Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, à RTL le 14 décembre 2006, sur la conférence sur les revenus et l'emploi, le dialogue social et l'accés au logement social.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Q- Bonjour G. Larcher. Vous serez tout à l'heure au côté du Premier ministre pour animer une conférence sur les revenus et l'emploi. On ne fait pas ça tout le temps en France ? Cela ne s'est pas fait depuis dix ans, de réunir les partenaires sociaux, comme ça. On va parler clair, ce matin : les salariés français ne sont pas assez payés, c'est ça ?
R- D'abord, c'est le début d'un processus nouveau qui a été voulu par le texte "dialogue social" adopté par l'Assemblée Nationale. Au moins une fois par an, les partenaires sociaux se retrouveront avec le Premier ministre pour aborder l'ensemble des sujets, projets du gouvernement et préoccupations des partenaires sociaux. C'est donc un nouvel état d'esprit
Q- Il y aura des grand-messes comme celle-là, tous les ans ?
R- Il y aura, chaque année, des messes habituelles, des messes ordinaires qui nous permettront de dialoguer.
Q- Il y a un problème de revenus en France. Les salariés ne sont pas assez payés ?
R- Nous avons préparé cette conférence à partir d'un certain nombre de rapports : le rapport de Jacques Delors ; le rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi ; et un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux. Que constate-t-on aujourd'hui ? A la fois, l'UNEDIC, hier, nous confirme qu'il y a bien eu 210.000 créations d'emplois dans le secteur concurrentiel en France depuis un an, en mettant le sentiment de la plupart de nos compatriotes, c'est qu'aujourd'hui, c'est plus dur de vivre qu'hier avec le fruit de leurs salaires, notamment pour des questions de logement, mais parfois de complémentaires Santé, de coût de l'énergie. Ce sentiment, il est fort notamment dans les classes moyennes parce qu'il y a eu, à la fois, une très forte augmentation du SMIC au cours des quatre dernières années - près de 25% - et en même temps, on le voit en observant les salaires, une espèce de stagnation, notamment autour des salaires moyens. Et puis, les préoccupations sur les parcours hachés, le problème de 150.000 Jeunes qui sortent du système scolaire ou universitaire, la difficulté des seniors. Toutes ces réalités-là, c'est ce diagnostic en commun, que nous allons essayer, ce matin, d'écrire ensemble.
Q- Mais les partenaires sociaux, notamment les syndicats de salariés, les gens qui nous écoutent sans doute, n'attendent pas un diagnostic. Ils attendent des réponses. Le sentiment que vous évoquez d'un pouvoir d'achat qui diminue, qu'est-ce que vous faites pour le contrarier ?
R- Le propre du médecin même des animaux que je suis, c'est qu'il faut faire un diagnostic avant de proposer un certain nombre d'éléments de traitement. Il y a des éléments immédiats...
Q- Il ne faut pas attendre beaucoup de réponses ?
R- Sujet immédiat : sujet de logement. Si, il y aura des réponses. Il y aura des réponses au sujet du logement, par exemple. Comment on garantit les risques locatifs pour permettre à ceux qui débutent dans la carrière professionnelle, à ceux qui n'ont pas de logement dans le secteur social, ceux qui sont en Contrat nouvelle embauche, en contrat à durée déterminée, ceux qui sont intermittents, comment ils accèdent au logement ? Extension de la garantie des risques locatifs, ça c'est du concret. Suivre les grilles salariales comme nous le faisons, trimestre après trimestre, pour permettre que les négociations salariales, j'allais dire, aboutissent. Se poser la question de la complémentaire santé dans un certain nombre de branches des petites et moyennes entreprises, voilà du concret.
Q- Vous ne risquez pas de décevoir ?
R- En même temps, renforcer les modes de garde...
Q- Vous ne risquez pas de décevoir beaucoup de gens qui ressemblent à quelque chose de plutôt...
R- Le diagnostic, c'est aussi se dire la vérité sur les choses. Puis, il y a d'autres réflexions : comment est-ce qu'on fixe le SMIC, demain ? Des réflexions à plus long terme parce qu'il faut aussi écouter ce que nous disent les entreprises. Le marché du travail : comment se fait-il, par exemple, quand je vais dans certains secteurs d'activités, on me dit alors qu'il y a 2,129 millions de chômeurs, encore aujourd'hui, comment j'ai tant de mal à recruter ? Question de la professionnalisation des jeunes. Question aussi spécifique d'un certain nombre de femmes en situation de temps partiel, qu'elles ne souhaitent pas voir poursuivre. Comment on les accompagne vers l'emploi à temps plein. Voilà des réalités que nous allons aborder.
Q- Vous avez posé la question vous-même : comment on fixe le SMIC ? Les conditions de fixation du SMIC vont changer ?
