans les circonstances habituelles que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par un très puissant mouvement social.
Mais même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité.
Il faudrait que ce soit le mouvement social, la puissance de la classe ouvrière, qui impose aux juges de respecter les lois prises en faveur des travailleurs et des pauvres.
Il faudrait que ce soit le mouvement social qui interdise à la police d'intervenir contre les travailleurs lorsqu'ils imposeront le contrôle de la population sur les finances des entreprises, sur leurs projets et sur leurs choix.
Il faudrait surtout que le mouvement social soit assez puissant pour briser la résistance du patronat lui-même et pour lui enlever la possibilité de contrecarrer la mise en cause de son pouvoir exclusif sur les entreprises et sur l'économie.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais nous y serons un jour, j'en suis convaincue, car cette société est destinée à périr.
Mais il faut que le vote de l'électorat populaire soit ressenti comme l'annonce ou du moins la prémisse d'une menace. Plus il y aura de votes contestataires, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Les objectifs que j'avance dans cette campagne ne peuvent être imposés que par un mouvement social puissant, par une levée en masse exceptionnelle des classes populaires, décidées à ne plus se laisser gruger, voler, opprimer. Mais pour que les travailleurs s'emparent de ces objectifs le moment venu, il faut qu'ils soient popularisés auprès de tous.
Il est inutile d'espérer qu'un gouvernement s'oppose, par exemple, à des licenciements collectifs alors que l'entreprise fait du profit ou qu'il empêche une délocalisation. Mais les travailleurs, s'ils sont tous unis dans les mêmes revendications, ont les moyens de bloquer non seulement l'usine qu'un groupe capitaliste se prépare à délocaliser, mais toutes les autres usines du même group et les banques qui en détiennent des actions. Les employés de banque peuvent bloquer ses comptes et faire en sorte que si un patron agit contre l'intérêt de la collectivité, il ne puisse pas continuer paisiblement ses affaires ailleurs.
Contre le mur d'argent, comme on disait dans le temps, contre la dictature du capital, il n'y a pas d'autre moyen que la force des masses exploitées, leur colère qui fasse vraiment peur au grand patronat et à la bourgeoisie.
Voilà les idées que je défendrai dans cette campagne. Ce n'est pas le programme d'une personne ou d'une organisation, c'est un programme que seule l'action collective des travailleurs pourra imposer.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient dans les classes populaires ceux qui, en votant pour ma candidature, montreront qu'ils partagent ce programme. C'est la seule façon d'assurer que cette élection fasse plus que de chasser Sarkozy et le gouvernement de droite : que le score de l'extrême gauche contestataire montre à la nouvelle équipe au pouvoir comme au patronat qu'à force de continuer la politique qui est menée depuis tant de temps, ils mettront le feu à la plaine !
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 15 décembre 2006