Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur les enjeux sociaux et la concurrence internationale, Paris le 24 octobre 2006.

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« Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, madame et messieurs, lorsque votre président a évoqué la présente séance, je suis venu bien volontiers car vous traitez aujourd'hui probablement d'un des sujets à la fois les plus compliqués et les plus d'actualité qui soit. Le sommet franco-allemand qui préparait, il y a quinze jours, la présidence allemande de l'Union européenne nous a d'ailleurs demandé de travailler sur ce thème, car cette prochaine présidence allemande sera en effet placée sous le signe de la dimension sociale de la mondialisation. C'est donc avec un très fort appétit que je suis venu écouter votre projet d'avis sur un sujet multidimensionnel, a propos duquel il n'est pas possible de se contenter de craindre, de déplorer ou de se dresser les uns contre les autres.
Cette complexité est d'ailleurs votre premier constat, à laquelle vous invitez cependant à ne pas se résigner. Car la question ne saurait se régler par des slogans : des chemins existent et commencer à en regarder quelques-uns est évidemment primordial.
Je voudrais donc d'abord, cher président, vous remercier d'avoir évoqué un certain nombre de pistes que je vais pouvoir, pour l'essentiel, défendre et soutenir, renforcé par l'autorité et la diversité de votre assemblée, ce qui est très important. Sans doute toutes les composantes de votre assemblée ne soutiennent pas chacune des parties de ce projet d'avis, j'ai tout de même cru comprendre que le texte est assez largement soutenu.
Nous ne pouvons que partager vos conclusions sur le fait que, plus nous restons tous sur le même couloir aérien, plus les risques de télescopage sont élevés. Commençons donc par appliquer la stratégie de Lisbonne, et les télescopages seront moins nombreux, parce que la compétitivité s'effectue sur des produits équivalents. Montons en gamme autant que faire se peut, cela évitera une partie de cette grande difficulté.
Je voudrais revenir un instant sur la dimension européenne évoquée dans votre projet d'avis. Indiscutablement, nous sommes là sur un champ où la clarté, l'organisation et l'harmonisation peuvent nous permettre d'éviter, pour l'essentiel, les difficultés. Comme l'a dit votre rapporteur, entre l'harmonisation des conventions, qui nous paraît au moins aussi urgente que les harmonisations comptable et fiscale, l'intervention des fonds structurels, la rapidité de l'intégration économique et le fonds européen d'ajustement et de mondialisation, sur cet espace majeur du point de vue économique, les écarts peuvent être dévastateurs. Nous pourrions ainsi être dans une logique de dumping social, alors que nous ne sommes pas sur le sujet de la mondialisation et qu'une action volontaire, politique, syndicale et plus généralement citoyenne doit nous permettre de régler ce problème en interne, je veux dire en « interne européen ».
Évidemment, lorsque des sujets plus internationaux sont évoqués la difficulté est plus grande, qu'il s'agisse du rôle des conventions internationales, comme la convention maritime de 2006, ou encore du rôle renforcé de l'OIT par rapport à celui l'OMC, ce sont là des axes stratégiques, et l'on peut comprendre que certains pays, notamment ceux qui bénéficient d'un coût social moins élevé, éprouvent quelques réticences à accepter d'en débattre. Nous sommes ainsi dans une problématique complexe, même si l'idée de normes sociales applicables à l'échelle mondiale et se renforçant par rapport aux règles de l'OMC ou du FMI est un chemin qui nous paraît réaliste et raisonnable, avis que me semblent partager de nombreux acteurs, membres de l'OIT et du BIT.
Pour conclure, je dirais que ce projet d'avis ne suggère pas seulement une manière à régler les choses : en fait, il trace clairement un cheminement national et européen, qui peut être suivi dans un laps de temps assez rapide - trois, cinq ou sept ans. A un niveau plus globalisé, nous sommes sur des processus plus longs, la meilleure solution consistant, selon le projet d'avis, en une gouvernance sociale renforcée, assortie d'un changement de nature d'activité pour les pays dont le schéma social est plus avancée.
Grâce à vous, fort de l'ensemble des éléments de ce projet d'avis, de ses conclusions volontaristes et non résignées, je me rendrai à Berlin mieux armé, le 22 et 23 novembre, pour le premier séminaire de préparation de la présidence allemande ». source http://www.ces.fr, le 30 octobre 2006