Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT à France-Info le 15 décembre 2006, sur l'échec de la conférence emploi-revenus, le logement social et la reprise du dialogue social.

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Média : France Info

Texte intégral


Q- Vous êtes sorti très en colère de la conférence sur l'emploi et les revenus ; c'est le fond ou la forme qui vous a le plus énervé ?
R- D'abord, la forme, bien évidemment. Je pense que ce type de rencontre entre les partenaires sociaux et le Gouvernement devrait être très utile. Le faire une fois par an, et se donner des objectifs pour amener des réponses par rapport aux problèmes des salariés, c'est bien. Mais hier, c'était une théâtralisation, une mise en scène qui a été utile surtout pour que le Premier ministre occupe le terrain.
Q- Honnêtement, vous vous attendiez à autre chose ?
R- On ne s'attendait pas vraiment à des mesures miracles, bien évidemment, on l'a toujours dit. Mais ceci dit, on avait posé des questions concrètes, on a eu des pistes d'ouverture pour essayer de trouver des solutions. Je pense que l'on va avoir un rapport sur les mutuelles, donc la CFDT sera vigilante pour que cela se transforme par une aide pour les salariés. On n'a pas eu de réponse sur le transport ; on voulait remettre en cause le chèque transport parce qu'il n'est pas efficace, on n'a pas eu de réponse. Par contre, par exemple, sur le logement, le Gouvernement décide de mettre en place la garantie locative, c'est une garantie pour ceux qui ont du mal à payer leur loyer. Mais c'est nous qui l'avions négociée avec le patronat. Donc voilà, il y a du concret, mais il y a quand même beaucoup de flou.
Q- On entendait des représentants d'association sur ce problème de logement dans un reportage, ils étaient quand même plutôt satisfaits, ce n'est pas complètement rien ce qui est annoncé, même si vous étiez peut-être à l'origine de ce mouvement.
R- Je l'ai dit, la garantie locative, c'est une bonne chose. Cela permet de protéger ceux qui l'ont, ceux qui hésitent à louer parce qu'ils ont peur de ne pas toucher leur argent si le locataire ne peut pas payer ; donc c'est une garantie qui protége tout le monde. Mais je le disais, ce n'est pas compliqué pour le Gouvernement, c'est un décret à signer. Par contre, le Premier ministre a parlé de moratoire, mais on ne voit ce que c'est. Donc il faut creuser.
Q- Le moratoire sur l'augmentation des loyers...
R- Mais on ne sait pas ce que c'est. Hier soir, il nous a [dit] qu'on allait vers un moratoire, mais là, cela nécessite de creuser. C'est une proposition de la CFDT...
Q- Donc, c'est une bonne proposition !
R- C'était la nôtre, elle est bonne. Mais ceci dit, il faut savoir ce qu'il y a vraiment, derrière, sur le fond.
Q- Le crédit d'impôt pour les ménages modestes qui utilisent des aides à la personne, cela ne vous paraît pas une bonne chose ?
R- Là aussi, c'est une piste utile et intéressante. Jusqu'à présent, il n'y avait que ceux qui payaient des impôts qui avaient des aides...
Q- Mais il y a plein de bonnes choses alors ! ?
R- Mais c'est le problème avec le Gouvernement : c'est que l'on donne des pistes d'ouverture qui sont souvent des pistes utiles, mais on ne va pas jusqu'au bout. Je l'ai dit sur le chèque transport : on avait demandé un chèque transport, le Gouvernement l'avait fait, mais 100.000 salariés vont en bénéficier. Là, sur les aides par rapport aux emplois de service à domicile, on donne une possibilité pour ceux qui ne payent pas d'impôt d'avoir des aides pour garder leur enfants, pour le soutien scolaire, mais quelle va être la situation des personnes âgées qui veulent avoir une aide à domicile, qui n'ont pas les moyens de payer, qui ne paient pas d'impôts ? Elles, elles n'auront pas d'aides. Donc, voilà, je pense qu'on ouvre des pistes intéressantes mais on ne concrétise pas, on ne va pas jusqu'au bout. Notre travail de syndicalistes, cela va être de pousser le bouchon pour aller encore plus loin.
Q- Honnêtement, cette réunion après l'échec du CPE, elle avait aussi pour but, pour D. de Villepin, de montrer qu'il renouait le dialogue avec les syndicats ; est-ce que ce dialogue et renoué aujourd'hui ou pas ?
R- Non, ce n'a pas été une journée de dialogue social hier. Il faut être très clair. Hier, c'était une façon de mettre en scène des décisions du Gouvernement. Mon sentiment, hier, c'est, d'une part, théatralisation et c'était un peu désagréable et deuxièmement, mesures insuffisantes mais des pistes à ouvrir.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 décembre 2006