R- En tous les cas, je crois qu'il y a un certain nombre de questions. Cela fait près de trois ans que je suis celui qui préside la Commission qui fixe le SMIC. Je crois que nous le fixons bien tard dans l'année. Ce qui fait que le 1er juillet, on commence en fait des négociations salariales, le 15 septembre, et que jamais on ne boucle les négociations salariales annuelles. On le fait parfois sans suffisamment d'éléments sur les conséquences du salaire minimum qui, lui, a beaucoup augmenté. On voit bien l'effet tassement sur les grilles de salaires. Y aura-t-il 4 millions de smicards en France ? C'est une vraie question aujourd'hui. 17% des salariés autour du SMIC. Voilà des questions qui méritent une vraie analyse. C'est un sujet de débats avec les partenaires sociaux.
Q- Il faut le fixer plus tôt, c'est-à-dire en janvier ?
R- Janvier, sans doute en ayant un certain nombre d'éléments complémentaires pour éclairer la décision.
Q- Dès janvier-là, vous allez le fixer ?
R- Non, je pense que ce sera un sujet qui sera en débat avec les partenaires sociaux pour trouver les conditions notamment pour l'année 2008 de le fixer autrement.
Q- Une étude rendue publique, hier, indique que les patrons des 120 premières entreprises cotées en France gagnent environ 3 millions d'euros par an. Ils gagnent trop d'argent, eux, les patrons ?
R- On s'aperçoit que c'est bien le sujet de la classe moyenne en France. Il y a une différence de salaires entre 1 et 13 en France, en moyenne. Mais 1 - 18 chez les femmes. Voilà aussi une vraie interrogation sur l'égalité salariale hommes - femmes. En tous les cas, il y a le sentiment en France que quelques-uns gagnent trop et que d'autres sont les laissés pour compte alors qu'ils sont des acteurs. L'introduction de la croissance, qu'ils soient petits chefs d'entreprise, qu'ils soient salariés, qu'ils soient cadres moyens, tous ceux-là ont le sentiment parfois d'être les oubliés.
Q- Les grands chefs d'entreprise gagnent trop d'argent ?
R- En tous les cas, un certain nombre me semble gagner un argent qu'ils mériteraient de justifier plus.
Q- J. Hallyday s'exile fiscalement en Suisse. A. Lambert, ancien ministre du Budget, était l'invité de RTL, hier. Il a dit ceci que j'aimerais vous faire commenter : "Chaque citoyen est libre de fixer sa résidence là où il l'entend..." C'est vrai, ça ? Chaque citoyen est libre de fixer sa résidence là où il l'entend ?
R- Chaque citoyen à l'intérieur de l'Union européenne, en tous les cas, est libre. C'est un des principes de liberté. Naturellement dans la liberté, il y a toujours la liberté de franchir les frontières. Je rappelle que c'est une des principales libertés qui nous différenciaient avec le monde communiste ; mais en tous les cas, ma conception moi du patriotisme, c'est que c'est en France que je dois -pour ma part- fiscalement, j'allais dire, me domicilier.
Q- Vous, vous payez vos impôts en France ?
R- Oui.
Q- Cela vous choque que Johnny aille les payer en Suisse ?
R- Quelque part, un peu.
Q- Hier, N. Sarkozy a reçu au ministère de l'intérieur, 500 Jeunes des quartiers populaires. Et en fait, on ne sait pas qui a reçu ces 500 jeunes ? Le ministre de l'Intérieur ou le candidat à la présidence de la République ? A votre avis ?
R- A mon avis, d'abord il a reçu 500 jeunes qui sont ces jeunes qui bougent dans les quartiers ; et on le voit autour des zones franches urbaines, ces formidables créations d'entreprise qui se passent dans un certain nombre de quartiers. Il y a des jeunes qui inventent, qui innovent et c'est ceux-là qui, j'allais dire, demain, sont ces nouveaux Français qui inventent et c'est ce qu'on veut réconcilier, J.-L. Borloo et moi-même. Arrêtez de dire qu'il y aurait les jeunes des 750 quartiers et puis, les autres. C'est ensemble qu'on gagnera la cohésion sociale du
pays.
Q- C'est une belle réponse, mais ce n'était pas ma question. Il avait quelle casquette, N. Sarkozy, hier, quand il les a reçus ?
R- Peu m'importe la casquette pourvu que ces jeunes-là soient reconnus par la République.
Q- La casquette, ce n'est pas important ?
R- Peu importe.
Q- C'est vrai, le mélange des genres, là, ça ne vous choque pas ?
R- Non, c'est la démocratie aussi. Il est candidat, il est ministre et il assume - et ça me semble très bien. Ce qui m'intéresse c'est que je vois aujourd'hui des jeunes qui réussissent dans les quartiers.
Q- Est-ce que cela peut durer longtemps ce mélange des genres ?
R- Il lui appartient de savoir, et au Premier ministre comme au président de la République, les choix qu'ils auront à faire dans les semaines qui viennent.
Quand on ne veut pas répondre, on ne veut pas répondre ! Et c'est comme ça...Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 décembre 2006