Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la conférence de l'emploi et des revenus, la revalorisation du pouvoir d'achat et la croissance économique, Paris le 14 décembre 2006.

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Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Une conférence convoquée par le gouvernement avec, à son ordre du jour, la situation de l'emploi et des revenus est un événement.
La dernière initiative gouvernementale comparable date du 10 octobre 1997, date à laquelle fût lancé le processus - qui n'est d'ailleurs pas achevé - de réduction du temps de travail vers les 35 heures.
Vous comprendrez donc que c'est avec impatience que notre organisation et plus largement les salariés attendent de cette conférence des résultats palpables rapidement en matière d'emplois et de pouvoir d'achat.
Tout justifie aujourd'hui cette impatience. La situation se caractérise :
- d'une part, par une dégradation importante des niveaux de salaires et du pouvoir d'achat, notamment due à une précarisation croissante des conditions d'emploi ;
- d'autre part, par un blocage quasi-total, par les employeurs, des négociations collectives interprofessionnelles et de branche.
Concernant le diagnostic de la situation, nous partageons les grandes lignes des différents rapports récents du Conseil d'orientation de l'emploi et de la Cour des comptes et tout particulièrement celui du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) qui sert de support à cette rencontre.
Si les grilles d'analyse du CERC ne sont pas toujours celles de la Cgt, ce rapport a le mérite de poser clairement la question de l'accès de tous à un véritable travail et le besoin d'obtenir une rémunération suffisante au regard des besoins sociaux d'aujourd'hui. Allant au-delà des habituelles moyennes statistiques, le rapport met bien en évidence les inégalités d'accès à l'emploi et confirme que, chaque année, 4 salariés sur 10 voient baisser leur salaire individuel.
S'interrogeant sur les effets contradictoires des exonérations massives de cotisations sociales, le rapport du CERC interpelle sur la montée des inégalités dont la source se trouve dans l'instabilité de l'emploi, dans la précarité, dans les clivages territoriaux et la sortie des jeunes sans diplôme à l'issue de leurs cursus scolaires.
Ce diagnostic, que nous aurons l'occasion de compléter aujourd'hui, appelle des réponses nouvelles. Nous avons transmis au gouvernement, les propositions précises de la CGT pour commencer à sortir de cette situation.
Cela nécessite, c'est vrai, une certaine volonté politique.
Sans entrer dans le détail, je préciserai que nos propositions s'articulent autour de 5 grands axes :
- la revalorisation du pouvoir d'achat.
- Le recul de la précarité dans l'emploi et le temps partiel subi.
- L'utilisation des leviers économiques et fiscaux.
- L'amélioration de la situation des jeunes.
- L'allègement pour les salariés du poids des dépenses obligatoires en matière de logement, de transport et de santé.
Vous me permettrez d'insister plus particulièrement sur deux points :
D'une part, à l'issue de cette conférence, nous attendons que soit décidée une revalorisation significative du Smic à 1 500 euros avec effet immédiat sur les grilles de salaires des différentes branches professionnelles ainsi que dans la Fonction publique.
Dans la même logique, les pensions de retraites et les minima sociaux doivent être revalorisés.
D'autre part, nous demandons que toutes les aides et allègements de cotisations sociales consentis aux entreprises soient conditionnés au respect, par les employeurs, de critères sociaux liés à l'emploi, aux salaires, à la mise en oeuvre des objectifs de diversité et d'égalité. L'urgence est à la sécurisation des situations d'emplois et des revenus, à la mise en place d'une véritable sécurité sociale professionnelle.
Si la création de valeur ajoutée est un objectif en soi, son partage constitue un enjeu social considérable. Celui-ci s'effectue aujourd'hui toujours plus au profit des actionnaires, au détriment de l'emploi, du pouvoir d'achat et de l'investissement industriel. Ce dont nous sommes collectivement victimes, c'est d'une nouvelle division internationale du travail marquée par la libre circulation des capitaux et une financiarisation sans précédent.
Il faut inverser cette tendance pour valoriser le travail et sa rémunération afin de prétendre à une croissance durable dans notre pays et, plus largement, au plan international.
Le gouvernement doit utiliser les leviers à sa disposition.
Si près de 70 % des français affirment régulièrement être mécontents de l'action gouvernementale dans les domaines économique et social c'est, entre autres parce qu'ils constatent que les décisions qui relèvent du gouvernement ont trop souvent accompagné, voire accéléré l'insécurité sociale.
Nous avons bien conscience que le contexte dans lequel se tient la conférence ne se prête guère aux plans ou engagements de long terme.
L'efficacité et la crédibilité appellent des mesures d'application immédiates relevant tantôt des employeurs, tantôt des pouvoirs publics comme gage d'une réelle prise de conscience des dégâts sociaux déjà considérables.Source http://www.cgt.fr, le 15 décembre 2006